Québec (Procureur général) c. Laviolette

2006 QCCQ 5359

COUR DU QUÉBEC

 

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

DISTRICT DE

HULL

LOCALITÉ DE

GATINEAU

« Chambre criminelle et pénale »

N° :

550-61-002672-034

550-61-002673-032

 

DATE :

13 JUIN 2006

______________________________________________________________________

 

SOUS LA PRÉSIDENCE DE

MADAME

CHRISTINE AUGER

JUGE DE PAIX MAGISTRAT

 

______________________________________________________________________

 

Procureur général du Québec

POURSUIVANT

c.

LISE LAVIOLETTE

DÉFENDERESSE

 

______________________________________________________________________

 

JUGEMENT

______________________________________________________________________

 

[1]           Les infractions se résument comme suit :

« À Hull, le ou vers le 30 juin 2002, étant un commerçant et à l’occasion de la conclusion d’un contrat de prêt d’argent avec René Lemieux a illégalement omis d’utiliser un contrat conforme aux exigences de l’article 115 de la Loi sur la protection du consommateur (L .R.Q., C. p-40.1), notamment en omettant de reproduire les mentions prévues à l’annexe 3 de cette Loi et la mention obligatoire prescrite par l’article 33 du Règlement d’application de la Loi sur la protection du consommateur (R.R.Q, c. P-40.1, r.1), commettant  ainsi une infraction à l’article 277a) de cette Loi. »

 

[2]           Douze autres chefs d’accusation allèguent des dates différentes et des personnes différents en vertu de chaque contrat signé par les consommateurs, leurs libellés cependant demeurant exactement le même qui celui ci-haut décrit.

[3]           Une deuxième infraction est reprochée à la défenderesse, comme suit :

            « À Hull, le ou vers le 3 juin 2002, étant un commerçant, a illégalement conclu un contrat de prêt d’argent avec René Lemieux sans détenir le permis de prêteur d’argent requis par l’article 312 b) de la Loi sur la protection du consommateur (L.R.Q., c.P-40.1), commettant ainsi une infraction à l’article 277a) de cette Loi.

[4]           Douze autres chefs d’accusation allèguent des dates différentes et des personnes différents en vertu de chaque contrat signé par les consommateurs, leurs libellés cependant demeurant exactement le même qui celui ci-haut décrit.

LES FAITS

[5]           Le 19 juin 2002, une inspection est faite au 110 rue Georges, à Masson-Angers, commerce dont les opérations se font sous la raison sociale « Mr. Money ».  Cette inspection faite en vertu de la Loi sur la protection du consommateur permet de vérifier les différents permis de l’établissement visé ainsi que la nature des opérations, incluant les contrats utilisés par le commerçant dans ses relations quotidiennes avec le consommateur.

[6]           La vérificatrice se présente au commerce pour obtenir les copies des contrats et en s’adressant à la préposé qui y travaillait cette journée, madame Cossette obtient des contrats.

[7]           Suite à l’obtention des documents, elle contacte les consommateurs et vérifie auprès d’eux si les renseignements aux contrats sont valides.  Selon les informations, les contrats représentent  fidèlement les transactions contractées avec le consommateur.

[8]           De ces contrats, treize (13) contrats sont à l’origine des plaintes et constats déposés contre la défenderesse.

[9]           Lors d’une visite sur les lieux d’un commerce, la vérificatrice fait des vérifications au niveau des contrats mais n’explique pas à la personne les conséquences de la remise des documents.  Si la personne demande, elle explique.  Sinon, elle n’explique pas.

[10]        La visite sur les lieux de l’entreprise n’est pas suite  à une plainte, mais une demande de renouvellement de permis.

[11]        Le poursuivant allègue que ces contrats ne respectent pas les exigences obligatoires en vertu de la Loi sur la protection du consommateur dans le contexte d’un prêt d’argent par le commerçant garanti par la remise d’un bien meuble par le consommateur pour garantir le remboursement.

QUESTION EN LITIGE

[12]        Le poursuivant a-t-il réussi à faire la preuve hors de tout doute raisonnable des éléments constitutifs de l’infraction?

[13]        Si oui, la défenderesse a-t-elle réussi à faire la preuve par prépondérance de preuve d’une diligence raisonnable?

[14]        Quels sont les éléments à considérer dans l’imposition de la peine sur les constats d’infraction?

[15]        Le Tribunal doit-il ordonner l’arrêt des procédures en application du principe Keinapple?

LA PREUVE

Poursuivant

[16]        Le poursuivant doit faire la preuve hors de tout doute raisonnable des éléments suivants, à savoir :

a)             le contrat de prêt d’argent conclu entre les parties.

b)             La qualité de commerçant et du consommateur.

c)             Le manquement des exigences obligatoires de l’article 115 de la L .P.C

d)             L’opération du commerce sans permis d’exploitation.

[17]        En défense, on ne nie pas l’existence du contrat d’argent ni la qualité du commerçant ni du consommateur. 

[18]        Le Tribunal estime que le poursuivant, en analyse de l’ensemble de la preuve, a fait la preuve hors de tout doute de ces éléments.

[19]        Sur la question des manquements à l’article 115 de la Loi, la défenderesse ne conteste pas ce manquement d’inscrire les mentions obligatoires au contrat, mais allègue plutôt avoir été dans l’impossibilité juridique de s’y conformer et une partie de la défense repose sur cette contestation.

[20]        La preuve non-contestée démontre que le manquement de l’annexe 3 se situe au niveau de la signature et le numéro du prêteur d’argent.

[21]        Il n’est pas nié par la défenderesse qu’elle a opéré son commerce sans permis depuis le jugement du 20 novembre 2001.

[22]        Or, le Tribunal estime que le poursuivant a fait la preuve hors de tout doute des éléments constitutifs de l’infraction.

La défense

[23]        Madame Lise Laviolette débute ses opérations en 1997 dans son commerce de prêt sur gage.  Elle était retraité de la fonction publique fédérale et n’avait aucune expérience dans ce domaine.

Permis antérieurs

[24]        La défenderesse fait une demande de permis le 18 août 1997 et obtient son permis le 29 août 1997 valide jusqu’au 28 août 1999. 

[25]        Elle ouvre le commerce le 8 octobre 1997.  L’Office demande à madame Laviolette de faire parvenir des copies des contrats utilisés.  Les contrats sont envoyés à l’Office et datent du 14 octobre 1997, 15 octobre 1997 et 16 octobre 1997.

[26]        Le permis venait à échéance en 1999 et une nouvelle demande est formulée le 4 juin 1999 et un permis d’opération est délivré le 28 août 2001 valide au 28 août 2001.  L’Office fait une demande et reçoit les contrats utilisés par la défenderesse.

[27]        Le permis vient à échéance en août 2001 et le 5 juillet 2001, une nouvelle demande est faite.  La défenderesse continue d’opérer avec les mêmes contrats depuis 1997. Elle  n’a jamais fait l’objet de plainte.  Un contrat « type » est envoyé à l’Office le 23 août 2001.

[28]        Suite à une audition, une décision est rendue le 20 novembre 2001 de ne pas renouveler le permis.   

[29]        Les raisons invoquées pour le refus sont la non-conformité à l’article 115 et des taux d’intérêt trop élevés.

[30]        La défenderesse continue d’opérer sans permis. 

[31]        Par la suite, la défenderesse fait des modifications sur le taux d’intérêt, soit de le baisser à 2.9% par mois et 34.8% par an dès le 1 janvier 2002 et elle effectue ce changement sur le contrat et opère avec le contrat « modifié ».

[32]        Le 6 mai 2002, il y a une nouvelle demande de permis avec le contrat « modifié ».  Le 19 juin 2002, l’Office effectue une visite pour obtenir copies des contrats « type ».  Il s’est passé plusieurs  mois sans nouvelles et ce n’est que le 25 novembre 2002 qu’une lettre de refus est adressée à la défenderesse.  Une audition est prévue pour le 12 décembre 2002.  Le 11 décembre 2002,  une lettre de la défenderesse est adressée à Monsieur Derome, coordonnateur du service au permis pour expliquer les raisons de l’absence à l’audition.

[33]        La défenderesse prend la décision de fermer son commerce, épuisée par l’acharnement dont elle prétend être victime aux mains de l’Office de la protection du consommateur.

DISCUSSION

Le droit

[34]        Sur la question de l’exigence obligatoire en vertu de la Loi sur la protection du consommateur, à son article 115, la Loi énonce ce qui suit en ce qui concerne les contrats de prêt d’argent.

 

115.  « Le contrat de prêt d'argent doit reproduire, en plus des mentions prescrites par règlement, les mentions prévues à l'annexe 3. »

 

[35]        Le Règlement d’application sur la Loi sur la protection du consommateur dit ce qui suit, à son annexe 3, à savoir :

33.   « Un contrat de prêt d'argent doit contenir, en plus des mentions prévues à l'annexe 3 de la Loi, la mention obligatoire suivante:

 

«Mention exigée par la Loi sur la protection du consommateur.

(Contrat de prêt d'argent)

 

  1.    Le consommateur peut résoudre, sans frais, le présent contrat dans les 2 jours qui suivent celui où chaque partie prend possession d'un double du contrat.

 

Pour résoudre le contrat, le consommateur doit:

 

  a)      remettre l'argent au commerçant ou à son représentant, s'il a reçu l'argent au moment où chaque partie a pris possession d'un double du contrat;

 

  b)      expédier un avis écrit à cet effet ou remettre l'argent au commerçant ou à son représentant si l'argent ne lui a pas été remis au moment où chaque partie a pris possession d'un double du contrat.

 

Le contrat est résolu, sans autre formalité, dès que le consommateur remet l'argent ou expédie l'avis.

 

  2.    Si le consommateur utilise l'argent pour payer en totalité ou en partie l'achat ou le louage d'un bien ou d'un service, il peut, si le prêteur d'argent et le commerçant vendeur ou locateur collaborent régulièrement en vue de l'octroi de prêts d'argent à des consommateurs, opposer au prêteur d'argent les moyens de défense qu'il peut faire valoir à l'encontre du commerçant vendeur ou locateur.

 

  3.    Le consommateur peut payer en tout ou en partie son obligation avant échéance.

 

Le solde dû est égal en tout temps à la somme du solde du capital net et des frais de crédit calculés conformément à la Loi et au Règlement général adopté en vertu de cette Loi.

 

  4.    Le consommateur peut, une fois par mois et sans frais, demander un état de compte au commerçant; ce dernier doit le fournir ou l'expédier aussitôt que possible mais au plus tard dans les 10 jours de la réception de la demande.

 

En plus de l'état de compte ci-dessus prévu, le consommateur qui veut payer avant échéance le solde de son obligation peut, en tout temps et sans frais, demander un état de compte au commerçant; ce dernier doit le fournir ou l'expédier aussitôt que possible mais au plus tard dans les 10 jours de la réception de la demande.

 

Le consommateur aura avantage à consulter les articles 73, 74, 76, 91, 93 et 116 de la Loi sur la protection du consommateur (L.R.Q., c. P-40.1) et, au besoin, à communiquer avec l'Office de la protection du consommateur.».

 

[36]        En ce qui concerne la peine à être imposée, la Loi énonce ce qui suit :

 

277.  Est coupable d'une infraction la personne qui:

 

 a) contrevient à la présente loi ou à un règlement;

…  

 

279.  « Une personne déclarée coupable d'une infraction autre qu'une infraction visée à l'article 278 est passible:

 

 a) dans le cas d'une personne physique, d'une amende de 300 $ à 6 000 $;

 b) dans le cas d'une personne morale, d'une amende de 1 000 $ à 40 000 $.

                         …

 

280.  « Dans la détermination du montant de l'amende, le tribunal tient compte notamment:

 

 a) d'abord du préjudice économique causé par l'infraction à un consommateur ou à plusieurs consommateurs;

b) puis, des avantages et des revenus que la personne qui a commis l'infraction a retirés de la commission de l'infraction.

 

DISCUSSION

Diligence raisonnable

[37]        La défenderesse soulève la moyen de défense prévu à l’article 287 de la Loi sur la protection du consommateur, énonçant ce qui suit,

287. «   Une poursuite pénale ne peut être maintenue si le prévenu démontre qu’il a fait preuve de diligence raisonnable en prenant toutes les précautions nécessaires pour s’assurer du respect de la présente loi ou d’un règlement.

… »

[38]        Selon les critères établis par l'arrêt Sault Ste-Marie[1], l'infraction reprochée en est une de responsabilité stricte pour laquelle le poursuivant n'a pas à faire la preuve de l'état d'esprit de l'accusé. Le poursuivant a l'obligation d'établir hors de tout doute raisonnable les éléments essentiels de l'infraction. 

[39]        La défenderesse doit démontrer une diligence raisonnable et démontrer qu'elle a  pris toutes les précautions pour ne pas commettre l'infraction, ou autrement dit, le comportement qu'une personne raisonnable aurait eu dans les mêmes circonstances.

[40]        Le 20 novembre 2001, suite à une audition contestée, il y a une décision refusant l’émission du permis. 

[41]        La preuve démontre qu’il y a eu des discussions avec monsieur Derome, au service des permis et la défenderesse était représentée par  procureur. 

[42]        La preuve n’a pas démontré que l’Office ait fait part à la défenderesse, mise à part la lettre du 25 novembre 2001 que le commerce opérait dans l’illégalité.  La défenderesse soumet des contrats « type » à la demande de l’Office, le 23 août 2001.

[43]        La preuve de la défenderesse démontre qu’au mois de novembre 2001, elle propose un changement au taux d’intérêt, forme et avis de reprise. Suite à des discussions avec Me Robert Voyer, la défenderesse veut se conformer et une frustration s’installe. 

[44]        En décembre 2001, la défenderesse constate la difficulté majeure de l’exécution des garanties et les délais.  Les modifications dans le Code civil du Québec[2] de 1994 porte des limites à la réalisation du gage.  Il est impossible, selon elle, de passer à travers la mécanique prévue au Code civil du Québec.

[45]         La Cour d’appel dans l’affaire P.G.du Québec c. Première Electronique Plus Inc. (F.A.S. instant comptant)[3], le Tribunal se prononce sur la question à savoir si la défenderesse pouvait bénéficier de l’exemption de l’application de la Loi contenue à l’article 21 du Règlement au motif que le prêt sur gage est, depuis l’entrée en vigueur du Code civil du Québec, assimilé à un prêt garanti par hypothèque.  Le Tribunal n’a pas considéré qu’il y avait une exemption de l’application de la Loi.

[46]        Dans cette affaire, la défenderesse était accusée d’avoir omis de reproduire les mentions prévues à l’annexe 3 de cette Loi et la mention obligatoire prescrite par l’article 33 du Règlement d’application de la Loi sur la protection  du consommateur,[4] commettant ainsi une infraction à l’article 277 a) de cette Loi

[47]        Le Tribunal, dans la présente affaire, n’a pas a considérer le fond de l’argument de la défenderesse sur la difficulté de se conformer aux exigences de la Loi,   cependant la preuve  démontre que la question soulevée par la défenderesse était une question sérieuse.

[48]        La défenderesse soulève peut-être une difficulté réelle de se conformer aux dispositions de l’article 115, cependant, le Tribunal est d’avis que la défenderesse ne pouvait décider unilatéralement que la Loi régissant l’opération de son entreprise ne pouvait être respectée.  Elle avait une obligation légale de le faire et le Tribunal ne peut cautionner un comportement visant directement à ne pas se rendre conforme à des dispositions législatives, particulièrement en ce qui concerne la protection du consommateur.

[49]        La défenderesse s’est lancée en affaires, en connaissance de cause,  bien après les modifications au Code civil du Québec et elle n’a pas eu à modifier ses opérations quotidiennes face au changement législatif. 

[50]        Au moment de l’inspection du 19 juin 2002, la défenderesse sait qu’elle opère sans permis et que les exigences obligatoires prévues à l’article 115 sont manquantes.

[51]        La défenderesse continue à opérer du 20 novembre 2001, soit la date du jugement jusqu’au mois de mai 2002, date où elle présente une nouvelle demande avec des nouveaux contrats. 

[52]        Le Tribunal estime que lorsque la défenderesse est avisée de sa non-conformité en novembre 2001, elle doit prendre les mesures urgentes et diligente pour se rendre conforme, même si cette conformité exige une modification dans les opérations quotidiennes.

[53]        Or dans les circonstances est d’avis que la défenderesse n’a pas réussi à surmonter son fardeau par prépondérance de preuve d’une diligence raisonnable qu’elle a pris toutes les précautions nécessaires pour prévenir la commission de l’infraction.

Erreur de fait provoqué par l’Office 

[54]        La défenderesse soumet qu’elle s’est comportée de façon honnête et raisonnable et tente de collaborer avec l’Office sans se rendre compte que leur coopération allait résulter dans des plaintes pénales.

[55]        L’article 60 du Code de procédure pénale permet à la défenderesse d’avoir recours aux règles et aux principes généraux du droit pénal canadien pour l’interprétation des infractions et l’application des moyens de défense.

[56]        La défense soulève une erreur de fait raisonnable engendrée par l’Office et que ses agissements pouvait laissé croire à la défenderesse qu’elle était dans la légalité. Bien que la défense de l’erreur de fait est intimement liée à la diligence raisonnable, il est nécessaire de la traiter à parts entière.

[57]        Est-ce que l’Office de la protection du consommateur a agi d’une façon à laisser croire et ce raisonnablement, à la défenderesse qu’elle était dans la légalité dans l’opération de son commerce?

[58]        Il est vrai que la défenderesse a opéré de 1997 à 2001 avec les mêmes contrats, sans avis de non-conformité de l’Office. 

[59]        Il se peut que la défenderesse ait reçu l’aval de l’Office d’opérer d’une certaine façon avec ce type de contrat pendant un certain temps.  Cependant, l’Office pouvait exiger, comme elle l’a fait,  que la défenderesse se conforme à la Loi.

[60]        En 2001, la défenderesse estime que l’Office s’est montré plus sévère dans ses exigences quant au commerces de prêt sur gage.

[61]        La défenderesse explique que le commerce fonctionne par fichier, un par client.  Le contrat a trois copies, une pour le dossier interne, une pour les policiers et une pour le client.  Les copies remises aux policiers avec la liste des contrats ne comportent pas de signature.  Cette façon de procédée n’a jamais posé de problème à l’Office.  La copie remise au consommateur est signée.

[62]        Madame Laviollette a produit tous les contrats originaux signés par les clients.  Ce sont les mêmes contrats que ceux qui font l’objet du constat d’infraction.

[63]        Ceci étant dit, le Tribunal ne peut être en accord avec la méthode détournée de procéder de l’Office dans la cueillette des contrats le 19 juin 2002  sans prévenir la défenderesse des conséquences pénales pouvant  y découler.

[64]        Le Tribunal s’explique très mal, de plus, une attente jusqu’au mois de décembre 2002 pour y rendre une décision de refus d’émettre le permis, sachant que la défenderesse opérait sans permis.

[65]        Après analyse de toutes les circonstances et combiné avec la preuve sur la diligence raisonnable, cependant, le Tribunal ne peut accepter cette défense et estime qu’une personne raisonnable dans les mêmes circonstances n’aurait pas cru être dans la légalité et conforme à la Loi sur la protection du consommateur, comme le prétend la défenderesse au moment de l’infraction, particulièrement lorsqu’on considère les épreuves passées avec l’Office.

Imposition de la peine

[66]        Dans la détermination du montant de l’amende, le Tribunal tient compte du préjudice économique causé par l’infraction à un consommateur ou à plusieurs consommateurs et /ou des avantages et des revenus que la personne qui a commis l’infraction a retirés de la commission de l’infraction.

[67]        Dans le présent cas, il n’y a eu aucune plainte d’un consommateur et aucun revenu n’a été tiré de la commission de l’infraction, sauf d’avoir continué à se procurer un revenu provenant du commerce, sans être en possession d’un permis d’opération.

[68]        Le poursuivant demande que la défenderesse soit condamnée sur les 26 chefs d’accusation.

[69]        L’article 155 du Code de procédure pénale se définit comme suit, à savoir :

« Infractions distinctes. Lorsqu’une infraction a duré plus d’un jour, on compte autant d’infractions distinctes qu’il y a de jours ou de fractions de jour qu’elle a duré et ces infractions peuvent être décrites dans un seul chef d’accusation.

[70]        Il s’agit d’une règle d’application générale et peut être atténuée  par l’exercice de la discrétion judiciaire.

[71]          Il y a certes une différence entre une infraction continue et une infraction unique dont la constatation pouvait se faire à différents moments. 

[72]        Après analyse de la nature de l’infraction et les circonstances particulières de sa perpétration, le Tribunal estime que l’infraction d’avoir opéré le commerce sans permis pendant un certain temps est réduit à un manquement unique et un seul acte posé, constaté à différentes dates, soit celui d’avoir omis de se procurer un permis d’exploitation. [5]

[73]        Or dans les circonstances, le Tribunal estime qu’il est opportun de prononcer l’arrêt de procédures sur les douze autres chefs d’accusation pour la même infraction d’avoir opéré sans permis.

[74]        Sur les chefs d’accusation portant sur l’omission des mentions obligatoires, dans l’affaire P.G. du Québec c. 9030-6010 Québec Inc. et als[6]., le juge Rosaire Valllières dit ce qui suit sur l’application de la règle Keinapple, comme suit :

« L’arrêt Keinapple énonçait et reconnaissait que le critère permettant l’applicabilité de la règle interdisant les déclarations de culpabilité multiples devait être formulée « non pas en fonction de la question de savoir si les infractions reprochées étaient les «mêmes infractions » (ou des infractions incluses »), mais de savoir si les deux accusations avaient pour fondement la même « cause », la même « chose » ou le même « délit »[7]

[75]        Dans l’affaire Corporation des maîtres électriciens du Québec c. Richard Clément[8], l’Honorable Juge Orville Frenette s’est prononcé en appel sur un jugement du juge Georges Benôit, en première instance, en concluant que le juge de première instance a bien exercé sa discrétion en prononçant l’arrêt des procédures sur dix  chefs d’accusation, pour les fins de l’administration de la justice, en s’exprimant ainsi :

« Il demeure que le juge du procès possède la discrétion, selon l’interprétation découlant de l’arrêt Keinapple, soit d’acquitter ou d’ordonner un arrêt des procédures sur les autres infractions incluses ou similaires. …..

….. À mon avis, s’il avait prononcé des condamnations multiples dans tous les cas (13), j’estime que l’administration de la justice aurait été déconsidérée …»

[76]        Dans le présent cas, il y a 13 chefs d’accusation pour 13 jours distincts sur chaque infraction soit d’avoir omis d’inscrire au contrat la mention obligatoire de l’article 115 de la Loi et d’avoir opéré sans permis.

[77]        La notion du droit criminel de l’arrêt conditionnel énoncée dans l’arrêt Keinapple c. La Reine[9] interdit des déclarations de culpabilité multiples issues des mêmes faits, ayant des liens très étroits.

[78]        Dans le présent cas, le poursuivant a exercé sa discrétion en choisissant d’émettre des constats pour 13 contrats, cependant, il aurait été possible d’en autoriser beaucoup plus, étant donné que la défenderesse opérait sans permis avec des contrats non-conformes depuis le 20 novembre 2001.  Il aurait aussi été possible d’en autoriser un seul.

[79]        Article 11 (h) de la Charte canadienne des droits et libertés énoncent :

« 11.     Tout inculpé a le droit :

…         h)  d’une part de ne pas être jugé de nouveau pour une infraction dont il a été définitivement acquitté, d’autre part de ne pas être jugé ni puni de nouveau pour une infraction dont il a été définitivement déclaré coupable et puni. »

[80]        Le geste reproché à la défenderesse de ne pas avoir un contrat conforme aux exigences de l’article 115 (annexe 3) de la Loi sur la protection du consommateur et d’avoir contracté avec différents consommateurs à des dates différentes, doit-il bénéficier de l’application du principe de Kienapple et de l’article 11 h) de la Charte?

[81]        Dans l’hypothèse où le Tribunal condamne la défenderesse pour avoir omis d’inscrire les mentions obligatoires de l’article 115 de la Loi, afin apprécier la preuve sur les autres constats d’infraction, le Tribunal n’aurait-il pas à se référer aux mêmes faits.  Ne sont-elles pas les circonstances précises que le principe de Keinapple cherche à empêcher?

[82]        La Cour suprême dans l’affaire R. c. O’Connor[10] a maintenu le pouvoir judiciaire discrétionnaire de mettre fin à des procédures pénales dans un cas où une condamnation pour déconsidérer d’administration de la justice.

[83]        Le Tribunal estime que pour les fins de l’administration de la justice et en application du principe énoncé dans Keinapple, il a lieu de prononcé un arrêt conditionnel des procédures dans les douze autres chefs d’accusation en vertu de l’article 115 de la Loi sur la protection du consommateur.

POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :

DÉCLARE la défenderesse coupable d’avoir opéré son commerce le 3 juin 2002, sans détenir le permis de prêteur d’argent requis par l’article 312 b) de la Loi sur la protection du consommateur.

CONDAMNE la défenderesse à une amende de $300.00 avec frais, payable dans un délai de 90 jours.

PRONONCE un arrêt de procédures sur les douze autres chefs d’accusations de la même nature.

DÉCLARE la défenderesse coupable, d’avoir conclu le 30 juin 2002 un contrat de prêt d’argent avec René Lemieux en omettant de reproduire les mentions prévues à l’annexe 3 de cette Loi et la mention obligatoire prescrite par l’article 33 du Règlement d’application de la Loi sur la protection du consommateur.

CONDAMNE la défenderesse  à une amende de $300.00 avec frais, payable dans un délais de 90 jours.

PRONONCE un arrêt de procédures sur les douze autres chefs d’accusations de la même nature.

 

 

 

__________________________________

CHRSITINE AUGER

JUGE DE PAIX MAGISTRAT

 

Procureur général du Québec

Me Marie Hélène Magnan

 

 

Me Jean Charles Philipps

Procureur de la défenderesse

 

 

Date d’audience :

21 avril 2006

 



[1] La Reine c. Sault Ste-Marie, (1978) 2 R.C.S. 1299

[2] Code civil du Québec

[3] P.G. du Québec c. Première Électronique Plus Inc. (F.A.S. instant comptant), C.A.Q., 200-10-001542-039, 16 septembre 2004

[4] Règlement d’application de la Loi sur la protection du consommateur, L.R.Q., c-P.40.1

[5] Ville de Montréal c. Café Métropole Inc. (1972) R.L. 264 (C.M. Mtl)

 Société des alcools du Québec c. Syndicat des employés de magasins et de bureaux de la S.A.Q, J.E. 95-1528 (C.A.)

Ville de Gatineau c. Gagnon, REJB 2001-23388 (C.M)

[6] P.G. du Québec c. 9030-6010 Québec Inc. et als., 700-61-041592-012, C.Q. Terrebonne, 11 février 2003, Rosaire Vallières

[7] R. c. Prince (1986) 2 R.C.S. 480-488

  R. c. Keinapple (1975) 1 R.C.S. 729

[8] Corporation des maîtres électriciens du Québec c. Richard Clément, 550-36-000037-000, C.S. Hull, Juge Orville Frenette, 21 décembre 2000.

[9] Une fois un accusé est coupable de l’infraction principale, le Tribunal a compétence pour prononcer un arrêt conditionnel des autres infractions reprochées émanant des mêmes circonstances.

Terlecki c. La Reine (1985) 2 R.C.S. 483

Hammerling c. La Reine (1982) 2 R.C.S. 905

La Reine c. Provo (1989) 2 R.C.S. 3

La Reine c. Prince (1986) R.C.S. 480

[10] R. c. O’Connor (1995) R.C.S 411