JG3265

 

 

 

COUR DU QUÉBEC

 

Canada

PROVINCE DE QUÉBEC

DISTRICT DE

HULL

LOCALITÉ DE

HULL

« Chambre pénale »

N° :

550-61-002762-025

 

 

 

DATE :

 Le 2 juin 2003

______________________________________________________________________

 

SOUS LA PRÉSIDENCE DE

: GEORGES BENOIT

JUGE DE PAIX

______________________________________________________________________

 

SOUS-MINISTRE DU REVENU

POURSUITE

c.

MOUSSEAU PIERRE

DEFENDEUR

______________________________________________________________________

 

JUGEMENT

______________________________________________________________________

[1]           Le défendeur doit répondre à titre d’administrateur de la compagnie Michel Chouinard Excavation Ltée (Compagnie) d’une accusation la déclaration fiscale des corporations  CO-17 ainsi que les états financiers de la Compagnie dans le délai prescrit dans une demande péremptoire.

Les Faits

[2]           Le défendeur admet volontiers qu’il est l’un des administrateurs de la Compagnie.  À ce titre, il a accusé réception de la demande péremptoire expédiée par le ministère du revenu du Québec.

[3]           De part,  sa profession de comptable, le défendeur est familier avec ce genre de demande péremptoire. Le contexte litigieux entourant la corporation visée par la demande péremptoire l’a incité à confier le mandat à son avocat de donner les suites nécessaires afin de se conformer à la  demande péremptoire. Le mandat confié en était un d’ordre général et il n’était pas tenu au courant des démarches entreprises par son procureur jusqu’au moment de la réception d’un constat d’infraction.

[4]           Pour mieux saisir le caractère singulier de ce dossier, il convient de tracer les grandes lignes du contexte litigieux entourant la corporation Michel Chouinard Excavation Ltée.  Le défendeur est associé avec M. Michel Chouinard et opère diverses entreprises dont la Compagnie visée par la demande péremptoire. Une dispute survenue entre les deux actionnaires aurait exclu le défendeur de la gestion courante de la Compagnie. Depuis l’exercice financier de l’année 2000, il n’aurait plus eu accès aux états financiers de la Compagnie le rendant incapable de produire les déclarations fiscales. Face à cette situation conflictuelle, le défendeur s’est adressé à la cour Supérieure pour demander la destitution de Michel Chouinard à titre d’administrateur de la Compagnie. Ce dernier a répliqué par le même genre de recours en sus d’une demande d’injonction. Ces recours sont encore pendants devant les tribunaux et les communications entre les parties sont plus que difficiles rendant illusoire aux yeux du défendeur la coopération entre les actionnaires pour produire dans le délai imparti les états financiers de la Compagnie.

[5]           Le procureur du défendeur a également informé le tribunal des gestes posés par la firme d’avocats mandatée par le défendeur pour satisfaire à la demande péremptoire. La firme d’avocats a simplement transmis la demande péremptoire à l’autre actionnaire M. Michel Chouinard en lui demandant d’y donner suite. Le bureau d’avocats a omis ou négligé d’informer le ministère du revenu de la situation difficile qui prévalait entre les actionnaires-administrateurs de la Compagnie. En l’absence de communication, le sous-ministre du revenu a institué une procédure pénale pour avoir omis de produire dans  le délai imparti les états financiers requis.

Contexte législatif

[6]           Dans le cadre élargi des  pouvoirs d’inspection et d’enquête, la loi sur le ministère du revenu accorde spécifiquement le pouvoir de requérir de toute personne assujettie à la loi la production de documents, rapports, états financiers ou autres renseignements . Il m’apparaît utile de citer pour fin de référence ultérieure les articles pertinents de la loi :

Loi sur le ministère du Revenu[1](Loi)

 

Renseignements supplémentaires

39.  Pour l’application et l’exécution d’une loi fiscale, notamment pour le recouvrement d’un montant dont une personne est redevable en vertu d’une telle loi, le ministre peut, par une demande péremptoire qu’il transmet par courrier recommandé ou par signification à personne, exiger d’une personne, assujettie ou non au paiement d’un droit, dans le délai raisonnable qu’il fixe, la production par courrier recommandé ou par signification à personne: 

 

  a)    de renseignements ou de renseignements supplémentaires, y compris une déclaration ou un rapport ou une déclaration ou un rapport supplémentaire, ou 

 

  b)    de documents. 

Obligation de se conformer.

  La personne à qui cette demande est faite doit, dans le délai fixé, se conformer à ladite demande, qu'elle ait ou non déjà produit une telle déclaration ou un tel rapport, ou une réponse à une demande semblable faite en vertu d'une loi fiscale ou de règlements adoptés en vertu d'une telle loi. 

Mention des conséquences.

  La demande péremptoire doit mentionner les conséquences du défaut de s'y conformer qui sont prévues à l'article 39.1. 

 

1972, c. 22, a. 39;1975, c. 83, a. 84;1991, c. 67, a. 578;1996, c. 31, a. 24;1998, c. 16, a. 299;2000, c. 25, a. 17;2002, c. 9, a. 141.
 

Conséquence du défaut.

39.1.  Lorsqu'une personne ne s'est pas conformée à une demande péremptoire à l'égard d'un renseignement ou d'un document, tout tribunal doit, sur requête du sous-ministre, refuser le dépôt en preuve de ce renseignement ou document à moins que la personne n'établisse que la demande péremptoire était déraisonnable dans les circonstances. 

Code Criminel

                          794(2) Charge de preuve- Il incombe au défendeur de prouver qu’une exception, exemption, limitation, excuse ou réserve, prévue par le droit, joue en sa faveur ; quant au poursuivant, il n’est pas tenu, si ce n’est à titre de réfutation, de prouver que l’exception, exemption, limitation, excuse ou réserve ne loue pas en faveur du défendeur, qu’elle soit ou non énoncée dans la dénonciation.      

Code de Procédure pénale[2]

64.  Le poursuivant n'est pas tenu d'alléguer dans le constat d'infraction que le défendeur ne bénéficie à l'égard d'une infraction d'aucune exception, exemption, excuse ou justification prévue par la loi. 

  Il incombe au défendeur d'établir qu'il bénéficie d'une exception, d'une exemption, d'une excuse ou d'une justification prévue par la loi. 

1987, c. 96, a. 64.

Prétentions de la défense

[7]           La théorie de la défense consiste à invoquer une défense de diligence raisonnable. Elle appuie sa prétention sur l’impossibilité pour le défendeur d’avoir lui-même accès aux divers documents de la comptabilité de la Compagnie. Le litige civil existant entre les actionnaires et l’absence de collaboration alléguée de M.Michel Chouinard  servent de base factuelle à la défense de diligence raisonnable.

[8]           À l’invitation du tribunal, le procureur du défendeur a préparé des notes et autorités relatives à l’existence ou non d’une obligation légale d’informer le ministère du Revenu des motifs empêchant la personne visée par la demande péremptoire de répondre dans le délai imparti. S’appuyant sur une jurisprudence en matière de non-résident, il suggère qu’il n’y aucune obligation d’informer le ministère du Revenu des motifs justifiant le refus de communiquer les renseignements ou documents désirés. Je discuterai plus loin dans cette décision de ce courant jurisprudentiel en abordant l’article 39 de la Loi.

Discussion

Défense d’impossibilité

[9]           La défense associe les difficultés de communication entre les actionnaires et l’omission de produire les documents désirés. Elle plaide que les faits particuliers de l’espèce donnent ouverture à une défense d’impossibilité qui serait sous-jacente à une défense de diligence raisonnable. Avec respect pour cette opinion, je ne crois pas que la défense d’impossibilité soit une facette de la défense de diligence raisonnable au sens des arrêts Sault Ste-Marie[3] et Chapin[4] de la cour Suprême du Canada.

[10]        La défense d’impossibilité est une défense reconnue par la Common Law dont l’existence n’est pas liée à la diligence raisonnable. La défense de diligence raisonnable consiste à la prise de toutes les mesures raisonnables pour empêcher la commission de l’infraction ou la croyance à l’existence de faits qui s’ils s’étaient matérialisés auraient rendu la conduite du défendeur innocente. Dans l’espèce, la défense de diligence raisonnable de même que celle de l’erreur raisonnable de fait n’a aucune application en l’espèce.

[11]        La cour Suprême du Canada dans la décision Goltz[5] reconnaissait que la défense d’impossibilité pouvait être soulevée avec succès en matière de droit réglementaire pénal. Dans cette affaire,  le défendeur Goltz était accusé de conduite d’un véhicule routier pendant suspension.  Madame le juge Claire L’Heureux-Dubé commentant les motifs du défendeur pour avoir conduit pendant la sanction écrivait : «rien ne permettait à la cour de croire que l'intimé faisait face à une situation critique ou qu'une urgence quelconque le contraignait à conduire sa voiture le jour en     question» (caractères gras ajoutés).  L’ouverture de la défense d’impossibilité de se conformer à la loi n’est ouverte que dans des situations exceptionnelles qui n’ont rien à voir avec la commodité ou la facilité.

[12]        La question du fardeau de preuve rattaché à cette défense d’impossibilité n’a pas été déterminée par la cour Suprême du Canada. Il convient de rappeler que le droit pénal réglementaire s’inspire grandement des règles du droit criminel mais il en demeure pas moins différent voir quelque fois plus exigeant. Il est loisible et constitutionnellement acquis que le législateur peut établir des règles de droit propre au domaine des infractions réglementaires, art. 64(2) du Code de procédure pénale.  Ainsi, en matière de responsabilité stricte, Il incombe au défendeur d’établir par balance des probabilités l’existence d’un moyen de défense quelconque. L’obligation pour un défendeur d’établir par balance des probabilités qu’il bénéficie d’une excuse ou d’une justification ne va pas à l’encontre de l’art. 11(d) de la Charte canadienne des droits et libertés et de l’art.33 Charte québécoise des droits et libertés de la personne[6].

[13]        Loin de moi, l’intention de minimiser les difficultés de communication entre le défendeur et l’autre actionnaire et contrairement à la première impression que j’ai eue sur le banc, il m’apparaît que la situation dans laquelle se trouve le défendeur ne donne pas ouverture à une défense d’impossibilité comme l’entend la cour Suprême dans la décision Goltz. Un recours civil pour forcer la remise des états financiers était envisageable pour satisfaire à la demande péremptoire. Aussi, une simple communication  avec le ministère du Revenu pour l’informer des difficultés rencontrées   aurait pu permettre l’établissement d’une stratégie différente pour satisfaire aux exigences de la demande péremptoire. Dans l’espèce, la preuve en défense ne  satisfait pas au fardeau de balance des probabilités exigé pour l’établissement de cette défense d’impossibilité

Communication des motifs

[14]        Existe-il une obligation légale pour un défendeur-contribuable d’informer le ministère du Revenu des motifs qu’il a pour ne pas fournir dans le délai prescrit les renseignements demandés? Pour répondre à cette question, il y a nécessité d’interpréter l’article 39 de la Loi et d’analyser le cas échéant les précédents jurisprudentiels.

[15]        La cour Supérieure dans l’affaire Louis Kevin Giampaolo[7], un dossier posant spécifiquement la question pour un non-résident de l’obligation d’informer le ministère du revenu du Québec de son statut de non-résident, dans lequel le juge Tannenbaun écrivait en quelques lignes le ratio decidendi du jugement qu’il convient de citer intégralement :

«Il ne s'agit pas ici d'un cas où le ministre avait demandé de renseignement. Comme exemple, le ministre aurait pu demander à l'appelant d'expliquer pourquoi il n'avait pas fourni des déclarations pour les années en question et si une telle demande demeure sans réponse cela entraînerait à mon avis, des conséquences légales. Mais ici, le ministre lui avait demandé de faire quelque chose que la Loi ne l'obligeait pas à faire, donc, même si son défaut d'aviser le ministre qu'il n'était pas résident au Québec, peut être qualifié comme impoli, cela n'est pas une infraction qui entraîne des conséquences pénales.»

[16]        La prudence commande lors d’un exercice de recherche de principes juridiques d’éviter de dégager d’une décision judiciaire rendue dans un contexte donné des enseignements qui se voudraient trop englobant et en élargiraient indûment la portée. Une fois cette mise en garde faîte, je comprends de l’extrait de la décision Giampaolo que pour les personnes non-assujetties à la loi comme par exemple les non-résidents, il n’y a aucune obligation à informer le ministère du revenu des motifs justifiant son refus de fournir les documents demandés.  À contrario, pour les personnes assujetties à la loi, il y a obligation  non seulement de fournir les renseignements exigés mais aussi d’informer le ministère du revenu des motifs empêchant une personne de donner suite à la demande péremptoire. Je tire cette conclusion de l’interprétation que je fais de l’article 39 de la Loi.

[17]         La cour Suprême du Canada depuis la décision Rizzo[8]a adopté une règle d’interprétation que la Cour décrit en ces termes :

21     Bien que l'interprétation législative ait fait couler beaucoup d'encre (voir par ex. Ruth Sullivan, Statutory Interpretation (1997); Ruth Sullivan, Driedger on the Construction of Statutes (3e éd. 1994) (ci-après « Construction of Statutes » ); Pierre-André Côté, Interprétation des lois (2e éd. 1990)), Elmer Driedger dans son ouvrage intitulé Construction of Statutes (2e éd. 1983) résume le mieux la méthode que je privilégie. Il reconnaît que l'interprétation législative ne peut pas être fondée sur le seul libellé du texte de loi. À la p. 87, il dit:

     [TRADUCTION] Aujourd'hui il n'y a qu'un seul principe ou solution: il faut lire les termes d'une loi dans leur contexte global en suivant le sens ordinaire et grammatical qui s'harmonise avec l'esprit de la loi, l'objet de la loi et l'intention du législateur.

     Parmi les arrêts récents qui ont cité le passage ci-dessus en l'approuvant, mentionnons: >R. c. Hydro-Québec, [1997] 3 R.C.S. 213 2 ; >Banque Royale du Canada c. Sparrow Electric Corp., [1997] 1 R.C.S. 411; >Verdun c. Banque Toronto-Dominion, [1996] 3 R.C.S. 550;> Friesen c. Canada, [1995] 3 R.C.S. 103.

[18]        La cour Suprême sous la plume du juge Iaccoboci, dans la décision Bell ExpressVu[9] maintient cette règle d’interprétation et en précise les limites :

Principes d'interprétation législative

26     Voici comment, à la p. 87 de son ouvrage Construction of Statutes (2e éd. 1983), Elmer Driedger a énoncé le principe applicable, de la manière qui fait maintenant autorité :

     [TRADUCTION] Aujourd'hui, il n'y a qu'un seul principe ou solution : il faut lire les termes d'une loi dans leur contexte global en suivant le sens ordinaire et grammatical qui s'harmonise avec l'esprit de la loi, l'objet de la loi et l'intention du législateur.

     Notre Cour a à maintes reprises privilégié la méthode moderne d'interprétation législative proposée par Driedger, et ce dans divers contextes : voir, par exemple, Stubart Investments Ltd. c. La Reine, [1984] 1 R.C.S. 536, p. 578, le juge Estey; Québec (Communauté urbaine) c. Corp. Notre-Dame de Bon-Secours, [1994] 3 R.C.S. 3, p. 17; Rizzo & Rizzo Shoes Ltd. (Re), [1998] 1 R.C.S. 27, par. 21; R. c. Gladue, [1999] 1 R.C.S. 688, par. 25; R. c. Araujo, [2000] 2 R.C.S. 992, 2000 CSC 65, par. 26; R. c. Sharpe, [2001] 1 R.C.S. 45, 2001 CSC 2, par. 33, le juge en chef McLachlin; Chieu c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2002 CSC 3, par. 27. Je tiens également à souligner que, pour ce qui est de la législation fédérale, le bien-fondé de la méthode privilégiée par notre Cour est renforcé par l'art. 12 de la Loi d'interprétation, L.R.C. 1985, ch. I-21, qui dispose que tout texte « est censé apporter une solution de droit et s'interprète de la manière la plus équitable et la plus large qui soit compatible avec la réalisation de son objet » .

27       Cette méthode reconnaît le rôle important que joue inévitablement le contexte dans l'interprétation par les tribunaux du texte d'une loi. Comme l'a fait remarquer avec perspicacité le professeur John Willis dans son influent article intitulé « Statute Interpretation in a Nutshell » (1938), 16 R. du B. can. 1, à la p. 6, [TRADUCTION] « [l]es mots, comme les gens, prennent la couleur de leur environnement » . Cela étant, lorsque la disposition litigieuse fait partie d'une loi qui est elle-même un élément d'un cadre législatif plus large, l'environnement qui colore les mots employés dans la loi et le cadre dans lequel celle-ci s'inscrit sont plus vastes. En pareil cas, l'application du principe énoncé par Driedger fait naître ce que notre Cour a qualifié, dans R. c. Ulybel Enterprises Ltd., [2001] 2 R.C.S. 867, 2001 CSC 56, au par. 52, de « principe d'interprétation qui présume l'harmonie, la cohérence et l'uniformité entre les lois traitant du même sujet » . (Voir également Stoddard c. Watson, [1993] 2 R.C.S. 1069, p. 1079; Pointe-Claire (Ville) c. Québec (Tribunal du travail), [1997] 1 R.C.S. 1018, par. 61, le juge en chef Lamer.)»

[19]        La lecture que je fais de l’article 39 de la Loi en donnant le sens ordinaire aux mots utilisés, colorés par le contexte législatif du régime fiscal basé sur le principe d’auto-cotisation, implique non seulement une obligation générale de divulguer les renseignements fiscaux usuels mais aussi ceux spécifiquement requis par le ministère du Revenu. Les conséquences légales du refus ou la négligence de fournir les renseignements demandés sont multiples tant au niveau de poursuites judiciaires possibles que de l’évaluation d’une défense éventuelle de diligence raisonnable.

[20]        En cas de refus ou négligence de fournir les renseignements, le sous-ministre du revenu peut entamer une poursuite pénale, art. 60 de la Loi.  Dans cette situation, le refus de fournir les renseignements en temps utile pourra faire en sorte que le défendeur ne pourrait plus fournir les renseignements au tribunal à moins qu’il ne prouve par balance des probabilités que la demande du ministère du Revenu était déraisonnable, art. 39.1 de la Loi. Le législateur n’a pas jugé nécessaire de prévoir une infraction spécifique pour la personne assujettie à la Loi d’informer des motifs empêchant la transmission de l’information désirée. Toutefois, en appliquant les enseignements de l’arrêt Bell ExpressVu dans la recherche d’une interprétation permettant d’identifier la volonté du législateur et de faciliter l’exercice du pouvoir d’inspection dans le cadre du régime fiscale de l’auto-cotisation, je crois que l’obligation d’informer des motifs empêchant la fourniture des renseignements se trouve incluse dans le vocable de réponse que l’on retrouve au par.(2) de l’art. 39 de la Loi.

[21]           Quelles pourraient être les conséquences possibles du défaut de communiquer les motifs empêchant la production des renseignements demandés? Je conçois facilement qu’un tribunal pourrait en tirer une inférence défavorable lors de l’évaluation défavorable d’une défense de diligence raisonnable ou de toute autre défense reconnue en Common Law.

Mandat

[22]        La preuve révèle que le défendeur a confié un mandat général à son avocat de s’occuper de la demande péremptoire. Il ne s’est nullement enquis des démarches entreprises par son procureur ni donner d’instructions spécifiques se fiant entièrement à son procureur. Malheureusement, son procureur a mal interprété la Loi en négligeant d’informer le ministère du Revenu des difficultés commettant une erreur de droit. Le conseil erroné d’un avocat ne constitue pas une excuse raisonnable. À cet effet, il est intéressant de lire dans la décision Giroux[10] les propos suivants: «We note that the trial Judge concluded, with jurisprudence to support his view, that the error of law commited by appelant’s lawyer could not constitute a reasonable excuse». Cette position juridique est repris par la cour d’Appel dans la décision Tremblay[11] et al. en affirmant qu’«une erreur de droit quant à l’interprétation d’une disposition légale qui crée une infraction ne constitue pas un moyen de défense.»

[23]        Dans l’espèce, le défendeur ne peut soulever avec succès l’erreur commise par son procureur dans le cadre d’une défense de diligence raisonnable.

Dispositif

[24]        La preuve à charge  est hors de tout doute raisonnable et suffisante pour entraîner la responsabilité pénale du défendeur. Les circonstances particulières et surtout le faible degré de négligence de la part du défendeur m’incite à ne pas rendre sentence dans ce dossier. Il m’apparaît que les fins supérieures de l’administration de la Justice seraient mieux servies en écartant la déclaration de culpabilité qu’en imposant une peine. Le défendeur m’est apparu  sensibilisé au respect de la loi et une peine n’est nullement nécessaire pour le dissuader d’enfreindre à nouveau la loi dans l’avenir. Pour ces motifs, j’utilise ma discrétion judiciaire, pouvoir réservé à des cas exceptionnels et ordonne en conséquence un arrêt des procédures.        

PAR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :

ÉCARTE la déclaration de culpabilité;

ORDONNE l'arrêt des procédures;

 

 

__________________________________

GEORGES BENOIT

 

Date d'audience: le 10 mars 2003

 

 

 



[1] Loi sur le ministère du Revenu. L.R.Q., chap. M-31

[2] Code de procédure pénale. L.R.Q. c. C-25.1

[3] R.c. Sault Ste-Marie. [1978] 2 R.C.S. 1299

[4] R.c.Chapin.  [1979] 2 R.C.S.121

[5] R.c.Goltz. [1991] 3 R.C.S. 485

[6] R.c.Lee’s Poultry LTd.(1985) 17 C.C.C. (3d) 539

[7] Giampaolo c. Québec, [1992] R.D.F.Q.243

[8] Rizzo & Rizzo Shoes Ltd. (RE) [1999] 1 R.C.S. 743

[9] Bell ExpressVu Ltd. Référence neutre 2002 CSC no du Greffe 28227

[10] Giroux c. R. (1982), 63 C.C.C. (2d) 555

[11]Tremblay et al. c. R. Cour d’Appel. No :200-10-000480954 23 janvier 1998