R. c. Côté

2007 QCCQ 6700

 

JA0353

 
 COUR DU QUÉBEC

 

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

LOCALITÉ DE QUÉBEC

DISTRICT DE

QUÉBEC

 

« Chambre criminelle »

 

NO:

 

200-01-101358-053

 

 

 

DATE :

18 juin 2007

______________________________________________________________________

 

SOUS LA PRÉSIDENCE DE:

MONSIEUR LE

JUGE JEAN-PAUL AUBIN, J.C.Q.

______________________________________________________________________

 

 

 

LA REINE

Poursuivante

 

c.

 

JEAN-PIERRE CÔTÉ

Intimé

 

 

______________________________________________________________________

 

 

JUGEMENT

 

______________________________________________________________________

 

 

 

[1]           L'accusé, Jean-Pierre Côté, a subi son procès à l'égard de trois (3) chefs d'accusation portés par voie sommaire dont la victime alléguée est Joël Labonté.

[2]           Il s'agit d'accusations concernant des voies de fait à différents degrés dont la sommation comporte 3 chefs d'accusation, savoir :

1.    Le ou vers le 2 juin 2005, à Québec, district de Québec, s'est livré à des voies de fait contre Joël Labonté, commettant ainsi l'infraction punissable sur déclaration sommaire de culpabilité prévue à l'article 266b) du Code criminel.

2.    Le ou vers le 2 juin 2005, à Québec, district de Québec, s'est livré à des voies de fait contre Joël Labonté et lui a infligé par là des lésions corporelles, commettant ainsi l'infraction punissable sur déclaration sommaire de culpabilité prévue à l'article 267b) du Code criminel.

3.    Le ou vers le 2 juin 2005, à Québec, district de Québec, s'est livré à des voies de fait contre Joël Labonté, alors qu'il utilisait une arme, commettant ainsi l'infraction punissable sur déclaration sommaire de culpabilité prévue à l'article 267a) du Code criminel.

[3]           Au moment des incidents survenus au domicile de Labonté, M. Côté agissait à titre de policier au service de police de la ville de Québec.

[4]           L'agent Côté a été assermenté comme policier en novembre 1999.

[5]           Il fut engagé au service de police de Montréal jusqu'en juillet 2002. Il a été affecté à la municipalité de Ste-Foy et au service de police de Québec suite aux fusions municipales.

[6]           Il est patrouilleur sur la route et en attente pour un grade de sergent.

[7]           La question fondamentale en litige consiste à déterminer si l'accusé peut bénéficier des dispositions de l'article 25 du Code criminel qui prévoit une immunité relative si les conditions sont rencontrées, au cas d'utilisation d'une force non excessive dans l'exécution de ses fonctions.

LA PREUVE

A-        PREUVE DE LA DÉFENSE

1.         JEAN-PIERRE CÔTÉ

[8]           Avant d'être assermenté comme policier en novembre 1999, Jean-Pierre Côté a suivi des cours à l'Institut de police et a reçu un diplôme avec mention d'excellence.

[9]           Il a bénéficié également de cours sur l'emploi de la force. Il réfère à un tableau qui correspond à divers niveaux de la force. C'est un guide d'intervention.

[10]        Il a eu une formation également sur l'utilisation du poivre de Cayenne et du bâton.

[11]        Un tableau intitulé « problématique de l'emploi de la force » est produit comme pièce D-1.

[12]        Il ne connaît pas Labonté. Il est intervenu après avoir constaté certaines infractions au Code de sécurité routière.

[13]        Vers 18 h 40, il est stationnaire sur la rue St-Jean-Baptiste. Il était affecté à la patrouille dans le secteur Ancienne-Lorette. Il entend un bris de silencieux provenant d'un Mercury Cougar.

[14]        Il qualifie ce bruit de « canne », un bruit comme si les tôles vibraient. Il a conclu que le silencieux était non conforme ou défectueux d'où infraction. Il apporte certaines précisions à cet égard. (p. 47 et s., n.s. 23-11-06)

[15]        Il a aussi constaté que le véhicule était occupé par un conducteur et un enfant passager. Tenant compte qu'il ne voyait pas le visage de l'enfant si ce n'est un pouce ou deux uniquement au-dessus de la tête, il a conclu qu'il y avait infraction à l'article 397 du Code de sécurité routière. (p. 46 et s., n.s. 23-11-06)

[16]        Concernant le silencieux, il se réfère à 2 dispositions du Code de sécurité routière qui traitent de la question.

[17]        L'article 213 dispose du silencieux perforé.

[18]        L'article 258 du Code de sécurité routière réfère au décret relatif aux silencieux non conforme.

[19]        Il a une expérience pertinente et personnelle des systèmes d'échappement. Il a émis une centaine d'infractions et a déjà eu à témoigner à la Cour.

[20]        Le véhicule de Labonté circulait vers l'est. Quant à lui, il partait de la rue St-Jean-Baptiste. Il y avait entre son véhicule et le véhicule de tête deux autres véhicules. À l'intersection, qu'il situe sur le plan déposé (D-2), les 2 véhicules tournent vers St-Paul.

[21]        La distance de la rue St-Paul à la résidence du plaignant, située sur Papillon, représente quelque 636 pieds ou 193,853 mètres.

 

 

[22]        La distance totale à partir de la rue St-Jean-Baptiste est de 4,062 pieds. Il voulait l'intercepter avant d'arriver au boulevard Hamel.

[23]        En s'approchant du véhicule de Labonté sur la rue St-Paul à partir du point C tel qu'indiqué au plan D-2, il remarque une petite plaque commençant par un « C ». Selon lui, elle ne correspondait pas à une plaque d'immatriculation ordinaire de sorte qu'il est convaincu qu'elle ne permet pas de circuler sur un chemin public.

[24]        Une demande est faite au C.R.P.Q. pour informations quant à la plaque d'immatriculation.

[25]        Au moment où il s'apprête à actionner les gyrophares, le véhicule tourne dans une entrée.

[26]        C'est à 18 h 44 qu'il a obtenu confirmation du C.R.P.Q. quant à sa demande de vérification de la plaque d'immatriculation. Il a alors « rentré » le numéro de plaque.

[27]        Il explique qu'il y a un certain délai après avoir transmis une demande de vérification au C.R.P.Q. avant que le message ne soit accepté. Un autre délai s'ensuit au terme duquel un message avec mention « en attente » est reçu.

[28]        De fait, Labonté stationne son véhicule dans l'entrée, la demande au C.R.P.Q. étant toujours en attente.

[29]        N'ayant toujours pas eu le retour du C.R.P.Q., il interpelle, assis dans son véhicule, Labonté qui débarque.

[30]        Il précise qu'il l'interpelle à ce moment là pour avoir du temps en attendant la réponse du C.R.P.Q. (p. 67, n.s. 23-11-06)

[31]        À ce moment, le véhicule de l'agent Côté était stationné de l'autre côté de la rue en face, dit-il, de l'adresse du 1345 qu'il a noté. (p. 68, n.s. 23-11-06)

[32]        Il l'a interpellé comme suit, « beau véhicule ». Labonté répond quoi! ou pardon! Il répète beau véhicule, « je viens voir votre plaque ». Il a répondu qu'il l'a prise dans une boîte de céréales et de retourner à l'école.

[33]        L'accusé déplace son véhicule derrière celui de Labonté pour l'interpeller à nouveau à partir de son véhicule, dans le but d'acheter toujours du temps en attente de la réponse du C.R.P.Q.

 

 

 

[34]        Il lui mentionne, alors, avoir constaté que le silencieux n'était pas correct, que l'enfant avait besoin d'un banc, tout en soulignant qu'il venait voir sa plaque d'immatriculation.

[35]        Il lui demande son nom et il refuse de s'identifier. Labonté fait descendre son enfant côté passager.

[36]        Aux pages 69 à 70 notes sténographiques du 23-11-06, il relate plus précisément ce qui s'est passé.

[37]        N'ayant pas de retour du C.R.P.Q., il descend de son véhicule et se dirige vers Labonté.

[38]        En s'approchant de Labonté, il réitère ses motifs d'interception, tout en lui demandant en vain son nom.

[39]        Il explique ce qu'il a décidé de faire dans les circonstances :

« R-  Donc, je m'approche de lui, puis là, c'est là qu'il se met… qu'il me tourne le dos à ce moment-là, puis qu'il se dirige vers la maison. Donc, il veut rien savoir de moi, là, de toute évidence..

Q.     Est-ce que vous le mettez en état d'arrestation à ce moment-là?

R.     Non, à ce moment-là, là… Quand je m'approche de lui, c'est là que je lui dis que si.. que s'il ne s'identifie pas, je vais devoir l'arrêter pour refus de s'identifier.

Q.     O.K.

R.     Mais ça, je fais ça en marchant vers lui à ce moment-là.

         LA COUR:

Q.     Il vous a tourné le dos et il s'est dirigé vers sa maison?

R-     C'est ça. Là, il me regarde ou là, il descend… il descend… il fait descendre l'enfant, il ramasse un sac dans l'auto, c'est là que je lui parle en m'approchant de lui, puis là, que je lui demande de s'identifier, puis il refuse. Je lui dis que j'allais l'arrêter pour refus de s'identifier à ce moment là.

         Me JEAN ASSELIN

         procureur de la défense :

Q-     Puis vous lui dites que vous allez l'arrêter pour refus de s'identifier, est-ce qu'il vous répond, est-ce qu'il…

R-     Non.

Q-     … réagit?

R-     Il me répond pas du tout, il… Bien, il me dit… il me dit… il me dit : "J'ai pas d'affaire à me faire achaler, je suis chez nous icitte."

Q-     Est-ce que vous procédez à son arrestation?

R-     Donc, quand il me tourne le dos, il marche vers la maison, j'essaie de l'interpeller à nouveau, je lui dit : "Aïe!" Puis là, il s'occupe pas de moi, il s'en va vers la maison. Donc, dans mon libre à moi, moi, il fuit, il s'en va vers… il s'en va chez lui. Donc, je le rejoins, puis c'est là que je lui fais une première invitation physique, je le saisis par le bras, puis là, je le contrôle à ce moment-là au niveau du bras. » (p. 71, 72, n.s. 23-11-06)

[40]        Il le met en état d'arrestation pour refus d'identification. Il lui réitère pour la troisième fois, dit-il, les infractions reprochées. (p. 73, n.s. 23-11-06)

[41]        Labonté lui demandait de le lâcher. Il pointait l'adresse de sa maison et lui signalait qu'il était chez-lui. (p. 74, n.s. 23-11-06)

[42]        Puis, Labonté donne un coup pour se libérer de son emprise. L'agent Côté le ressaisit pas le bras, en lui mentionnant que ça ne lui tentait pas de se battre, « c'est du niaisage ».

[43]        Il lui a dit qu'il voulait savoir qui il est. Il lui a demandé pour la première fois son permis de conduire. Il répond qu'il n'en avait pas. Il lui demande ses pièces d'identité.

[44]        Labonté lui mentionne que ses pièces d'identité étaient dans sa résidence et qu'il voulait communiquer avec son avocat.

[45]        Il l'informe qu'il n'y avait pas de problème et lui lâche le bras. Il l'a suivi jusqu'à la porte d'entrée en l'avisant que, s'il pénètre dans sa résidence, c'est certain qu'il allait rentrer également, puisqu'il était en état d'arrestation « pour le moment ».

[46]        À une question posée lors de l'interrogatoire en chef à savoir pourquoi il l'a suivi de fait à l'intérieur de la résidence, il répond que c'est une question de sécurité, qu'il venait de l'arrêter et en plus qu'il voulait téléphoner sur place à son avocat. Il précise qu'il n'y pas de problème lorsqu'un individu appelle son avocat sur place. Toutefois, dans le présent cas, il ne voulait pas qu'il entre dans sa résidence et disparaisse par la suite en barrant la porte ou qu'il ressorte armé.

[47]        Sommairement, il décrit comme suit ce qui s'est passé à l'intérieur de la résidence :

1.      Il se met à crier de sortir de chez-lui. Il lui a dit non, tu es arrêté et tu dois d'identifier pour être remis en liberté.

2.      Labonté prend son cellulaire et mentionne à quelqu'un qu'un individu l'agresse chez-lui, d'appeler le 911.

3.      Pendant ce temps, il décide de demander par ondes radio assistance.

 

 

4.      Labonté devient de plus en plus agressif. Il lui répète de sortir. Il fait à 2 reprises un doigt d'honneur dans son visage. En dernier lieu, il s'est approché à 1 ou 2 pouces de son visage pour lui faire un doigt d'honneur tenant son cellulaire dans la main. Il a dû se reculer un peu, pour ne pas qu'il l'accroche au visage.

5.      Il l'a avisé qu'il était en état d'arrestation pour entrave et voies de fait sur un agent.

6.      Il était calme, mais Labonté était agressif, tendu, poings fermés.

7.      Il a enlevé sa chemise et l'a «garrochée » sur une chaise.

8.      Torse nu, il se dirige vers la porte-patio.

9.      Craignant pour sa sécurité, compte tenu des circonstances qu'il explique, il s'est dit qu'il était préférable d'être à l'extérieur pour la suite de l'intervention.

10.    Ainsi, il le suit direction de la porte-patio. Labonté ouvre la porte et se retourne de côté vers lui, toujours agressif, toujours « rouge », poings fermés.

11.    Il lui prend alors une clé de bras, soit une main au poignet, une au coudre et le colle sur lui. Il le pousse vers l'extérieur pour finalement le « lâcher » afin de ne pas être emporté avec lui. Labonté avait « trébuché » dans la moustiquaire qui sortait de ses « gonds ».

12.    Labonté a passé à travers la moustiquaire, a titubé un peu, puis il est tombé comme assis de côté sur une table en vitre, située à 3 ou 4 pieds de la porte.

[48]        Rendu à l'extérieur, il l'a gazé une première fois de la façon suivante :

« R-  Là, une fois à l'extérieur, lui se relève rapidement, puis là, tout ce que je dis, là, sur ce moment-là, c'est : "Couche-toi à terre, je vais te menotter, couche-toi à terre!" Puis en même temps, je sors ma bonbonne de poivre de Cayenne, je lui dis : "Couche-toi à terre, sinon je vais te gazer." Lui me dit : "T'es un malade." Puis c'est là que je le gaze la première fois, quand il… quand il est face à moi, là, dans le fond.

Q-     Comment il réagit?

R-     Donc, lui, quand il s'est relevé de la table, il était… c'est sûr que là, il n'était pas… il était… Il me dit : "T'es un malade." Il saigne. Je ne veux pas… je ne veux pas venir en contact avec lui, j'ai pas eu le temps de mettre mes gants, je fais de l'eczéma aux mains, c'est facile de contracter quelque chose. Donc, là, je veux le contrôler à distance, le faire coucher à terre. Donc, lui, il refuse catégoriquement de se coucher à terre, puis c'est là que je le gaze une première fois, après l'avoir averti. Puis là, il se tourne de côté, puis il y a comme des marches sur le patio, puis c'est là qu'il descend, là, les marches vers le sol. » (p. 85, 86, n.s. 23-11-06)

[49]        Suite à cet événement, son témoignage peut se résumer ainsi au niveau des éléments essentiels :

1.        Il n'était pas certain de l'avoir atteint au visage. Labonté était face à lui. Il a toujours les yeux ouverts, il a conclu que le poivre de Cayenne ne l'affectait pas ou ne l'avait pas atteint.

2.        Il lui demande de se coucher par terre pour le menotter. Labonté refuse.

3.        Labonté descend dans la cour et il décide de la gazer une 2e fois, après l'avoir averti qu'il le gazerait à nouveau s'il ne se couchait pas à terre.

4.        Il s'est écoulé 30 à 45 secondes entre les 2 utilisations du poivre de Cayenne, le temps de descendre du patio et de parler sur les ondes pour notamment demander l'ambulance. C'était toujours inefficace.

5.        Il décide de sortir son bâton télescopique dans le but de le persuader, de le tenir à distance dans l'attente du renfort. Il le tenait, gardait à côté de lui, le long de son corps.

6.        Par après, Labonté a eu des discussions avec la voisine. Il s'est retourné en lui disant « je suis monoparental ». À un moment donné, il s'est accoté sur la clôture.

7.        L'agent Côté lui a dit entre autres « je ne sais pas qui tu es, d'où tu viens, pourquoi t'agis comme cela ». Il pense tout le temps que la police lui en veut et lui fait part de certains incidents.

8.        Finalement, il s'est identifié comme Joël Labonté.

9.        Il n'a jamais frappé, ni essayé de le frapper avec le bâton télescopique.

[50]        L'accusé est toujours en attente des renforts requis lors d'une conversation sur ondes radio à 18 h 47:07 secondes, telle qu'il appert à la pièce P-5 intitulée « fréquence police patrouille 2005-19187 ».

[51]        À l'arrivée des renforts policiers, ils étaient dans la cour arrière, proche de l'abri d'auto.

[52]        Auparavant, étant toujours dans la cour arrière, Labonté l'informa qu'il avait le sida. Il l'a répété dans l'abri d'auto. C'est pour cette raison que ça pris un certain temps de le menotter.

[53]        Ils étaient 4 policiers autour de lui et refusait toujours de se faire menotter.

[54]        Il insistait pour aller dans son abri d'auto.

 

 

[55]        Il reconnaît avoir mis ses gants qu'il utilise tout le temps d'ailleurs. Il ne peut préciser à quel moment il les a utilisés, tout en précisant qu'il ne les portait pas dans la maison et lorsqu'il a gazé Labonté.

[56]        Lors de l'intervention des renforts, M. Sébastien Roy agissait à titre de sergent.

[57]        Dans l'abri d'auto, ils ont fini de le menotter au sol, un peu à genoux. Ils lui ont donné une boite de carton pour qu'il se mette à genoux. Pour sa part, il lui a mis la main sur son épaule.

[58]        Alors qu'il était menotté et se promenait, il leur a mentionné que tout était filmé, qu'il va poursuivre et qu'ils étaient « dans la merde ».

[59]        Après que les ambulanciers l'eut pris en charge, il se rendit dans son véhicule pour prendre connaissance du message du C.R.P.Q.

[60]        En transmettant les informations de la plaque d'immatriculation, il a logé une demande pour vérifier si Labonté avait des dossiers judiciaires.

[61]        Ça correspond au symbole RAI, deuxième page, première ligne à 19 h 25 de l'historique unité 8145 produit comme pièce P-7.

[62]        À la fin de son interrogatoire en chef, l'agent Côté réfère à la pièce D-3 qui concerne les directives internes des armes intermédiaires dont l'utilisation de l'atomiseur (poivre de Cayenne).

[63]        Ces directives existent depuis 2002, suite aux fusions municipales.

[64]        Concernant le bâton télescopique, il reconnaît avoir donné un coup mais au sol dans l'abri d'auto, tel qu'il appert sur la vidéo auditionnée en preuve principale. C'est de cette façon qu'il doit procéder pour le rétracter.

[65]        Du contre-interrogatoire de l'accusé, il importe de noter ce qui suit :

1.      Il l'a suivi avec son auto-patrouille à peu près sur 1 km à partir du coin l'Avenir – St-Jean-Baptiste.

2.        Aucun gyrophare n'a été actionné. Il ne voyait pas l'urgence de la situation de dépasser les véhicules, compte tenu de la nature des infractions notées et question de sécurité.

3.        Lors de son intervention, il se trouvait sur une propriété privée. Il a jugé qu'il n'y avait pas de problème, puisqu'il avait des motifs préalables et rien ne lui indiquait précisément qu'il se trouvait chez le plaignant.

 

 

4.        La façon dont il a déplacé son véhicule derrière celui de Labonté, à l'entrée de la cour, faisait en sorte que ce dernier ne pouvait partir avec son véhicule.

5.        Le bris du silencieux lui donnait des motifs pour  aller « plus loin », dans le sens qu'il fallait qu'il obtienne des détails techniques pour étayer sa preuve. Il devait faire des vérifications au niveau du silencieux.

6.        Bien que les infractions quant au silencieux et à la plaque d'immatriculation sont de la responsabilité du propriétaire du véhicule, ça lui prend le nom du conducteur pour compléter l'espace sur le billet d'infraction.

7.        Toutefois, il ne sait pas si le défaut d'indiquer le nom du conducteur peut entraîner acquittement, mais ça crée problème. (p. 140, n.s. 23-11-06)

8.        Quant au siège d'appoint, il reconnaît qu'il n'a pas vérifié s'il y avait un siège comme tel dans le véhicule, puisque son attention était dirigée vers Labonté. Lorsqu'il y a un siège approprié, on voit le visage de l'enfant soit en entier ou pratiquement. Il reconnaît qu'il faut par contre procéder à certaines mesures dont la grandeur de l'enfant, la présence ou non d'un siège d'appoint pour émettre un constat d'infraction.

9.        Il se posait beaucoup de questions sur ses motivations à ne pas vouloir s'identifier. C'était inhabituel. Il croyait que c'était quelque chose d'autre, un mandat, une probation.

10.     Après que l'intervention eut été complètement terminée et que les ambulanciers s'occupaient de Labonté, il a constaté à partir des données du C.R.P.Q. que l'immatriculation était légale pour une voiture antique. Il avait « confondu avec une plaque qui permet d'utiliser ça juste sur exhibition ou dans une cour ». (p. 147, n.s. 23-11-06)

11.     Par ailleurs, il ne connaissait pas ce type de véhicule. De même, il ne sait pas si un véhicule de collection peut circuler avec des pièces d'origine.

12.     Il explique qu'il a désigné en premier lieu comme motif d'infraction la plaque d'immatriculation, compte tenu que c'était le montant de l'infraction le plus élevé et que c'était également par réflexe vu qu'il venait de constater cette anomalie.

13.     Il n'a pu s'occuper du sort de la jeune fille qui s'était dirigée dans la cour arrière et toute son attention portait sur Labonté. Il admet que ça se pouvait qu'il soit le père de l'enfant. (p. 153, n.s. 23-11-06)

14.     Il a avisé Labonté des conséquences du défaut de s'identifier. Il lui disait de sortir de sa cour, il était par contre rendu à l'étape de l'arrestation. Il admet qu'il était détenu. Il reconnaît que ça se peut qu'il soit chez-lui et peut-être n'importe où aussi, chez un ami. Ce qu'il lui disait ça vaut ce que ça vaut. En refusant de s'identifier, ça ne change rien qu'il soit chez-lui ou chez un ami.

15.     Il aurait pu retourner dans son véhicule pour vérifier la réponse du C.R.P.Q. et avoir les informations requises. C'était, dit-il, « une façon de faire », mais il craignait qu'il se réfugie dans sa maison. (p. 158, n.s. 23-11-06)

16.     Il admet que s'il avait eu le nom du propriétaire, il aurait pu lui envoyer le billet (p. 159, n.s. 23-11-06), tout en ajoutant que ça lui prend aussi un conducteur (p. 160, n.s. 23-11-06). Lorsque Labonté lui indiqua qu'il désirait communiquer avec son avocat, il a eu confiance que la situation se désamorce.

17.     Il n'a pas communiqué avec un avocat tel que mentionné. Il a trouvé cela bizarre. Il n'a pas respecté l'entente.

18.     Une fois à l'intérieur de la résidence, il croit que Labonté était chez-lui (p. 173, n.s. 23-11-06), quoiqu'il ne l'a pas vu débarrer la porte.

19.     Il explique qu'il a pris la latitude de le laisser entrer dans sa résidence. Il aurait pu, dit-il, le menotter à l'extérieur et aller directement au poste. Il lui a laissé en quelque sorte une certaine latitude en lui lâchant le bras. On allait vers une résolution plus adéquate. (p. 174 et s., n.s. 23-11-06)

20.     Lorsqu'ils se sont dirigés vers la résidence, personne ne courrait.

21.     À une question à savoir si Labonté l'a attaqué avant qu'il ne descende les marches, il répond qu'il était juste « crispé », les poings fermés, qu'il n'a pas attendu pour agir, l'asperger.

22.     Dans la cour, il ne considérait pas qu'il était en fuite à ce moment là.

23.     Il ne s'est pas occupé particulièrement de la voisine, puisque c'était secondaire pour lui. Il en avait assez, dit-il, de Labonté.

24.     Lorsqu'il a sorti le bâton télescopique, il ne considérait pas que Labonté était en faute. Il s'était calmé. Le bâton télescopique a eu des effets, puisqu'il est resté sur place à sa demande.

25.     L'agent Sébastien Roy s'en est occupé dès son arrivée. Il a discuté, négocié avec. Pour sa part, il s'est occupé du périmètre.

26.     Labonté le regardait et lui disait qu'il n'avait pas fini.

27.     Il reconnaît qu'il n'a pas donné au début de mise en garde et de droit au silence. Il explique que M. Labonté l'a demandé en l'informant qu'il téléphonerait à son avocat. Concernant l'aspect confidentialité lors de la communication avec un avocat, il est d'avis qu'on peut rencontrer cette condition lorsque la communication se fait dans un poste de police. C'est ce qu'on lui aurait recommandé. Par ailleurs, il ne lui a pas fait part de cette explication, à la porte de sa résidence.

 

 

28.     Lors du « menottage » et par après, Labonté avait une attitude arrogante et n'arrêtait pas de parler avec les gens qui se trouvaient dans la rue.

29.     Il ne voyait pas l'utilité qu'on le menotte dans l'auto-patrouille, puisqu'ils étaient en attente de l'ambulance. Il considérait que c'était la meilleure décision dans les circonstances.

30.     Aucune infraction ne fut émise en vertu du Code de sécurité routière. Il n'a pu vérifier le tuyau d'échappement et il lui manquait des détails.

31.     Quant au siège d'appoint, il devait vérifier si l'enfant dépassait 63 cm. Il ne l'a pas mesuré. Il ne « voyait pas aller chercher l'enfant puis le mesurer à ce moment là » (p. 208, n.s. 23-11-06). Il a constaté qu'il n'y avait pas de siège d'appoint dans le véhicule de Labonté après qu'il eut été menotté. À une question posée à savoir si ça peut dépendre de la façon dont l'enfant était assis lorsqu'il a aperçu le véhicule de Labonté, il répond que « ça peut être cela aussi ».

32.     Par contre, il a fait des recommandations pour que des charges soient portées au niveau criminel.

2.         SÉBASTIEN ROY

[66]        Le témoignage du policier Sébastien Roy se limite à peu pour les fins présentes.

[67]        Il s'est rendu sur les lieux à la demande de l'agent Côté.

[68]        Arrivé sur les lieux, il a constaté que l'agent Côté se trouvait à l'arrière de la cour en présence d'un individu en sang au niveau du bras et du bas du cou. Il lui demandait de se coucher au sol pour le menotter. Il refusait.

[69]        L'agent Côté était très calme. Labonté était tendu. Il n'était pas agressif, mais refusait de coopérer, de se coucher sur le gazon.

[70]        Deux autres policiers sont arrivés au bout de quelque 10 secondes.

[71]        Ils se sont dirigés sous le « carport ». C'est ce que voulait d'ailleurs Labonté.

[72]        Connaissant cette résidence, il se doutait un peu qu'il y avait une caméra installée à cet endroit.

[73]        Dans les circonstances présentes, il se méfiait puisque l'individu saignait.

 

 

 

[74]        Après l'avoir menotté, Labonté était arrogant, mais « correct ». Il n'a proféré aucune menace à son endroit.

[75]        Il a utilisé le bâton télescopique, à titre de prévention, pour le maintenir à une distance sécuritaire. Pour fermer le bâton, on doit donner 1 ou 2 coups par terre.

[76]        Lors du contre-interrogatoire, l'agent Roy précise qu'il ne savait pas pourquoi Labonté avait été arrêté, sauf pour infractions au Code de sécurité routière. Mais il ne savait pas qu'elle était la nature précise de ces infractions.

[77]        Il portait assistance dans ce dossier non pas comme sergent, mais à titre de constable.

[78]        Il se souvient qu'un policier a remis à Labonté un carton, car il y avait de l'huile et de la saleté sur la chaussée.

[79]        Il a obtenu la permission de Labonté pour photographier l'intérieur et l'extérieur de la résidence.

[80]        Labonté a été arrêté pour infractions au Code de sécurité routière et entrave pour avoir résisté à son arrestation.

[81]        En somme, en ce qui le concerne, il ne suspectait rien bien qu'il ait constaté que Labonté était blessé et agressif. Par contre, il n'y avait pas d'atteinte à leur sécurité.

3.         JEAN-FRANÇOIS MICHAUD

[82]        Il patrouillait dans l'arrondissement secteur 8.

[83]        Lors de son arrivée, le constable Côté se trouvait à l'arrière avec un individu.

[84]        Son témoignage va dans le sens de celui de l'agent Roy.

[85]        Par contre, il apporte certaines précisions, savoir :

·         Assisté des agents Roy et Côté, il a passé les menottes à l'individu par en arrière.

·         Ayant demandé s'il était porteur d'une maladie, Labonté a répondu qu'il avait le sida. Il a avisé les ambulanciers.

·         À l'hôpital, il a fait lecture de ses droits et l'a mis en état d'arrestation pour entrave à l'agent Côté.

 

 

[86]        Lors du contre-interrogatoire, il ajoute notamment ce qui suit :

·         Il n'a pas pensé l'isoler dans le véhicule, compte tenu qu'il était blessé.

·         À un moment donné, Labonté leur a signalé qu'ils étaient filmés.

·         Il est toujours resté en présence de Labonté, sauf durant le transport à l'hôpital. Il n'y a pas eu de demande d'assistance des ambulanciers, puisqu'on a escorté l'ambulance.

·         Il avait des motifs raisonnables de le mettre en état d'arrestation, bien qu'il l'était déjà. Suite à une demande du sergent Dionne, on lui a fait une relecture de ses droits. Il ne savait pas qu'on ne lui avait jamais donné auparavant.

·         Il a agi à la demande du sergent Dionne qui lui a dit de l'arrêter pour voies de fait.

·         Son rapport ne contient aucune mention à l'effet qu'il l'a mis en état d'arrestation pour voies de fait et entrave. Ce qui est écrit, c'est qu'il a été mis en était d'arrestation, sans plus. Toutefois, il se souvient très bien de l'avoir dit.

4.         BRUNO POULIN

[87]        La défense a fait entendre un expert dans l'enseignement et technique et tactique du degré de force et des étapes recommandées.

[88]        M. Bruno Poulin est coordonnateur à l'emploi de la force de l'École nationale de police du Québec.

[89]        Son témoignage a porté notamment sur le tableau de l'emploi de la force (pièce  D-1).

[90]        Il explique les différentes méthodes d'intervention, soit le bâton télescopique, le contrôle articulaire, la technique, le poivre de Cayenne, l'utilisation des menottes, etc.

[91]        Il reconnaît que le tableau D-1 ne constitue qu'un guide qui doit être adapté et apprécié selon les circonstances et le bon jugement du policier.

B.        PREUVE DE LA POURSUITE

1.         JOSÉE BOULET

[92]        Elle est policière, technicienne en scène de crime.

 

[93]        Suite à un appel cellulaire, elle a dû se rendre sur les lieux concernant une plainte de voies de fait contre un agent de la paix. Elle réfère à un plan et décrit les photos (en liasse P-1) selon ce qu'elle a constaté aux environs de 19 h 15, soit plus particulièrement :

1.      Labonté était près de l'ambulance, visage tuméfié et bras ensanglanté.

2.      La moustiquaire du patio de la résidence se trouvait à terre et était coupé. On y voit également la table de patio (photo 8).

3.      Un objet ressemblait à une caméra de surveillance, coin côté droit à l'extrémité du stationnement.

4.      Aucune infraction aux portes de la résidence.

5.      À la sortie direction porte-patio, il y avait un cellulaire à terre et une grille de chauffage qui était comme repliée.

[94]        Elle ne se souvient pas d'avoir été informée que des objets avaient été déplacés.

2.         ÉRIC LÉGARÉ

[95]        Il est technicien de bureau.

[96]        Il travaille sur les ordinateurs.

[97]        Il explique qu'il y a un genre d'appareil DVD qui enregistrait sur disque dur ce que les caméras captaient. Il n'y a eu aucune modification des images.

[98]        Dans le cadre de son témoignage, on a admis respectivement la chaîne de possession.

3.         JOËL LABONTÉ

[99]        Le plaignant, Joël Labonté, est âgé de 37 ans.

[100]     Il est commerçant.

[101]     Il importe de résumer la chronologie des principaux évènements relatés par Labonté, soit :

1.    En compagnie de sa jeune fille âgée de 5 ans au retour d'un casse-croûte où il est allé s'acheter un lunch, il croise une auto-patrouille un peu avant 18 h 33, qui fait de la surveillance à 1 ½ km.

 

 

2.      Il voit l'auto-patrouille qui le suit, mais sans aucun gyrophare. Il poursuit son trajet jusqu'à sa résidence. Le véhicule patrouille s'est immobilisé devant sa résidence, alors qu'il était stationné dans son entrée et débarquait de son véhicule.

3.      Le policier, se trouvant de l'autre côté de la rue, l'avise qu'il a une plaque d'immatriculation bizarre.

4.      Il a répondu qu'il l'avait trouvée dans une boite de céréales, tout en ajoutant de vérifier, elle était légale.

5.      L'agent n'a pas trouvé cela drôle et lui demande « tu es qui toi ». Il s'est identifié en disant « je suis chez-nous ». L'agent a finalement stationné son véhicule dans son entrée, derrière le sien.

6.      Alors qu'il suivait sa petite fille qu'il venait de faire débarquer, il s'est senti « pogné » par le bras et a failli tomber.

7.      Le policier lui dit « qu'est-ce qui nous dit que tu es chez-toi ». Il lui demande son permis. Il ne lui a pas demandé de s'identifier, ni pourquoi il voulait son permis.

8.      Le policier lui tirait le bras. Il lui a demandé de le lâcher.

9.      L'agent a répliqué en disant « veux-tu que je te fasse goûter le tas de terre ».

10.    Il a déchiré sa chemise en donnant un coup avec son bras, pour se libérer de l'emprise.

11.    Il a pris son cellulaire, tout en lui mentionnant que ça ne resterait pas là.

12.    Il a débarré la porte de sa résidence. Bien qu'il ait demandé au policier de rester dehors, il a répondu qu'il voulait entrer et qu'il allait entrer.

13.    Le policier lui a dit « si je veux rentrer, je vais rentrer », (p. 32, n.s. du 14-06-06) pour finalement le suivre à l'intérieur, bien qu'il lui ait indiqué de sortir.

14.    À l'intérieur, il a téléphoné à son bureau en parlant à un dénommé Éric. Il a composé également le 911, afin de tenter de demander de l'aide pour agression. Toutefois, le policier lui a dit non pour l'appel au 911. Il a mis sa main sur son épaule. L'agent a téléphoné demandant de l'aide pour entrave et voies de fait envers un policier.

15.     En tentant de prendre le téléphone de la maison dans le but de signaler le 911, il a fait un doigt d'honneur au policier.

 

 

 

[102]     Il décrit ce qui s'est passé par la suite :

«R-   En me revirant, aussitôt que je m'ai reviré pour prendre le téléphone, c'est là que je me suis fait sauter dans le dos puis que je me suis fait littéralement passer à travers du «screen» de la porte-patio puis je me suis ramassé à l'extérieur. Là j'ai tombé sur la table, sur la table-patio, une table vitrée, ça fait que la vitre a éclaté sous mon poids puis là j'ai… je me suis coupé pas mal-dessus.

         LA COUR :

Q-     Vous avez tombé sur la porte-patio, hein?

R-     Non, la porte-patio était ouverte.

Q-     Ah, elle était ouverte?

R-     Et le «screen» était fermé.

Q-     O.K.

R-     Parce qu'il faisait trente (30) degrés ce jour-là, il faisait très chaud, là.

Q-     Le moustiquaire était fermé, oui.

R-     Le moustiquaire, oui, le moustiquaire était fermé.

Q-     Vous avez tombé sur le moustiquaire?

R-     J'ai passé à travers du moustiquaire.

Q-     Ah!

R-     Le moustiquaire il a revolé si on veut puis j'ai tombé sur la table-patio à l'extérieur, une table vitrée. » (p. 34, 35, n.s. du 14-06-06)

[103]     Ces évènements se sont déroulés lorsque ça faisait à peine 2 minutes qu'ils se trouvaient à l'intérieur de la résidence.

[104]     Il poursuit la narration des événements :

«R— Oui, la table a cassé, là j'ai tombé à terre, j'étais comme un peu sonné, là je me relève debout, là j'étais plein de sang, j'étais coupé. Là je descends les… Il y a deux (2)… je fais trois (3) pas, je descends les marches du patio, là je me revire pour voir ce qu'il faisait, lui était toujours dans la maison. Là il a sorti, là j'étais rendu en bas du patio, lui il est sorti, il a avancé un peu puis il m'a crié de… je me revire de bord pour voir ce qu'il faisait mais en me revirant, là j'ai eu le poivre de cayenne dans la face puis là il me dit : «Couche-toi à terre.» Il voulait me menotter, là, j'ai dit : «Oui, non non», j'ai dit… il m'a giclé, quant qu'il m'a giclé, je me suis reviré sur le terrain, j'ai fait deux (2), trois (3) pas sur le terrain, j'ai fait comme un demi-cercle, je suis revenu, puis je reviens vis-à-vis lui, en avant de lui, puis là il me recrie, là il dit : «Couche-toi à terre», puis là il dit : «Je vais te gazer de nouveau», puis il me gaze, là, puis là il tenait sa canisse comme ça puis là je recevais ça en pleine face puis là, là, je lui ai dit : «Vide-la ta canisse», ça me faisait rien. Bien, «ça me faisait comme pas d'effet, j'étais complètement… là je me demandais ce qui se passait, j'ai dit : «Ça se peut pas, là.»

Q-     O.K. Quand vous vous déplacez, vous dite… Bon, la première fois vous êtes juste en bas des marches du patio en question?

R-     Oui, oui.

Q-     La deuxième fois vous êtes rendu où quand il y a une deuxième fois l'utilisation?

R-     Je fais un demi-rond, si on veut, ça revient à la même place.

Q-     O.K.

R-     Ça doit revenir à la même place, là.

Q-     Puis lui il fait quoi pendant que vous faites votre demi-rond?

R-     Bien, il a descendu deux (2) marches mais il est peut-être resté sur la dernière marche du patio.

Q-     O.K.

R-     D'après moi, il devait rester une marche parce qu'il était un petit peu plus haut que moi quand qu'il m'a giclé la deuxième fois.

Q-     O.K. Ça fait que là, c'est là que vous lui dites : «Vide là?»

R-     J'ai dit : «Vide-la ta canisse.»

Q-     Puis là il fait quoi?

R-     Bien là il dit : «Ça ça marche pas, il dit, ça ça va marcher», puis là il a dégainé… c'est une matraque j'imagine, là, quelque chose de télescopique, ça l'a étiré cette affaire-là, puis là il a comme voulu me frapper avec ça, il a fait un geste de me frapper mais il ne m'a pas frappé avec ça, il a menacé avec son affaire mais… Finalement, je le sais pas trop, là, là j'ai dit à la voisine de faire le 911. Entre-temps, ça c'est arrivé vite, là, la voisine… le premier coup qu'il m'a giclé, quand j'ai revolé  par la vitre parce que ma petite a été chez la voisine, elle, elle a tout vu ce qui est arrivé, là elle s'est mis à crier, la voisine elle a vu ça, elle était sur son patio, là je lui a dit de faire le 911, elle a fait 911 mais elle a raccroché parce que les enfants…

         LA COUR :

Q-     Elle était où la voisine, là?

R-     Elle était sur son patio.

Q-     Sur son patio.

R-     Moi c'est arrivé sur mon patio en arrière puis…

Q-     Quand est-ce… à quel moment vous lui avez dit à la voisine de faire le 911?

R-     Je pense que c'est après, la première fois qu'il m'a giclé, me semble là, parce qu'il m'a giclé tout de suite en sortant dehors. Quand j'ai tombé, j'ai descendu deux (2) marches, ça arrive vite, là, je me revire puis : «Tsitttt!» là il me gaze. Là j'ai dit : «Fais 911, il est fou, il marche pas lui là, là.» Je sais qu'elle a fait 911, puis là, mais…» (p. 36 à 39, n.s. 14-06-06)

[105]     Lorsqu'il est passé à travers la porte-patio, sa petite fille se trouvait sur la «trempoline» chez la voisine (Mélodie).

[106]     À la vue de cette situation, la voisine a rentré les enfants dans sa maison.

[107]     Le policier tenait la matraque dans ses mains lorsqu'il était appuyé sur la clôture. Il lui a dit « ça n'a pas de bon sens » (p. 41, n.s. 14-06-06)

[108]     Il s'ensuivit ce qui suit :

« R-  Ah bien oui, j'ai dit à la voisine, j'ai dit à la voisine, rendu là, j'ai dit : «Là je vais te donner le lunch de la petite» parce que je voulais nourrir la petite, je sais que la petite était chez eux, puis là le policier il dit : «Elle "meurrera" pas de ça si elle mange pas tout de suite» ou «ça peut attendre plus tard», il dit, c'est pas grave», ou «ça peut aller dans dix (10) minutes ou plus tard.» Il n'a pas voulu que je donne le lunch à la voisine, ça je me souviens de ça.

Q-     Là, les autres policiers n'étaient pas arrivés à ce moment-là?

R-     Non.

Q-     Et les policiers arrivent par après?

R-     Les policiers arrivent, oui, quand qu'il a sa matraque dans les mains, là. »

(p. 44, 44 n.s. 14-06-06) 

[109]     À l'arrivée des autres policiers, il s'est dirigé dans son entrée, dans l'espoir que son système de caméra fonctionne.

[110]     Les agents lui ont demandé de se coucher à terre, qu'ils mettraient les menottes sans préciser les motifs de leur demande.

[111]     Il ne voulait pas se coucher dans l'huile.

[112]     Après les avoir informés qu'il n'avait qu'une seule rotule, il s'est mis à genoux. Ils l'ont menotté par en arrière.

[113]     Les menottes étaient attachées à l'envers. Ça lui faisait mal. Selon les policiers, ils ne pouvaient les détacher, car les clés se trouvaient au poste.

[114]     Entre temps, Éric est arrivé. Il a crié, lui semble-t-il, le numéro de matricule, le 2902.

 

 

[115]     Il a informé les policiers qu'ils étaient dans le trouble, qu'ils avaient été filmés.

[116]     Finalement, en se rendant à l'ambulance, un policier a détaché les menottes et les a posées par en avant.

[117]     Les événements qui se sont déroulés à l'intérieur de la résidence ont duré au plus quelque 2 minutes.

[118]     Il a été conduit à l'hôpital.

[119]     Lorsqu'il se trouvait, à un moment donné, dans une salle pour soigner ses blessures, une policière a enlevé les menottes, après qu'il lui eut demandé de les changer de place. La policière l'a libéré.

[120]     Peu de temps auparavant, un policier lui avait signalé qu'il l'arrêtait pour voies de fait et entrave.

[121]     Son ex-conjointe, mère de la petite fille, l'a finalement reconduit chez-lui vers 9 h 30. Par la suite, il a eu des discussions respectivement avec un enquêteur, concernant les enregistrements captés par la caméra située dans son entrée.

[122]     Le lendemain, il s'est rendu à la Sûreté du Québec et au Comité de déontologie.

[123]     Par ailleurs, il explique que son véhicule en est un de collection, de sorte que ça nécessite une immatriculation spécifique, donnant le droit de circuler sur les routes sauf les autoroutes.

[124]     Enfin, il commente l'enregistrement de la vidéo visionnée lors de l'audition, savoir sommairement :

1.        Ça débuté à 18 h 33:04.

2.      À 18 h 34:00, il est arrivé à sa résidence et le policier lui a crié que ses plaques ne sont pas normales. Les gyrophares n'étaient pas en opération. Il lui demande de s'identifier.

3.      Le policier le prend par le bras (on constate de fait qu'il le tire). Il ne le lâche pas et sa chemise a déchiré (p. 88, n.s. 14-06-06). Le lunch a tombé par terre. Le policier a offert de lui faire goûter le tas de terre lequel apparaît sur la vidéo. Il prend son téléphone. Le policier lui dit que s'il veut entrer, il va entrer et il s'est introduit dans sa résidence à 18 h 36.

4.      Vers 18 h 38:30, il se trouve à l'extérieur, ne portant rien sur le dos Il informe l'agent de vérifier sa plaque d'immatriculation, qu'elle était légale.

5.      À 18 h 40:53 précisément, les policiers sont arrivés sur les lieux en renfort.

 

 

6.      À 18 h 41 et les minutes suivantes, on voit la scène impliquant les policiers avec Labonté. Sa narration du visionnement correspond à celle donnée précédemment.

7.      À 18 h 44 environ, Éric arrive sur les lieux. Il est vêtu d'un pantalon noir. Il lui indique le numéro de matricule. Ils sont dans l'attente de l'ambulance.

8.      À 18 h 45, il ne se passe rien de particulier. Les policiers éloignent les gens de la rue.

9.      À un moment donné, il informe les policiers qu'ils sont filmés, sans toutefois savoir, dit-il, si sa caméra fonctionnait.

10.    L'ambulance est arrivée à 18 h 54:36.

[125]     La vidéo est déposée en preuve (pièce P-3 ) ainsi que la chemise (pièce P-2). Il signale la déchirure située en dessous du bras gauche, en précisant qu'il n'y avait plus de boutons.

[126]     Du contre-interrogatoire, la Cour note principalement ce qui suit :

1.      Si l'agent Côté avait été poli, il aurait été le voir à son véhicule. Il lui a répondu de la même façon qu'il a été abordé.

2.      Le policier était très agressif. Il criait, parlait très fort, lorsqu'il l'a abordé de l'autre côté de la rue.

3.      Il lui a demandé son permis, après lui avoir pris le bras. Il s'est libéré de son emprise. Il n'a pas exhibé son permis.

4.      Ç'a changé complètement, lorsqu'il a été agressé physiquement.

5.      Il a fait une déclaration écrite à la maison qu'il a remise à un employé, Philippe Gouin, pour transcription et correction d'orthographe. Il a jeté son brouillon. Il a remis sa déclaration à la Sûreté du Québec.

6.      Il pouvait apercevoir, dans un miroir, le véhicule patrouille qui l'a suivi sur une distance de 1.2 kilomètres.

7.      Après avoir été attaqué physiquement, il est devenu colérique.

8.      Après l'avoir aspergé 2 fois avec du poivre de Cayenne, l'agent a fait un geste en lui montrant sa matraque, en disant que ça va marcher. Il a perçu cela comme une menace.

9.      Le policier lui tenait son bras, pendant qu'il se trouvait sur son tas de terre, tout en lui offrant de lui faire goûter.

10.     Par contre, il ne l'a pas mis en état d'arrestation.

 

 

11.   En faisant un doigt d'honneur, il s'est retourné. L'agent l'a accroché, il a été projeté pour finalement passer par la porte-patio.

12.    Il avait déposé sa chemise à côté de la chaise.

13.    Lorsqu'il a été gazé la première fois avec du poivre de Cayenne, il se trouvait en bas du patio. Le policier a dit « couche-toi à terre » (p. 157, n. s. 14-06-06). Il a refusé. C'est lors de la deuxième fois, qu'il lui a mentionné qu'il allait le gazer à nouveau s'il n'écoutait pas.

14.    Ses yeux au contact du poivre ont chauffé au bout d'une couple de minutes. Ce ne fut pas assez pour qu'il soit obligé de se fermer les yeux.

15.    Au moment où le policier a utilisé le bâton télescopique, il conversait avec la voisine. Il ne se souvient pas s'il a discuté avec le policier. Il a demandé à la voisine d'appeler le 911. Il voulait donner « le lunch aussi pour la petite fille … » (p. 160 n.s. 14-06-06). S'il a parlé au policier, c'est pour lui dire « que c'était un malade, ce n'est pas compliqué, c'est ça » (p. 160, 161, n.s.14-06-06).

16.    Il ne se souvient pas précisément à quel moment il s'est rendu à la Sûreté du Québec. Ça se peut que ce soit le 7 juin.

17.    Il ne connaît pas l'agent Côté et croit que c'est la première fois qu'il le voyait.

18.    Il a peut-être déjà dit à un journaliste du Journal de Québec que le policier avait agi par vengeance (p. 214, n.s. 14-06-06). Il ajoute que le texte du journal comporte des creux et qu'il a mal été interprété en faisant référence  à de la vengeance (p. 214, n.s. 14-06-06).

19.    Il précise le contexte de la déclaration à la Sûreté du Québec (p. 132, 133, n.s. 14-06-06).

[127]     Pour le surplus, le contre-interrogatoire a porté principalement sur des événements collatéraux impliquant M. Labonté et des policiers dans d'autres événements antérieurs, afin de démontrer notamment son comportement, son attitude dans de telles circonstances. (p. 206 et s., n.s. 14-06-06)

[128]     À la toute fin de son témoignage, il affirme qu'aucun policier ne l'a identifié personnellement. C'est lui qui s'est identifié lors des 2 premières demandes verbales des policiers (p. 320, n.s.14-06-06)

[129]     À l'hôpital la policière n'a jamais dit qu'on lui enverrait une sommation. (p. 321, n.s. 14-06-06)

 

 

4.         CHANTAL LEPAGE

[130]     C'est le deuxième voisin de Labonté.

[131]     Il ne le connaît pas personnellement.

[132]     Il est assis sur son patio accompagné de sa fille et de son ami.

[133]     Il a entendu à un moment donné du verre cassé et un enfant qui pleurait.

[134]     Il s'est rendu chez son deuxième voisin.

[135]     Il a aperçu Joël Labonté et le policier entre le balcon et le « carport ». Il se trouvait en dessous du « carport ». Le policier l'avisa de retourner chez-lui, tout était sous contrôle.

[136]     Labonté saignait. L'agent a demandé à Labonté de se coucher à terre. Il ne semblait pas vouloir obtempérer à la demande du policier. Le policier a réitéré sa demande et a fini par lui lancer quelque chose à son visage. Il n'a pu identifier ce que c'était réellement. C'était, dit-il, comme une « hose ».

[137]     Il s'est dirigé en avant. D'autres policiers sont arrivés ainsi que les ambulanciers.

[138]     Il n'a pas entendu Labonté parler, le policier ayant une voix plus forte que lui.

[139]     La voisine se trouvait sur son patio. Elle a pris en charge la petite fille qui était traumatisée, criait.

[140]     Alors qu'il se trouvait à l'avant de la résidence de Joël Labonté, il a constaté que le policier voulait toujours lui mettre les menottes.

[141]     Il a été menotté lors de l'arrivée des policiers.

5.         MÉLODIE BOUDREAULT

[142]     Sa résidence se situe à droite de celle de Labonté. Elle se trouvait sur son patio avec ses 2 enfants, dos au « carport » de la résidence de Labonté. Elle a entendu arriver le véhicule de son voisin. Il faisait du bruit.

[143]     La petite fille de son voisin s'est dirigée vers son tremplin. Elle relate comme suit ce qu'elle a vu et entendu vers 6 h 30, 6 h 45 :

1.      « Ça me tente pas de me battre, c'est du niaisage ».

2.      Une porte a « claqué » et des paroles fortes provenaient de l'intérieur de la résidence.

3.      Labonté a passé à travers la porte et a fracassé la vitre de la table.

4.        La petite était sur la «trempoline».

5.      Joël a descendu la marche de son patio, suivi du policier. À un moment donné, il se trouve près de la clôture située entre sa résidence et celle de son voisin.

6.      Il lui demande de signaler le 911, ce qu'elle fit. Elle confirme les conversations tenues lors de cet appel, qui ont fait l'objet d'audition (pièce P-4). Lors du premier appel, elle dit allo, allo! et a raccroché. Un deuxième appel s'ensuivit du préposé au 911. Elle lui signale qu'un policier et un gars à côté sont en train de se battre, alors que la petite fille est là. Le répartiteur répète le message à un autre.

7.      Elle avait rentré ses enfants. La jeune fille se trouvait sur son patio, pleurait et criait.

8.      Lorsqu'il se trouvait sur le bord de la clôture séparant leurs terrains, elle a constaté que Labonté saignait, était un petit peu abasourdi, sonné un peu, en état de choc.

9.      À sa connaissance, personne ne parlait.

10.   Joël Labonté l'informe que la petite fille n'avait pas mangé. Le policier a répondu d'attendre quelque 5 minutes.

11.   Elle lui a demandé si elle devait téléphoner à la mère de Kimberley. Joël a répondu qu'elle n'était pas à Québec. C'est ainsi qu'il a mentionné au policier « tu vois bien je suis monoparental ». Le policier n'a pas répondu.

12.   Quand elle a « ressorti de l'appel du 911 » , le policier a mentionné « je vais te gazer un autre coup » (p. 29, n.s. 15-06-06), puis il l'a gazé. Elle se trouvait à une distance de 4 à 5 pieds de Labonté. Ça pu se dérouler en l'espace de 2 minutes, après le bris de la table patio.

13.   Le policier avait le gaz dans une main, puis tenait son bâton, sa matraque dans l'autre.

[144]     En contre-interrogatoire, elle apporte les précisions suivantes :

1.      Le policier ne l'a pas injurié, ni crié après. En tout temps, personne n'a crié.

2.      Le policier était en possession d'une matraque, sorte de bâton télescopique. Il ne l'a pas utilisé, ni tenté de frapper Joël.

3.      C'était tendu, mais pas agressif.

 

 

 

4.      Elle a vu Labonté exécuter un rond en partant de la clôture pour se diriger vers le balcon et revenir à la clôture. Elle ne l'a pas vu se promener dans la cour.

5.      Elle n'a pas entendu le policier sommer Joël de se coucher au sol pour le menotter, ni Joël refuser d'obtempérer.

6.         ÉRIC GINGRAS

[145]     M. Gingras est informaticien pour Alarme Protection Plus inc. Joël est son employeur.

[146]     Il a reçu le 2 juin 2005 un appel vers 6 h. Il n'a pu identifier qui parlait, mais il entendait dire sort d'ici, sort d'ici.

[147]     Il a reçu un deuxième appel.

[148]     Joël Labonté l'informe qu'il y a un intrus chez-lui qui est en train d'arracher sa chemise. C'est ainsi qu'il a décidé de téléphoner au 911. L'appel a d'ailleurs été auditionné et produit comme pièce P-5.

[149]     En compagnie de Philippe Gouin, d'un stagiaire et d'une dénommée Mélanie, il décide de se rendre sur les lieux. Ils sont arrivés environ 5 minutes après l'appel. M. Labonté était debout, menotté, bras à l'arrière et saignait beaucoup. Il n'était pas agressif. Des policiers surveillaient et avaient formé un périmètre. Ils refusaient l'accès et un policier lui a mentionné que l'individu était en état d'arrestation. Joël Labonté lui a donné le numéro de matricule du policier.

[150]     Il s'est rendu finalement à l'hôpital.

7.         PHILIPPE GOUIN

[151]     M. Gouin est un travailleur autonome.

[152]     Éric Gingras l'a informé de l'appel de Joël Labonté. Il s'est rendu au domicile de Labonté.

[153]     Joël se trouvait en dessous du « carport » et avait les bras ensanglantés.

[154]     Il se tenait debout. Un policier l'informe qu'il avait été arrêté pour entrave.

[155]     Subséquemment aux incidents, M. Labonté lui a demandé de transcrire sa déposition.

[156]     Il a recopié le texte manuscrit et l'a remis sur le bureau de son patron. Il n'est pas certain que ça représente le mot à mot, puisque ce n'est pas un texte écrit.

[157]     Le 15 juin 2006, il ne se souvient pas s'il a déclaré aux policiers Bourque et Lessard que c'était un texte écrit sur un ordinateur.

C-        PREUVE DU VOIR-DIRE

[158]     Par ailleurs, on a admis de part d'autre que la preuve au voir-dire est produite en preuve principale.

[159]     Lors du voir-dire, la défense a fait entendre M. Renaud Sévigny de la Sûreté du Québec. Il est retraité depuis 3 ans.

[160]     C'est lui qui a pris la déclaration de M. Labonté suite aux incidents.

[161]     Son témoignage est fort imprécis et non fiable.

[162]     En effet, il reconnaît qu'il a pris l'essentiel de ce qui lui a été dit, dans le sens qu'il y avait matière à enquête.

[163]     Il ne transcrit pas le mot à mot. Il admet qu'il fait de l'interprétation personnelle.

[164]     Il précise même qu'il a lu la déclaration en diagonale, car il avait d'autres choses à faire.

[165]     Par contre, il précise d'emblée qu'il a rencontré M.Labonté le 7 juin 2005, vers 18 h 30, pour une plainte de voies de fait contre un policier.

[166]     La défense, dans le cadre de ce voir-dire, a fait également entendre l'accusé Jean-Pierre Côté.

[167]     Pour sa part, la Couronne a fait entendre le sergent Martin Dionne et l'enquêteur Yves Simard, tous deux supérieurs hiérarchiques de l'agent Jean-Pierre Côté.

PRINCIPES JURIDIQUES

A.     DISPOSITIONS LÉGISLATIVES PERTINENTES

[168]     Dans le cas sous étude, il appert que les infractions alléguées par le policier Côté, qui ont été à la base de son intervention, relèvent strictement du Code de sécurité routière du Québec assujetti au Code de procédure pénale.

 

[169]     Dans cet ordre d'idée, il importe de reproduire les articles pertinents du Code de procédure pénale :

Art. 72 C.p.p. : L'agent de la paix qui a des motifs raisonnables de croire qu'une personne a commis une infraction peut exiger qu'elle lui déclare ses nom et adresse, s'il ne les connaît pas, afin que soit dressé un constat d'infraction.

 

L'agent qui a des motifs raisonnables de croire que cette personne ne lui a pas déclaré ses véritables nom et adresse peut, en outre, exiger qu'elle lui fournisse des renseignements permettant d'en confirmer l'exactitude.

 

Art. 73 C.p.p. : Une personne peut refuser de déclarer ses nom et adresse ou fournir des renseignements permettant d'en confirmer l'exactitude tant qu'elle n'est pas informée de l'infraction alléguée contre elle.

 

Art. 74 C.p.p. : L'agent de la paix peut arrêter sans mandat la personne informée de l'infraction alléguée contre elle qui, lorsqu'il l'exige, ne lui déclare pas ou refuse de lui déclarer ses nom et adresse ou qui ne lui fournit pas les renseignements permettant d'en confirmer l'exactitude.

 

La personne ainsi arrêtée doit être mise en liberté par celui qui la détient dès qu'elle a déclaré ses nom et adresse ou dès qu'il y a confirmation de leur exactitude.

 

Art. 75 C.p.p. : L'agent de la paix qui constate qu'une personne est en train de commettre une infraction peut l'arrêter sans mandat si l'arrestation est le seul moyen raisonnable à sa disposition pour mettre un terme à la perpétration de l'infraction.

 

La personne ainsi arrêtée doit être mise en liberté par celui qui la détient dès que celui-ci a des motifs raisonnables de croire que sa détention n'est plus nécessaire pour empêcher la reprise ou la continuation, dans l'immédiat, de l'infraction.

 

Il ne peut, le cas échéant, utiliser que la force nécessaire.

 

Art. 83 C.p.p. : L'agent de la paix ne peut, dans l'application du présent chapitre, pénétrer dans un endroit qui n'est pas accessible au public, sauf dans le cas prévu aux articles 84 et 85.

 

Art. 84 C.p.p. : Un agent de la paix peut pénétrer dans un endroit qui n'est pas accessible au public s'il a des motifs raisonnables de croire qu'une personne est en train d'y commettre une infraction qui risque de mettre en danger la vie ou la santé des personnes ou la sécurité des personnes ou des biens et que l'arrestation de cette personne est le seul moyen raisonnable à sa disposition pour mettre un terme à la perpétration de l'infraction.

 

Avant de pénétrer dans cet endroit, l'agent de la paix donne, si c'est possible, compte tenu de la nécessité de protéger les personnes ou les biens, un avis de sa présence et du but de celle-ci à une personne qui s'y trouve.

 

Art. 85 C.p.p. : L'agent de la paix qui a des motifs raisonnables de croire qu'une personne s'enfuit pour échapper à son arrestation peut la poursuivre jusque dans l'endroit où elle se réfugie.

Avant de pénétrer dans cet endroit, l'agent donne un avis de sa présence et du but de celle-ci à une personne qui s'y trouve, sauf s'il a des motifs raisonnables de croire qu'un tel avis permettra à la personne devant être arrêtée d'échapper à son arrestation.

 

Art. 86 C.p.p. : Pour pénétrer dans un endroit, l'agent de la paix ne peut utiliser, le cas échéant, que la force nécessaire.

[170]     En défense, on invoque les dispositions de l'article 25(1) du Code criminel :

« Quiconque est, par la loi, obligé ou autorisé à faire quoi que ce soit dans l'application ou l'exécution de la loi :

a) soit à titre de particulier;

b) soit à titre d'agent de la paix ou de fonctionnaire public;

c) soit pour venir en aide à un agent de la paix ou à un fonctionnaire public;

d) soit en raison de ses fonctions,

est, s'il s'agit en s'appuyant sur des motifs raisonnables, fondé à accomplir ce qu'il lui est enjoint ou permis de faire et fondé à employer la force nécessaire pour cette fin. »

[171]     L'article 26 du Code criminel, traitant de l'excès de force, complète cette disposition :

« Quiconque est autorisé par la loi à employer la force est criminellement responsable de tout excès de force, selon la nature et la qualité de l'acte qui constitue l'excès. »

[172]     Le terme « loi » dont fait référence l'article 25 C. cr. s'entend notamment « d'une loi provinciale…» (art. 2(c) C. cr.).

B.        PRINCIPES JURISPRUDENTIELS

[173]     L'article 25 du Code criminel confère, sans plus, une immunité restreinte qualifiée de relative[1]. Elle n'a pas pour but d'accorder aux policiers le droit d'utiliser en toute circonstance la force en procédant à une arrestation.

[174]     Pour se prévaloir de cette immunité dans l'emploi d'une force non excessive, il faut en tout point respecter les conditions prescrites.

[175]     D'entrée de jeu, il est donc nécessaire de déterminer quels sont les éléments essentiels requis.

[176]     La Cour d'appel d'Alberta dans l'arrêt Crampton c. Walton[2] circonscrit 3 éléments essentiels pour qu'un agent de la paix puisse bénéficier de cette protection, soit :

1.    le policier était obligé ou autorisé à faire un geste dans l'application ou l'exécution de la loi;

2.    le policier agit sous la foi de motifs raisonnables;

3.    le policier n'a pas utilisé de force excessive.

[177]     Il importe de dégager plus amplement les principes régissant chacun de ces éléments ou conditions essentielles.

a)         LE POLICIER AUTORISÉ À FAIRE UN GESTE DANS L'APPLICATION OU L'EXÉCUTION DE LA LOI

[178]     Dans ce cadre, un agent de la paix doit intervenir « en s'appuyant sur des motifs raisonnables » justifiant son intervention et d'autre part agir légalement.

[179]     Ces conditions essentielles découlent du libellé de l'article 25(1) du Code criminel.

[180]     À défaut, cette disposition législative ne pourra lui être d'aucun secours.

[181]     Dans l'arrêt Crampton c. Walton[3], la Cour a conclu que cette condition avait été remplie, compte tenu que les actes reprochés au policier avaient été posés lors de l'exécution d'un mandat de perquisition.

[182]     Dans l'arrêt Hudson c. Barantford Police Services Board[4], la Cour d'appel de l'Ontario a jugé que les policiers ne pouvaient invoquer a bon droit cette immunité. Ils avaient agi illégalement, en arrêtant un individu à l'intérieur de sa résidence, sans avoir de mandat d'entrée et sans permission des occupants.

[183]     Selon la Cour, la bonne foi des policiers n'était pas pertinente pour décider du sort de l'article 25 du Code criminel qu'ils invoquaient[5].

[184]     Dans l'arrêt R. c. Macooh[6], la Cour suprême du Canada s'est prononcée, en 1993, sur l'existence d'un pouvoir général des policiers d'entrer dans des locaux privés, aux fins de procéder à une arrestation sans mandat concernant une infraction provinciale, lors d'une « prise en chasse ».

[185]     Dans cette affaire, l'accusé avait grillé un feu rouge et, poursuivi par la police, il s'était réfugié dans un logement. Après avoir frappé à la porte et s'être identifié, le policier est entré de force et a procédé à l'arrestation de Macooh.

[186]     D'abord, la Cour suprême précise que le pouvoir de l'agent de la paix d'arrêter sans mandat n'était pas contesté (par. 1). En effet, l'article 120 de la loi provinciale permettait à un agent de paix d'arrêter « sans mandat  une personne qui, d'après ce qu'il croit pour des motifs raisonnables et probables », a commis une infraction en contravention de l'une des dispositions suivantes, dont celle qui exigeait d'un conducteur qu'il immobilise son véhicule sur demande d'un agent de la paix.

[187]     Soit dit en passant, l'article 636 du Code de sécurité routière du Québec comporte une disposition similaire.

[188]     Pour sa part, M. Macooh prétendait que « les principes énoncés dans l'arrêt R. c. Landry (1986, 1 R.C.S. 145) visent exclusivement les arrestations sans mandat relatives à un acte criminel et ils ne devraient donc pas s'appliquer aux infractions criminelles ». (par. 11 de la décision)

[189]     Dans un premier temps, l'honorable juge Lamer répond comme suit à cette objection, en distinguant les faits en cause de ceux concernés dans l'arrêt Landry savoir :

« À mon avis, la question ne se présente pas tout à fait ainsi. Bien que les juridictions inférieures aient tranché l'affaire sur la base de l'applicabilité de l'arrêt Landry à une infraction provinciale, la question posée à notre Cour est en réalité plus étroite. Il est admis en effet que l'entrée des policiers dans la demeure de Mlle Pack a eu lieu dans le contexte d'une prise en chasse, qui est une exception traditionnellement reconnue par la common law au principe de l'inviolabilité de la demeure, et par conséquent un cas où il existe, en vertu de la common law, un droit d'entrer aux fins d'une arrestation sans mandat. Notre Cour doit donc déterminer uniquement s'il y a lieu d'étendre l'exception que constitue la prise en chasse aux arrestations relatives à des infractions provinciales. Toutefois, avant de passer à cette question, il y a lieu de faire quelques commentaires de nature plus générale sur le concept de prise en chasse. »     » (par. 12)

[190]     Il dispose par la suite de cet argument, en référant notamment aux principes de common law :

«Selon les auteurs W.F. Foster et Joseph E. Magnet ("The Law of Forcible Entry" (1977) 15 Alta. L. Rev. 271), la common law reconnaissait aussi de façon plus générale un droit d'entrer en cas de prise en chasse relativement à toute infraction mineure (misdemeanour), à la condition qu'elle ait été commise en présence du policier. Ils affirment, à la p. 279: [TRADUCTION] "Un agent de la paix peut entrer de force, sans mandat, dans le cas d'un méfait commis en sa présence. L'entrée ne serait pas justifiée si le méfait n'était pas commis en sa présence". (par. 29)

Il est intéressant de noter qu'en l'espèce l'infraction a été commise en présence des policiers conformément à l'exigence mentionnée par Foster et Magnet. Je ne crois toutefois pas qu'il soit opportun d'imposer strictement cette condition au droit d'entrer dans le contexte d'infraction autres que des actes criminels. Cette condition est trop restrictive. Les policiers qui arrivent peu après la perpétration de l'infraction, et voient fuir le contrevenant, devraient en effet pouvoir le suivre jusque dans des locaux privés, tant dans le contexte d'une infraction provinciale que dans celui d'un acte criminel. Ce pouvoir d'entrer devrait également être donné aux policiers qui continuent une poursuite déjà engagée. L'exigence qu'il y ait véritablement une prise en chasse est à mon avis suffisante et permet de répondre aux préoccupations qui sont à l'origine de la condition décrite pas Foster et Magnet. Cela suppose en effet, comme je l'ai dit plus haut, une continuité réelle entre la perpétration de l'infraction et la poursuite entreprise par les policiers. (par. 30)

Toutefois cela ne signifie pas que les policiers pourront entrer dans des locaux résidentiels, dans le cas d'une prise en chasse, afin de procéder à une arrestation relativement à n'importe quel type d'infraction. Mais en l'absence de mandat, il devra toujours s'agir d'une infraction ou de circonstances qui permettent par ailleurs aux policiers de procéder à une arrestation sans mandat. Cette condition, qui n'a pas été discutée dans le contexte du présent pourvoi parce que le pouvoir de procéder à une arrestation sans mandat n'était pas contesté, est essentielle. Elle permet d'assurer que le droit d'entrer s'applique uniquement aux infractions ou aux circonstances que le législateur a jugées suffisamment graves pour justifier un pouvoir d'arrestation sans mandat. Je note à cet égard, à titre d'illustration, que la Highway Traffic Act, auquel l'appelant a contrevenu en l'espèce, ne prévoit un pouvoir d'arrestation sans mandat qu'à l'égard d'un nombre limité d'infraction. (p. 33)

Je conclus en résumé que même sans mandat d'arrestation, il existe, en cas de prise en chasse, un droit d'entrer dans des locaux résidentiels aux fins de procéder à une arrestation tant à l'égard des infractions provinciales que des actes criminels, dans la mesure, cependant, où les circonstances justifient par ailleurs une arrestation sans mandat. L'entrée des policiers était donc autorisée en l'espèce. » (par. 34)

[191]     Par contre, l'honorable juge Lamer limite la portée de cette décision au cas de « prise en chasse », au paragraphe 35, il écrit :

«Nous n'avons pas à nous prononcer aujourd'hui sur l'existence d'un pouvoir général d'entrer dans des locaux privés, aux fins de procéder à une arrestation sans mandat relativement à une infraction provinciale, dans des situations autres que les cas de prise en chasse. »

[192]     Dans leur mémoire, notes et autorités, les procureurs de l'accusé citent 2 décisions du juge Richard Grenier, Cour supérieure, qui a appliqué la théorie de prise en chasse[7].

[193]     Dans une autre décision citée par la défense, la Cour d'appel de l'Ontario a discuté de la notion d'intrus, concernant un policier qui procède à l'arrestation d'un individu pour une infraction provinciale débutant à l'extérieur de la résidence pour se poursuivre à l'intérieur. S'ensuivit à l'intérieur une altercation entraînant le décès de l'individu.

[194]     Le policier a été accusé d'homicide involontaire.

[195]     Il s'agit de l'arrêt Regina c. Tricker[8].

[196]     Les faits sont bien résumés dans le mémoire du procureur en défense :

« L'agent Tricker avait constaté qu'un individu à bord d'un véhicule circulait à une vitesse supérieure à la limite permise. Il l'a suivi sur une courte distance. Le véhicule a finalement tourné dans l'entrée privée d'une résidence et est entré dans un garage. L'agent s'est engagé dans l'entrée privée, est sorti de son véhicule et est allé à la rencontre de l'individu à l'extérieur du garage. Le policier a informé l'individu de l'infraction reprochée et lui a demandé ses documents. L'individu a refusé de les présenter et a également refusé de s'identifier. Il a de plus ordonné au policier de quitter son terrain. Toutefois, les faits ne sont pas clairs quant à l'ordre où ces paroles ont été prononcées, c'est-à-dire avant ou après l'ordre de s'identifier. Suivant ce refus, le policier a mis l'individu en état d'arrestation. Il a tenté de maîtriser physiquement l'individu et ce dernier a résisté. L'altercation a débuté à l'extérieure de la résidence et s'est poursuivie à l'intérieure. L'individu est décédé suite à l'emploi de la force par le policier à son endroit. (sic)

Un point litigieux dans cette affaire était la détermination de la légalité de l'arrestation exécutée par l'agent Tricker. Ce point avait donc comme sous question:

Whether the appelant was at all times a trespasser on the deceased's property, or whether he may have legally come onto the property but could have become a trespasser because he was ordered off of the property before he had legal grounds to arrest the deceased without warrant.

Il était incontestable en l'espèce qu'un agent ne pouvait arrêter sans mandat un individu commettant un excès de vitesse. L'arrestation sans mandat devenait possible une fois que l'individu avait refusé d'exhiber son permis de conduire et de s'identifier. » (p. 13, 14, par. 39, 40 notes et autorités)

[197]     Dans cet arrêt, la Cour a noté qu'un agent n'avait pas le pouvoir d'arrêter sans mandat pour excès de vitesse. Il pouvait y avoir arrestation uniquement suite au refus de l'individu d'exhiber son permis de conduire et de s'identifier.

 

 

[198]     Voici les principes énoncés par la Cour d'appel de l'Ontario, traduits dans le pamphlet LE CONSEILLER JURIDIQUE, service des affaires juridiques, no 49, janvier 2005 :

« La personne avait le droit de retirer son invitation implicite. Si elle a retiré son invitation avant que l'appelant (le policier) n'acquière les motifs raisonnables de croire à la commission d'une infraction, celui-ci était alors tenu de quitter les lieux, au risque de devenir un intrus. Mais si ce policier avait acquis les motifs nécessaires pour procéder à une arrestation sans mandat avant que l'invitation ne soit retirée, il pouvait alors légalement arrêter la personne et il était autorisé à utiliser la force nécessaire à cette fin.

La question cruciale à laquelle le jury doit répondre est de savoir si les motifs raisonnables pour procéder à une arrestation sans mandat ont été acquis avant que la permission implicite de se trouver sur la propriété ne soit retirée. Dans l'affirmative, l'arrestation était légale et l'argument de l'intrusion ne serait pas pertinent. Par contre, si la permission a été retirée avant que le policier acquière les motifs pour arrêter, il devenait un intrus s'il refusait de quitter la propriété. Dans ce cas, tout recours à la force par le policier constituait un acte illégal. »

[199]     Ces principes de l'arrêt Tricker ont été réitérés substantiellement en 2006 par la Cour d'appel de l'Ontario, dans l'arrêt La Reine c. Lotozky[9] cité également par la défense.

[200]     Cette affaire concernait une accusation de nature criminelle, soit la conduite en état d'ébriété.

[201]     Dans l'arrêt Cotnoir c. La Reine[10], la Cour d'appel du Québec a reconnu au policier le droit de pénétrer sur une propriété privée, dans le but de remplir leur obligation de maintenir la paix, de prévenir les crimes et de protéger les citoyens.

[202]     À noter que le juge Fish a émis une dissidence.

[203]     Les faits sont exposés aux paragraphes 6 et 7 de la décision :

« Le 17 mai 1996, vers 1 h 30 a.m., les agents de la Sûreté du Québec Sophie Gougeon et Maurice Bélanger patrouillent dans la municipalité d'Évain. Ils connaissent bien le secteur puisqu'ils s'y rendent quotidiennement. Alors que leur auto-patrouille est immobilisée à une intersection, ils remarquent dans le stationnement d'une résidence, le 8 rue de la Montagne, la présence inhabituelle d'un camion dont le moteur fonctionne. L'agent Bélanger distingue la silhouette d'un individu assis sur le siège du conducteur, la tête légèrement accotée mais n'en fait pas part à sa consoeur. Il a cependant songé à s'arrêter à cet endroit, au retour de sa ronde dans le secteur, afin de vérifier si l'individu en question n'était pas victime d'un malaise.

 

Une fois cette résidence dépassée, l'agent Cougeon décide de jeter un coup d'œil dans le rétroviseur de son véhicule automobile et remarque à son tour la présence d'un individu à l'intérieur du camion. Croyant surprendre un voleur sur le fait, elle décide de faire demi-tour. Elle bloque l'entrée de la résidence de façon à ce que le véhicule ne puisse en sortir puis, elle s'approche du camion. Un homme assis sur le siège réservé au conducteur y est endormi. Elle cogne à la fenêtre du véhicule. Le passager se réveille aussitôt et baisse la fenêtre. Une forte odeur d'alcool émane de l'intérieur du véhicule. Au cours de la discussion qui suit, l'agent apprend que l'individu est le propriétaire du camion et de la résidence. En raison de problèmes conjugaux, il a préféré demeurer dans son camion avant d'entrer chez lui. Au cours de leur conversation, l'agent constate que l'appelant présente les symptômes habituels d'un individu dont les capacités sont affaiblies par l'effet de l'alcool. Elle le somme de le suivre jusqu'à l'auto-patrouille pour lui faire subir un test de dépistage. Il échoue et est aussitôt mis en état d'arrestation. »

[204]     L'honorable juge Pidgeon fait état d'abord des pouvoirs généraux conférés aux agents de la paix :

« Les pouvoirs conférés aux agents de la paix afin d'exercer utilement leurs fonctions sont énumérés dans le Code criminel, dans les diverses lois créant les corps policiers ainsi que dans certaines lois provinciales spéciales telles que le Code de la sécurité routière [Voir Note 2 ci-dessous]. De plus, certains pouvoirs leurs sont octroyés par la common law [Voir Note 3 ci-dessous]. Toutefois, ces derniers pouvoirs ne sont pas définis avec précision. » (par. 11)

______________

Note 2:                         L.R.Q., c. C-24.1

Note 3:                         P. BÉLIVEAU et M.VAUCLAIR, Principes de preuve et de procédures pénales, 6e éd., Montréal, Les Éditions Thémis, 1999, aux pp. 51 à 53.

_______________

[205]     Dans le cas où une conduite policière porte prima vacie atteinte à la liberté ou à la propriété d'une personne, comme le fait de pénétrer sur un terrain privé d'un citoyen, M. le juge Pidgeon propose un test en 2 étapes exposé par l'honorable juge Lamer dans l'arrêt R. c. Godoy[11] :

« Le critère reconnu pour évaluer les pouvoirs et les devoirs des agents de police en common law a été exposé dans l'arrêt Waterfield, précité que notre cour a suivi dans R. c. Stenning, [1970] R.C.S. 631, Knowlton c. La Reine, [1974] R.C.S. 443 et Dedman c. La Reine [1985] 2 R.C.S. 2. Si la conduite policière constitue de prime abord une atteinte à la liberté ou à la propriété d'une personne, le tribunal doit trancher deux questions : premièrement, la conduite entre-t-elle dans le cadre général d'un devoir imposé par la loi ou reconnu par la common law? Deuxièmement, la conduite, bien que dans le cadre général d'un tel devoir, comporte-t-elle un exercice injustifiable des pouvoirs découlant de ce devoir? [Voir Note 5 ci-dessous] ». (par. 12)

_______________

Note 5:                         Ibid., aux pp. 318-19.

_______________

[206]     Concernant la 2e étape de ce test, monsieur le juge Pidgeon écrit à ce propos aux paragraphes 19 et 20 de la décision :

« Dans l'arrêt R. c. Simpson [Voir Note 12 ci-dessous] le juge Doherty, cité avec approbation par le juge Lamer dans l'affaire Godoy [Voir Note 13 ci-dessous] a défini de la façon suivante ce que l'on devait entendre par l'exercice "justifié" des pouvoirs conférés aux agents de police. »

_________________

Note 12:           (1993) 79 C.C.C. (3d) 482.

Note 13:           Précité, note 4

_________________

[…] the justifiability of an officer's conduct depends on a number of factors including the duty being performed, the extent to which some interference with individual liberty is necessitated in order to perform that duty, the importance of the performance of that duty the public good, the liberty interfered with, and the nature and extent of the interference [See Note 14 below].

_______________

Note 14:           Ibid, à la p. 499

_______________

À la lumière de ces facteurs, je suis d'avis que la conduite des agents Gougeon et Bélanger n'équivalait pas à un exercice injustifiable des pouvoirs conférés aux agents de la paix. D'une part, les soupçons de l'agent Gougeon étaient suffisamment sérieux et, d'autre part, la présente affaire ne met pas en question les pouvoirs d'arrestation des agents de la paix. Elle soulève uniquement la question de leurs pouvoirs d'enquête à titre de pouvoirs accessoires à leur obligation de secours et de prévention du crime. Ici, la seule façon pour la policière de vérifier l'identité de la personne dans le véhicule automobile consistait à pénétrer sur cette propriété. En outre, cette intrusion dans la cour de l'appelant ne portait pas atteinte de façon démesurée à l'inviolabilité de la propriété privée et était nécessaire dans les circonstances. L'atteinte pourrait même être qualifiée de purement technique. D'autre part, les agents pouvaient présumer détenir une autorisation implicite du propriétaire de pénétrer sur son terrain afin de prévenir la perpétration d'une infraction contre ses biens. Enfin, comme l'a mentionné le juge Sopinka dans l'arrêt Belnavis [Voir Note 15 ci-dessous] "il existe une différence marquée en matière d'atteinte raisonnable en matière de vie privée selon que la personne qui l'invoque se situe dans sa résidence ou dans une automobile".

__________________

Note 15:           R. C. Belnavis, [1977] 3 R.C.S. 341.

__________________

b)        LE POLICIER A AGI SOUS LA FOI DE MOTIFS RAISONNABLES, SANS FORCE EXCESSIVE

[207]     Il s'agit donc de deux autres conditions requises pour qu'un agent de la paix puisse bénéficier de cette immunité relative.

[208]     Quant aux motifs raisonnables, le juge doit se demander si le policier avait des motifs raisonnables d'utiliser la force, lors de son intervention. La Cour réfère particulièrement à l'arrêt précité Crampton c. Walton, Cour d'appel d'Alberta.

[209]     Quant à la qualification de la force afin de déterminer si elle est excessive ou non, dans l'arrêt Crampton c. Walton, la Cour d'appel d'Alberta précise les critères applicables. Au paragraphe 21, page 7 des notes et autorités de la défense, on résume bien l'énoncé de la Cour d'appel, savoir :

«La Cour d'appel d'Alberta a réitéré que le critère applicable était le critère objectif modifié et qu'on ne peut exiger de l'agent qu'il  évalue le degré précis de la force requis. Dans ce même arrêt, la Cour a ajouté qu'un agent ne sera pas privé de la protection de l'article 25(1) s'il n'utilise pas la force minimale requise pour arriver au résultat désiré. À l'instar de l'affaire Asante-Mensah, on y souligne que les policiers sont souvent placés dans des situations où ils doivent prendre des décisions difficiles rapidement. Considérant ceci, on doit leur accorder une certaine latitude. »

ANALYSE

CONTEXTE JURIDIQUE

[210]     Tel que spécifié précédemment, le prévenu invoque l'article 25 du Code criminel au soutien de sa défense.

[211]     La finalité de l'article 25 est de prescrire une immunité relative lors de l'utilisation d'une force non excessive, bénéficiant généralement à ceux qui appliquent la loi comme citoyen, officier public, agent de la paix ou simple citoyen assistant un agent de la paix ou un officier public.

[212]     Pour être protégé, ces catégories de personnes doivent toutefois agir, étant alors obligées ou autorisées à poser un geste, dans l'application ou l'exécution de la loi. Pour ce faire, ils doivent agir légalement, de façon prudente et avec diligence, en s'appuyant sur des motifs raisonnables justifiant l'intervention[12].

 

 

[213]     Les policiers, pour leur part, accomplissant légalement ces gestes conformément aux prescriptions du paragraphe 1 de l'article 25 du Code criminel, seront donc protégés contre toutes responsabilités pénales ou criminelles.

[214]     Si l'arrestation n'est pas justifiée, est illégale, le recours à la force au sens de l'article 25 du Code criminel n'est pas justifié et toute force employée est pour ainsi dire inappropriée et illégale.

[215]     Malgré tout, même si les policiers sont justifiés à employer la force, s'ils le font de manière excessive, leur responsabilité doit être engagée[13].

[216]     Dans le cas sous étude, l'intervention initiale du policier Côté a l'égard de Joël Labonté repose sur des infractions relevant du Code de sécurité routière.

[217]     Or, le Code de sécurité routière est régi par le Code de procédure pénale (C.p.p.). En adoptant le C.p.p., le but du législateur était de créer un code uniforme d'application générale pour régir toutes les procédures de nature pénale, tant à l'égard des lois que des règlements, à l'exception des poursuites en matière disciplinaire[14].

[218]     Qu'en est-il donc du pouvoir d'intervention et d'arrestation d'un policier agissant en vertu du Code de la sécurité routière?

[219]     Ayant indéniablement l'obligation d'intervenir et d'agir légalement, un agent de la paix doit pour ce faire respecter les modalités prescrites par le code qui régit l'application du Code de sécurité routière, soit le Code de procédure pénale.

[220]     Or, « aucun article du Code de procédure pénale ne prévoit la possibilité d'obtenir un mandat d'arrestation pour une offense pénale québécoise », à l'exception de la Loi sur les infractions en matière de boissons alcooliques[15].

[221]     Par ailleurs, « le Code de procédure pénale accorde le pouvoir d'arrestation sans mandat à un agent de la paix dans les 3 situations suivantes[16] » :

1.        L'article 74 du code le permet à un agent de la paix à l'égard d'une « personne informée de l'infraction alléguée contre elle qui, lorsqu'il l'exige, ne lui déclare pas ou refuse de lui déclarer ses nom et adresse ou qui ne lui fournit pas les renseignements permettant d'en confirmer l'exactitude. Dans ce cas, la personne doit être mise en liberté dès qu'elle a fourni les renseignements nécessaires à son identification.

 

 

2.      L'article 75 le prévoit à l'égard d'une personne dont l'agent constate qu'elle est en train de commettre une infraction, dans la mesure où l'arrestation est nécessaire pour mettre un terme à l'infraction et qu'il n'y a pas d'autre moyen raisonnable d'y mettre fin.

3.      Selon l'article 79, « l'agent de la paix qui a exigé un cautionnement peut arrêter sans mandat le défendeur qui refuse ou néglige de le payer ».

[222]     Dans le cas d'arrestation, l'article 82 du C.p.p. exige que l'agent de la paix « doit déclarer ses nom et qualité à la personne qui l'arrête et l'informer des motifs de l'arrestation ». Il ne peut, le cas échéant, utiliser que la force nécessaire.

[223]     Dans le présent cas, c'est l'article 74 du Code de procédure pénale qui est pertinent, c'est-à-dire l'arrestation sans mandat d'une personne informée du ou des infractions alléguées contre elle qui refuse de déclarer, si requis, ses nom et adresse ou, à tout le moins, ne lui fournit pas les renseignements permettant d'en confirmer l'exactitude.

[224]     Toutefois, avant de requérir d'une personne qu'elle s'identifie, l'agent de la paix doit se conformer en tout point à certaines prémices impératives.

[225]     Dans un premier temps, il importe de référer à l'article 72 du C.p.p. :

« Art. 72 C.p.p.: L'agent de la paix qui a des motifs raisonnables de croire qu'une personne a commis une infraction peut exiger qu'elle lui déclare ses nom et adresse, s'il ne les connaît pas, afin que soit dressé un constat d'infraction.

L'agent qui a des motifs raisonnables de croire que cette personne ne lui a pas déclaré ses véritables nom et adresse peut, en outre, exiger qu'elle lui fournisse des renseignements permettant d'en confirmer l'exactitude.»

[226]     Dans un deuxième temps, si l'intervention de l'agent de la paix intervient « dans un endroit qui n'est pas accessible au public » pour pouvoir pénétrer, il doit, conformément à l'article 83 du C.p.p., se trouver dans l'une ou l'autre des situations prévues aux articles 84 et 85.

[227]     En l'occurrence, l'article 85 du C.p.p. peut avoir un certain intérêt puisque invoqué par le procureur de l'accusé. Ainsi, selon cette disposition, « l'agent de la paix qui a des motifs raisonnables de croire qu'une personne s'enfuit pour échapper à son arrestation peut la poursuivre jusque dans l'endroit où elle se réfugie. Dans un tel cas, il « ne peut utiliser le cas échéant que la force nécessaire ». (Art. 86 C.p.p.)

 

 

 

CONTEXTE FACTUEL

[228]     En conséquence, pour pouvoir invoquer et bénéficier de la présomption d'immunité du paragraphe 1 de l'article 25, un policier doit agir légalement dans l'exécution des fonctions, conformément ainsi aux dispositions du Code de procédure pénale, lorsque l'intervention concerne une ou des infractions relevant du Code de sécurité routière.

[229]     Dans cet ordre d'idée, il est à propos, pour les fins présentes, de référer notamment d'une part aux paragraphes 13 à 46 et 65 (pour partie) de la présente décision relatifs au témoignage de l'agent Côté et d'autre part aux paragraphes 101, 124 et 126 (pour partie) de celui de Labonté concernant les événements qui se sont déroulés à partir du moment où le policier a aperçu le véhicule de Labonté jusqu'au moment où ils sont entrés dans la résidence.

MOTIFS D'INTERVENTION ET IDENTIFICATION

[230]     Il appert que la preuve est contradictoire tant au niveau des motifs d'interception que de l'identification de Labonté.

[231]     Labonté prétend qu'il a donné ses nom et adresse à 2 reprises. Le policier soutient qu'il ne s'est jamais identifié, lors de son arrestation en lui saisissant le bras.

[232]     Selon l'agent Côté, lorsqu'il l'a arrêté en lui retenant le bras, Labonté pointait avec sa main droite l'adresse de sa maison et lui indiquait qu'il était chez-lui. (p. 74, n.s. 23-11-06)

[233]     Quant aux motifs d'intervention, l'accusé affirme les avoir donnés à 3 reprises.

[234]     Il faut par contre apporter certaines nuances.

[235]     C'est plutôt à 2 reprises uniquement qu'il aurait, si l'on prend son témoignage comme avéré, énoncé ses motifs d'intervention avant qu'il ne procède à l'arrestation.

[236]     Lorsqu'il se trouvait dans son véhicule stationné l'autre côté de la rue face à la résidence de Labonté, il n'a fait référence qu'à la plaque d'immatriculation. Il n'a pas été question du banc d'appoint et du silencieux.

[237]     Selon Labonté, en tout temps, il n'a été question que de la plaque d'immatriculation. Il lui a répondu de la vérifier, que tout était légal.

[238]     La Cour n'a pas à choisir entre 2 versions contradictoires. L'accusé a droit au bénéfice du doute raisonnable.

[239]     Par contre, c'est évident que le policier Côté a procédé très rapidement, de façon impromptue. Il ne s'est écoulé qu'une minute environ entre le moment où le véhicule patrouille s'est immobilisé face à la résidence et celui de l'arrestation de Labonté, selon les séquences apparaissant sur la vidéo.

[240]     D'ailleurs, l'accusé admet qu'il n'a pas eu le temps de détailler chaque infraction, compte tenu du manque de collaboration. (p. 145, 146, n.s. 23-11-06)

[241]     Est-ce que Labonté n'a pas pu saisir ou comprendre adéquatement les autres motifs d'intervention qui lui auraient été signalés avant son arrestation à partir du moment où le policier a stationné son véhicule patrouille à l'arrière de celui de Labonté, le tout eu égard aux circonstances?

[242]     C'est fort possible. Par contre, la preuve sur ce n'est pas concluante hors de tout doute raisonnable.

[243]     Par ailleurs, la Cour a eu le loisir de visionner, à plusieurs reprises, la vidéo provenant de la caméra située, lors des événements, dans l'entrée résidentielle de Labonté.

[244]     Voici ce que la Cour a noté précisément :

18:33:38         arrivée de la voiture de M. Labonté;

18:33:41         arrivée du véhicule de police;

18:33:45         M. Labonté stationne son véhicule;

18:33:47         le policier stationne son véhicule (autre côté de la rue);

18:33:55         M. Labonté ouvre la porte du véhicule côté conducteur;

18:33:57         il sort de son véhicule;

18:33:59         il ferme la porte;

18:34:00         le policier avance un peu son véhicule;

18:34:06         M. Labonté passe en avant de son véhicule;

18:34:10         le policier avance son véhicule jusqu'à l'entrée de M. Labonté;

18:34:14         M. Labonté ouvre la porte avant côté passager de son véhicule;

18:34:39         le policier sort de son véhicule;

18:34:40         M. Labonté fait sortir la fillette;

18:34:42         M. Labonté ferme la porte côté passager;

18:34:54         le policier agrippe M. Labonté par le bras, il le tient jusqu'à 18:35:23;

18:34:55         M. Labonté a le pied droit sur le tas de sable;

18:35:00         M. Labonté indique quelque chose au policier avec son bras droit pointé vers la résidence;

18:35:10         la petite fille entre dans la maison;

18:35:23         le policier lâche M. Labonté;

18:35:24         discussion entre M. Labonté et le policier;

18:35:26         la petite fille sort de la maison;

18:35:56         M. Labonté entre dans la maison, suivi du policier;

18:38:31         dans la vidéo, on voit apparaître le bras droit d'un individu avec le torse nu.

[245]     Il n'est pas opportun, pour l'instant à tout le moins, d'élaborer sur la suite des événements apparaissant au DVD, après que les événements sont survenus à l'intérieur de la résidence.

PRISE EN CHASSE

[246]     Sujet à déterminer ultérieurement si l'accusé avait des motifs raisonnables d'intervenir, de croire que Labonté avait commis des infractions au Code de sécurité routière et de procéder à son arrestation pour refus de s'identifier, il importe de préciser que la doctrine de prise en chasse, invoquée en défense, n'a pas d'application en l'espèce.

[247]     Il est bien établi en common law que les policiers ont le pouvoir d'entrer dans des locaux privés, afin de procéder à une arrestation dans le cas de prise en chasse.

[248]     Cette doctrine trouve application dans notre droit notamment dans le cas d'infractions, dans la mesure où il existe une disposition législative permettant l'arrestation sans mandat.

[249]     Par contre, en cas d'infraction provinciale, la Cour suprême du Canada, dans l'arrêt Macooh (précité), apporte certains tempéraments en faisant appel au bon sens. (par. 33 de la décision)

[250]     Le paragraphe 2 de l'article 85 du Code de procédure pénale reconnaît le pouvoir du policier de poursuivre un individu et de pénétrer à l'intérieur d'une résidence, s'il a des motifs raisonnables de croire qu'il s'enfuit pour échapper à une arrestation.

 

 

 

[251]     L'agent de la paix peut aussi le poursuivre jusque dans l'endroit où la personne se réfugie.

[252]     En ce faisant, le législateur codifiait les décisions de la Cour suprême dans Eccles c. Bourque, R. c. Landry et R. c. Macooh[17].

[253]     Le concept de prise en chasse doit être circonscrit pour éviter des abus.

[254]     À ce propos, M. le juge Michel Parent, dans l'affaire La Reine c. Briand[18], précise ce qui suit :

«De plus, le concept de prise en chasse suppose généralement que le contrevenant prend la fuite et se réfugie dans un endroit privé pour échapper à une interpellation ou à une arrestation.

En l'espèce, la preuve révèle que les policiers n'ont même pas signalé leur présence au conducteur. À nul moment, les policiers n'ont eu recours aux gyrophares, à l'appel de phares ou à la sirène pour indiquer au conducteur qu'il devait s'immobiliser.

Le recours aux gyrophares et autres équipements disponibles dans les véhicules patrouilles n'est pas une exigence formelle pour invoquer la doctrine de la prise en chasse. Toutefois, dans le présent dossier, la preuve est nettement insuffisante pour conclure que les policiers pourchassaient le conducteur. ». (par. 90, 91, 92)

[255]     Dans l'arrêt R. c. Caissie[19], la Cour d'appel du Nouveau-Brunswick, confirmant la décision du premier juge, est d'avis que ça nécessite la poursuite d'un contrevenant fugitif :

« Le droit d'entrée en cas de prise en chasse qui existait à common law et qui est confirmé dans l'arrêt Macooh découle d'une situation où il y a eu perpétration d'une infraction et poursuite d'un contrevenant fugitif pour l'arrêter ».

[256]     Dans le volume Capacités Affaiblies[20], Me Harrisson tient les mêmes propos, savoir :

« Une prise en chasse requiert généralement que l'agent de la paix ait signalé au conducteur interpellé de s'arrêter, notamment lorsque les signaux d'urgence du véhicule de patrouille sont allumés et que la personne prend la fuite et se réfugie dans un endroit privé pour échapper à une arrestation. »

 

 

[257]     Dans l'affaire Boutin c. Comité de déontologie policière du Québec[21], le juge de la Cour du Québec conclut que, dès qu'un droit d'arrestation sans mandat est prévu dans une loi provinciale, le policier bénéficie des principes établis dans l'arrêt Macooh et peut entrer par la force dans une maison d'habitation, pour procéder à l'arrestation d'un individu qu'il a pris en chasse.

[258]     De toute évidence, la Cour suprême du Canada, dans l'arrêt Macooh précité, ne donne pas de définition précise du concept « prise en chasse », si ce n'est qu'elle soumet une approche au paragraphe 24 de sa décision en précisant « sous réserve des précisions qui pourraient être nécessaires selon les situations de fait soumises aux tribunaux ».

[259]     Par ailleurs, notamment aux paragraphes 19, 20, 25 et 30 de la décision, la Cour suprême laisse bien entrevoir que la « prise en chasse » s'inscrit dans un contexte de fuite d'une personne dans le but d'échapper à son arrestation lors d'une poursuite policière.

[260]     C'est ce que prévoit d'ailleurs l'article 2 par. 85 qui autorise l'agent de la paix, ayant des motifs raisonnables de croire qu'une personne s'enfuit pour échapper à son arrestation, de la poursuivre jusque dans l'endroit où elle se réfugie.

[261]     En l'instance, la preuve révèle que, lors de la conduite de son véhicule, Labonté n'a jamais été dans une situation de fuite dans le contexte d'une poursuite du policier Côté.

[262]     L'accusé n'a même pas eu recours aux gyrophares pour signaler, en cours de trajet, sa présence au conducteur, lui intimant ainsi l'ordre de s'immobiliser.

[263]     L'accusé soutient qu'il n'y avait pas d'urgence d'actionner les gyrophares et de dépasser des véhicules, compte tenu de la nature des infractions notées et de la sécurité publique.

[264]     La Cour convient que l'utilisation des gyrophares n'est pas une condition sine qua non pour donner ouverture à la doctrine de prise en chasse.

[265]     Par contre, il s'agit d'un élément factuel à considérer parmi d'autres.

[266]     À tout événement, le policier Côté n'a effectué aucune manœuvre dans la conduite de son véhicule patrouille, pour signaler d'une quelconque façon son intention que Labonté immobilise son véhicule.

[267]     Il est pour le moins surprenant de constater que l'accusé n'a jamais exigé, en cours de trajet, que Labonté immobilise son véhicule, compte tenu des circonstances, « pour vérifier le permis de conduire, l'immatriculation et la preuve d'assurance » ainsi que « pour vérifier l'état mécanique du véhicule »[22]. Il pouvait, en effet, légalement se prévaloir de ce droit, en vertu de l'article 636 du Code de sécurité routière.

[268]     Dans ce contexte « pour procéder à une interception, il n'est pas nécessaire que l'agent de la paix ait des motifs de croire qu'une infraction a été commise ou est sur le point de l'être », s'il agit en vertu de cet article[23].

[269]     Ainsi, « dans le cas d'une véritable prise en chasse où le suspect commet une infraction criminelle ou pénale en refusant d'obtempérer à l'ordre du policier d'immobiliser sans délai son véhicule à moteur, un agent de la paix pourrait pénétrer sur le terrain privé pour procéder à son arrestation »[24].

[270]     Dès lors, on ne peut inférer de la preuve que Labonté savait ou devait savoir être l'objet d'une poursuite policière exigeant qu'il immobilise son véhicule. D'ailleurs, Labonté n'a effectué aucune manœuvre ni posé un geste quelconque significatif tel un excès de vitesse pouvant indiquer d'une façon ou d'une autre qu'il fuyait ou en avait l'intention ou voulait distancer le véhicule patrouille.

[271]     Il a tout simplement constaté qu'un véhicule patrouille le suivait, sans plus. Il a continué son trajet pour par la suite s'immobiliser normalement dans son entrée résidentielle.

[272]     Par ailleurs, les propos de l'accusé ne sont aucunement conciliables avec le fait que Labonté se trouvait dans une situation de fuite.

[273]     Dans un premier temps, constatant que Labonté débarquait de son véhicule stationné dans une entrée, il l'a interpellé pour la plaque d'immatriculation dans le but d'avoir du temps, en attente des informations du C.R.P.Q. (p. 67, n.s. 23-11-06)

[274]     Il était assis dans son véhicule stationné l'autre bord de la rue, face à la résidence dont le numéro civique qu'il a noté est le 1345.

[275]     Dans un deuxième temps, il a déplacé son véhicule pour l'immobiliser derrière celui de Labonté. Il l'interpelle à nouveau, toujours dans le but d'acheter du temps à défaut d'avoir reçu les informations pertinentes du C.R.P.Q. Il lui signale la plaque d'immatriculation et pour la première fois, selon ses propos, le silencieux et l'absence d'un banc pour l'enfant, tout en lui demandant en vain son nom.

 

[276]     Bien qu'il n'ait pas eu de retour du C.R.P.Q., il décide de descendre de son véhicule. En s'approchant de Labonté, il réitère, dit-il,  ses motifs d'interception et lui demande son nom d'où refus de s'identifier. À noter que Labonté n'a jamais dit, au cours de son témoignage, que le policier Côté lui avait mentionné ou parlé d'infractions relatives au banc d'appoint de son enfant et au silencieux. Ce dont l'accusé lui aurait fait part, c'est la plaque d'immatriculation.

[277]     C'est à ce moment que l'agent Côté affime l'avoir mis en état d'arrestation pour refus de s'identifier, en le saisissant par le bras.

[278]     La suite des événements démontre sans l'ombre d'un doute raisonnable qu'il n'y avait pas de contexte de fuite de la part de Labonté.

[279]     Labonté lui a dit que ses pièces d'identité étaient dans sa résidence et qu'il voulait communiquer avec son avocat. L'accusé a répondu qu'il n'y avait pas de problème et lui a lâché le bras, tout en l'avertissant que s'il entrait à l'intérieur de sa résidence, il en ferait de même.

[280]     Par contre, lors du contre-interrogatoire, il reconnaît qu'il a pris la latitude de le laisser entrer dans sa résidence, au lieu de le menotter à l'extérieur et d'aller directement au poste.

[281]     En lui lâchant le bras, on allait, précise-t-il, vers une résolution plus adéquate de la situation.

[282]     L'audition de la vidéo démontre que Labonté s'est dirigé vers sa résidence, marchant d'un pas normal. L'accusé le suivait sans plus. D'ailleurs, l'agent Côté reconnaît que personne ne marchait au pas de course.

[283]     Labonté est entré normalement dans sa résidence, sans barrer la porte d'accès.

[284]     Le policier Côté est entré également dans la résidence.

[285]     Par ailleurs, avant que l'accusé ne le saisisse par le bras pour procéder à son arrestation dans l'entrée de la résidence, Labonté avait un comportement adéquat qui ne présentait aucun indice dénotant une intention ou une volonté de fuir, tel qu'il appert à la vidéo.

[286]     Il a tout simplement suivi quelque peu sa jeune fille d'un pas normal, après avoir pris la peine de lui ouvrir la porte côté passager pour la faire descendre et y prendre un sac.

[287]     C'est à ce moment que le policier, qui venait de débarquer de son véhicule patrouille, l'a agrippé par le bras gauche. Ça s'est déroulé très rapidement selon les heures inscrites à la vidéo.

[288]     Eu égard aux circonstances, l'accusé n'avait aucun motif raisonnable de croire que Labonté s'enfuyait pour échapper à son arrestation au sens de l'article 85 du Code de procédure pénale, sans considérer la légalité de l'arrestation et la rationalité des motifs d'intervention dont l'analyse va suivre.

MOTIFS RAISONNABLES D'INFRACTION ET D'ARRESTATION

[289]     La jurisprudence est à l'effet qu'il existe une quelconque invitation, une autorisation implicite par le ou les occupants d'une propriété privée permettant aux membres du public en général de pénétrer dans une entrée privée sans plus, dans la mesure où c'est pour un motif légitime et non pour fins d'investigation ou d'enquête de façon générale, sauf situations particulières.

[290]     Sur ce, la Cour réfère à l'arrêt de la Cour d'appel de l'Ontario R. c. Mulligan (2000, 142 C.C.C., 3e éd. 14).

[291]     Par contre, il ne fait aucune doute que pénétrer en soi sur un terrain privé d'un citoyen constitue à prime abord une atteinte à la liberté et à la propriété, particulièrement lorsque l'individu ne se trouve pas à l'intérieur d'un véhicule automobile.

[292]     Le pouvoir d'arrêter sans mandat est un pouvoir considérable qu'un policier peut certes exercer, mais dans un cadre précis et restreint prévu au Code de procédure pénale, lorsque les infractions alléguées relèvent du Code de sécurité routière.

[293]     « En matière pénale provinciale, les articles 72 à 74 du Code de procédure pénale encadrent les pouvoirs d'interpellation des agents de la paix »[25].

[294]     En vertu de l'article 74 du Code de procédure pénale, l'arrestation par mandat peut se faire dans le cadre de refus de déclarer ses nom et adresse, une fois que la personne a été informée de l'infraction ou des infractions alléguées contre elle.

[295]     Toutefois, pour pouvoir exiger qu'une personne déclare ses nom et adresse, l'agent de la paix doit avoir des motifs raisonnables de croire qu'elle a commis une infraction conformément à l'article 72 du Code de procédure pénale, puisque le but même de requérir l'identification est, au sens de cette disposition, de dresser un constat d'infraction[26].

 

 

[296]     Précisons, avant tout, que même si le paragraphe 1 de l'article 72 fait référence aux « motifs raisonnables » sans spécifier « et probables », il n'en demeure pas moins que selon la Cour suprême du Canada, dans l'arrêt La Reine c. Baron et al[27], le « caractère raisonnable » comprend une exigence de probabilité.

[297]     Une probabilité n'est pas une possibilité[28]. Il ne faut pas confondre ces termes.

[298]     Dans l'arrêt R. c. Beaupré[29], la Cour d'appel du Québec circonscrit l'expression motifs raisonnables aux paragraphes 20 à 22 de la décision :

« Dans l'arrêt R. c. Storrey, [1990] 1 R.C.S. 241, la Cour suprême a développé les critères permettant d'évaluer la légalité d'une arrestation sans mandat. Le juge Cory écrivait au sujet de l'application de l'article 450(1), [maintenant 495(1)] du Code criminel, aux pages 250-251 :

En résumé donc, le Code criminel exige que l'agent de police qui effectue une arrestation ait subjectivement des motifs raisonnables et probables d'y procéder. Ces motifs doivent en outre être objectivement justifiables, c'est-à-dire qu'une personne raisonnable se trouvant à la place de l'agent de police doit pouvoir conclure qu'il y avait effectivement des motifs raisonnables et probables de procéder à l'arrestation. Par ailleurs, la police n'a pas à démontrer davantage que l'existence de motifs raisonnables et probables. Plus précisément, elle n'est pas tenue, pour procéder à l'arrestation, d'établir une preuve suffisante à première vue pour justifier une déclaration de culpabilité.

L'existence de motifs raisonnables doit se justifier au-delà des simples soupçons qu'un agent de la paix peut avoir au sujet d'une personne. (R. c. Kokesh, [1990] 3 R.C.S. 3; Hunter c. Southam, [1984] 2 R.C.S. 145; R. c. Bennet (1996), 108 C.C.C. (3d) 175 (C.A. Qué.)). L'agent de la paix doit croire – personnellement – qu'un crime a été commis ou est sur le point de l'être en se fondant sur des informations fiables et convaincantes sans toutefois nourrir une complète certitude relativement à l'exactitude de ces informations. Bref, le portrait factuel dont bénéficie l'agent de la paix, préalablement à son intervention, doit être sérieux et consistant.

Une fois démontrée la croyance subjective du policier, la Cour doit encore se demander si les exigences relatives au critère objectif proposé dans R. c. Storrey, précité, sont remplies. La Cour doit alors déterminer si une personne raisonnable se trouvant dans la même situation que le policier aurait cru à l'existence de motifs raisonnables justifiant l'arrestation de la personne sans mandat. Dans l'arrêt R. c. Collins [1987] 1 R.C.S. 265, la Cour suprême a déterminé que le concept de «personne raisonnable» se rapportait à une personne de type moyen évoluant au sein de la société. »

 

 

[299]     En somme, l'agent de la paix doit subjectivement croire sincèrement que le suspect a commis l'infraction et, objectivement, cette croyance doit être fondée sur des motifs raisonnables[30].

[300]     À cet égard, dans l'arrêt R. c. Storrey[31], l'honorable juge Correy écrit :

« Il ne suffit pas que l'agent de police croit personnellement avoir des motifs raisonnables et probables d'effectuer une arrestation. Au contraire, l'existence de ces motifs raisonnables et probables doit être objectivement établie. En d'autres termes, il faut établir qu'une personne raisonnable, se trouvant à la place de l'agent de police, aurait cru à l'existence de motifs raisonnables et probables de procéder à l'arrestation.

[…] En résumé donc, le Code criminel exige que l'agent de police qui effectue une arrestation ait subjectivement des motifs raisonnables d'y procéder. Ces motifs doivent en outre être objectivement justifiables, c'est-à-dire qu'une personne raisonnable se trouvant à la place de l'agent de police doit pouvoir conclure qu'il y avait effectivement des motifs raisonnables et probables de procéder à l'arrestation. Par ailleurs, la police n'a pas à démontrer davantage que l'existence de motifs raisonnables et probables, Plus précisément, elle n'est pas tenue, pour procéder à l'arrestation, d'établir une preuve suffisante à première vue pour justifier une déclaration de culpabilité. »

[301]     À ce propos, il est intéressant de constater de quelle façon l'auteur du volume Capacités affaiblies, principes et application[32] formule son raisonnement :

« Lors de la sommation de fournir les échantillons d'haleine jugés convenables pour déterminer son taux d'alcoolémie, l'agent de la paix n'a pas à être convaincu hors de tout doute raisonnable de la perpétration d'une infraction de conduite avec les capacités affaiblies : R. c. Carlton, (1982) 13 M.V.R. 1, 12 Sask.R. 84 (C.A.). Il s'agit plutôt du standard de la probabilité, supérieur à celui de la simple possibilité, mais inférieur à la certitude. En fait, l'agent de la paix doit posséder des motifs tels qu'ils permettent à une personne raisonnable de croire que la personne sommée "more likely than not" a conduit en état d'ébriété dans les trois heures précédant son interception : R. c. Gavin, (1994) 50 M.V.R. (2d) 302, 118 Nfld. & P.E.I.R. 84 (C.A. Î.-P.-É.). »

[302]     Et l'auteur de compléter comme suit sa pensée :

« Aux fins d'apprécier si, tant subjectivement qu'objectivement, l'agent de la paix avait acquis des motifs raisonnables l'autorisant à requérir des échantillons sous l'autorité de cette disposition, il faut se mettre dans sa peau au moment où il a pris sa décision et évaluer le caractère adéquat de cette décision, à la lumière des seuls faits, indices et circonstances qu'il connaissait au moment où il l'a prise, sans spéculation ni extrapolation.

Évidemment, dès le moment où le policier arrête un conducteur et le somme de fournir des échantillons d'haleine, il doit avoir subjectivement et objectivement les motifs raisonnables, les constatations ultérieures ne sont pas pertinentes. »

[303]     En conséquence, il conclut que « les motifs raisonnables sont la résultante d'une combinaison de symptômes …». (p. 89)

[304]     Dans cet ordre d'idée, il ne faut pas confondre motifs raisonnables avec simples soupçons raisonnables.

[305]     À titre d'illustration uniquement, dans l'affaire R. c. Lafrance[33], M. le juge Laramer a décidé que la constatation d'indices (odeur d'alcool, yeux rouges, bouteilles de bière vides, langage lent et haut du corps bougeant légèrement) ne constitue pas objectivement des motifs raisonnables, voire sérieux, dans le contexte où l'accusé se stationne correctement et la remise des documents, la démarche et l'allocution sont normales. Dans ces circonstances où l'agent de la paix dispose de certains symptômes, il est clair que le conducteur a probablement consommé de l'alcool, mais le policier a tout au plus des soupçons raisonnables lui permettant de poursuivre son enquête.

[306]     Dans l'affaire R. c. Beaudoin[34], le juge réfère au Petit Larousse Illustré, édition 2000, pour définir le mot soupçon :

« Opinion défavorable à l'égard de quelqu'un, de son comportement, fondée sur des indices, des impressions, des intuitions, mais sans preuve précise. »

[307]     Dans le cas de soupçons, on peut utiliser la barre de la possibilité plutôt que celle de la probabilité[35].

[308]     En somme, pour rencontrer les critères requis pour conclure qu'un policier a agi en se basant sur des motifs raisonnables, il doit donc exister, peu importe que ça concerne une infraction de nature criminelle ou provinciale, une constellation de faits objectivement perceptibles et significatifs qui lui fournit des motifs raisonnables et probables.

[309]     Dans Traité général de preuve et de procédure pénale, 8e édition 2001, les auteurs Béliveau et Vauclair résument bien l'état du droit sur la question :

« Par ailleurs, la Cour suprême a précisé que le test pertinent est à la fois objectif et subjectif. En effet, la situation doit révéler que l'arrestation est raisonnablement justifiée et l'agent de la paix doit également croire que c'est le cas. En conséquence, ces motifs doivent clairement ressortir des faits qui leur ont donné naissance et doivent s'imposer à tout observateur objectif qui examinerait les circonstances de l'affaire. »

[310]     Compte tenu de l'analyse précitée, est-ce que l'accusé avait, à partir des faits en l'espèce, des motifs raisonnables de croire sincèrement que Labonté avait commis une ou des infractions au Code de sécurité routière?

[311]     La première fois qu'il a interpellé Labonté à partir de l'intérieur de son véhicule automobile stationné face de la résidence du 1345, il fait référence uniquement à la plaque d'immatriculation.

[312]     Lors du contre-interrogatoire, il explique qu'il a désigné la plaque en premier lieu comme motif d'intervention, parce que c'était le montant de l'infraction le plus élevé et que c'était par réflexe vu qu'il venait d'en faire la constatation.

[313]     Lors de la 2e interpellation, son véhicule étant immobilisé derrière celui de Labonté, il déclare, toujours assis dans son véhicule, qu'il l'a avisé des infractions concernant la plaque, l'absence de banc pour l'enfant et le fait que le silencieux n'était pas correct.

[314]     Il a réitéré ses motifs d'interception en s'approchant de Labonté, tout en lui redemandant de s'identifier.

[315]     Il réitère, dit-il, pour la 3e fois les infractions reprochées, mais après qu'il l'eut mis en état d'arrestation pour refus d'identification. (p. 73, n.s. 23-11-06)

LA PLAQUE D'IMMATRICULATION

[316]     En premier lieu, force est de conclure que le policier Côté n'avait aucun motif raisonnable voire même un soupçon raisonnable pour être convaincu, comme il le déclare sans nuance en preuve principale, que la petite plaque commençant par un « C », visionnée sur la rue St-Paul, ne permettait pas de circuler sur un chemin public.

[317]     D'une part, il a avisé Labonté d'une infraction concernant sa plaque d'immatriculation, sans au préalable avoir obtenu les informations du C.R.P.Q.

[318]     Il n'en a pris connaissance qu'à la toute fin de l'opération, après que les ambulanciers eurent pris en charge Labonté pour le conduire à l'hôpital.

[319]     Il a alors constaté, admet-il, son erreur, en vérifiant sur les ondes du C.R.P.Q. L'immatriculation était légale pour une voiture de cette catégorie considérée comme antique.

 

 

 

[320]     Voici son explication :

« Q-  O.K. Puis la plaque, elle, elle est-tu correcte, cette plaque là?

R-     Oui, ça, c'est une plaque… C'est une erreur que j'ai commise, je l'avais confondue avec une plaque V qui permet d'utiliser ça juste sur une exhibition ou dans une cour… dans une cour de commerce. Donc, la plaque C, c'est une plaque qui est émise pour les voitures qui sont antiques, puis qui permet l'utilisation de ces véhicules-là juste sur un… sauf les autoroutes, tous les chemins de soixante et dix (70) kilomètres/heure, je crois, et moins. (p. 147, n.s. 23-11-06)

[321]     D'autre part, en tant que policier d'expérience par surcroît, il est inadmissible qu'il ait confondu la plaque « C » avec la plaque « V ».

[322]     Avant de constater son erreur, il était pourtant convaincu qu'il y avait infraction lors de l'interpellation et l'interception de Labonté.

[323]     Sa conclusion, au départ, ne reposait même pas sur des soupçons raisonnables, considérant que nul et encore moins un agent de la paix n'est censé ignorer la loi.

[324]     Il se devait à tout le moins d'attendre la réponse du C.R.P.Q., avant de porter un jugement de valeur et une conclusion d'infraction.

[325]     Des informations provenant du C.R.P.Q. ont toutes leur importance pour conférer à un policier des motifs raisonnables et probables, lors de certaines interventions.

[326]     Dans l'affaire R. c. Tremblay[36], M. le juge Rousseau a décidé que si des renseignements obtenus dans le cadre d'une séance d'information au poste de police ne constituent que de simples soupçons, la confirmation de ces renseignements par le C.R.P.Q. donnait naissance à des motifs raisonnables.

[327]     Dans l'affaire R. c. Viens[37], le juge souligne que les policiers ont tiré leurs motifs raisonnables « d'une procédure établie et utilisée par tous les corps policiers, soit une référence au C.R.P.Q. ».

LE BANC D'APPOINT

[328]     Qu'en est-il de l'autre motif d'intervention à l'égard d'une infraction pour avoir omis d'installer un siège d'auto approprié requis dans le présent cas?

 

[329]     Étant stationnaire sur la rue St-Jean-Baptiste, l'accusé a constaté  vers 18 h 40 que le véhicule était occupé par un conducteur et un passager.

[330]     Il a conclu qu'il y avait infraction à l'article 397 du Code de sécurité routière, considérant qu'il ne voyait pas le visage du passager, si ce n'est un pouce ou deux uniquement au-dessus de la tête.

[331]     Par après, il fait montre d'imprécision en spécifiant qu'il ne voyait qu'un pouce au-dessus de la tête.

[332]     Voici précisément ce qu'il déclare :

« R-  Là, je constate le conducteur, un homme d'une quarantaine d'années, monsieur Labonté, puis il y a un passager avant; c'est un enfant, je lui vois peut-être un pouce ou deux, là, le dessus de la tête, il est assis à l'avant comme passager. Donc, à ce moment-là, je me dis aussi qu'il y a une autre infraction à ce niveau-là; normalement, un enfant en bas âge, je suis capable de lui voir le visage quand il a un siège d'auto approprié. Donc, de toute évidence, à ce moment là, je vois juste le dessus de la tête, donc, il n'y aurait pas de siège d'auto ou s'il y en a un, c'est sûrement pas approprié, mais je me dis qu'il n'y en a pas. Donc, je suis convaincu à ce moment-là aussi qu'il y a une deuxième infraction qui vient de s'ajouter, soit celle du banc d'auto, là.

Q-     O.K.

R-     Normalement, quand on… quand je suis capable de voir le visage des enfants, c'est parce que c'est approprié, soit qu'ils ont la grandeur ou…

         LA COUR :

Q-     Mais vous dites : vous ne voyez pas le visage.

R-     C'est ça, je vois un pouce, là, le dessus de la tête, là, c'est ce qui me fait croire, là… À ce moment-là, je suis convaincu qu'il y aurait besoin d'un banc d'auto, là, pour l'enfant. ». (p. 45-46, n.s. 23-11-06)

[333]     L'article 397 du Code de sécurité routière édicte ce qui suit :

« Dans un véhicule routier en mouvement, tout enfant dont la taille est inférieure à 63 cm en position assise, mesurée du siège au sommet du crâne, doit être installé dans un ensemble de retenue ou un coussin d'appoint conforme aux règlements pris en application de la Loi sur la sécurité automobile. L'ensemble de retenue et le coussin d'appoint doivent, conformément aux instructions du fabricant qui y sont apposées, être adaptés au poids et à la taille de l'enfant et être installés adéquatement dans le véhicule. (Décret 1483-98, a. 123) »

[334]     Il s'ensuit donc qu'une vérification sommaire visuelle et technique s'impose, afin de constater si d'une part il y a absence de siège d'appoint et d'autre part procéder à certaines mesures de l'enfant, conformément à l'article 397 précité.

 

[335]     L'accusé le reconnaît. Il dit, à ce propos, ceci :

« On parle qu'en position assise, du siège aller au-dessus de la tête, c'est soixante et trois (63) centimètres minimum pour que les… pour que les enfants soient exempts d'un banc d'auto. Donc, il faut mesurer les enfants, là, en position assise, du siège à la tête. » (p. 47, n.s. 23-11-06)

[336]     Pour ce faire, le policier Côté aurait dû procéder, en temps opportun, à une interception dans le cadre de l'article 636 du Code de sécurité routière qui permet en plus d'obtenir certains documents tels permis, immatriculation, de procéder à toutes autres vérifications du véhicule.

[337]     Il ne faut pas perdre de vue que l'accusé a suivi le véhicule sur plus d'un kilomètre et était en possession, admet-il, d'un ruban pour procéder aux mesures requises.

[338]     D'ailleurs, à une question posée à savoir si ça pouvait dépendre de la façon dont l'enfant était assis lorsqu'il a aperçu le véhicule de Labonté, il répond « ça peut être cela aussi ».

[339]     Il a constaté qu'il n'y avait pas de siège d'appoint dans le véhicule uniquement vers la fin de l'intervention, après que Labonté eut été menotté.

[340]     Dans R. c. Duguay, Murphy et Sévigny[38], on a décidé que les policiers ne pouvaient procéder à une arrestation dans le but de faciliter leur enquête, s'ils n'ont pas eu au point de départ les motifs raisonnables. Ils doivent faire abstraction des circonstances et des faits, des éléments de preuve et des indices visuels postérieurs à l'arrestation pour justifier leur intervention.

[341]     Il n'y a eu aucun constat d'infraction d'émis.

[342]     Lors du contre-interrogatoire, il reconnaît que « pour les constats d'infraction, il manquait des technicalités à aller chercher pour amener ça à la Cour éventuellement… » (p. 208, n.s. 23-11-06), puisqu'il n'a pas mesuré l'enfant.

[343]     Ce qu'il mentionne par la suite lors du contre-interrogatoire est fort significatif à l'effet que son point de vue reposait sur des soupçons, des hypothèses et des possibilités sans plus :

« Q-  Bon, mais après, en plus, vous constatez qu'il n'y en a pas de banc d'auto, vous dites que vous avez regardé puis il n'y en avait pas de banc d'enfant, mais vous avez quand même décidé de ne pas émettre un constat d'infraction. Je comprends que vous avez usé de votre pouvoir discrétionnaire? C'est ç que je veux comprendre.

R-     Bien, j'ai pas pu aller vérifier au niveau de la grandeur de l'enfant, donc…

         LA COUR :

         Oui, c'est ç l'affaire, il n'a pas pu vérifier.

         Me Sonia Rouleau

         procureure de la Couronne :

Q-     Oui, mais vous dites qu'il dépassait de un ou deux pouces.

R-     Bien, je peux pas faire une règle de trois pour me dire : ah! bien, l'enfant mesurait quatre pouces et demis (4½) de là, donc, ça faisait soixante et un (61) centimètres. Je pouvais pas faire cette règle de trois là, là.

Q-     O.K.

R-     Du…

Q-     Du siège?

R-     Je peux… je peux faire une approximation du siège aller jusqu'à la vitre, mais là, on joue sur… J'avais pas cette mesure-là, Monsieur le Juge, donc, je pouvais pas…

Q-     O.K. Mais vous auriez pu l'avoir, parce que vous aviez un galon à mesurer avec vous tout le temps?

R-     Bien, j'aurais pu mesurer le siège à la vitre…

Q-     C'est ça.

R-     … comment ça donne, puis là, extrapoler…

         LA COUR :

Q-     Mais…

R-     … sur le pouce ou deux.

         Me SONIA ROULEAU

         procureure de la Couronne :

Q-     Oui.

         LA COUR :

Q-     … est-ce que ça prenait une mesure avant de parler d'infraction?

R-     Non, ça, ça prend pas de mesure avant…

Q-     Bien.

R-     … de parler d'infraction. Bien, pour me donner le motif de voir ça, je le constate quand je vois le visage, là…

Q-     Oui.

R-     Puis je lui vois pas le visage, donc… Tout ce que je vois, c'est un dessus de tête. Donc, c'est sûr qu'à ce moment-là… Mais…

         Me Sonia Rouleau

         procureure de la Couronne

Q-     Ça fait que vous auriez pu mesurer.

         LA COUR :

Q-     Écoutez, écoutez, ça peut dépendre comment un enfant est assis aussi.

R-     Ça peut… ça peut être effectivement ça.

Q-     Bien oui, c'est ça.

         Me SONIA ROULEAU

         procureure de la Couronne :

Q-     Mais ce que je veux dire, monsieur Côté, c'est que malgré le fait que vous avez un galon à mesurer dans vos affaires, là, vous n'avez pas pris le galon à mesurer pour mesurer du banc jusqu'à l'endroit où vous voyez l'enfant dépasser quand vous l'avez vu passer en avant de vous, là, vous n'avez pas fait ça.

R-       Non. » (p. 212 à 215, n.s. 23-11-06)

[344]     Il ne faut pas perdre de vue que l'objectif du paragraphe 1 de l'article 72 du Code de procédure pénale, conférant à un agent de la paix le droit d'exiger d'une personne qu'elle lui déclare ses nom et adresse, s'il a des motifs raisonnables de croire qu'elle a commis une infraction, vise précisément à dresser un constat d'infraction.

[345]     En d'autres termes, la demande d'identification est requise pour la confection d'un constat d'infraction.

[346]     À ce propos, dans l'arrêt récent Guité et al c. Procureur général du Québec[39], la Cour d'appel du Québec écrit au paragraphe 30 :

« En vertu de l'article 72 Code de procédure pénale du Québec, il peut exiger de M. Goupil et Guité qu'ils lui déclarent leurs noms et adresses, afin que soit dressé un constat d'infraction. »

[347]     En l'espèce, l'accusé ne possédait aucun élément pour dresser un constat d'infraction, puisqu'il n'avait pas de motifs raisonnables et probables tant du point de vue objectif que subjectif de conclure à commission d'infraction à l'article 397 du Code de sécurité routière, à défaut de procéder au préalable à une vérification sommaire au moment où il aurait pu ou dû le faire.

 

 

 

TUYAU D'ÉCHAPPEMENT (SILENCIEUX)

[348]     Reste le motif d'intervention en rapport avec le tuyau d'échappement.

[349]     Stationné sur la rue St-Jean-Baptiste, vers 18 h 46, le policier Côté entend un bruit de silencieux provenant d'un Mercury Cougar qui circule vers l'est.

[350]     Ce qu'il a entendu, c'était « comme un bruit de canne » « quelque chose, comme une résonance, puis vibration de tôle ». (p. 44, n.s. 23-11-06)

[351]     Il conclut ainsi :

« C'est un bruit de canne, c'est un bruit, là, comme si des tôles vibraient, là, à ce moment-là. Je ne peux pas dire si ça provient de l'avant ou de l'arrière du véhicule, mais à ce moment-là, là, je me dis que le silencieux, il est soit défectueux ou non conforme, là, selon l'article 213 ou 258 du… » (p. 45, n.s. du 23-11-06)

[352]     Il ajoute ce qui suit :

« Bien, c'est sûr qu'un silencieux, soit d'origine ou qui est conforme, il n'a pas ce bruit-là, ça, c'est sûr. C'est pas un bruit de moteur que j'entends, c'est vraiment un son de résonance. Un Mustang cinq (5) litres par exemple fait un bruit de moteur qui est plus haut que la normale, mais ça, c'est un bruit de moteur. Au niveau du véhicule qui passe en face de moi, c'est vraiment un bruit, là, qui résonne, des tôles qui vibrent. Donc, soit qu'il est perforé, soit c'est un silencieux qui n'est pas conforme au niveau du pot d'échappement comme tel, là. Il y a diverses vérifications techniques à aller faire à ce moment là. » (p. 46, 47, n.s. 23-11-06) (le souligné est du soussigné)

[353]     Par ailleurs, il explique les distinctions afférentes en regard des infractions potentielles au niveau du silencieux tant à l'égard de l'article 213 que de l'article 258 du Code de sécurité de routière, tout en précisant qu'il doit procéder au préalable à certaines vérifications techniques.

[354]     À ce propos, il précise comme suit sa pensée :

« R-  Bien, comme je disais tantôt, il était soit non conforme selon l'article 258 ou qu'il était défectueux selon l'article 213, puis ça, bien, il faut que je fasse des… il faut que j'aille voir les technicalités, là, à côté du silencieux plus, puis il faut que j'observe dans le silencieux même, là, pour voir exactement c'est quel article qui s'applique, là, en l'espèce.

Q-     O.K. Ça fait qu'on se comprend, là, qu'à partir du moment où vous entendez le silencieux faire des drôles de bruits, là, c'est pas à ce moment-là que vous pouvez émettre un billet d'infraction, là?

R-     Bien…

Q-     Vous devez faire des vérifications?

R-     Moi, ça me donne le motif d'aller voir plus loin. Donc, quand je vais voir plus loi, j'apporte une preuve plus technique à la cour, je fais des mesures ou je fais diverses observations à ce moment là, là. Mais que je sois… C'est ça que ça me permet de faire, là.

Q-     Donc, on appelle ça une vérification?

R-     Bien, il faut que je fasse des vérifications, oui, au niveau du silencieux » (p. 135, 136, n.s. 23-11-06)

[355]     En somme, questionné lors du contre-interrogatoire à savoir s'il pouvait émettre un billet d'infraction en attendant « le silencieux faire des drôles de bruit », il répond finalement que ça lui « donne le motif d'aller plus loin » (p. 135, n.s. 23-11-06), pour procéder à des vérifications. (p. 136, n.s. 23-11-06)

[356]     Il ajoute en substance que celui de tôle « comme une résonance », « c'est les premiers indices, c'est les premières observations que je sais qu'il a quelque chose qui n'est pas conforme ». (p. 136, n.s. 23-11-06)

[357]     Par après, il soutient fort curieusement qu'il pouvait émettre quand même un billet d'infraction à ce moment là, tout en énonçant ce qui suit :

«… mais je me vois pas aller à la cour puis apporter une preuve hors de tout doute juste sur des observations que je fais à ce niveau là. Donc, je vais chercher des détails plus techniques qui viennent étayer la preuve, à ce moment- là, en cour.» (p. 137, n.s. 23-11-06)

[358]     Finalement il n'a pas rédigé, émis de constat d'infraction, mais il a plutôt recommandé que des charges soient portées au niveau criminel pour voies de fait et entrave (p. 207, n.s. 23-11-06), tout en qualifiant en quelque sorte sa décision comme suit :

«  R- Puis de toute façon, sur place, je ne suis pas allé vérifier les technicalités que je vous parlais tantôt, là, pour les infractions.

Q-     Lesquelles?

R-     Au niveau du silencieux, la conformité du système ou la défectuosité, selon, là, ou…

Q-     Hum hum!

R-     Puis le banc d'auto, bien, j'ai pas pu mesurer l'enfant puis vérifier... vérifier à ce niveau-là, au niveau de l'enfant.

Q-     C'est la raison pour laquelle vous n'avez pas donné de billets d'infraction, c'est exact?

         LA COUR :

Q-     Pour quelle raison? Parce que j'ai pas trop compris, excusez-moi. Pour quelle raison vous n'avez pas donné de billets d'infraction?

R-     Parce que j'ai fait une… j'ai fait des recommandations pour que les charges soient portées au niveau criminel, puis pour les constats d'infraction, il manquait des technicalités à aller chercher pour amener ça à la cour éventuellement, là. Le silencieux, j'ai pas fait d'inspection du silencieux, j'ai pas… j'ai pas localisé le bruit, j'ai pas reparti le moteur pour voir si ça vient de l'avant ou l'arrière, puis pour le siège d'auto, bien, j'ai pas mesuré la petite, puis j'ai pas… j'ai pas pu… Je me voyais pas aller chercher l'enfant puis la mesurer à ce moment-là. (le souligné est du soussigné)

Q-     Les infractions en vertu de Code de sécurité routière.

R-     C'est exact. » (p. 207 à 209, n.s. 23-11-07)

[359]     Malgré tout, il prétend, par après, qu'il avait des motifs pour émettre les constats, mais pas assez d'information pour détailler l'infraction, « puis de l'amener à la Cour pour que ce soit hors de tout doute raisonnable ». (p. 210, n.s. 23-11-06)

[360]     Par contre, il soutient du même souffle qu'il y a des technicalités qu'il doit obtenir et il les définit ainsi :

« il y a des technicalités que ça me prend au niveau des silencieux, la dimension ou il est perforé, les observations qu'il faut que j'aie complétées aux premières que j'ai eues plus tôt, donc, ça, je les avais pas. » (p. 210, n.s. 23-11-06)

[361]     Vers la fin du contre-interrogatoire, il reconnaît notamment que s'il n'a pas émis de constat d'infraction, c'est parce qu'il lui manquait des données. (p. 215, n.s. 23-11-06)

[362]     Il admet même que le bruit pouvait avoir un rapport avec une pièce mal fixée. (p. 219, n.s. 23-11-06)

[363]     Comme le soulignait à bon escient la Cour d'appel dans l'arrêt La Reine c. Perreault[40], «…lorsqu'un Tribunal est appelé par la suite à apprécier les motifs d'une arrestation sans mandat, il est davantage important qu'il s'assure de la raisonnabilité et probabilité des motifs sur lesquels l'agent de la paix s'est appuyé pour agir ».

[364]     En l'occurrence, le point de vue de l'accusé repose sur le bruit qu'il a entendu, comme un « bruit de canne », lorsque le véhicule de Labonté l'a croisé dans le secteur de la rue St-Jean-Baptiste.

[365]     Il n'a procédé par la suite à aucune vérification visuelle pour examiner à tout le moins sommairement le dessous du véhicule, comprenant système d'échappement (silencieux).

 

 

[366]     En fait, son opinion ne repose pas sur un ensemble de symptômes, une constellation de faits objectifs et significatifs, qui pouvaient ainsi lui fournir des motifs raisonnables et probables.

[367]     Son appréciation, somme toute, repose sur des indices comme il le souligne d'ailleurs à la page 136, n.s. 23-11-06 lors du contre-interrogatoire, des impressions, des intuitions, des possibilités qui sont de la nature de soupçons que l'on peut, à la rigueur, qualifier de raisonnables pour l'inciter à aller plus loin et procéder à des vérifications techniques.

[368]     En somme, le bruit qu'il a perçu donne ouverture, en soi, à bien des hypothèses, des possibilités, dont, comme il le reconnaît, celle relative à une pièce mal fixée. (p. 219, n.s. 23-11-06)

[369]     Par ailleurs, comment aurait-il pu, dans ce contexte, émettre un constat d'infraction, sans autres détails ou vérifications sommaires, puisque dans l'hypothèse où le silencieux est réellement en cause, il ne pouvait raisonnablement savoir et qualifier le type d'infraction.

[370]     Est-ce l'infraction de l'article 213 du Code de sécurité routière ou celle de l'article 258 (p. 48, n.s. 23-11-06), qui prescrivent des amendes différentes.

[371]     Évidemment, l'accusé ne peut la préciser, ni la décrire, faute de plus amples vérifications.

[372]     Au risque de le répéter, il ne faut pas perdre de vue que le paragraphe 1 de l'article 72 du Code de procédure pénale permet à l'agent de la paix, s'il a des motifs raisonnables de croire qu'une infraction a été commise, d'exiger d'une personne de déclarer ses nom et adresse « afin que soit dressé un constat d'infraction ».

[373]     C'est strictement dans cette optique de dresser un constat d'infraction, que l'agent de la paix peut requérir d'une personne de s'identifier.

[374]     En vertu du Code de procédure pénale, « toute poursuite pénale est intentée au moyen d'un constat d'infraction »[41], dont l'article 146 indique les mentions obligatoires devant apparaître sur le constat. On y mentionne, entre autres, la description de l'infraction.

[375]     L'article 145 du Code de procédure pénale édicte que : « la forme du constat d'infraction » « est prescrite par règlement »[42].

 

[376]     Subsidiairement, pour fins de discussion, même si l'agent Côté avait eu des motifs raisonnables et probables de commission d'infraction pouvant lui permettre de rédiger un constat d'infraction après avoir requis l'identification, il n'en demeure pas moins que procéder à l'arrestation de Labonté, dans le contexte d'une infraction relative au système d'échappement ou silencieux conséquent à un refus d'identification, constitue sans l'ombre d'un doute une mesure inappropriée, injustifiée, disproportionnée eu égard aux circonstances et aux autres infractions alléguées qui ne reposaient pas sur des motifs raisonnables et probables.

[377]     Pour illustrer ces propos, la preuve pour l'essentiel révèle ce qui suit :

1.        Aucune manoeuvre tant dans l'opération de son véhicule tout au long de son trajet que lors du stationnement dans son entrée privée à 18 h 33:45 ne démontre directement ou indirectement que Labonté était en fuite.

2.        Auparavant, tout au cours du trajet, bien que le policier Côté l'ait suivi sur une distance de près de 1 kilomètre (p. 126, n.s. 23-11-06), il n'a jamais tenté d'intercepter ou d'immobiliser le véhicule de Labonté en vertu des dispositions de l'article 636 du Code de sécurité routière, pour vérifier les documents et particulièrement le véhicule automobile.

3.        De l'intérieur de son véhicule patrouille stationné à 18 h 33:47 de l'autre côté de la rue face à la résidence de Labonté, l'accusé l'a interpellé assez cavalièrement à propos uniquement de sa plaque. Il s'ensuit que Labonté lui a répondu sur le même ton. Le policier avait noté le numéro civique de la résidence.

4.        La conduite subséquente de Labonté n'indique aucunement, sans l'ombre d'un doute, qu'il était en situation de fuite.

5.        Le visionnement de la vidéo démontre indubitablement qu'il a descendu normalement de son véhicule, qu'il a adressé la parole au policier, pour enfin se diriger vers la portière du côté passager avant, afin de faire débarquer sa fillette.

6.        Entre temps, quelques secondes avant que Labonté n'ouvre la porte du côté passager à 18 h 34:14, l'agent Côté a avancé à 18 h 34:00 son véhicule pour l'immobiliser à l'entrée de la résidence de Labonté, derrière son véhicule vers 18 h 34:10, obstruant de la sorte tout accès ou sortie.

7.        À 18 h 34:39, l'agent débarque de son véhicule. À 18 h 34:40, Labonté fait sortir la fillette et ferme la porte à 18 h 34:42.

8.        Par après, Labonté suit d'un pas normal sa fillette qui se dirige vers la porte de la résidence située sous le « carport ».

9.        Après avoir sorti de son véhicule, le policier Côté, selon lui, signale à nouveau les infractions reprochées et demande de s'identifier;

10.     Sans plus ample préambule, à 18 h 34:54, soit à peine 14 secondes après avoir débarqué de son véhicule patrouille, le policier Côté l'arrête en l'agrippant de façon assez musclée par le bras gauche, le tire à tel point que son pied droit prend assise sur le tas de sable, tel qu'il appert de la vidéo. C'est alors que Labonté, à 18 h 35:00, pointe avec son bras droit la résidence.

11.     À 18 h 35:10, la fillette entre dans la maison et le policier lâche le bras de Labonté qui se libère.

12.     Il s'ensuit une discussion à 18 h 35:24 de sorte que par la suite Labonté se dirige d'un pas normal vers sa résidence suivi du policier. L'agent Côté précise que personne ne courait à ce moment là.

13.     L'accusé n'a jamais informé Labonté du droit de garder silence ainsi que de consulter et de contacter un avocat de son choix.

14.     Enfin, à 18 h 35:56, Labonté entre dans sa maison suivi du policier. La fille était sortie au préalable à 18 h 35:26.

15.     La situation s'envenime à l'intérieur de la résidence pour se poursuivre par après à l'extérieur, sur le patio et le terrain à l'arrière.

16.     Enfin, Labonté a dû être conduit par ambulance dans un centre hospitalier.

[378]     Il appert que l'accusé a procédé très rapidement à l'arrestation de Labonté, sans compter qu'il était en quelque sorte dans une situation de détention lorsqu'il a stationné son véhicule patrouille derrière celui de Labonté. Lors du contre-interrogatoire, il a admis que ça l'empêchait de partir de la façon dont il avait stationné ou immobilisé son véhicule patrouille. (p. 134, n.s. 23-11-06)

[379]     Précisons qu'il s'est écoulé uniquement quelque 1 minute et 7 secondes entre le moment où l'accusé a stationné son véhicule l'autre côté de la rue à 18 h 33:47 et celui où il l'a arrêté en l'agrippant par le bras à 18 h 34:54.

[380]     Entre 18 h 33:47 et 18 h 34:10 où il a avancé le véhicule patrouille jusqu'à l'entrée résidentielle, l'agent Côté n'a interpellé Labonté qu'à propos de la plaque d'immatriculation.

[381]     Il ne fait aucun doute que l'arrestation est survenue à partir du moment où il l'a saisi par le bras à 18 h 34:54, tel que l'agent Côté l'a admis lors du contre-interrogatoire (p. 134, n.s. 23-11-06), sans parler de l'état de détention en immobilisant le véhicule patrouille à l'arrière de celui de Labonté stationné dans son entrée privée.

 

 

 

[382]     Il appert également que l'intervention du policier et l'arrestation se sont produites dans une entrée privée résidentielle, Labonté ne se trouvait plus dans son véhicule. Le policier connaissait déjà le numéro civique de la résidence, était au fait que Labonté était accompagné d'une fillette qui est entrée dans la maison pour ressortir par la suite avant que Labonté suivi de Côté entrent dans la résidence.

[383]     D'autre part, l'accusé reconnaît qu'une infraction relative au silencieux n'est pas majeure et ne représente pas une question de sécurité. (p. 211, 220, n.s. 23-11-06)

[384]     Au surplus, cette infraction, admet-il, relève de la responsabilité du propriétaire (p. 137, n.s. 23-11-06), tout comme c'est le cas pour l'immatriculation.

[385]     Le « défendeur du constat d'infraction, c'est le propriétaire du véhicule », dit-il. (p. 140, n.s. 23-11-06)

[386]     Après maintes hésitations, il finit par déclarer que s'il avait eu le nom du propriétaire, il aurait pu envoyer le billet d'infraction (p. 159, n.s. 23-11-06), pour par la suite se confondre en explications sur la nécessité malgré tout d'identifier le conducteur.

[387]     Une arrestation constitue une atteinte sérieuse à la liberté d'une personne notamment lorsque ça survient dans une entrée privée d'une résidence familiale, à l'extérieur d'un véhicule automobile.

[388]     Une arrestation peut entraîner une confrontation plus grave que l'infraction reprochée de sorte que le policier doit agir avec pondération et doit avoir une ligne de conduite raisonnable en fonction des circonstances.

[389]     Pour reprendre l'opinion de l'honorable juge Pidgeon dans l'arrêt précité de la Cour d'appel Cotnoir c. La reine[43], la conduite d'un agent de la paix, dans le cadre général d'un pouvoir imposé par la loi ou reconnu en common law, ne doit pas comporter un exercice injustifié des pouvoirs découlant de ce devoir.

[390]     Bien entendu, « une certaine latitude est laissée aux policiers qui ont l'obligation d'agir et qui doivent souvent réagir » mais précise la Cour suprême dans La Reine c. Assente-Mensah[44] dans « des situations difficiles et urgentes »

[391]     Dans cet arrêt, la Cour suprême posait la question quant à « savoir si l'arrestation par la force constitue au départ, une ligne de conduite raisonnable compte tenu de toutes les circonstances ». (par. 74)

 

 

[392]     Au paragraphe 76 de la décision, la Cour suprême écrit à ce propos :

« Cette remarque incidente, que notre Cour a approuvée et appliquée dans l'arrêt Godoy, précité, par. 18, me semble tout à fait compatible avec le conseil susmentionné que le ministère du Procureur général a donné, en 1987, dans son document intitulé À qui cette terre?, op. cit., selon lequel une arrestation "ne devrait être tentée que si les autres solutions ne donnent aucun résultat. (p. 15). Elle est également compatible avec le par. 495(2) C. cr. qui prévoit qu'un policier ne doit pas procéder à une arrestation (à moins d'avoir obtenu un mandat en ce sens) pour les infractions punissables sur déclaration de culpabilité par procédure sommaire (et d'autres infractions moindres), à moins que ce ne soit nécessaire pour identifier la personne arrêtée, pour recueillir ou conserver une preuve de l'infraction ou une preuve y relative, pour empêcher que l'infraction se poursuive ou se répète ou qu'une autre infraction soit commise, ou pour assurer que la personne arrêtée sera présente au tribunal. »

[393]     Dans cette affaire, la Cour suprême note que « le juge du procès ne doutait pas que l'arrestation était une ligne de conduite raisonnable compte tenu des faits de la présente affaire ». (par. 78)

[394]     Dans le cas sous étude, techniquement parlant, l'accusé n'avait aucune nécessité n'insister pour obtenir l'identification du conducteur du véhicule, allant jusqu'à une arrestation assez musclée et expéditive, dans le contexte, entre autres, de ce type d'infraction qu'il considère mineure, ne portant aucunement atteinte à la sécurité.

[395]     Il n'avait qu'à retourner à son véhicule pour vérifier les données du C.R.P.Q. et obtenir ainsi toutes les informations pertinentes, afin d'indiquer sur le constat d'infraction le nom du défendeur qui doit correspondre au propriétaire du véhicule, conformément aux dispositions du Code de procédure pénale et du Code de sécurité routière. Par surcroît, l'accusé avait même pu noter au préalable l'adresse résidentielle où le véhicule était stationné.

[396]     Tel que l'accusé le reconnaît, le C.R.P.Q. permet d'obtenir plusieurs informations pertinentes, savoir :

« Il y a plusieurs informations qu'on obtient du CRPQ. La réponse de la plaque, on a le propriétaire, l'adresse du propriétaire, une description physique qui est sommaire, là, soit celle qui est inscrite sur le permis de conduire du propriétaire, là, quand c'est une plaque avec un nom unique. J'ai aussi l'information si le véhicule peut circuler ou non, s'il est rapporté volé ou non. » (p. 57, 58, n.s. 23-11-06)

 

 

 

 

 

LES CHEFS D'ACCUSATION

[397]     Dans le présent cas, l'accusé ne peut bénéficier de l'immunité relative de l'article 25 du Code criminel, eu égard aux circonstances analysées précédemment.

[398]     Il s'ensuit que toute force utilisée à l'égard de Labonté implique sa responsabilité criminelle.

[399]     Il est inculpé par voie sommaire de trois (3) chefs d'accusation pour s'être livré le 2 juin 2005 à des voies de fait contre Joël Labonté, à des voies de fait avec lésions corporelles et enfin des voies de fait alors qu'il utilisait une arme.

[400]     Ainsi, la preuve démontre hors de tout doute qu'il a utilisé la force tant lors de l'arrestation dans le stationnement en le saisissant par le bras gauche qu'à l'intérieur de la résidence où ça dégénéré et par la suite à l'extérieur sur le patio et dans la cour arrière à certains égards.

[401]     Il est donc coupable de voies de fait simple du 1er chef d'accusation.

[402]     Il est également coupable du 2e chef d'accusation de voies de fait avec lésions corporelles.

[403]     En effet, à l'intérieur de la résidence, ça dégénéré à tel point qu'il en a résulté des lésions corporelles lorsque Labonté a passé à travers la moustiquaire de la porte-patio pour tomber comme assis de côté sur une table en vitre, située à 3 ou 4 pieds de la porte, selon les explications même de l'accusé. Ça s'est produit lorsque, à l'intérieur de la résidence, près de la porte-patio, dans les circonstances qu'il décrit, il a pris une clé de bras soit une main au poignet, une au coude pour le coller sur lui et le pousser vers l'extérieur en le lâchant pour ne pas être emporté, dit-il, avec lui.

[404]     Par contre, il est indéniable que la poussée correspondait à une force certaine, puisque Labonté est tombé sur la table du patio, située à quelque 3 ou 4 pieds de la moustiquaire. Il s'agit là quand même d'une distance respectable et significative.

[405]     Après les incidents, Labonté a été transporté en ambulance dans un centre hospitalier où il a reçu les soins appropriés.

[406]     Un rapport médical atteste de l'état des blessures corporelles, lesquelles, soit dit en passant, ne sont pas majeures.

[407]     À l'extérieur de la résidence, l'accusé a utilisé sa bombonne de poivre de Cayenne en l'aspergeant au visage à 2 reprises, soit en premier lieu sur le patio et par la suite dans la cour arrière, après avoir descendu du patio.

[408]     Il s'est écoulé environ 30 à 45 secondes entre les deux utilisations de poivre de Cayenne, selon le policier Côté.

[409]     La bombonne ou l'atomiseur de poivre de Cayenne constitue une arme au sens de l'article 2 du Code criminel.

[410]     Il s'ensuit conséquemment que l'accusé est également coupable du 3e chef d'accusation.

[411]     Quant au bâton télescopique, il appert du témoignage de l'accusé qu'il ne l'a jamais utilisé pour frapper Labonté, ni tenté de le frapper comme tel.

[412]     Son témoignage est corroboré par la voisine Mme Mélodie Boudreault. Selon elle, le policier n'a jamais utilisé ni tenté de frapper Labonté avec le bâton télescopique.

[413]     De plus, la façon de le fermer a bien été expliquée notamment par le sergent Sébastien Roy et l'expert Bruno Poulin.

[414]     Dans les circonstances, il y a lieu, par ailleurs, de décréter une suspension conditionnelle concernant l'infraction de voies de fait simple du 1er chef, le tout en vertu des règles régissant les condamnations multiples.

[415]     PAR CES MOTIFS, LA COUR :

[416]     DÉCLARE COUPABLE l'accusé Jean-Pierre Côté à l'égard du 2e chef d'accusation pour voies de fait avec lésions corporelles envers Joël Labonté (art. 267b) C. cr.) et du 3e chef de voies de fait alors qu'il utilisait une arme (poivre de Cayenne) (art. 267a) C.cr.) le ou vers le 2 juin 2005;

[417]     DÉCRÈTE une suspension conditionnelle concernant le 1er chef de voies de fait (art. 266b) C. cr.).

 

 

 

 

 

__________________________________

JEAN-PAUL AUBIN, J.C.Q.

 

 

Me Sonia Rouleau

Procureure de la poursuivante

 

Me Jean Asselin

Procureur de l'intimé

 

 



[1]     R. c. Asante-Mensah [2003] 2 R.C.S. 3, par. 62

Crampton c. Walton [2005] 194 C.C.C. (3d) 207, par. 5

[2]     Crampton c. Walton [2005] 194 C.C.C. (3d) 207, par. 6

[3]     Supra note 2, par. 15-18

[4]     [2001] 158 C.C.C. (3d) 390, par. 3, 24

[5]     Supra note 4, par. 32

[6]     [1993] 2 R.C.S., 802

[7]     R. c. Blouin (2005) J.Q. 16119, juge R. Grenier, C.S.

      R. c. Durocher (2004) J.Q. no 9167, juge R. Grenier, C.S.

[8]     [1995] 96 C.C.C. (3d) 198 (C.A.O.)

[9]     [2006] O.J. no 2516, par. 32, 35, 36

[10]    [2000] J.Q. no 3610

[11]    [1999] 1 R.C.S. 311, 318, 319

[12]    Green c. Lawrence [1998] C.C.C. (3d) 416

[13]    Supra note 12

[14]    Farnham (Ville de) c. Charron et Québec (Procureur général) (1995) 67 Q.A.C. 144.

[15]    Droit pénal général et Pouvoirs policiers, Droit pénal III, 5e éd., p. 417-418. Voir art. 1 C.p.p.

[16]    Supra note 15, p. 418 et s.

[17]    [1975] 2 R.C.S. 739; [1986], 1 R.C.S. 145; [1993] 2 R.C.S. 802

[18]    District de Mingan, no 655-01-010868-049, 3 juin 2005

[19]    138 C.C.C. (3d) 205, 214

[20]    Capacités affaiblies, principes et application, Me Harrison (Dubois, Schneider) p. 11

[21]    [2002] J.Q. no 1173 (C.Q.)

[22]    -Supra note 20, p. 7

      -Voir également les art. 35, 36 et 97 du Code de sécurité routière

      - R. c. Guénette, J.-E. 99-788 (C.A.) p. 6

[23]    Supra note 20, p. 7

[24]    Supra note 20, p. 10

      R. c. Guitard [2004] 276 N.B.R. (2d) 310 (B.R.)

[25]    La Reine c. Briand, supra note 18, par. 86

[26]    Voir l'arrêt de la Cour d'appel Guité et al c. Procureur général du Québec cité plus précisément au paragraphe 346 des présentes

[27]    1993, 1 S.C.R. 416, 446, 447

[28]    La preuve civile, Me Jean-Claude Royer, 3e édition, no 174

[29]    C.A.Q. no 200-10-000487-970, J.-E. 2001-17

[30]    R. c. Bernshaw [1995] 1 R.C.S. 254

[31]    [1990] 1 R.C.S. 241

[32]    Supra note 20, p. 88

[33]    [2005] J.Q. no 16958 (Q.L.) (C.S.)

[34]    [1999] J.Q. no 5233, C.M. Lachine, p. 2, par. 21

[35]    R. c. Mathieu [2001] J.Q. no 7435 (C.S.) p. 3, par. 22

[36]    [1997] A.Q. no 3872 (C.Q.)

[37]    [1999] J.Q. no 2090 (C.S.)

[38]    [1985] 18 C.C.C. (3d) 289

[39]    C.A.Q. 19-03-06, no 200-09-005020-042

[40]    1992, R.J.Q. 1848 (C.A.)

[41]    Art. 144

[42]    Voir le Règlement sur la forme des constats d'infraction, C. (C-25.1,01.) art. 29

[43]    Voir supra note 10

[44]    Voir supra note 1, par. 73