R. c. Goltz, [1991] 3 R.C.S. 485
Sa Majesté la Reine Appelante
c.
Willy Arthur Goltz
Intimé
et
Le procureur général de l'Ontario et
le procureur général du Manitoba
Intervenants
Répertorié: R. c. Goltz
No du greffe: 21826.
1991: 7 juin; 1991: 14 novembre.
Présents: Le juge en chef Lamer et les juges La Forest, L'Heureux-Dubé, Sopinka,
Gonthier, Cory, McLachlin, Stevenson et Iacobucci.
en appel de la cour d'appel de la colombie-britannique
Droit constitutionnel -- Charte des droits -- Peine cruelle et inusitée --
Peine minimale -- Loi provinciale relative aux véhicules automobiles prévoyant une
peine minimale obligatoire de sept jours d'emprisonnement et d'une amende pour une
première déclaration de culpabilité de conduite durant une interdiction -- La peine
minimale obligatoire viole-t-elle l'art. 12 de la Charte? -- Dans l'affirmative, la

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violation est-elle justifiée aux termes de l'article premier de la Charte? -- Motor
Vehicle Act, R.S.B.C. 1979, ch. 288, art. 88(1)c) -- Charte canadienne des droits et
libertés, art. 1, 12.
L'intimé a été reconnu coupable d'avoir enfreint l'al. 88(1)a) en
conduisant alors qu'il était sous le coup d'une interdiction prononcée en vertu du
sous-al. 86(1)a)(ii) de la Motor Vehicle Act de la Colombie-Britannique.
L'alinéa 88(1)c) prescrit une peine minimale de sept jours d'emprisonnement et de
300 $ d'amende pour une première déclaration de culpabilité de conduite durant une
interdiction fondée sur les art. 84, 85, 86 ou 214. La Cour provinciale a conclu que
la disposition en cause ne violait pas la garantie de protection contre les peines
cruelles et inusitées énoncée à l'art. 12 de la Charte canadienne des droits et libertés,
et a infligé la peine minimale. En appel, la Cour de comté a statué que la disposition
prescrivant la peine violait l'art. 12 de la Charte et ne pouvait se justifier aux termes
de l'article premier. Cette décision a été maintenue par la Cour d'appel. Les
questions constitutionnelles soulevées dans le pourvoi sont de savoir si l'al. 88(1)c)
de la Motor Vehicle Act viole l'art. 12 de la Charte et, dans l'affirmative, si la
violation est justifiée aux termes de l'article premier.
Arrêt (le juge en chef Lamer et les juges McLachlin et Stevenson sont
dissidents): Le pourvoi est accueilli. La peine minimale obligatoire infligée en
application de l'al. 88(1)c) de la Motor Vehicle Act pour une première déclaration de
culpabilité de conduite durant une interdiction ne viole pas l'art. 12 de la Charte
lorsque l'interdiction de conduire est prononcée en vertu du sous-al. 86(1)a)(ii) de la
Loi. D'autres interdictions de conduire, dont la violation entraîne également la peine

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minimale obligatoire prévue à l'al. 88(1)c), ne sont pas en cause dans le présent
pourvoi.
Les juges La Forest, L'Heureux-Dubé, Sopinka, Gonthier, Cory et
Iacobucci: Le critère général pour déterminer si une peine est cruelle et inusitée au
sens de l'art. 12 est celui de la disproportion exagérée, critère qui doit tenir compte
de la gravité de l'infraction, des caractéristiques personnelles du contrevenant et des
circonstances particulières de l'affaire. D'autres facteurs peuvent légitimement entrer
en ligne de compte. On peut se demander si la peine est nécessaire pour atteindre un
objectif pénal régulier, si elle repose sur des principes reconnus en matière de
détermination de la peine, s'il existe des solutions de rechange valables à la peine
effectivement infligée et, dans une certaine mesure, si la comparaison avec des
peines infligées pour d'autres crimes dans le même ressort révèle une grande
disproportion. Le critère en question ne permet pas l'invalidation inconsidérée de
peines établies par le législateur. Il arrivera rarement qu'une cour de justice conclura
qu'une peine est si exagérément disproportionnée qu'elle viole l'art. 12 de la Charte.
L'analyse de l'invalidité en vertu de l'art. 12 comporte deux aspects. Le
premier comporte l'appréciation de la peine ou de la sanction contestée dans l'optique
de la personne à qui elle a en fait été infligée, en soupesant la gravité de l'infraction
elle-même d'une part et les circonstances particulières de cette infraction et les
caractéristiques personnelles du contrevenant d'autre part. Si l'on décide que la
disposition contestée prévoit, et infligerait en réalité au contrevenant, une sanction
à ce point excessive ou exagérément disproportionnée qu'elle irait à l'encontre de ce
qui est acceptable dans ces circonstances réelles et particulières, elle constituera

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alors à première vue une violation de l'art. 12 et fera l'objet d'un examen visant à
déterminer si elle peut se justifier aux termes de l'article premier de la Charte. Si les
faits particuliers de l'espèce ne justifient pas une conclusion de disproportion
exagérée, il peut y avoir un autre aspect à examiner, savoir une contestation fondée
sur la Charte ou une question constitutionnelle concernant la validité d'une
disposition législative fondée sur la disproportion exagérée démontrée par des
circonstances hypothétiques raisonnables.
Les questions constitutionnelles en l'espèce se limitent au type particulier
d'interdiction dont l'intimé a été frappé en vertu du sous-al. 86(1)a)(ii) de la Loi.
Étant donné l'infraction particulière en cause et la situation personnelle de l'intimé,
l'al. 88(1)c), appliqué sélectivement à l'al. 88(1)a) et au sous-al. 86(1)a)(ii), ne viole
pas l'art. 12 de la Charte. La perpétration de l'infraction prévue au
sous-al. 86(1)a)(ii) et au par. 88(1) est grave. La gravité de l'infraction doit être
appréciée en fonction de l'objet de la loi et en fonction des infractions aux règles de
conduite automobile qui donnent lieu à l'interdiction. L'interdiction prononcée en
vertu du sous-al. 86(1)a)(ii) vise dans une large mesure à protéger la santé et la vie
des personnes qui circulent sur les routes de la province, comme l'indiquent les
exigences que l'individu frappé d'interdiction ait un "dossier de conducteur
insatisfaisant" et que l'interdiction soit "dans l'intérêt public". Seuls les mauvais
conducteurs dont le dossier est insatisfaisant se voient interdits en vertu du
sous-al. 86(1)a)(ii) parce que ce sont surtout ces conducteurs qui présentent un
danger pour les citoyens innocents qui utilisent les routes d'une manière responsable.
Que favoriser la conduite responsable et punir la conduite irresponsable soient les
points sur lesquels insiste la Loi se dégage en outre de l'exigence, pour qu'il y ait

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infraction, qu'une personne conduise en sachant qu'il lui est interdit de conduire. De
plus, comme l'infraction en question est difficile à détecter, beaucoup de conducteurs
frappés d'interdiction seront fortement tentés de la commettre et, cela étant, le
législateur peut rationnellement conclure qu'aux fins de la dissuasion, cette infraction
doit entraîner une peine sévère. La gravité de l'infraction de conduite durant une
interdiction devient plus évidente à l'examen des mesures protectrices d'ordre
procédural prévues par la Loi, mesures grâce auxquelles seuls les mauvais
conducteurs se verront interdits de conduire en vertu de l'al. 88(1)a) en tant qu'il
s'applique au sous-al. 86(1)a)(ii).
L'intimé a sciemment et impudemment violé l'interdiction dont il était
frappé. Rien n'indique qu'une urgence quelconque le contraignait à conduire sa
voiture le jour en question. De plus, on n'a présenté aucun élément relevant d'une
caractéristique personnelle pertinente de l'intimé qui aurait justifié une peine atténuée
ou une peine moindre que la peine minimale obligatoire. On ne saurait
raisonnablement affirmer que les effets de la peine vont à l'encontre de ce qui est
acceptable ou qu'ils peuvent être considérés comme exagérément disproportionnés
à l'infraction commise. La peine de sept jours d'emprisonnement est moins sévère
qu'il ne le paraît peut-être à première vue puisqu'elle peut être purgée au cours de
quelques fins de semaine, comme c'est le cas en l'espèce.
Il est peu probable que l'application générale de la disposition créant
l'infraction entraîne une peine exagérément disproportionnée équivalant à une peine
cruelle et inusitée. L'intimé ne s'est pas acquitté de la charge d'établir l'existence
d'une situation hypothétique raisonnable dans laquelle l'application de la loi irait à

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l'encontre de l'art. 12. Le régime réglementaire consistant à attribuer des points
d'inaptitude et à effectuer des contrôles internes garantit que les cas où un "petit
contrevenant" se verra infliger la peine minimale prescrite par l'al. 88(1)c) seront
extrêmement rares. En séparant l'infraction de conduite durant une interdiction des
différentes infractions aboutissant à l'interdiction, la Cour d'appel n'a pas attaché
suffisamment d'importance à la gravité de l'infraction ni au seuil relativement élevé
à atteindre pour qu'il y ait perpétration de cette infraction.
Le juge en chef Lamer et les juges McLachlin et Stevenson (dissidents):
Dans certains cas la peine minimale obligatoire de sept jours d'emprisonnement et
d'une amende serait manifestement disproportionnée et choquerait la conscience des
Canadiens, de sorte qu'elle constituerait une violation de la garantie de protection
contre les peines cruelles et inusitées prévue à l'art. 12 de la Charte. La disposition
en cause ne peut, en raison de sa portée excessive, être sauvegardée par l'article
premier de la Charte: aucune nécessité évidente ou probable d'une mesure de
dissuasion qui s'applique ainsi sans distinction n'a été démontrée.
Plutôt que de procéder au cas par cas pour soustraire des infractions
particulières à l'application de l'al. 88(1)c), la Cour devrait supprimer la peine
minimale obligatoire. Une analyse qui comporte le retranchement de dispositions
potentiellement inconstitutionnelles de l'art. 88 n'apporte pas de réponse à la question
soulevée dans le présent pourvoi.
De plus, retrancher de l'art. 88 la mention d'interdictions autres que
certains cas prévus à l'art. 86 de la Loi revient en fait à donner à celle-ci une

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interprétation atténuée ou à appliquer la théorie de l'exemption constitutionnelle.
Aborder l'art. 88 comme s'il ne parlait que des interdictions visées à l'art. 86 c'est
traiter d'un régime différent de celui que le législateur a établi. Cela laisserait planer
de l'incertitude quant à la constitutionnalité du régime, ce qui va à l'encontre du
principe fondamental suivant lequel les lois dont la violation peut entraîner
l'emprisonnement doivent être claires, certaines et vérifiables.
Jurisprudence
Citée par le juge Gonthier
Arrêt examiné: R. c. Smith, [1987] 1 R.C.S. 1045; arrêts mentionnés:
R. v. Williams (1988), 26 B.C.L.R. (2d) 67; R. v. Konechny (1983), 10 C.C.C. (3d)
233; R. c. Lyons, [1987] 2 R.C.S. 309; R. c. Luxton, [1990] 2 R.C.S. 711; R. v.
Guiller (1986), 48 C.R. (3d) 226; Steele c. Établissement Mountain, [1990] 2 R.C.S.
1385; R. v. Alston (1985), 36 M.V.R. 67; Renvoi: Motor Vehicle Act de la C.-B.,
[1985] 2 R.C.S. 486; Hundal v. Superintendent of Motor Vehicles (1985), 64
B.C.L.R. 273; Danson c. Ontario (Procureur général), [1990] 2 R.C.S. 1086;
MacKay c. Manitoba, [1989] 2 R.C.S. 357; Perka c. La Reine, [1984] 2 R.C.S. 232.
Citée par le juge McLachlin (dissidente)

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R. c. Smith, [1987] 1 R.C.S. 1045; R. c. Seaboyer, [1991] 2 R.C.S. 577;
R. c. Wholesale Travel Inc., [1991] 2 R.C.S. 154; Perka c. La Reine, [1984] 2 R.C.S.
232.
Lois et règlements cités
Charte canadienne des droits et libertés, art. 1, 12.
Correction Act, R.S.B.C. 1979, ch. 70, art. 1, 15, 16, 18, 19, 47.
Loi constitutionnelle de 1982, art. 52.
Miscellaneous Statutes Amendment Act (No. 2), 1981, S.B.C. 1981, ch. 21, art. 55.
Motor Vehicle Act, R.S.B.C. 1979, ch. 288, art. 25, 83, 84, 85, 86(1)a)(ii), 87, 88(1)a), c),
94, 150(1), 214.
Motor Vehicle Act Regulations, B.C. Reg. 26/58, Division 28.
Motor Vehicle Amendment Act, 1982, S.B.C. 1982, ch. 36, art. 19.
Offence Act, R.S.B.C. 1979, ch. 305, art. 77, 122.
Doctrine citée
British Columbia. Motor Vehicle Task Force. Report. Victoria: The Task Force, 1980.
Robertson, Carol. "The Judicial Search for Appropriate Remedies Under the Charter: The
Examples of Overbreadth and Vagueness". In Charter Litigation. Edited
by Robert J. Sharpe. Toronto: Butterworths, 1987.
POURVOI contre un arrêt de la Cour d'appel de la Colombie-Britannique
(1990), 43 B.C.L.R. (2d) 161, 52 C.C.C. (3d) 527, 74 C.R. (3d) 78, 47 C.R.R. 247,
19 M.V.R. (2d) 89, qui a confirmé une décision de la Cour de comté de la
Colombie-Britannique (1988), 44 C.C.C. (3d) 166, 66 C.R. (3d) 236, 11 M.V.R. (2d)

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120, jugeant cruelle et inusitée la peine minimale obligatoire en cause. Pourvoi
accueilli, le juge en chef Lamer et les juges McLachlin et Stevenson sont dissidents.
George H. Copley, pour l'appelante.
Kathryn Ford et Jack Thorhaug, pour l'intimé.
W. J. Blacklock, pour l'intervenant le procureur général de l'Ontario.
Lawrence McInnes et V. E. Toews, pour l'intervenant le procureur général
du Manitoba.
//Le juge Gonthier//
Version française du jugement des juges La Forest, L'Heureux-Dubé,
Sopinka, Gonthier, Cory et Iacobucci rendu par
LE JUGE GONTHIER -- Il s'agit dans le présent pourvoi de déterminer si la
peine minimale prescrite par l'al. 88(1)c) de la Motor Vehicle Act, R.S.B.C. 1979,
ch. 288, en tant qu'elle s'applique à l'al. 88(1)a) et au sous-al. 86(1)a)(ii) de ladite
Loi, viole l'art. 12 de la Charte canadienne des droits et libertés.
I -- Exposé des faits

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Le 25 mai 1987 le Superintendent of Motor Vehicles de la
Colombie-Britannique ("le surintendant des véhicules automobiles"), en application
du sous-al. 86(1)a)(ii) de la Motor Vehicle Act ("la Loi"), a interdit à Willy Goltz de
conduire pendant une période de trois mois. L'intimé avait accumulé de nombreux
points d'inaptitude pour diverses infractions aux règles de conduite automobile, ce
qui a amené le surintendant à conclure au caractère insatisfaisant du dossier de
conducteur de l'intimé et à déclarer qu'il fallait, dans l'intérêt public, lui interdire de
conduire. L'avis d'interdiction envoyé par le surintendant à l'intimé porte notamment
ce qui suit:
[TRADUCTION] Je [. . .] SURINTENDANT DES VÉHICULES
AUTOMOBILES, vous avise par les présentes que j'estime nécessaire
dans l'intérêt public de vous interdire de conduire un véhicule automobile
conformément au sous-alinéa 86(1)a)(ii) de la Motor Vehicle Act.
Il vous est donc défendu de conduire pendant une période de trois mois
à compter de la date où vous recevrez le présent avis.
. . .
Je prendrai en considération tous motifs écrits que vous pourrez souhaiter
faire valoir en faveur soit de l'annulation de la présente interdiction, soit
d'une interdiction de plus courte durée.
Vous trouverez ci-joint votre dossier de conducteur pour les cinq
dernières années.
La nature précise des infractions de l'intimé et le total de ses points d'inaptitude n'ont
été en cause ni au procès ni en Cour d'appel.
Le 13 juin 1987, l'intimé s'est fait arrêter par un agent de la GRC alors
qu'il se trouvait au volant d'un véhicule automobile qui, d'après l'agent, roulait à une
vitesse excessive. L'intimé a reçu une contravention pour cette infraction et, quand

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on a découvert qu'il était sous le coup d'une interdiction de conduire, un "avis de
comparaître" pour répondre à une accusation portée en vertu du par. 88(1) de la Loi
lui a été remis.
À son procès en Cour provinciale, l'intimé a été reconnu coupable de
conduite durant une interdiction et s'est vu infliger la peine minimale de sept jours
d'emprisonnement, à purger de façon intermittente des fins de semaines consécutives
de trois jours, et une amende de 300 $, à payer dans les trois mois de la date du
jugement. En Cour provinciale, on a contesté la constitutionnalité de la peine
minimale et la cour a conclu que le par. 88(1) de la Motor Vehicle Act de la
Colombie-Britannique ne violait pas l'art. 12 de la Charte.
L'intimé a porté la décision de la Cour provinciale en appel devant la
Cour de comté de la Colombie-Britannique, où le juge Hogarth a statué que la
disposition de l'al. 88(1)c) prescrivant la peine violait l'art. 12 de la Charte et ne
pouvait se justifier aux termes de l'article premier. Cette décision a subséquemment
été maintenue par la Cour d'appel de la Colombie-Britannique, dont l'arrêt fait l'objet
du présent pourvoi.
II -- Les dispositions législatives pertinentes
Motor Vehicle Act, R.S.B.C. 1979, ch. 288
[TRADUCTION] 86. (1) Indépendamment du fait qu'une personne est
ou peut être frappée d'une autre interdiction de conduire, le surintendant
peut, lorsqu'il le juge opportun dans l'intérêt public, et sans

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nécessairement tenir d'audience, interdire à cette personne de conduire
un véhicule automobile
a) si elle . . .
(ii) a un dossier de conducteur que le surintendant estime
insatisfaisant,
. . .
87. (1) Toute personne frappée d'une interdiction de conduire un
véhicule automobile en vertu de l'article 86 peut, dans les 30 jours qui
suivent la réception d'un avis d'interdiction, en appeler de cette
interdiction devant la Cour de comté.
88. (1) Quiconque conduit un véhicule automobile sur la route ou
sur un chemin industriel en sachant
a) soit qu'il lui est interdit aux termes des articles 84, 85, 86 ou 214
de conduire un tel véhicule,
b) soit que son permis de conduire ou son droit de demander ou
d'obtenir un tel permis est suspendu en vertu des articles 25, 83,
87, 88, 94 ou 214X tel qu'il était rédigé avant d'être abrogé et
remplacé ou modifié par l'entrée en vigueur de la Motor Vehicle
Amendment Act, 1982,
commet une infraction et est passible,
c) pour la première condamnation, d'une amende d'au moins 300 $
et d'au plus 2 000 $ et d'un emprisonnement d'au moins 7 jours et
d'au plus 6 mois . . .
Motor Vehicle Act Regulations, B.C. Reg. 26/58, et modifications, Division 28 --
Points d'inaptitude
[TRADUCTION] 28.01 Le surintendant, s'il est convaincu qu'une
personne a commis une infraction ou une violation des règles de conduite
automobile en contrevenant à une disposition visée à l'annexe, porte au
dossier de conducteur de cette personne le nombre de points d'inaptitude
qu'entraîne, selon l'annexe, la contravention susvisée.
Charte canadienne des droits et libertés

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12. Chacun a droit à la protection contre tous traitements ou peines
cruels et inusités.
III -- Les jugements des instances inférieures
Cour provinciale de la Colombie-Britannique, Surrey (C.-B.)
La juridiction de première instance s'est estimée tenue, par la décision de
la Cour de comté de Vancouver dans l'affaire R. v. Williams (1988), 26 B.C.L.R. (2d)
67, et par l'arrêt de la Cour d'appel de la Colombie-Britannique dans l'affaire R. v.
Konechny (1983), 10 C.C.C. (3d) 233, de conclure que le par. 88(1) de la Loi était
valide et ne prescrivait pas une peine cruelle et inusitée au sens de l'art. 12 de la
Charte. L'intimé a donc été condamné à sept jours d'emprisonnement, à purger de
façon intermittente au cours de fins de semaine consécutives de trois jours.
Cour de comté de Westminster ((1988), 44 C.C.C. (3d) 166)
Le juge Hogarth de la Cour de comté de Westminster a passé en revue la
jurisprudence pertinente, y compris l'arrêt de la Cour suprême du Canada R. c. Smith,
[1987] 1 R.C.S. 1045, puis a décidé que, tôt ou tard, il se présenterait assurément un
cas où il serait scandaleux d'infliger la peine prescrite. Appliquant le critère de la
disproportion exagérée établi par les juges majoritaires dans l'affaire Smith, le juge
Hogarth a conclu que, pris ensemble, les al. 88(1)a) et c) violaient l'art. 12 de la
Charte. Il a conclu en outre que cette violation ne pouvait se justifier aux termes de
l'article premier de la Charte.

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Cour d'appel de la Colombie-Britannique ((1990), 43 B.C.L.R. (2d) 161)
La Cour d'appel, se prononçant unanimement par l'intermédiaire du juge
Wood, a confirmé la décision du juge Hogarth de la Cour de comté. Dans ses motifs,
la cour fait remarquer que le critère employé par la majorité dans l'affaire Smith pour
déterminer ce qui constitue une peine cruelle et inusitée diffère nettement de celui
appliqué dans l'arrêt Konechny, précité, et qu'il faut attacher une grande importance
au fait que dans l'affaire Smith on a mis l'accent sur les caractéristiques personnelles
du contrevenant et sur les circonstances particulières dans lesquelles l'infraction a été
commise.
Bien qu'elle se soit arrêtée aux circonstances particulières de l'affaire, la
Cour d'appel a comparé les dispositions de l'art. 88 relatives à son application et à
la peine y prescrite et les dispositions analogues concernant d'autres infractions. Elle
a conclu que l'infraction de conduite durant une interdiction ne présente que
[TRADUCTION] "peu de danger intrinsèque pour l'ensemble de la collectivité" et que,
par conséquent, un emprisonnement minimal de sept jours se justifie assez mal. Le
juge Wood exprime ainsi ce point de vue, à la p. 170:
[TRADUCTION] Après tout, c'est la façon de conduire et non le fait que la
conduite soit interdite qui représente un danger pour la société. Et
pourtant, fait révélateur, pour bien des façons de conduire, tels l'excès de
vitesse, le non-respect de la signalisation routière et la conduite
imprudente, que la loi qualifie clairement de dangereuses, non seulement
aucune peine d'emprisonnement minimale obligatoire n'est prévue en cas
de déclaration de culpabilité, mais la peine maximale prescrite dans
chaque cas est l'inscription d'un nombre déterminé de points d'inaptitude
au dossier de conducteur du contrevenant . . .
Si l'on regarde le droit criminel, on constate qu'il existe un bon
nombre de crimes graves, dont la perpétration présente un danger réel

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pour la société, à l'égard desquels aucune peine minimale obligatoire
n'est prescrite par le Code criminel.
. . .
La comparaison de la gravité relative des nombreuses infractions en
droit qui n'entraînent pas de peine d'emprisonnement obligatoire pour la
première déclaration de culpabilité et de celle de l'infraction
présentement en cause m'amène à conclure qu'il n'y a, en principe, pas
de raison pour laquelle celle-ci comporterait une peine minimale
obligatoire de sept jours d'emprisonnement.
La cour a souligné que l'infraction de conduite durant une interdiction
doit être appréciée indépendamment, sans égard aux infractions aboutissant à
l'interdiction de conduire (à la p. 173):
[TRADUCTION] Les circonstances de l'infraction qui sont pertinentes
relativement aux critères que nous étudions sont celles liées à la conduite
interdite et non celles qui ont mené à l'interdiction. Si une peine de sept
jours d'emprisonnement est tout à fait disproportionnée dans un cas
donné [. . .] sa constitutionnalité ne peut être sauvegardée du fait qu'il
s'agit d'une peine qui se justifie en quelque sorte en tant que sanction
supplémentaire d'infractions dont le contrevenant a déjà été reconnu
coupable et pour lesquelles il a déjà été puni.
Réfléchissant aux situations hypothétiques susceptibles d'aller à
l'encontre de l'art. 12 et insistant sur le nombre illimité des différentes circonstances
dans lesquelles l'infraction en cause pourrait être commise, la cour a conclu à une
violation de l'art. 12 en se fondant sur son opinion qu'il [TRADUCTION] "y aura
inévitablement des cas où une peine minimale obligatoire de sept jours
d'emprisonnement assortie d'une amende de 300 $ sera si exagérément
disproportionnée à ce qui aurait autrement été approprié que l'infliger contreviendra
manifestement à l'art. 12 de la Charte" (p. 172). La cour a fait remarquer en outre
que, si le moyen de défense fondé sur la nécessité peut dans certaines situations

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exceptionnelles permettre au rare contrevenant de se soustraire à la sanction prescrite
à l'al. 88(1)a), cette défense n'écartera aucunement la certitude que se présentera tôt
ou tard un cas de disproportion exagérée.
En dernier lieu, la cour a dit que, bien que l'objectif de la protection du
public contre les mauvais conducteurs soit important et ait un lien rationnel avec le
but législatif sous-jacent à la peine minimale, soit de dissuader les conducteurs
frappés d'interdiction de violer cette interdiction, la peine minimale de sept jours
d'emprisonnement ne porte pas le moins possible atteinte au droit garanti par
l'art. 12. Par conséquent, la peine ne peut se justifier aux termes de l'article premier
de la Charte. D'après la cour, cette conclusion est renforcée par le fait qu'aucune
autre province canadienne n'a jugé nécessaire d'infliger une peine d'emprisonnement
minimale obligatoire aux conducteurs qui violent une interdiction officielle. La Cour
d'appel de la Colombie-Britannique a en conséquence invalidé la peine minimale
prévue à l'al. 88(1)c) et a ordonné que la question de la peine appropriée soit soumise
au tribunal de première instance.
IV -- Les questions en litige
Les questions soulevées dans le présent pourvoi prennent la forme des
questions constitutionnelles suivantes formulées par le juge en chef Lamer le
11 septembre 1990:
1.
La peine minimale obligatoire de sept jours d'emprisonnement et de
300 $ d'amende imposée, conformément à l'al. 88(1)c) de la Motor
Vehicle Act, R.S.B.C. 1979, ch. 288, pour une première déclaration de
culpabilité de conduite sous le coup d'une interdiction porte-t-elle atteinte

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aux droits et libertés garantis par l'art. 12 de la Charte canadienne des
droits et libertés?
2.
Si la peine minimale obligatoire imposée conformément à l'al. 88(1)c) de
la Motor Vehicle Act, R.S.B.C. 1979, ch. 288, pour une première
déclaration de culpabilité de conduite sous le coup d'une interdiction
porte atteinte aux droits et libertés garantis par l'art. 12 de la Charte, cette
peine est-elle justifiée par l'article premier de la Charte et donc
compatible avec la Loi constitutionnelle de 1982?
Dans sa plaidoirie, le substitut du procureur général de la
Colombie-Britannique a limité sa défense de l'al. 88(1)c) de la Motor Vehicle Act,
aux ordonnances d'interdiction rendues en vertu du sous-al. 86(1)a)(ii). Selon moi,
rien n'empêchait le procureur général de la Colombie-Britannique de limiter ainsi sa
défense.
Les questions constitutionnelles se limitent au type particulier
d'interdiction dont l'intimé a été frappé en vertu du sous-al. 86(1)a)(ii) de la Loi.
D'autres types d'interdictions, dont la violation entraîne également la peine minimale
obligatoire prévue à l'al. 88(1)c), ne sont pas en cause dans le présent pourvoi.
V -- Analyse
1.
La peine minimale obligatoire de sept jours d'emprisonnement et de
300 $ d'amende imposée, conformément à l'al. 88(1)c) de la Motor
Vehicle Act, R.S.B.C. 1979, ch. 288, pour une première déclaration de
culpabilité de conduite sous le coup d'une interdiction porte-t-elle atteinte
aux droits et libertés garantis par l'art. 12 de la Charte canadienne des
droits et libertés?
Historique de la disposition contestée

- 18 -
Le gouvernement de la Colombie-Britannique a constitué en 1978 un
Motor Vehicle Task Force ("groupe de travail"), dont le mandat était d'examiner les
lois et les procédures applicables aux usagers des routes en Colombie-Britannique
et de recommander des changements destinés à favoriser la prudence au volant, et
ce afin de réduire le nombre croissant d'accidents et de demandes d'indemnisation
pour lésions corporelles. Après que le groupe de travail eut présenté son rapport en
1980, l'assemblée législative a édicté une peine obligatoire pour quiconque
conduisait alors que son permis de conduire était suspendu. Il s'agissait d'une
amende d'au moins 300 $ et d'une peine d'au moins sept jours d'emprisonnement
(Miscellaneous Statutes Amendment Act (No. 2), 1981, S.B.C. 1981, ch. 21, art. 55).
En 1982, l'assemblée a modifié la Motor Vehicle Act de manière à ce que la peine
obligatoire prévue à l'art. 88 s'applique aux interdictions ainsi qu'aux suspensions
(Motor Vehicle Amendment Act, 1982, S.B.C. 1982, ch. 36, art. 19). Cette disposition
donnait suite à l'une des nombreuses recommandations du groupe de travail et c'est
cette disposition modifiée qui est contestée en l'espèce.
Peu après l'entrée en vigueur de la disposition, le 15 août 1981, la peine
minimale obligatoire de sept jours d'emprisonnement a été contestée dans l'affaire
R. v. Konechny, précité, au motif qu'elle enfreignait les art. 9 et 12 de la Charte
canadienne des droits et libertés. La Cour d'appel de la Colombie-Britannique, à la
majorité, a statué que la disposition prévoyant la peine ne violait pas la Charte parce
que la peine n'était pas exagérément disproportionnée à l'infraction. Le juge
Macdonald a indiqué, à la p. 248, que le concept d'une peine cruelle et inusitée
[TRADUCTION] "se limite à une peine extrêmement sévère", et il a partagé l'avis du

- 19 -
juge McFarlane que sept jours d'emprisonnement pour avoir conduit alors qu'on se
savait sous le coup d'une interdiction n'avait rien d'excessif.
À la suite de l'arrêt rendu par notre Cour dans l'affaire R. c. Smith, précité,
la peine minimale obligatoire prescrite par l'art. 88 de la Loi a de nouveau été
contestée à la Cour de comté -- dans l'affaire R. v. Williams, précitée, et dans la
présente espèce -- avec des résultats différents. Dans le cas qui nous occupe, le juge
Wood de la Cour d'appel dit, à la p. 168, que, selon lui:
[TRADUCTION] . . . la décision des juges majoritaires dans l'affaire Smith
doit, à ce point de vue-là, être considérée comme ayant remis en cause
la question qui semblait avoir été tranchée dans l'arrêt Konechny.
Il y a donc lieu d'examiner soigneusement l'arrêt Smith, car c'est le critère
qui y est énoncé qui, en l'espèce, a amené la Cour d'appel à une conclusion différente
de celle à laquelle elle était arrivée lors de son premier examen de l'al. 88(1)c) dans
l'affaire Konechny, précitée.
Le critère général pour déterminer s'il y a violation de l'art. 12 de la Charte
Le critère actuellement employé pour déterminer si une loi prescrit une
peine cruelle et inusitée a été posé par le juge Lamer (maintenant Juge en chef) dans
l'arrêt R. c. Smith, précité. Ce critère a été établi au terme d'une étude approfondie
de l'histoire et de la portée du principe de l'interdiction des peines cruelles et
inusitées, étude qu'il n'y a pas lieu de refaire ici. Le critère a depuis lors été confirmé
dans les arrêts R. c. Lyons, [1987] 2 R.C.S. 309, et R. c. Luxton, [1990] 2 R.C.S. 711.

- 20 -
Dans l'arrêt Smith, la Cour a invalidé une disposition fixant une peine
minimale de sept ans d'emprisonnement pour l'infraction d'importation de stupéfiants
prévue au par. 5(1) de la Loi sur les stupéfiants. D'après la Cour, cette sanction
obligatoire constituait une peine cruelle et inusitée au sens de l'art. 12 de la Charte.
Chaque membre de la Cour qui a siégé dans l'affaire Smith a admis le principe
général selon lequel une peine qui est exagérément ou excessivement
disproportionnée à l'infraction va à l'encontre de l'art. 12. Le critère énoncé dans
l'arrêt Smith tient fortement compte de la situation particulière du contrevenant et des
circonstances spécifiques de l'infraction. La Cour a décidé qu'aux fins de déterminer
la constitutionnalité d'une peine il faut porter une attention particulière aux effets de
cette peine sur l'individu visé.
La norme générale à appliquer pour décider s'il y a eu violation de
l'art. 12 se trouve énoncée dans le passage suivant tiré de l'arrêt Smith, à la p. 1072:
. . . la protection accordée par l'art. 12 régit la qualité de la peine et vise
l'effet que la peine peut avoir sur la personne à qui elle est infligée. [. . .]
Le critère qui doit être appliqué pour déterminer si une peine est cruelle
et inusitée au sens de l'art. 12 de la Charte consiste, pour reprendre les
termes utilisés par le juge en chef Laskin à la p. 688 de l'arrêt Miller et
Cockriell, précité, à se demander "si la peine infligée est excessive au
point de ne pas être compatible avec la dignité humaine." En d'autres
termes, bien que l'État puisse infliger une peine, l'effet de cette peine ne
doit pas être exagérément disproportionné à ce qui aurait été approprié.
. . . Le critère applicable à l'examen en vertu de l'art. 12 de la Charte est
celui de la disproportion exagérée, étant donné qu'il vise les peines qui
sont plus que simplement excessives. [Je souligne.]
Les éléments constitutifs du critère général de la disproportion exagérée

- 21 -
Suivant l'arrêt Smith, pour vérifier s'il y a disproportion exagérée, on doit
prendre en considération les éléments essentiels suivants, exposés par le juge Lamer
à la p. 1073:
. . . la gravité de l'infraction commise, les caractéristiques personnelles
du contrevenant et les circonstances particulières de l'affaire afin de
déterminer quelles peines auraient été appropriées pour punir, réhabiliter
ou dissuader ce contrevenant particulier ou pour protéger le public contre
ce dernier . . .
Il faut également évaluer l'effet de la peine qui est effectivement
infligée.
La portée de l'examen ne doit pas être élargie à ce stade-ci. Comme
l'indique le juge Lamer, à la p. 1073:
Ainsi, les autres objectifs que peut viser l'imposition d'une peine, en
particulier la dissuasion d'autres contrevenants en puissance, sont sans
importance à cette étape de l'analyse. Cela signifie non pas que le juge
ou le législateur ne peut plus, en déterminant une peine, prendre en
considération la dissuasion générale ou d'autres objectifs pénologiques
qui vont au delà du contrevenant particulier, mais seulement que la peine
qui résulte ne doit pas être exagérément disproportionnée à ce que mérite
le contrevenant. Si une peine exagérément disproportionnée est prescrite
"par une règle de droit", alors l'objectif qu'elle vise devra faire l'objet
d'une évaluation en vertu de l'article premier. L'article 12 a pour effet
d'assurer que chaque contrevenant se voie infliger une peine appropriée,
ou tout au moins non exagérément disproportionnée, à sa situation
particulière, alors que l'article premier permet de passer outre à ce droit
afin de réaliser un objectif social important.
Bien qu'ils ne soient pas en soi déterminants pour décider s'il y a
disproportion exagérée, d'autres facteurs peuvent légitimement entrer en ligne de
compte. On peut se demander si la peine est nécessaire pour atteindre un objectif
pénal régulier, si elle repose sur des principes reconnus en matière de détermination

- 22 -
de la peine, s'il existe des solutions de rechange valables à la peine effectivement
infligée et, dans une certaine mesure, si la comparaison avec des peines infligées
pour d'autres crimes dans le même ressort révèle une grande disproportion. Une
peine infligée arbitrairement n'entraîne pas nécessairement une disproportion
exagérée et ne viole pas nécessairement l'art. 12. Le juge Lamer affirme que le
caractère arbitraire constitue "un facteur minime pour ce qui est de déterminer si une
peine ou un traitement est cruel et inusité" (à la p. 1076), parce que ce sont les art. 9
et 15 de la Charte qui sont les dispositions les mieux conçues pour protéger contre
le caractère arbitraire et parce que l'art. 12 vise surtout l'effet d'une peine (à la
p. 1075).
La disposition contestée de la Loi sur les stupéfiants a été jugée contraire
à l'art. 12 puisque (à la p. 1078):
. . . dans certains cas, un verdict de culpabilité entraînera inévitablement
l'imposition d'une peine d'emprisonnement qui sera exagérément
disproportionnée.
C'est ce qui porte atteinte à l'art. 12, savoir la certitude et non
simplement la potentialité.
Comme nous allons le voir plus loin, il ne ressort pas de ce passage que tous les cas
imaginables où la peine serait exagérément disproportionnée à l'infraction commise
justifient une conclusion de violation de l'art. 12.
Les éléments énoncés ci-dessus régissent l'application du critère de la
disproportion exagérée aux fins de l'art. 12 de la Charte. Ce critère n'est pas simple.
Il nécessite que plusieurs facteurs soient minutieusement examinés et soupesés, l'un

- 23 -
par rapport à l'autre, quoique chacun des facteurs subsidiaires énumérés par le juge
Lamer dans l'arrêt Smith n'ait pas à être pris en considération dans chaque cas. Ce
sont des lignes directrices qui, sans être décisives en elles-mêmes, aident à vérifier
si la peine est exagérément disproportionnée (Smith, à la p. 1074).
De plus, il se dégage nettement des arrêts Smith et Lyons, précités, que
le critère en question ne permet pas l'invalidation inconsidérée de peines établies par
le législateur. Les moyens employés et les buts visés par les corps législatifs ne
doivent pas être facilement contrecarrés dans le cadre d'une contestation fondée sur
l'art. 12. Dans l'arrêt Smith, le juge Lamer au nom de la Cour explique, aux pp. 1077
et 1072:
Une peine minimale obligatoire d'emprisonnement n'est manifestement
pas cruelle et inusitée en soi. Le législateur peut, à mon avis, prescrire
une peine obligatoire d'emprisonnement dans le cas d'une déclaration de
culpabilité de certaines infractions sans porter atteinte aux droits garantis
par l'art. 12 de la Charte.
. . .
Il faut éviter de considérer que toute peine disproportionnée ou excessive
est contraire à la Constitution et laisser au processus normal d'appel en
matière de sentence la tâche d'examiner la justesse d'une peine. Il n'y
aura violation de l'art. 12 que si, compte tenu de l'infraction et du
contrevenant, la sentence est inappropriée au point d'être exagérément
disproportionnée.
Ce principe a été confirmé par le juge La Forest au nom de la Cour, qui
s'est prononcée à l'unanimité, dans l'arrêt Lyons, précité, à la p. 345:
Le mot "exagérément", me semble-t-il, traduit le souci qu'avait cette
Cour de ne pas astreindre le législateur à une norme à ce point sévère,
tout au moins dans le contexte de l'art. 12, qu'elle exigerait des peines

- 24 -
parfaitement adaptées aux nuances morales qui caractérisent chaque
crime et chaque délinquant.
Parlant au nom de notre Cour, le juge en chef Lamer a de nouveau
confirmé ce point de vue dans Luxton, précité, où l'on contestait en vertu de l'art. 12
un article du Code criminel qui augmentait de quinze années la partie minimale de
leur peine que devaient purger comme condition d'admissibilité à la libération
conditionnelle les personnes reconnues coupables d'un meurtre commis au cours
d'une séquestration. En rejetant cette contestation, le juge en chef Lamer a cité un
passage de la décision R. v. Guiller (1986), 48 C.R. (3d) 226 (C. dist. Ont.), qu'il
avait déjà cité dans l'arrêt Smith. Ce passage, reproduit à la p. 725, porte:
[TRADUCTION] Il n'appartient pas au tribunal de se prononcer sur la
sagesse du législateur fédéral en ce qui concerne la gravité de diverses
infractions et les différentes peines qui peuvent être infligées aux
personnes reconnues coupables de les avoir commises. Le législateur
jouit d'une compétence discrétionnaire étendue pour interdire certains
comportements considérés comme criminels et pour déterminer quelle
doit être la sanction appropriée. Si le jugement définitif quant à savoir
si une peine excède les limites constitutionnelles fixées par la Charte
constitue à bon droit une fonction judiciaire, le tribunal devrait
néanmoins hésiter à intervenir dans les vues mûrement réfléchies du
législateur et ne le faire que dans les cas les plus manifestes . . .
Ce message s'applique également aux vues mûrement réfléchies d'une
législature provinciale, car il n'y a aucune différence appréciable, en ce qui concerne
l'examen fondé sur l'art. 12 de la Charte, entre les lois du Parlement et celles d'une
assemblée législative provinciale. Au surplus, comme la peine minimale prescrite
par l'al. 88(1)c) revêt la forme de la sanction grave qu'est l'emprisonnement, il est dès
lors sans importance que l'art. 88 crée une infraction à une loi provinciale et non au
Code criminel.

- 25 -
Le principe voulant qu'il soit difficile d'enfreindre l'art. 12 est en outre
étayé par l'arrêt récent de notre Cour Steele c. Établissement Mountain, [1990] 2
R.C.S. 1385, le juge Cory. La Cour dit, à la p. 1417:
Il arrivera très rarement qu'une cour de justice conclura qu'une peine
est si exagérément disproportionnée qu'elle viole les dispositions de
l'art. 12 de la Charte. Le critère qui sert à déterminer si une peine est
beaucoup trop longue est à bon droit strict et exigeant. Un critère
moindre tendrait à banaliser la Charte.
La retenue à l'égard des peines établies par voie législative dont
témoignent ces passages se comprend particulièrement bien quand ont tient compte
des objectifs généraux et divers que visent les sanctions pénales. Dans l'arrêt Lyons,
précité, le juge La Forest exprime l'opinion courante selon laquelle les peines, bien
que punitives en partie, sont infligées surtout pour la protection du public. Ce point
de vue concorde avec l'objet du droit criminel en général et des peines en particulier.
Le juge La Forest affirme, à la p. 329:
Dans un système rationnel de détermination des peines, l'importance
respective de la prévention, de la dissuasion, du châtiment et de la
réinsertion sociale variera selon la nature du crime et la situation du
délinquant.
Cette reconnaissance du fait que les sanctions servent à de nombreuses
fins vient souligner la légitimité du souci du législateur de voir à ce que les peines
soient destinées en grande partie à assurer de façon permanente le bien-être du public
grâce à leurs aspects dissuasifs et protecteurs. Ce point de vue est expressément
confirmé par le juge en chef Lamer dans l'arrêt R. c. Luxton, précité, à la p. 721.
Donc, les divers facteurs qui constituent le critère formulé dans l'arrêt Smith visent

- 26 -
surtout à garantir aux particuliers qu'ils ne se verront pas infliger des peines
exagérément disproportionnées, mais le critère traduit en outre un souci de maintenir
d'autres valeurs légitimes qui justifie l'application de sanctions pénales. Ces valeurs
jouent inévitablement un rôle dans l'appréciation des éléments qui se fait dans le
cadre d'une analyse fondée sur l'art. 12.
L'application de ces éléments du critère posé dans l'arrêt Smith aux faits du présent
pourvoi
Concilier les "circonstances particulières" et les "caractéristiques personnelles" d'une
part et la nécessité d'une appréciation générale de la validité d'une loi contestée
d'autre part
Il ressort nettement de l'arrêt Smith qu'en déterminant s'il y a
disproportion exagérée, il faut tenir bien compte à la fois de la situation particulière
dans laquelle l'infraction a eu lieu et des caractéristiques personnelles du
contrevenant, quoique cet arrêt n'aille pas jusqu'à l'individualisation totale des
peines, laquelle pourrait mettre en doute la constitutionnalité des peines minimales
obligatoires en général. Par ailleurs, quand c'est la constitutionnalité d'une
disposition législative qui est en jeu, et non pas simplement l'équité d'une peine
particulière prononcée par un juge lors du procès, il s'avérera souvent nécessaire
d'aller au delà des faits précis sur lesquels portent l'appel pour évaluer la
proportionnalité de la peine prescrite par la loi. Ainsi, dans l'hypothèse où il serait
jugé que la peine minimale infligée à Willy Goltz en l'espèce n'était pas, dans les
circonstances particulières de l'affaire, exagérément disproportionnée à l'infraction
qu'il a commise, il ne s'ensuivrait pas que l'al. 88(1)c) de la Motor Vehicle Act, en
tant que loi de portée générale applicable à tous les automobilistes de la

- 27 -
Colombie-Britannique, satisfait aux exigences de l'art. 12 de la Charte. Cela soulève
toutefois une question: Comment le critère énoncé dans l'arrêt Smith concilie-t-il le
souci de tenir compte des circonstances particulières de l'infraction et le caractère
nécessairement plus général de l'appréciation de la disposition contestée fixant la
peine, considérée dans son ensemble?
Il n'y a à cette question aucune réponse immédiate ni évidente. Jusqu'à
maintenant la jurisprudence traduit une confusion certaine quant à l'utilisation
d'exemples hypothétiques qui permettraient de démontrer facilement que, dans
certaines circonstances concevables, une peine minimale pourrait représenter un
châtiment dont les effets seraient exagérément ou excessivement disproportionnés
à l'infraction particulière dont il s'agit dans un cas donné.
Les deux aspects d'une analyse de l'application de l'art. 12
Dans l'arrêt Smith, la Cour s'est servie d'un exemple hypothétique qui
faisait ressortir le caractère éventuellement inéquitable de la peine minimale de sept
ans d'emprisonnement pour l'infraction d'importation de stupéfiants prévue au
par. 5(1) de la Loi sur les stupéfiants. Elle a évoqué le cas d'un touriste qui retourne
au Canada avec une seule cigarette de marihuana et a mis la situation de ce "petit
contrevenant" face à celle du vendeur de drogues dures reconnu coupable d'avoir
importé une grande quantité d'héroïne (aux pp. 1056 et 1078). D'après la Cour, la
peine contestée serait exagérément disproportionnée à ce qui serait approprié dans
le cas de ce petit contrevenant imaginaire. La disposition avait donc une portée trop
large, indépendamment du caractère approprié possible d'une peine de sept ans

- 28 -
d'emprisonnement pour le contrevenant en cause dans l'affaire Smith -- un individu
âgé de 27 ans, dont le casier judiciaire faisait état de deux déclarations de culpabilité
antérieures, qui, à son retour de Bolivie, a été surpris en possession de cocaïne d'une
valeur marchande supérieure à 100 000 $ et qui a plaidé coupable à l'accusation
portée contre lui. Elle était entachée d'invalidité parce que ses effets possibles
étaient excessifs au point d'être contraire à ce qui est acceptable.
Dans la présente affaire également, la Cour d'appel de la
Colombie-Britannique a, d'une manière abstraite, étudié certaines situations
hypothétiques avant de conclure à l'invalidité de l'al. 88(1)c) de la Loi pour cause
d'incompatibilité avec l'art. 12. Bien que je sois d'avis que la démarche adoptée par
la Cour d'appel était erronée à certains égards, il était néanmoins approprié qu'elle
prenne en considération des circonstances hypothétiques.
L'analyse de l'invalidité faite en vertu de l'art. 12 comporte deux aspects.
L'un d'eux concerne l'appréciation de la peine ou de la sanction contestée dans
l'optique de la personne à qui elle a en fait été infligée, en soupesant la gravité de
l'infraction elle-même d'une part et les circonstances particulières de cette infraction
et les caractéristiques personnelles du contrevenant d'autre part. Si l'on décide que
la disposition contestée prévoit, et infligerait en réalité au contrevenant, une sanction
à ce point excessive ou exagérément disproportionnée qu'elle irait à l'encontre de ce
qui est acceptable dans ces circonstances réelles et particulières, elle constituera
alors à première vue une violation de l'art. 12 et fera l'objet d'un examen visant à
déterminer si elle peut se justifier aux termes de l'article premier de la Charte. Il
peut ne pas s'avérer nécessaire d'étudier des situations hypothétiques ou des

- 29 -
contrevenants imaginaires. Tel n'a pas été le cas dans l'affaire Smith. C'est pourquoi
la Cour s'est trouvée dans l'obligation d'examiner d'autres circonstances
raisonnablement imaginables dans lesquelles la disposition contestée pourrait violer
l'art. 12.
Si les faits particuliers de l'espèce ne justifient pas une conclusion de
disproportion exagérée, il peut y avoir un autre aspect à examiner, savoir, une
contestation fondée sur la Charte ou une question constitutionnelle concernant la
validité d'une disposition législative fondée sur la disproportion exagérée démontrée
par des circonstances hypothétiques raisonnables, par opposition à des situations
invraisemblables ou difficilement imaginables. (Voir d'une manière générale
C. Robertson, "The Judicial Search for Appropriate Remedies under the Charter:
The Examples of Overbreadth and Vagueness", dans R. Sharpe, Charter Litigation
(1987).)
Il s'agit donc maintenant d'entreprendre l'analyse fondée sur l'art. 12 en
tenant compte des deux aspects. Nous devons, dans la partie "particularisée" de
l'analyse, examiner à la lumière des faits de la présente espèce la gravité de
l'infraction, les circonstances particulières de l'affaire, les caractéristiques
personnelles du contrevenant et les effets de la peine.
Premier aspect: l'application au contrevenant en cause du critère établi dans l'arrêt
Smith
(i) La gravité de l'infraction

- 30 -
L'interdiction prononcée en vertu du sous-al. 86(1)a)(ii) de la Motor
Vehicle Act de la Colombie-Britannique vise dans une large mesure à protéger la
santé et la vie des personnes qui circulent sur les routes de la province. Ce but se
manifeste directement au sous-al. 86(1)a)(ii) de la Loi, qui énonce les deux
conditions principales à remplir pour que le surintendant puisse exercer son pouvoir
d'interdire à une personne de conduire. La première exige que l'individu frappé
d'interdiction ait un "dossier de conducteur insatisfaisant", la seconde, que
l'interdiction soit "dans l'intérêt public".
Seuls les mauvais conducteurs dont le dossier est insatisfaisant se voient
interdits en vertu du sous-al. 86(1)a)(ii) de la Loi parce que ce sont surtout ces
conducteurs qui présentent un danger pour les citoyens innocents qui utilisent les
routes d'une manière responsable. Ainsi que l'a fait valoir le ministère public, l'objet
de l'al. 88(1)c) est simple: [TRADUCTION] "Empêcher de circuler sur la route ceux
qui sont des mauvais conducteurs avérés. Au moyen d'une dissuasion à la fois
générale et particulière, cette disposition décourage la conduite durant une
interdiction et elle sert ainsi à favoriser la sécurité routière d'une manière générale."
Le régime administratif prévoyant l'interdiction des mauvais conducteurs
et prescrivant des peines minimales obligatoires a été adopté par suite d'une étude
exhaustive, réalisée par le Motor Vehicle Task Force, d'où il se dégageait que plus
un conducteur avait accumulé de points d'inaptitude résultant d'infractions aux règles
de conduite automobile, plus il était probable qu'il n'était pas un conducteur
responsable et prudent.

- 31 -
Que favoriser la conduite responsable et punir la conduite irresponsable
soient les points sur lesquels insiste la Loi se dégage en outre de l'exigence, pour
qu'il y ait infraction, qu'une personne conduise sciemment alors qu'elle est sous le
coup d'une interdiction. C'est ce que prévoit expressément le par. 88(1), qui porte:
[TRADUCTION] "Quiconque conduit un véhicule automobile sur la route ou sur un
chemin industriel en sachant a) qu'il lui est interdit [. . .] de conduire un tel véhicule
[. . .] commet une infraction". [Je souligne.] Ce paragraphe a été interprété en
conséquence (R. v. Alston (1985), 36 M.V.R. 67 (C.A.C.-B.)). Un conducteur qui
conduit sous le coup d'une interdiction de conduire dont il ignore l'existence n'est pas
irresponsable au même degré qu'une personne qui, par mépris, conduit en sachant
que cela lui est interdit. À cet égard, conduire alors qu'on se sait sous le coup d'une
interdiction représente une infraction plus grave que de conduire alors que l'on est
sous le coup d'une interdiction dont on n'est pas au courant.
De plus, comme l'infraction en question est difficile à détecter -- car un
policier ne se rendra compte qu'un conducteur est sous le coup d'une interdiction
qu'après l'avoir arrêté et interrogé --, beaucoup de conducteurs frappés d'interdiction
éprouveront une forte tentation de commettre l'infraction. Cela étant, le législateur
peut rationnellement conclure que, pour assurer la dissuasion, cette infraction doit
entraîner une peine sévère.
Se fondant sur ce qu'a dit la Cour d'appel, l'intimé a fait valoir qu'il faut
faire une distinction entre l'infraction de conduite durant une interdiction et les
infractions dont elle procède. Il affirme que la gravité de ces dernières infractions
ne saurait contribuer à la gravité de l'infraction prévue au par. 88(1) puisqu'il s'agit

- 32 -
d'infractions distinctes assorties de peines distinctes. L'intimé a soutenu également
que l'al. 88(1)c) vise non pas à bannir les mauvais conducteurs de la route, mais à
punir les individus qui, étant déchus du droit de conduire, décident simplement de
conduire. Avec égards, je ne puis admettre ce raisonnement.
On ne peut arriver à une compréhension rationnelle de l'objet et de l'effet
de la peine minimale de sept jours d'emprisonnement sans tenir compte des
infractions aux règles de conduite automobile ou au Code criminel dont elle découle
commises par une personne reconnue coupable en vertu du sous-al. 86(1)a)(ii). C'est
le dossier faisant état de ces infractions qui constitue à la fois la principale
justification de la sanction et la preuve de la menace pour la sécurité du public que
présenterait le conducteur interdit s'il continuait à conduire. Quoiqu'il soit
théoriquement possible de tracer une ligne de démarcation entre l'infraction, prise
isolément, de conduite alors qu'on se sait sous le coup d'une interdiction et les
infractions aux règles de conduite automobile sur lesquelles repose la première
infraction, ni le bon sens ni les objets du régime législatif n'admettent une telle
distinction. Apprécier, sans prendre en considération les motifs de l'interdiction, la
gravité de l'infraction consistant à conduire en se sachant sous le coup d'une
interdiction serait de la pure abstraction -- une appréciation faite en dehors de tout
contexte. Analyser l'al. 88(1)c) sans tenir compte du comportement dont procède sa
justification reviendrait à tenter de comprendre une disposition portant que "X est
assujetti à la définition figurant au paragraphe (1)" sans examiner d'abord ledit
par. (1). Le sens de "X" ne peut être déterminé que si l'on sait ce qui le précède.

- 33 -
On a produit au procès des éléments de preuve dont il ressort que, dans
l'ensemble, un petit nombre de mauvais conducteurs sont impliqués dans un nombre
disproportionné d'accidents reliés à la circulation routière. Selon une estimation
produite par le substitut du procureur général, 5 pour 100 des conducteurs en
Colombie-Britannique sont impliqués dans 44 pour 100 des accidents signalés.
Comme le note le surintendant des véhicules automobiles dans son rapport de 1987:
[TRADUCTION] En Colombie-Britannique, les accidents de la circulation
et les infractions au code de la route représentent la plus lourde charge
financière qu'aient à supporter les citoyens et le gouvernement de la
province. [. . .] Le coût sur le plan humain est incommensurable.
Les accidents de véhicules automobiles ne cessent d'augmenter depuis
1984 et les chiffres pour l'année 1987 sont les plus élevés depuis 1981.
L'année dernière en Colombie-Britannique pas moins de 622 personnes
ont perdu la vie dans des accidents de la route et le nombre des blessés
a été de 41 291. Cela équivaut en moyenne à 113 blessés par jour et à un
mort toutes les 14 heures.
L'importance d'infliger un châtiment sévère aux mauvais conducteurs qui,
méprisant ouvertement la loi et en contravention d'une ordonnance directe du
gouvernement, choisissent de conduire alors qu'ils sont sous le coup d'une
interdiction, a déjà été soulignée dans un arrêt de notre Cour. En effet, dans Renvoi:
Motor Vehicle Act de la C.-B., [1985] 2 R.C.S. 486, le juge Lamer (maintenant Juge
en chef) écrit au nom de la majorité, à la p. 521:
Je ne conteste pas le fait qu'il est tout à fait souhaitable d'éliminer les
"mauvais conducteurs" de la route. Je ne conteste pas non plus l'utilité
de punir sévèrement les mauvais conducteurs qui prennent le volant
malgré l'interdiction de le faire.

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Quoique ces observations interviennent au cours d'une analyse fondée sur
l'article premier, effectuée dans une affaire où l'on contestait une infraction de
responsabilité absolue entraînant une peine minimale obligatoire, et qu'elles ne soient
pas en conséquence directement pertinentes lorsqu'il s'agit d'examiner la gravité
d'une infraction en vertu de l'art. 12, la déclaration n'en reconnaît pas moins que
l'infraction de conduite alors qu'on est sous le coup d'une interdiction découlant d'un
dossier de mauvais conducteur est très grave et peut justifier une peine sévère. Dans
cette mesure la déclaration en question appuie le point de vue du ministère public.
La gravité de l'infraction de conduite durant une interdiction devient plus
évidente à l'examen des mesures protectrices d'ordre procédural prévues par la Loi.
On saisit mieux la gravité de cette infraction quand on examine le régime
administratif solide établi par le surintendant et permettant d'identifier les mauvais
conducteurs, car, grâce aux mesures protectrices réglementaires que comporte ce
régime, seuls les mauvais conducteurs se verront interdits de conduire en vertu de
l'al. 88(1)a) en tant qu'il s'applique au sous-al. 86(1)a)(ii) de la Loi.
En premier lieu, la Motor Vehicle Act prévoit l'attribution de points
d'inaptitude qui s'accumulent à raison de deux à dix par infraction, selon la gravité
de celle-ci. Quand les points accumulés atteignent certains niveaux, le surintendant
en est avisé. Ce dernier fait alors tenir au conducteur une lettre d'avertissement lui
faisant savoir que, si les points d'inaptitude continuent de s'accumuler, il pourra
prendre des mesures correctives. Dès qu'un conducteur atteint 15 points d'inaptitude,
le surintendant en est de nouveau informé et il décide à ce moment-là soit d'imposer
au conducteur une période probatoire, soit de l'aviser de son intention de prononcer

- 35 -
l'interdiction laissant au conducteur un délai de 21 jours pour présenter des raisons
pour lesquelles son permis ne devrait pas être suspendu, soit de lui faire parvenir en
fait un avis d'interdiction.
Si le surintendant finit par envoyer un avis d'interdiction, il invite
habituellement l'intéressé à lui présenter des observations écrites exposant les raisons
pour lesquelles l'ordonnance d'interdiction devrait être annulée ou la durée de
l'interdiction réduite. Le surintendant indique en outre qu'il étudiera le cas de cette
personne sur réception de ces observations. En l'espèce, une telle lettre a été
envoyée à l'intimé. Il s'agit d'une lettre qui, en outre, informe le conducteur de son
droit de porter la décision finale du surintendant en appel devant un juge de la Cour
de comté conformément à l'art. 87 de la Loi, et le met au courant aussi de la peine
minimale dont il devient passible s'il est reconnu coupable de conduite durant une
interdiction. Si le conducteur conteste l'exactitude de son dossier, le surintendant
suspend normalement l'interdiction pendant qu'il détermine si une erreur a été
commise dans le calcul des points. Bien sûr, il est également loisible au conducteur
de contester au fond, au moment où elle aurait été commise, toute infraction aux
règles de conduite automobile qui a pu lui être imputée. Finalement, en exerçant son
pouvoir d'interdire à une personne de conduire dans l'intérêt public, le surintendant
doit toujours agir en conformité avec les principes de justice naturelle (Hundal v.
Superintendent of Motor Vehicles (1985), 64 B.C.L.R. 273 (C.A.), le juge en chef
Nemetz, aux pp. 275 et 276, Motor Vehicle Act Regulations, division 28).
Bien que, comme l'indique l'arrêt Smith, le critère de la disproportion
exagérée ne dépende pas de l'inclusion de mesures protectrices d'ordre procédural

- 36 -
dans l'énoncé de l'infraction, il ressort nettement de l'examen de ces mesures en
l'espèce que l'infraction n'est pas insignifiante et n'a rien d'arbitraire. Au contraire,
la peine minimale obligatoire prévue à l'al. 88(1)c) et applicable dans le cas envisagé
au sous-al. 86(1)a)(ii) procède directement du souci du législateur d'isoler les
mauvais conducteurs afin de mieux protéger le public. Fait encore plus important,
il en découle que la personne qui bénéficie de cet ensemble de mesures protectrices
contre l'interdiction injustifiée ou inopportune et qui pourtant omet sciemment de
tenir compte de l'avis au mépris de l'intérêt public et de la sanction destinée à
protéger cet intérêt, commet une infraction plus grave que celle qui viole
inconsciemment l'interdiction et à qui n'ont pas été accordées toutes ces possibilités
d'améliorer son comportement, de demander les motifs de l'interdiction et d'interjeter
appel de la décision du surintendant.
Bien entendu, tant le surintendant que le juge siégeant en appel sont au
courant des conséquences de l'interdiction. On peut donc être raisonnablement
certain que l'interdiction ne résultera pas d'une infraction insignifiante. Poser comme
principe que l'interdiction peut être prononcée pour une vétille revient à supposer
l'échec du système. Or, rien ne prouve qu'une telle chose se soit jamais produite et
personne ne prétend que c'est ce qui s'est passé en l'espèce.
En résumé partiel, il faut dire que la perpétration de l'infraction prévue
au sous-al. 86(1)a)(ii) et au par. 88(1) de la Motor Vehicle Act est grave. Elle peut
mettre en danger même la vie d'innocents usagers des routes de la province du fait
que des personnes désignées mauvais conducteurs dans le cadre d'un système juste
et prudent d'identification désobéissent sciemment à la loi.

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(ii) Les circonstances particulières de l'affaire, et
(iii) Les caractéristiques personnelles du contrevenant
En l'espèce, les circonstances particulières de l'infraction sont simples.
Bien qu'on n'ait pas fait connaître à la Cour le nombre de points d'inaptitude
accumulés par l'intimé antérieurement à son interdiction, nous avons déjà constaté
que la pratique administrative suivie par le surintendant des véhicules automobiles
de la Colombie-Britannique est d'attendre que beaucoup de points se soient
accumulés avant de décider finalement si l'interdiction s'impose dans l'intérêt public.
Le substitut du procureur général a indiqué qu'il faut un bon nombre d'infractions aux
règles de conduite automobile, ou plusieurs déclarations de culpabilité d'infractions
au Code criminel, témoignant d'un manque de prudence au volant, pour que soit
délivré un avis d'interdiction. La décision de prononcer l'interdiction est prise
normalement dans le cas d'un conducteur qui amasse 15 points sur une période de
deux ans. Il n'est pas contesté que l'intimé se soit montré un conducteur
irresponsable ou mauvais. Il ressort du dossier qu'il ne s'est pas prévalu de la
possibilité de contester l'exactitude du nombre de points d'inaptitude retenus comme
établissant le caractère insatisfaisant de sa façon de conduire. À aucun moment au
cours des débats l'intimé ne s'est opposé à cette prémisse fondamentale.
Du point de vue de la stricte primauté du droit, il pourrait être préférable
que les règlements pris sous le régime de la Motor Vehicle Act soient énoncés dans
une espèce de code hiérarchisé où serait prévu le nombre exact de points d'inaptitude
résultant de différentes combinaisons d'infractions aux règles de conduite automobile
qui donnerait lieu à l'interdiction. Un tel code aurait certes pour effet d'exclure de

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la décision tout pouvoir discrétionnaire, mais entraînerait la perte des avantages de
la souplesse et rendrait en fait impossible le fonctionnement du système. En fait, le
Motor Vehicle Branch (le "bureau des véhicules automobiles") serait ainsi dans
l'impossibilité de prendre en considération le mélange unique d'incidents de
mauvaise conduite qui constituent le dossier particulier d'un conducteur.
Les règlements pris en vertu de la Loi énumèrent 148 types différents de
violations des règles de conduite automobile et d'infractions au Code criminel,
chacune assortie d'un certain nombre de points d'inaptitude. Il y en a toute une
gamme, à partir de [TRADUCTION] "traverser des lignes fraîchement peintes" (deux
points d'inaptitude) jusqu'à [TRADUCTION] "causer la mort par négligence criminelle"
(dix points d'inaptitude). Entre ces exemples il existe un éventail incroyable
d'infractions. Il serait en conséquence irrationnel et pratiquement impossible de
tenter d'établir des seuils obligatoires pour chacune des combinaisons -- dont le
nombre est astronomique -- d'infractions susceptibles d'entraîner l'interdiction.
Comme nous l'avons déjà vu, avant de décider si une interdiction servira l'intérêt
public et avant de délivrer un avis d'interdiction, le surintendant et le bureau des
véhicules automobiles ont pour pratique de permettre que s'accumulent un bon
nombre de violations des règles de conduite automobile et d'infractions au Code
criminel. Cette pratique administrative, mise en {oe}uvre selon les principes de
justice naturelle, est à la fois souhaitable et raisonnable.
En tout état de cause, l'intimé a sciemment et impudemment violé
l'interdiction dont il était frappé. De fait, l'agent de la GRC qui l'a appréhendé a
prétendu que l'intimé conduisait à une vitesse excessive. C'est la raison pour laquelle

- 39 -
l'intimé s'est fait arrêter sur le bord de la route. Rien ne permettait à la cour de croire
que l'intimé faisait face à une situation critique ou qu'une urgence quelconque le
contraignait à conduire sa voiture le jour en question. De plus, on n'a présenté à la
cour aucun élément relevant d'une caractéristique personnelle pertinente de l'intimé
qui aurait justifié une peine atténuée ou une peine moindre que la peine minimale
obligatoire. Il est évident que ces facteurs ne font aucunement contrepoids à la
gravité de l'infraction commise par l'intimé. Ce dernier ne saurait par ailleurs
invoquer les "effets de la peine" pour soutenir son point de vue.
(iv) L'effet de la peine
Suivant l'arrêt Smith, il faut aussi examiner l'effet de la peine afin de
déterminer si celle-ci est exagérément disproportionnée. L'effet de la peine est
"souvent le produit de plusieurs facteurs et ne se limite pas à l'importance ou à la
durée de cette peine, mais comprend sa nature et les circonstances dans lesquelles
elle est imposée" (à la p. 1073). On indique dans l'arrêt Smith, à titre d'illustration,
qu'une peine de vingt ans d'emprisonnement pour une première infraction contre les
biens serait exagérément disproportionnée et violerait l'art. 12.
En l'espèce, l'effet de la peine infligée diffère, de par sa nature, de celui
dont il s'agit dans l'exemple susmentionné et de celui d'une peine de sept ans
d'emprisonnement contestée dans l'affaire Smith. Il n'y a en effet aucune commune
mesure entre une peine de sept jours pour avoir conduit en se sachant sous le coup
d'une interdiction pour mauvaise conduite et une peine de sept ans d'emprisonnement
pour avoir importé une seule cigarette de marihuana ou de vingt ans pour avoir

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commis une infraction contre les biens. Cette différence devient encore plus
évidente quand on examine dans tout son contexte la peine de sept jours
d'emprisonnement.
Comme l'a fait valoir dans son argumentation écrite l'intervenant le
procureur général de l'Ontario, la peine de sept jours d'emprisonnement prévu à
l'al. 88(1)c) est moins sévère qu'il ne le paraît peut-être à première vue puisqu'un
tribunal pourrait faire en sorte qu'elle soit purgée au cours de seulement quelques
fins de semaine. D'ailleurs, en l'espèce, la peine devait être purgée de façon
intermittente sur des fins de semaine consécutives de trois jours, afin que l'intimé
puisse continuer à travailler sans interruption. En Colombie-Britannique, les peines
d'emprisonnement peuvent être réduites par suite d'une réduction de peine méritée
(Correction Act, R.S.B.C. 1979, ch. 70, art. 18). La loi permettrait qu'une peine de
sept jours soit purgée en cinq jours seulement. Si toutefois la peine entraîne de
véritables problèmes, le contrevenant incarcéré peut, à certaines conditions, être mis
temporairement en liberté pour des raisons humanitaires ou médicales ou pour des
raisons liées aux études (Offence Act, R.S.B.C. 1979, ch. 305, art. 77, 122; Correction
Act, art. 1, 15, 16, 18, 19 et 47).
Je crois qu'il est évident qu'on ne saurait raisonnablement affirmer que
les effets de la peine vont à l'encontre de ce qui est acceptable ou qu'ils peuvent être
considérés comme exagérément disproportionnés à l'infraction commise. Ils ne
constituent pas en l'espèce un traitement cruel ou inusité au sens de l'art. 12.
Résumé portant sur le premier aspect

- 41 -
Compte tenu des considérations qui précèdent, je conclus que, étant
donné l'infraction particulière en cause et la situation personnelle de l'intimé, la
disposition contestée de la Motor Vehicle Act ne viole pas l'art. 12 de la Charte.
Point n'est donc besoin à ce stade-ci d'examiner d'autres facteurs énumérés par le
juge Lamer dans l'arrêt Smith. Toutefois, il faut aussi se demander si l'al. 88(1)c)
violerait l'art. 12 dans d'autres circonstances qui méritent d'être prises en
considération par notre Cour. Il reste une question constitutionnelle à laquelle il faut
répondre. Donc, il nous faut entreprendre, à la lumière de circonstances
hypothétiques raisonnables, un bref examen de la disposition contestée prescrivant
la peine, en vue de déterminer s'il est probable que l'application générale de la
disposition créant l'infraction entraînerait une peine exagérément disproportionnée
équivalant à une peine cruelle et inusitée.
Second aspect: Évaluation générale de l'al. 88(1)c) à la lumière de circonstances
hypothétiques raisonnables
Constitue un exemple hypothétique raisonnable celui qui n'est ni
invraisemblable ni difficilement imaginable. Bien que la Cour se trouve
inévitablement contrainte de prendre en considération des ensembles de faits qui
diffèrent de ceux qui se présentent dans le cas de l'intimé, on ne saurait en prendre
prétexte pour invalider des lois sur le fondement d'exemples extrêmes ou n'ayant
qu'un faible rapport avec l'espèce. Les lois sont destinées normalement à régir d'une
manière générale un domaine en particulier, de façon à ce qu'elles s'appliquent à
toute une gamme de personnes et de circonstances. Notre Cour a certes veillé autant
que possible à s'assurer de l'existence d'une base factuelle appropriée avant d'évaluer
une loi en fonction de la Charte (Danson c. Ontario (Procureur général), [1990] 2

- 42 -
R.C.S. 1086, à la p. 1099, et MacKay c. Manitoba, [1989] 2 R.C.S. 357, aux pp. 361
et 362). Pourtant, comme nous l'avons indiqué plus haut, la jurisprudence portant
sur l'art. 12 n'envisage pas une norme d'examen qui repose dans chaque cas sur ce
genre de base factuelle. La norme applicable doit être centrée sur des circonstances
imaginables qui pourraient se présenter couramment dans la vie quotidienne.
Les faits particuliers en l'espèce sont une indication importante de ce qui
constitue un exemple raisonnable dans le contexte du sous-al. 86(1)a)(ii) de la Loi.
Cela tient à ce qu'ils représentent un cas réel d'application de la disposition
législative contestée. Conclure à l'absence de violation de la Charte en se fondant
seulement sur ces faits particuliers vient donc appuyer une conclusion que la
disposition contestée n'enfreint pas l'art. 12. Dans le présent pourvoi, cette indication
est particulièrement importante parce que les directives administratives et le système
de contrôle interne qui permettent de dépister les conducteurs qui sont vraiment
mauvais garantissent aux conducteurs responsables qu'ils ne seront pas frappés
d'interdiction, et aussi parce que les faits du présent pourvoi sont très représentatifs
des manifestations communément imaginables de l'infraction.
Le régime réglementaire consistant à attribuer des points d'inaptitude et
à effectuer des contrôles internes garantit que les cas où un "petit contrevenant"
comme celui imaginé dans l'arrêt Smith se verra infliger la peine minimale prescrite
par l'al. 88(1)c) seront extrêmement rares. C'est cet aspect de la Motor Vehicle Act
et de ses règlements d'application qui permet de distinguer la disposition contestée
en l'espèce d'avec celle en cause dans l'affaire Smith, dont la portée était vraiment
large étant donné les nombreuses façons dont l'infraction d'importation de stupéfiants

- 43 -
pouvait être commise. Dans l'affaire Smith il était possible de prévoir des situations
où la peine minimale sévère serait infligée vraiment à des "petits contrevenants". Or,
il n'en est pas ainsi en l'espèce.
S'il n'avait pas été possible de retrancher les autres infractions donnant
lieu à l'interdiction en vertu de l'al. 88(1)a), la portée du par. 88(1) aurait
certainement été plus large, ce qui aurait rendu peut-être plus douteuse la validité de
ce paragraphe du fait qu'il y aurait eu une plus grande possibilité que se présente une
situation raisonnablement imaginable où la peine de sept jours d'emprisonnement
serait vraiment excessive par rapport à la gravité de l'infraction. Néanmoins, dans
le présent pourvoi, l'al. 88(1)c) n'est en cause que dans la mesure où il s'applique aux
mauvais conducteurs visés au sous-al. 86(1)a)(ii) et à l'al. 88(1)a) de la Loi. Le seuil
à atteindre pour qu'il y ait perpétration de l'infraction est élevé. Un dossier de
conducteur insatisfaisant doit avoir été constitué. Le surintendant doit conclure que
permettre à cette personne de continuer à conduire va à l'encontre de l'intérêt public.
Toutes les possibilités de révision interne et d'appel doivent avoir été épuisées. De
plus, la personne doit, se sachant sous le coup d'une interdiction, avoir quand même
conduit, au mépris de l'interdiction. Mais, même dans ces circonstances, la peine
n'est que de sept jours d'emprisonnement, et est donc bien différente de celle de sept
ans dont il est question dans l'affaire Smith. En dernier lieu, même si le processus
minutieux de révision interne qui se déroule au bureau des véhicules automobiles
devait avoir des ratés, la Cour de comté pourrait, dans le cadre de l'appel prévu à
l'art. 87, annuler l'interdiction s'il y avait erreur dans le calcul des points, ou si la
cour jugeait satisfaisant le dossier de conducteur de l'intéressé ou si elle estimait que
l'intérêt public ne commandait pas l'interdiction.

- 44 -
En ce qui concerne le caractère représentatif des faits particuliers en
l'espèce, nous nous trouvons en présence d'un conducteur adulte qui a accumulé un
grand nombre de points d'inaptitude, qui a été frappé d'une interdiction de conduire,
qui a sciemment désobéi à cette interdiction sans autre motif, semble-t-il, que la
commodité, et qui s'est fait prendre sur la route par un policier à qui il semblait
conduire à une vitesse excessive. Il n'y a pas de circonstances inusitées qui viennent
brouiller les cartes. C'est un cas typique de perpétration de l'infraction en cause.
Dans cette mesure, la présente espèce a ceci d'utile qu'elle indique que, dans des
circonstances raisonnablement imaginables, la peine minimale ne sera pas
exagérément disproportionnée à l'infraction commise.
Reste à examiner s'il existe des circonstances hypothétiques raisonnables
dans lesquelles la peine minimale serait exagérément disproportionnée. La Cour
d'appel a traité cette question de la manière suivante (à la p. 172):
[TRADUCTION] Il y a en fait un nombre illimité de circonstances
différentes dans lesquelles l'infraction de conduite durant une interdiction
peut être commise. De plus, il semble que les différentes circonstances
particulières à un contrevenant donné seront aussi nombreuses et
diverses que le nombre même des contrevenants. Ces faits et une
modeste expérience de la vie mènent à la conclusion qu'il y aura
inévitablement des cas où une peine minimale obligatoire de sept jours
d'emprisonnement assortie d'une amende de 300 $ sera si exagérément
disproportionnée à ce qui aurait autrement été approprié que l'infliger
contreviendra manifestement à l'art. 12 de la Charte.
Il semble que la Cour d'appel a pu arriver à cette conclusion en séparant
l'infraction de conduite durant une interdiction des différentes infractions aboutissant
à l'interdiction. C'est ainsi qu'elle n'a pas attaché suffisamment d'importance à la
gravité de l'infraction ni au seuil relativement élevé à atteindre pour qu'il y ait

- 45 -
perpétration de l'infraction. Par conséquent, elle a pu supposer sans plus qu'il était
possible d'invoquer l'existence d'un "petit contrevenant" ou d'un contrevenant "le
moins répréhensible" afin de justifier une conclusion à la disproportion exagérée.
À mon avis, cette distinction ne traduit pas la réalité et elle ne devrait pas être faite.
De plus, l'arrêt de la Cour d'appel lui étant de peu de secours, l'intimé
n'est pas parvenu par lui-même à s'acquitter de l'obligation de prouver la
disproportion exagérée. Il a fait valoir que parmi les art. 25, 83, 84, 85, 86, 87, 94
et 214 de la Loi il est des dispositions qui prévoient la suspension ou l'interdiction
pour des infractions relativement mineures, telles que le non-paiement des frais de
l'examen en vue de l'obtention du permis de conduire (art. 85), ou l'omission de
rembourser à l'Insurance Corporation of British Columbia (I.C.B.C.) une somme
versée à titre d'indemnité (par. 83(3)), infractions qui ne sont pas suffisamment
graves pour justifier une peine minimale de sept jours d'emprisonnement. Selon une
hypothèse de l'intimé, un parent seul, frappé d'une suspension pour ne pas avoir
remboursé l'I.C.B.C. et devant conduire à l'hôpital un enfant gravement malade, se
verrait infliger, en application de l'al. 88(1)c), une peine exagérément
disproportionnée s'il était condamné à sept jours d'emprisonnement du fait d'avoir
été reconnu coupable de conduite pendant une suspension.
Que cet exemple particulier démontre ou non une disproportion exagérée
n'est pas pertinent pour les fins du présent pourvoi. Cela n'a en effet rien à voir avec
les interdictions visées au sous-al. 86(1)a)(ii) et à l'al. 88(1)a) de la Loi. Il incombait
à l'intimé de fournir un exemple raisonnable se rapportant à la disposition précise
contestée. Il ne l'a pas fait.

- 46 -
Même si l'intimé avait présenté un exemple pertinent, il est douteux que
celui-ci eût détruit la forte indication de validité découlant de la première étape
"particularisée" de l'analyse fondée sur l'art. 12. D'autre part, même à supposer que
soit présenté un exemple du type "contrevenant le moins répréhensible" et que --
contre toute vraisemblance -- cet exemple soit accepté à titre de cas hypothétique
raisonnable, il n'est pas certain que l'intimé puisse alors alléguer avec succès la
disproportion exagérée.
On peut imaginer, par exemple, le cas d'une personne âgée, peut-être un
grand-père, qui fait l'objet d'une interdiction de conduire du fait d'avoir accumulé un
grand nombre de points d'inaptitude pour l'infraction de [TRADUCTION] "lenteur
excessive au volant", prévue au par. 150(1) de la Loi. Si cette personne se voyait
contrainte par une urgence médicale, n'ayant aucun autre moyen de transport, de
conduire son petit-fils d'une cabane à pêche éloignée, sur le bord d'un lac, jusqu'à un
hôpital situé dans un ville avoisinante, et qu'elle le fasse en se sachant sous le coup
d'une interdiction de conduire, elle pourrait être accusée d'une violation de l'art. 88
et devenir passible de la peine minimale de sept jours d'emprisonnement, même s'il
s'agissait de sa première déclaration de culpabilité pour cette infraction. La plupart
des gens raisonnables tiendraient probablement cette peine pour exagérément
disproportionnée à l'infraction commise. Mais cela ne veut assurément pas dire que
l'art. 88 est inconstitutionnel aux termes de l'art. 12. Ainsi que le dit le juge
La Forest dans l'arrêt Lyons, précité, il n'est simplement pas nécessaire que les peines
prescrites par des textes législatifs soient "parfaitement adaptées aux nuances
morales qui caractérisent chaque crime et chaque délinquant" (p. 345).

- 47 -
Dans une affaire de ce genre, il serait permis d'invoquer la défense de
nécessité reconnue par notre Cour dans l'arrêt Perka c. La Reine, [1984] 2 R.C.S.
232. Il s'agit d'une défense exonératoire, qui s'applique dans des circonstances très
précises. Grâce à ce moyen de défense, un comportement par ailleurs illégal et
donnant lieu à une sanction est excusé et soustrait à toute sanction parce qu'il est
considéré, à bon droit, comme résultant d'une décision "involontaire du point de vue
moral" d'accomplir un acte qui, aux yeux de la société, a une valeur sociale positive
qui l'emporte sur l'effet préjudiciable de l'infraction. C'est une défense qui ne peut
être invoquée que dans des cas de risque imminent, où l'acte accompli visait à éviter
un péril direct et immédiat et où il n'existait aucune solution de rechange raisonnable
qui ne soit pas entachée d'illégalité (Perka, précité, à la p. 259). Il semble presque
certain qu'un jury composé de ses pairs jugerait que les actes du conducteur frappé
d'interdiction dans l'exemple ci-dessus satisfont aux exigences de ce moyen de
défense, auquel cas la peine prévue à l'al. 88(1)c) ne serait pas infligée. La question
d'une peine exagérément disproportionnée ne serait donc pas soulevée.
Selon le second aspect de l'analyse fondée sur l'art. 12, c'est encore à la
partie qui conteste la validité de la disposition en cause qu'incombe la charge
d'établir l'existence d'une situation hypothétique raisonnable dans laquelle
l'application de la loi irait à l'encontre de l'art. 12 en raison du caractère excessif ou
exagérément disproportionné de la peine. En l'espèce, l'intimé ne s'est pas acquitté
de cette charge. Par conséquent, la contestation fondée sur le second volet, le volet
hypothétique, de l'examen fondé sur l'art. 12 doit être rejetée également.
Résumé

- 48 -
Rien ne permet de conclure que l'al. 88(1)c), appliqué sélectivement à
l'al. 88(1)a) et au sous-al. 86(1)a)(ii) de la Loi, viole l'art. 12 de la Charte canadienne
des droits et libertés. Ni les circonstances factuelles particulières de la présente
espèce ni des circonstances hypothétiques raisonnables ne justifient une telle
conclusion. Le seuil élevé de la disproportion exagérée établi dans l'arrêt Smith et
confirmé dans les arrêts Lyons, Luxton et Établissement Mountain n'a pas été franchi.
Les dispositions pertinentes de la loi provinciale ne vont pas à l'encontre de ce qui
est acceptable. Au contraire, elles favorisent par des formes classiques de sanction
pénale la réalisation d'objectifs sociaux légitimes et importants. Cela étant, il n'y a
aucune raison d'entreprendre l'étude de la seconde question constitutionnelle
concernant l'article premier de la Charte.
Vu la nature relativement mineure de certaines autres infractions visées
à l'al. 88(1)a), et qui peuvent donner lieu à une interdiction qui entraînera la peine
minimale prescrite par l'al. 88(1)c), il se peut que cette conclusion ne s'applique pas
à ces infractions. Celles qui revêtent un caractère purement administratif et qui n'ont
aucun lien direct avec la mauvaise conduite au volant paraissent particulièrement
suspectes. Comme toutefois leur constitutionnalité n'a pas été mise en cause dans
le présent pourvoi, je me borne à ces quelques observations.
VI -- Dispositif
Les questions constitutionnelles reçoivent les réponses suivantes:
1.
La peine minimale obligatoire de sept jours d'emprisonnement et de 300
$ d'amende imposée, conformément à l'al. 88(1)c) de la Motor Vehicle

- 49 -
Act, R.S.B.C. 1979, ch. 288, pour une première déclaration de culpabilité
de conduite sous le coup d'une interdiction porte-t-elle atteinte aux droits
et libertés garantis par l'art. 12 de la Charte canadienne des droits et
libertés?
R.
Non, lorsque l'interdiction de conduire est prononcée en vertu du sous-
al. 86(1)a)(ii) de la Motor Vehicle Act, R.S.B.C. 1979, ch. 288. Les
autres interdictions de conduire, dont la violation entraîne également la
peine minimale obligatoire prévue à l'al. 88(1)c), ne sont pas en cause en
l'espèce et aucune réponse n'est requise ou donnée à leur égard.
La seconde question constitutionnelle ne se pose pas. Je suis d'avis
d'accueillir le pourvoi. La peine de sept jours d'emprisonnement à purger de façon
intermittente par l'intimé au cours de fins de semaine consécutives de trois jours doit
être maintenue.
//Le juge McLachlin//
Version française des motifs du juge en chef Lamer et des juges
McLachlin et Stevenson rendus par
LE JUGE MCLACHLIN (dissidente) -- J'ai lu les motifs du juge Gonthier et,
avec égards, je suis en désaccord avec lui quant à la caractérisation de la question
soulevée par le présent pourvoi et quant au fondement de l'arrêt de la Cour d'appel
en l'espèce. Je suis d'avis de rejeter le pourvoi pour les raisons fondamentales
exposées par le juge Wood de la Cour d'appel de la Colombie-Britannique.

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Les motifs de la Cour d'appel
Les motifs de la Cour d'appel (1990), 43 B.C.L.R. (2d) 161, rédigés par
le juge Wood, peuvent se résumer ainsi:
1.
La question est de savoir si la peine minimale obligatoire prescrite par
l'al. 88(1)c) de la Motor Vehicle Act, R.S.B.C. 1979, ch. 288, viole la
garantie de protection contre les peines cruelles et inusitées, énoncée à
l'art. 12 de la Charte canadienne des droits et libertés.
2.
Le critère pour déterminer si une disposition prévoyant une peine viole
l'art. 12 de la Charte consiste à se demander si elle est exagérément
disproportionnée eu égard à la gravité de l'infraction commise, aux
caractéristiques personnelles du contrevenant et aux circonstances
particulières de l'affaire, facteurs énumérés dans l'arrêt de notre Cour R.
c. Smith, [1987] 1 R.C.S. 1045.
3.
Sans donner d'exemples de cas hypothétiques, la Cour d'appel a conclu
que l'al. 88(1)c) entraînerait assurément, dans certains cas, une peine
exagérément disproportionnée et, partant, contraire à l'art. 12.
4.
Les violations ne pourraient être considérées comme portant "le moins
possible" atteinte aux droits garantis à l'art. 12, pas plus que leurs effets
ne seraient, dans toutes les circonstances, proportionnels aux objectifs

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visés; l'al. 88(1)c) ne pourrait donc pas être sauvegardé par l'article
premier.
5.
Plutôt que de faire échapper certains intimés aux aspects cruels et
inusités d'une peine de sept jours d'emprisonnement et de conserver tel
quel l'art. 88, il est préférable d'invalider la peine minimale obligatoire
et de maintenir une gamme complète de peines à appliquer au besoin et
selon que le juge du procès l'estime à propos.
Si je comprends bien les motifs du juge Gonthier, c'est relativement aux
points 1 et 3 que son opinion diverge de celle de la Cour d'appel. Étant donné ses
conclusions sur ces points, il n'a pas eu à examiner les points 2, 4 et 5.
La question à trancher
L'alinéa 88(1)c) de la Motor Vehicle Act prescrit la peine minimale
obligatoire dans le cas d'une personne qui conduit en sachant qu'il lui est interdit de
le faire aux termes de l'un de quatre articles de la Loi, savoir les art. 84, 85, 86 et
214. Selon la Cour d'appel, la question en litige était la constitutionnalité de
l'al. 88(1)c) de la Loi dans toutes ses applications. Il s'agissait de savoir si la peine
minimale obligatoire, prescrite par cette disposition pour une première déclaration
de culpabilité de conduite durant une interdiction pour l'une des raisons énumérées,
va à l'encontre de la Charte.

- 52 -
Le juge Gonthier, par contre, limite son analyse à certaines interdictions
visées à l'art. 86 et fait comme si il n'était pas question à l'al. 88(1)a) des autres
interdictions visées au même article et aux art. 84, 85 et 214 et comme si elles ne
donnaient pas lieu à la peine obligatoire prévue à l'al. 88(1)c) de la Loi. En ce qui
concerne quelques interdictions déterminées visées à l'art. 86, conclut le juge
Gonthier, la peine minimale obligatoire ne constituerait pas une violation de la
Charte. Il ajoute que si on tenait compte d'autres interdictions dont il est question
à l'art. 88, il se pourrait bien que la peine minimale obligatoire prescrite par
l'al. 88(1)c) soit inconstitutionnelle. Le juge Gonthier dit en réalité que, dans une
application en particulier, l'al. 88(1)c) ne viole pas la Charte, tout en reconnaissant
que dans d'autres applications il pourrait être contraire à la Charte.
Cette différence d'optique représente, selon moi, la distinction
fondamentale entre les motifs du juge Gonthier et ceux de la Cour d'appel de la
Colombie-Britannique. La Cour d'appel a examiné l'al. 88(1)c) dans toutes ses
applications possibles et a conclu que certaines d'entre elles violeraient
inévitablement l'interdiction des peines cruelles et inusitées énoncée dans la Charte.
Elle a en conséquence déclaré l'al. 88(1)c) inconstitutionnel. Le juge Gonthier, au
contraire (à la p. 000) n'étudie l'art. 88 que par rapport "au type particulier
d'interdiction dont l'intimé a été frappé en vertu du sous-al. 86(1)a)(ii)". Comme il
l'affirme lui-même, il limite son analyse à la mention de l'art. 86 faite à l'al. 88(1)c)
et "retranche" les autres types d'interdictions qui y sont visées. Ayant ainsi écarté
de prime abord les applications potentiellement invalides, il conclut à la
constitutionnalité de l'al. 88(1)c).

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Pour séduisant que puisse être ce résultat, j'estime pour ma part qu'on ne
saurait retenir une analyse qui consiste à retrancher de la disposition contestée les
applications susceptibles de la rendre inconstitutionnelle. Une telle analyse, selon
moi, élude la question constitutionnelle dont nous sommes saisis : celle de la
constitutionnalité de l'al. 88(1)c) dans son ensemble, tel qu'il a été adopté par le
législateur. En outre, comme je le soutiendrai ci-après, cette analyse s'écarte
nettement de la méthode suivie jusqu'ici par notre Cour dans l'évaluation de textes
législatifs en vertu de la Charte en général et de sa façon de voir la garantie de
protection contre les peines cruelles et inusitées en particulier.
Premièrement, une analyse qui comporte le retranchement de dispositions
potentiellement inconstitutionnelles de l'art. 88 n'apporte pas de réponse à la question
soulevée dans le présent pourvoi. La première question constitutionnelle adressée
à notre Cour est la suivante: "La peine minimale obligatoire de sept jours
d'emprisonnement et de 300 $ d'amende imposée, conformément à l'al. 88(1)c) de la
[Loi] [. . .], pour une première déclaration de culpabilité de conduite sous le coup
d'une interdiction porte-t-elle atteinte aux droits et libertés garantis par l'art. 12
[. . .]?" L'expression "sous le coup d'une interdiction" ne limite pas la portée de la
question à un type particulier d'interdiction. Bien qu'elle ne soit pas tenue de
répondre aux questions constitutionnelles telles qu'elles sont formulées, notre Cour
doit se rappeler que ces questions constituent une formulation précise de l'aide
demandée et qu'elles servent habituellement de base à l'analyse et aux débats de la
Cour. Devant notre Cour, le procureur général de la Colombie-Britannique a tenté
de restreindre l'examen de l'al. 88(1)c) à la suspension du permis de conduire de
l'intimé Goltz en vertu du sous-al. 86(1)a)(ii). Toutefois, l'intimé a insisté pour que

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la Cour examine l'ensemble de l'al. 88(1)c), conformément à la question
constitutionnelle dont nous sommes saisis. Dans son argumentation, l'avocat de
l'intimé a traité de la constitutionnalité de la peine minimale prévue à l'al. 88(1)c)
dans son application aux personnes frappées d'une interdiction de conduire en vertu
tant des art. 84, 85 et 214 de la Motor Vehicle Act que du sous-al. 86(1)a)(ii). Dans
cette perspective, il me semble préférable de répondre à la question constitutionnelle
telle qu'elle a été posée.
Mais même si notre Cour était disposée à se pencher sur la question en
lui donnant une portée plus restreinte que celle de la question posée, débattue et
examinée en Cour d'appel, elle ne pourrait le faire, selon moi, sans s'écarter de sa
propre jurisprudence bien établie. Retrancher de l'art. 88 la mention d'interdictions
autres que certains cas prévus à l'art. 86 de la Loi revient en fait à donner à celle-ci
une interprétation atténuée ou, pour employer une autre expression courante, à
appliquer la théorie de l'exemption constitutionnelle. Donc, aux fins du présent
pourvoi, l'art. 88 est interprété comme s'il ne contenait pas de dispositions pouvant
se révéler inconstitutionnelles. En d'autres termes, l'article prescrivant la peine
obligatoire est maintenu, mais on dit aux juges que lorsque se présenteront des
applications inconstitutionnelles de cet article, ils devront le déclarer
inconstitutionnel en ce qui concerne ces applications et ne pas l'appliquer.
On a incité notre Cour à adopter une approche analogue dans l'affaire R.
c. Seaboyer, [1991] 2 R.C.S. 577. Dans cette affaire, les juges majoritaires de la
Cour d'appel, ayant conclu que l'art. 276 du Code criminel dans certaines de ses
applications violait la Charte, se sont abstenus d'invalider l'article pour le motif que

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la réparation appropriée consistait dans la non-application de cet article par le juge
du procès dans les cas où il y aurait violation de la Constitution. Sans décider que
les théories de l'interprétation atténuée ou de l'exemption constitutionnelle ne
pourraient jamais s'appliquer de manière à sauvegarder un texte législatif, notre Cour
à la majorité a décidé qu'il ne convenait pas de les appliquer dans cette affaire,
notamment parce que cela aurait eu pour effet de modifier sensiblement la loi en
cause et équivaudrait à déléguer aux juges de futurs procès la tâche de déterminer les
cas d'inapplication du texte législatif. Suivant ce raisonnement, a-t-on fait
remarquer, aucune loi n'aurait à être jugée incompatible avec la Charte. La loi serait
déclarée valide, seules certaines de ses applications étant invalides.
Les mêmes considérations jouent en l'espèce. Aborder l'art. 88 comme
s'il ne parlait que des interdictions visées à l'art. 86 c'est se pencher sur un régime qui
diffère de celui que le législateur a établi. De plus, malgré le fait que l'al. 88(1)c)
serait déclaré "valide", sa constitutionnalité demeurerait incertaine, étant à
déterminer selon que les juges du procès dans des causes futures verraient ou non
dans son application une violation de la Charte. Voilà qui va à l'encontre du principe
fondamental suivant lequel les lois, particulièrement celles dont la violation peut
entraîner l'emprisonnement, doivent être claires, certaines et vérifiables. Notre Cour
a uniformément préconisé une analyse stricte et rigoureuse, en fonction de la Charte,
des dispositions comportant comme sanction une peine privative de liberté. Laisser
les juges statuer au cas par cas dans les affaires d'infractions criminelles et quasi
criminelles priverait les gens de la possibilité de savoir d'avance ce que prévoit la loi.
Ce n'est alors qu'après avoir subi un procès que l'on saurait si on a enfreint une loi
valide. À mon avis, il ne faudrait pas adopter cette approche à l'égard d'infractions

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susceptibles d'entraîner l'emprisonnement. Il vaut mieux aborder directement la
question de savoir dans quelle mesure une loi est incompatible avec la Charte et,
partant, invalide aux termes de l'art. 52 de la Loi constitutionnelle de 1982, chaque
fois qu'elle se pose dans un pourvoi comme celui-ci.
En l'espèce, l'analyse restrictive de la disposition en question par le juge
Gonthier a pour conséquence que les juges saisis d'affaires mettant en cause des
parties de l'al. 88(1)a) dont il n'a pas été traité ici se verront contraints de déterminer
au cas par cas si ces applications de l'al. 88(1)c) violent la Charte. Cela aboutira à
la longue à un mélange désordonné et incertain de droit prétorien et de textes
législatifs. L'automobiliste désireux de connaître les risques inhérents à la conduite
durant une interdiction sera dans l'impossibilité de déterminer sa situation par la
seule consultation de la loi. À la lecture de celle-ci, l'automobiliste conclurait
raisonnablement à la validité de l'art. 88, particulièrement s'il existe un jugement qui
réponde par la négative à la question constitutionnelle posée en l'espèce, mais il
aurait tort. Ainsi que le fait remarquer le juge Gonthier, l'emprisonnement par suite
de la violation de certaines interdictions pourrait bien aller à l'encontre de la Charte,
ce qui rendrait la loi invalide dans cette mesure . Si l'automobiliste conclut que dans
son cas l'emprisonnement obligatoire pour la violation de l'interdiction contrevient
à la Charte et qu'il décide de conduire, il risque de se faire dire subséquemment par
un juge que c'est là une interprétation erronée de la loi et de se retrouver sous les
verrous.
Au moyen de la question constitutionnelle posée en l'espèce on demande
à notre Cour, et pour de bonnes raisons, de statuer de façon générale sur la

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constitutionnalité du régime punitif établi par l'art. 88 pour les violateurs de
l'interdiction de conduire; on ne lui demande pas d'attendre des litiges futurs pour
déterminer son degré d'invalidité. À mon avis, cette façon de procéder est à la fois
juste et judicieuse compte tenu de l'intérêt qu'a le public à connaître avec quelque
certitude l'état du droit en ce qui concerne les infractions susceptibles d'entraîner
l'emprisonnement.
Dans le passé, quand on lui a demandé de déterminer si une loi donnée
est invalide, notre Cour a analysé la question en fonction de toutes les applications
possibles de la disposition en cause et elle n'a pas "sauvegardée" la loi en
n'examinant que l'application particulière dont il s'agissait d'après les faits de
l'affaire. En fait, l'analyse comportant deux aspects préconisée par le juge Gonthier,
qui nécessite que soient prises en considération à la fois la situation de l'accusé
particulier et d'autres applications hypothétiques, reconnaît implicitement cet état de
choses. Prenons la méthode adoptée par le juge Lamer (maintenant Juge en chef)
dans l'arrêt Smith, à la p. 1078:
. . . la loi fait que, dans certains cas, un verdict de culpabilité entraînera
inévitablement l'imposition d'une peine d'emprisonnement qui sera
exagérément disproportionnée. [Je souligne.]
Le juge Lamer ne préconise pas dans l'arrêt Smith que la peine minimale de sept ans
d'emprisonnement pour trafic de stupéfiants constituerait une violation de la Charte
dans tous les cas. Plutôt, comme la peine infligée en vertu de la disposition en
question aurait été cruelle et inusitée dans certains cas, la disposition au complet a
été jugée invalide.

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Il faudrait adopter la même approche à l'égard de l'al. 88(1)c) de la Motor
Vehicle Act. La peine obligatoire infligée en application de l'art. 88 peut souvent ne
revêtir aucun caractère cruel et inusité. Mais si, pour reprendre les termes employés
par le juge Lamer dans l'arrêt Smith, "dans certains cas, un verdict de culpabilité
entraînera inévitablement l'imposition d'une peine d'emprisonnement qui sera
exagérément disproportionnée" (à la p. 1078), alors l'alinéa au complet doit être
invalidé.
Il arrive parfois qu'une disposition législative puisse être sauvegardée par
le retranchement d'une condition invalide, par exemple les mots "elle [la personne
inculpée] prouve que", qui opèrent l'inversion de la charge de la preuve; voir l'arrêt
R. c. Wholesale Travel Group Inc., [1991] 2 R.C.S. 154. Le retranchement des mots
dans un cas semblable ne va pas à l'encontre de l'objet principal de la disposition
législative ni n'a pour conséquence qu'une loi soit déclarée valide même si elle peut
en réalité être invalide sous certains aspects, laissant ainsi la question de sa
constitutionnalité à une détermination future au cas par cas.
En dernier lieu, je suis d'avis que la question soumise à la Cour est de
savoir si la peine minimale obligatoire prescrite par l'al. 88(1)c) sera "dans certains
cas", pour emprunter l'expression utilisée dans l'arrêt Smith, exagérément
disproportionnée et, par conséquent, contraire à l'art. 12 de la Charte. On ne saurait
déclarer l'article valide en partie, sous réserve de la possibilité que certaines de ses
autres applications se révèlent invalides dans des causes futures. Il s'ensuit donc que
nous devons examiner non seulement certaines interdictions et procédures
applicables visées à l'al. 86(1)a), mais aussi toute la gamme des interdictions

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énoncées à l'art. 86, ainsi qu'à l'art. 84 (autorisant par exemple l'interdiction de
conduire pour le non-paiement d'un examen en vue de l'obtention du permis de
conduire), à l'art. 85 (autorisant par exemple l'interdiction de conduire pour
l'omission d'acquitter une somme supérieure à 400 $ en vertu d'un jugement définitif
rendu à la suite d'un accident de la route) et à l'art. 214.
La violation de la Charte
La Cour d'appel a conclu que la peine minimale d'un emprisonnement
obligatoire assorti de 300 $ d'amende viole la protection contre les peines cruelles
et inusitées garantie à l'art. 12 du fait que cette peine serait dans certains cas
exagérément disproportionnée. La question est de savoir si cette conclusion est bien
fondée. D'après le juge Gonthier, la Cour d'appel a commis une erreur.
Pour arriver à cette conclusion, le juge Gonthier a limité son analyse à la
question de l'application de l'al. 88(1)c) à l'interdiction particulière imposée dans les
circonstances plutôt que d'examiner toute la gamme des interdictions donnant lieu
à la peine minimale obligatoire d'emprisonnement. Puisque j'estime, comme la Cour
d'appel, qu'il faut prendre en considération toute la gamme des interdictions visées
à l'al. 88(1)c), je dois décider si c'est avec raison qu'elle a conclu que certaines
applications de cet alinéa mèneraient inéluctablement à des peines disproportionnées
qui violeraient l'art. 12.

- 60 -
Comme première étape de son analyse, la Cour d'appel a examiné la
gravité de l'infraction en cause par rapport aux peines obligatoires d'emprisonnement
et a conclu, à la p. 170:
[TRADUCTION] La comparaison de la gravité relative des nombreuses
infractions en droit qui n'entraînent pas de peine d'emprisonnement
obligatoire pour la première déclaration de culpabilité et de celle de
l'infraction présentement en cause m'amène à conclure qu'il n'y a, en
principe, pas de raison pour laquelle celle-ci comporterait une peine
minimale obligatoire de sept jours d'emprisonnement.
La Cour d'appel s'est penchée ensuite sur les circonstances de l'infraction
et sur la situation personnelle du contrevenant. Le juge Wood a commencé par
souligner que la Cour d'appel n'avait pas à se demander [TRADUCTION] "si la peine
infligée à l'intimé est appropriée compte tenu des circonstances de l'affaire"; elle
avait [TRADUCTION] "simplement à décider si l'exigence légale d'une peine qui ne
soit, dans aucun cas, moindre viole la garantie constitutionnelle invoquée" (à la
p. 164). Partant de cette prémisse, le juge Wood a abordé ces questions globalement,
les rattachant aux circonstances particulières d'éventuels contrevenants visés par la
disposition en cause. Se refusant à toute conjecture quant à un cas hypothétique
précis, il s'est appuyé sur l'observation faite par le juge Lamer dans l'arrêt Smith, à
la p. 172:
[TRADUCTION] . . . ce n'est pas la certitude d'un cas donné qui
préoccupait le juge Lamer dans l'arrêt Smith, c'était la certitude que,
compte tenu de la multiplicité de situations qui pourraient se présenter,
une peine exagérément disproportionnée était inévitable dans au moins
une d'entre elles.
Il a conclu ensuite, à la p. 172:

- 61 -
[TRADUCTION] Il y a en fait un nombre illimité de circonstances
différentes dans lesquelles l'infraction de conduite durant une interdiction
peut être commise. De plus, il semble que les différentes circonstances
particulières à un contrevenant donné seront aussi nombreuses et
diverses que le nombre même des contrevenants. Ces faits et une
modeste expérience de la vie mènent à la conclusion qu'il y aura
inévitablement des cas où une peine minimale obligatoire de sept jours
d'emprisonnement assortie d'une amende de 300 $ sera si exagérément
disproportionnée à ce qui aurait autrement été approprié que l'infliger
contreviendra manifestement à l'art. 12 de la Charte.
Je ne souscris pas au point de vue du juge Gonthier selon lequel l'analyse
du juge Wood est faite dans l'abstrait, elle s'appuie sur des suppositions faciles
concernant des "petits contrevenants" ou des "contrevenants le moins
répréhensibles"et elle est donc insuffisante pour maintenir une conclusion que
l'al. 88(1)c) viole l'art. 12 de la Charte. Si le juge Gonthier a besoin d'autres
situations hypothétiques qui "traduisent la réalité", il est facile d'en trouver. Prenons
l'exemple donné lors du procès par le juge Hogarth de la Cour de comté (et cité par
le juge Wood en appel), de la situation d'un [TRADUCTION] "accusé, frappé d'une
interdiction de conduire, [qui] avait, à la suite d'un accident survenu sur une
autoroute, déplacé de quelques pieds un véhicule automobile dont le conducteur
n'était pas en état de le faire, afin de laisser passer d'autres voitures prises dans un
embouteillage s'étendant sur plusieurs milles" ((1988), 44 C.C.C.(3d) 166, à la
p. 172). Je conviens enfin avec le juge Hogarth que [TRADUCTION] "une peine de
sept jours d'emprisonnement et de 300 $ d'amende qui pourrait entraîner la perte d'un
emploi occupé depuis longtemps et la perte d'autres agréments serait ridicule".
Prenons en outre le cas des personnes qui conduisent durant une
interdiction et qui plaident des circonstances atténuantes qui, bien que ne fondant pas
un moyen de défense en droit (c.-à-d. la défense de nécessité reconnue par la

- 62 -
common law), devraient à juste titre être prises en considération aux fins de la
détermination de la peine parce qu'elles tendent à diminuer la culpabilité morale de
l'accusé. (Je signale à ce propos les possibilités limitées d'invoquer la défense de
nécessité suivant le critère énoncé par notre Cour dans l'arrêt Perka c. La Reine,
[1984] 2 R.C.S. 232.)
Revenant toutefois à la question principale, si je comprends bien, la Cour
d'appel dit simplement que, lorsque la gravité de l'infraction est prise en
considération en même temps que la gamme possible de situations dans lesquelles
des contrevenants pourraient se trouver, l'existence d'une peine minimale obligatoire
pourrait empêcher la cour chargée de la détermination de la peine d'aboutir à un
résultat équitable et, dans certains cas, obligerait même le juge à infliger une peine
exagérément disproportionnée. Autrement dit, la peine minimale obligatoire
prescrite par l'al. 88(1)c) prive le juge du large pouvoir discrétionnaire qu'il convient
d'exercer eu égard à la gravité de l'infraction et aux circonstances dans lesquelles elle
a été commise. Bref, les peines minimales obligatoires doivent être appropriées
compte tenu à la fois de la gravité de l'infraction et des circonstances pouvant se
présenter. Je ne vois dans cette conclusion aucune erreur. Je ne vois pas non plus
ce qu'il peut y avoir d'erroné à parler d'une "modeste expérience de la vie".
L'expérience d'un juge qui a eu l'occasion de fixer des peines pour différentes
infractions lui permet d'acquérir une conscience aiguë de la variété infinie de
circonstances dans lesquelles une peine moins sévère que l'emprisonnement peut
s'imposer pour toutes les infractions sauf les plus graves.

- 63 -
Le juge Gonthier affirme que la Cour d'appel n'a pu arriver à ces
conclusions qu'"en séparant l'infraction de conduite durant une interdiction des
différentes infractions aboutissant à l'interdiction" (à la p. 000). Avec égards, je
crois qu'il s'agit peut-être là d'une interprétation erronée du raisonnement du juge
Wood. En effet, ce dernier a parlé de la nécessité de prendre en considération les
circonstances [TRADUCTION] "liées à la conduite interdite" plutôt que celles menant
à l'interdiction seulement après avoir énoncé sa conclusion principale et à seule fin
de réfuter l'argument voulant que les peines infligées en vertu de l'al. 88(1)c) ne
peuvent pas être jugées disproportionnées parce que les personnes reconnues
coupables de conduite durant une interdiction ne seraient pas des "petits"
contrevenants. Il a conclu (à la p. 173):
[TRADUCTION] Si une peine de sept jours d'emprisonnement est tout à
fait disproportionnée dans un cas donné, compte tenu des circonstances
de l'infraction et des circonstances personnelles du contrevenant, sa
constitutionnalité ne peut être sauvegardée du fait qu'il s'agit d'une peine
qui se justifie en quelque sorte en tant que sanction supplémentaire
d'infractions relativement auxquelles le contrevenant a déjà été reconnu
coupable et pour lesquelles il a déjà été puni.
Si je comprends bien, le juge Wood dit simplement que c'est l'infraction de conduite
durant une interdiction ainsi que toutes les circonstances pertinentes relativement à
cette infraction qui doivent être prises en considération. Cela étant, le simple fait que
l'accusé a déjà commis des infractions aux règles de conduite automobile ne vient
pas sauvegarder la peine obligatoire prescrite par l'al. 88(1)c).
Je conclus que la Cour d'appel a appliqué correctement les critères
énoncés par notre Cour dans l'arrêt Smith et qu'elle a eu raison de conclure que

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l'al. 88(1)c) viole l'art. 12 de la Charte. Je partage l'avis du juge Wood de la Cour
d'appel, selon lequel, dans certains cas visés par le régime établi par les al. 88(1)a)
et (1)c) de la Motor Vehicle Act, la peine minimale obligatoire de sept jours
d'emprisonnement et d'une amende serait manifestement disproportionnée et
choquerait la conscience des Canadiens, de sorte qu'elle constituerait une violation
de la garantie de protection contre les peines cruelles et inusitées prévue à l'art. 12
de la Charte. Je souscris également à la conclusion du juge Wood que l'al. 88(1)c)
ne peut, en raison de sa portée excessive, être sauvegardé par l'article premier de la
Charte. Comme l'a dit le juge Wood, à la p. 176: [TRADUCTION] "Il ne se dégage des
documents aucune nécessité évidente ou probable d'une mesure de dissuasion qui
s'applique ainsi sans distinction."
Enfin, je conviens avec la Cour d'appel que, plutôt que de procéder au cas
par cas pour soustraire des infractions particulières à l'application de l'al. 88(1)c), ce
qui serait nécessaire pour que celui-ci soit conforme à la Charte, il faut supprimer la
peine minimale obligatoire prévue à l'al. 88(1)c). Ainsi que je l'ai déjà indiqué, la
certitude qui doit exister en ce qui concerne les infractions pouvant entraîner une
peine d'emprisonnement commande au moins cela.
Dispositif
Je suis d'avis de rejeter le pourvoi et de renvoyer l'affaire au tribunal de
première instance.

- 65 -
Pourvoi accueilli, le juge en chef LAMER et les juges MCLACHLIN et
STEVENSON sont dissidents.
Procureur de l'appelante: Le ministère du procureur général, Victoria.
Procureur de l'intimé: Kathryn Ford, New Westminster.
Procureur de l'intervenant le procureur général de l'Ontario: Le ministère
du Procureur général, Toronto.
Procureur de l'intervenant le procureur général du Manitoba: Le
ministère de la Justice, Winnipeg.