C A N A D A Cour supérieure
Province de Québec (Chambre civile et pénale)
District de Beauharnois
No. 760-36-000099-963 Le
21 novembre 1997
760-27-000085-920
SOUS LA PRÉSIDENCE DE :
L'Honorable PIERRETTE SÉVIGNY, J.C.S. (JS0733)
LE PROCUREUR GÉNÉRAL DE LA PROVINCE DE QUÉBEC, dûment représenté par Me Charles Charbonneau
Partie appelante
c.
SERVICES ENVIRONNEMENTAUX LAIDLAW (MERCIER) LTÉE, corporation légalement constituée ayant une place d'affaires au 1294, boul. Ste-Marguerite, Ville de Mercier
Partie intimée
et
LA COALITION POUR LA DÉCONTAMINATION MERCIER, association ayant élu domicile au 407, boul. Saint-Laurent, bureau 202, Montréal
Partie intervenante
JUGEMENT SUR
APPEL DE SENTENCE
LES PROCÉDURES ET LES FAITS
En janvier 1995, la Cour d'Appel([1]) renversait un verdict d'acquittement prononcé par ie juge Mercier([1]), j.c.Q., et confirmé par l'honorable Claude Guérin([1]), j.c.s., déclarant 1'intimée coupable de l’infraction suivante:
« Le ou vers le 10 mai 1991, a émis dans l'environnement un contaminant dont la présence est prohibée par règlement, à savoir: un déchet dangereux, contrevenant à l’article 20 de la Loi sur la qualité de l'Environnement (L. R. Q. c. Q-2) avec référence à l’article 9 du Règlement sur les déchets dangereux {R. R. Q. c. Q-2, r. 12. 1) commettant l’infraction visée à l’article 106.1 de ladite loi, se rendant passible des peines y prévues.
Le tout avec les dépens de tout tarif en vigueur. » ([1])
Permission à la Cour Suprême étant refusée([1]), le dossier était retourné au juge Mercier qui, le 16 septembre 1996, impose la sentence suivante:
«EN CONSÉQUENCE, la Cour condamne les Services Environnementaux Laidlaw (Mercier) Limitée à une amende de 10,000. $ (dix mille dollars) plus les frais prévus à l’article 116.1, limités à 25,218.70 $ (vingt-cinq mille deux cent dix-huit dollars et soixante sous). (sic)
Vu le principe de la totalité de la sentence;
JE VOUS CONDAMNE à payer la somme de 35,218.60 $ (trente-cinq mille deux cent dix-huit dollars et soixante sous).
JE VOUS ACCORDE un délai de 30 (trente) jours pour payer. » ([1])
Le Procureur général en appelle de cette sentence pour les motifs et arguments suivants:
« 3. Le premier motif pour lequel l'appelant se pourvoit est à l'effet que l’imposition de la peine est entachée d'une erreur de droit en ce que mais non limitativement:
A) Le juge de première instance a rendu sentence sur une infraction autre que celle pour laquelle la Cour d'appel a reconnu l'intimée coupable; (p 2)
B) Le juge de première instance a erré en droit en statuant sur les frais: la cour d'appel ayant statué sur les frais, la juridiction de la cour du Québec se limitait à la peine;
4. Le deuxième motif pour lequel l'appelant se pourvoit est à l'effet que la peine infligée par le juge de première instance est déraisonnable eu égard à la preuve en ce que mais non limitativement:
A) Le juge de première instance a erronément retenu que l'intimée n'a pas acquis de bénéfices pécuniaires suite à l’infraction parce qu'à l'époque elle n'avait pas les mêmes actionnaires que présentement; (p.8)
B) Le juge de première instance a erronément retenu comme circonstance atténuante qu'il n'y a aucune preuve à l'effet que l'enfouissement des barils et condensateurs a, de quelque façon que ce soit, pollué la nappe phréatique; (p.8)
C) Le juge de première instance a erronément retenu comme circonstance atténuante plutôt que comme circonstance aggravante le fait que l'émission prohibée a eu lieu à proximité des lagunes déjà contaminées de Ville Mercier, puisqu'en agissant ainsi elle camouflait son geste coupable; (p.9)
D) Le juge de première instance a erronément refusé de tenir compte de l’ensemble du comportement de l'intimée en ce que:
i) il a tenu compte que l'intimée a promptement donné suite à la mise en demeure du MEF, datée du 10 mai 1991 et reprise dans l'ordonnance du 24 mai 1991; (p. 7) mais,
ii) il a refusé de tenir compte du fait que l'accusé a laissé les barils et condensateurs couler dans l'environnement pendant 18 ans avant que, contrainte par les événements, elle ne se résolve à faire cesser l'émission de contaminants en excavant les barils et condensateurs,
iii) il a refusé de tenir compte du fait que quelques jours avant que sa sentence ne soit rendue, l'intimée s'est départie d'une facon illégale d'une partie des déchets dangereux sur lesquels sa sentence devait statuer;
E) Le juge de première instance n’a pas accordé la pleine valeur aggravante au monopole détenu par l'accusée en matière d'élimination de déchets dangereux; (p.9)
F) La sentence ne reflète pas le fait que les circonstances font de la présente affaire un cas de «worst possible case»;
5. Le troisième motif pour lequel l'appelant se pourvoit est à l'effet que justice n'a pas été rendue lors de l’imposition de cette peine en ce que mais non limitativement:
A) La peine imposée par le juge de première instance ne tient pas compte des facteurs dégagés par la jurisprudence lorsqu'il faut imposer une peine en matière d'environnement, notamment:
i) elle ne reflète pas la gravité objective et subjective de l’infraction;
ii) elle ne respecte pas les caractéristiques de l’accusée;
iii) elle ne protège pas les intérêts de la collectivité parce qu'elle ne rencontre pas l'objectif fondamental de la dissuasion individuelle et générale;
B) La peine imposé (sic) accorde une importance atténuante exagérée quant aux comportements des tiers; (p.8)
4. (sic) Le quatrième motif pour lequel l'appelant se pourvoit est à l'effet que le refus d'ordonner la remise en état des lieux est déraisonnable en ce que mais non limitativement:
A) L'intimée est en possession illégale de déchets dangereux, et le refus du juge de première instance de rendre ladite ordonnance maintient l'intimée dans l'illégalité;
B) En considérant «le problème plus global de l'élimination des B.P.C. au Québec et au Canada (p.9)», le juge de première instance tient compte d'un élément non pertinent au dossier en ce que:
i) ledit problème des B.P.C. vise principalement des personnes qui étaient en possession légitime de cette substance lorsqu'elles ont été classifiées déchets dangereux;
ii) ces personnes sont généralement devenues en possession de déchets dangereux sans malfaçon de leur part;
iii) l'intimée pour sa part est devenue en possession de ces déchets dangereux à la suite de gestes illégaux pour lesquels elle a été trouvée coupable, en l’occurrence dans le présent dossier.»
Aux conclusions de l'avis d'appel, l'appelant, le Procureur général du Québec, demande à cette Cour de:
«ACCUEILLIR le présent appel;
ANNULER la sentence infligée par le juge de première instance;
INFLIGER la peine que la Cour jugera appropriée;
LE TOUT AVEC FRAlS de la présente instance, la Cour d'appel ayant statué sur les frais antérieurs.»
En résumé, le Procureur général reproche au juge Mercier, j.c.Q., de ne pas avoir ordonné la remise en état des lieux, d'avoir imposé une amende qui n'est pas dissuasive et d'avoir omis de statuer sur les frais.
Les faits peuvent se résumer ainsi:
L'intimée est une multinationale qui œuvre au Québec depuis plusieurs années dans le domaine de l'élimination de contaminants et de déchets dangereux.
De 1973 à 1975, elle a procédé à l'enfouissement de barils et de condensateurs qui se sont détériorés au fil des années, déversant dans le sol des produits contaminés([1]). Une perquisition en mai 1991 permit de découvrir l’infraction.
LE DROIT
Le présent appel est interjeté selon les dispositions de l’article 286 du Code de procédure pénale qui se lit comme suit:
« 286. [Appel accueilli] Le juge accueille l'appel sur dossier s'il est convaincu par l'appelant que le jugement rendu en première instance est déraisonnable eu égard à la preuve, qu'une erreur de droit a été commise ou que justice n’a pas été rendue. »
Les auteurs et la jurisprudence ont commenté ainsi les pouvoirs du juge siégeant en appel:
« L'article 286 définit le rôle du juge lors d'un appel sur dossier: il ne peut intervenir que si le jugement est déraisonnable eu égard à la preuve, que si justice n'a pas été rendue ou que si une erreur de droit a été commise et que cette erreur a eu un effet déterminant sur le jugement. Ce rôle est analogue à celui conféré au juge qui siège en matière criminelle en appel d'un jugement...»([1])
En matière de sentence, le Tribunal est appelé à examiner la justesse de la peine eu égard aux circonstances du délit et à la personnalité du délinquant.
Commentant l'approche juridique d'une Cour d'appel en matière de sentence, les auteurs Béliveau et Vauclair écrivent:
« Bien que le paragraphe 687(1) du Code indique que la cour doit considére[r] [...] la justesse de la sentence, les cours d'appel interprètent de manière restrictive leurs pouvoirs en matière sentencielle, limitant leur intervention au controle de la légalité de la peine ou, en ce qui a trait à l'opportunité, à la révision d'erreurs graves([1]). Dans l'arrêt Shropshire([1]), la Cour suprême a déclaré que le rôle d'une cour d'appel, en cas d'appel de sentence, est de déterminer si le juge de première instance a appliqué les principes pertinents et tenu compte des faits pertinents. La Cour d'appel ne doit intervenir que si la décision est manifestement erronée, fondée sur de mauvais principes ou sur des principes erronément appliqués ou suite à l’ignorance de facteurs pertinents ou à une trop grande emphase sur ces facteurs.
...
Une cour d'appel, saisie d'un recours en matière de sentence, ne substituera donc pas sa discrétion à celle du juge de première instance qui, ayant entendu le procès et le témoignage de l’accusé le cas échéant, était le mieux placé pour rendre la décision appropriée.»([1])
Nous devons donc limiter notre intervention dans les cas où la sentence est manifestement erronée et non pas chercher à substituer notre appréciation personnelle des faits à celle du juge de première instance.
Cette approche restrictive et ce pouvoir limité d'intervention ont récemment été affirmés dans l'arrêt McDonnell par monsieur le juge Sopinka qui en fait siens les propos de monsieur le juge Lamer dans l'arrêt M. (C.A.)([1]):
« Il va de soi que les cours d'appel jouent un rôle important en contrôlant et en réduisant au minimum la disparité entre les peines infligées à des contrevenants similaires, pour des infractions similaires commises dans les diverses régions du Canada. [...] Toutefois, dans l'exercice de ce rôle, les cours d'appel doivent néanmoins faire montre d'une certaine retenue avant d'intervenir dans l'exercice du pouvoir discrétionnaire spécialisé que le législateur fédéral a expressément accordé aux juges chargés de déterminer les peines. On a à maintes reprises souligné qu'il n'existe pas de peine uniforme pour un crime donné. [...] La détermination de la peine est un processus intrinsèquement individualisé, et la recherche d'une peine appropriée applicable à tous les délinquants similaires, pour des crimes similaires, sera souvent un exercice stérile et théorique. De même, il faut s'attendre que les peines infligées pour une infraction donnée varient jusqu'à un certain point dans les différentes communautés et régions du pays, car la combinaison «juste et appropriée» des divers objectifs reconnus de la détermination de la peine dépendra des besoins de la communauté où le crime est survenu et des conditions qui y règnent. Pour ces motifs, conformément à la norme générale de contrôle que nous avons formulée dans Shropshire, je crois qu'une cour d'appel ne devrait intervenir afin de réduire au minimum la disparité entre les peines que dans les cas où la peine infligée par le juge du procès s'écarte de façon marquée et substantielle des peines qui sont habituellement infligées à des délinquants similaires ayant commis des crimes similaires.
[Souligné dans l'original.]»([1])
DISCUSSION
Quels sont les critères que le juge de première instance doit suivre dans l’imposition d'une peine relative à une infraction contre l'environnement?
Comme dans tous les cas, le but premier de la sentence est la protection du public. Ce principe prend toute son importance dans les infractions de pollution.
Si, en général, un crime, vol ou fraude, ne frappe qu'une victime à la fois, les crimes contre l'environnement frappent ou peuvent frapper plusieurs victimes en même temps et visent des communautés entières.
Dans le cas sous espèce, c'est toute la population environnante qui est la victime potentielle. Ce fait doit guider le juge en matière de sentence.
La Commission de la réforme du droit dans son document d'étude sur la protection de la vie intitulé La détermination de la peine en droit de l'environnement publié en 1985 a donné une liste non exhaustive des critères ou facteurs que les tribunaux doivent considérer dans l’imposition de peine en matière de pollution:
1. la protection de la société;
2. la répression ou la punition;
3. la réinsertion sociale et la rééducation;
4. la dissuasion;
5. l'étendue des dommages potentiels et réels;
6. l'atteinte à l'intérêt général;
7. les conséquences et les coûts supportés par la collectivité:
8. l’économie ou profit réalisé;
9. la capacité de payer;
10. la taille de l'entreprise;
11. la moralité ou l’attitude de l'entreprise;
12. la coopération pour réparer et les coûts engagés.([1])
C'est à la lumière de ces principes que nous abordons l'étude des trois questions en litige:
A. l'amende;
B. la remise en état;
C. les frais.
A. L'amende
L'article 103, paragraphe 2, du Règlement sur les déchets dangereux (D.1000-85, (1985) 117 G.O. II, 3235 [c. Q-2, r. 3.01]) prévoit les peines suivantes:
«2° dans le cas d'une corporation, d'une amende d'au moins 5 000 $ et d'au plus 50 000 $ dans le cas d'une première infraction et d'une amende d'au moins 10 000 $ et d'au plus 100 000 $ dans le cas d'une infraction subséquente.»
Comme il s'agit d'une première infraction la marge de manoeuvre du juge se situait entre 5 000 et 50 000 $. Il a choisi 10 000 $.
Selon le Tribunal, le juge de première instance a donné trop de considération au fait que la corporation intimée n'a pas acquis de bénéfices pécuniaires suite à l’infraction en raison d'un changement d'actionnaires. En effet, les présents actionnaires ne sont pas les mêmes qu'au moment de l’infraction. Ce changement d'actionnaires n’a aucune importance car la corporation a une vie juridique propre à elle-même et indépendante de ses actionnaires et c'est la même entité juridique qui opère les installations depuis 1972([1]). Accepter un raisonnement contraire serait de nature à inciter une corporation fautive à changer d'actionnaires ou de coquilles juridiques dans l’unique but d'éviter des amendes plus lourdes.
Laidlaw a fait l’acquisition en décembre 1989 des actions de la compagnie Tricil et, par conséquent, a acquis les filiales de Tricil dont Goodfellow Combustion (Quebec) Inc. Le bénéfice pécuniaire de l'époque fut établi par le juge Mercier à la somme de 4 970 $. Divers contenants renfermant des matières dont l'émission dans l'environnement était prohibé par la loi furent enfouis entre 1973 et 1975([1]), donc par les ancêtres corporatifs de la compagnie intimée.
Laidlaw investit des sommes considérables dans la région et y créa un véritable monopole en ce qui a trait à la manipulation de déchets dangereux. C'est alors que l'intimée devait, à la demande des autorités, protéger la région contre la contamination. Mais, selon le juge Mercier, l'intimée a « trompé tout le monde en polluant ».([1]) Au lieu d'être incinérés ou éliminés, les déchets reçus ont été enfouis dans le sol, commettant ainsi l’infraction reprochée qui fut continue et qui s'est perpétuée durant de nombreuses années.
Nous estimons que cette infraction comporte une forme d'abus de confiance de la part de l'intimée envers la communauté environnante et les autorités gouvernementales qui lui avaient émis les permis d'exploitation.
Le juge de première instance n'a pas, selon nous, donné assez de considération à cet aspect de la conduite de l'intimée.
La rapidité d'intervention de l'intimée([1]) suite à la découverte de mai 1991 ne doit pas faire oublier cette circonstance aggravante qu'est l'abus de confiance.
Le montant maximum de peine monétaire de 50 000 $ prévu lors de l’adoption en 1985 du Règlement sur les déchets dangereux précité ne reflète plus la réalité économique de 1997, ni la gravité objective de l’infraction. D'ailleurs, le Tribunal souligne que le nouveau règlement qui entrera en vigueur en décembre 1997 prévoit, à son article 142, pour une infraction semblable, une amende d'au moins 25 000 $ et d'au plus 500 000 $.([1])
La capacité de payer de l'intimée n'est pas contestée: le chiffre d'affaires de l'intimée pour 1995 est de l'ordre de 10 000 000 $([1]). De plus, la compagnie Laidlaw Inc. ne produit qu'un seul bilan consolidé pour l’ensemble de ses filiales et ce document démontrait un chiffre d'affaires de l'ordre de 2 500 000 000 $ pour l'année 1995.([1])
Le principe émis dans l'affaire R. c. J.A.C.([1]) qui veut que la peine maximum ne doit être réservée qu'au pire des cas ne saurait être retenu dans le cas sous étude. Cette notion est surtout utilisée en matière d'incarcération et de peine de prison, mais, de toute façon, il nous est difficile d’imaginer un cas plus sérieux que la présente instance.
Dans ce dossier, la peine prévue est de trois ordres: amende, remise en état et frais. Or, dans la réalité de ce dossier, parmi les questions en litige, le montant de l'amende devient secondaire en comparaison des montants requis pour la remise en état évalués selon le paragraphe 14 de l'exposé conjoint des faits à la somme de 12 569 500 $.
Dès 1982, la Cour d'appel d'Ontario, dans l’arrêt R. c. Cotton Felts Ltd.([1]), déplorait que les amendes prévues pour certains types d'infraction contre le bien-être public ne soient pas assez sévères. Dans une décision unanime, monsieur le juge Blair écrivait:
« Without being harsh, the fine must be substantial enough to warn others that the offense will not be tolerated. It must not appear to be a mere licence fee for illegal activity.
With reference to these offenses, deterrence is not to be taken only in its usual negative connotation of achieving compliance by threat of punishment. Recently my brother Zuber in R. v. Ramdass, a judgment pronounced on November 17, 1982 [since reported 2 C.C.C. (3d) 247], referred to deterrence in a more positive aspect. There he was dealing with a driving offense and he quoted an earlier unreported decision of this court in R. v. Roussy, unreported, released December 15, 1977 [summarized 2 W.C.B. 72], where the court stated:
But in a crime of this type the deterrent quality of the sentence must be given paramount consideration, and here I am using the term deterrent in its widest sense. A sentence by emphasizing community disapproval of an act, and branding it as reprehensible has a moral or educative effect, and thereby affects the attitude of the public. One then hopes that a person with an attitude thus conditioned to regard conduct as reprehensible will not likely commit such an act.
This aspect of deterrence is particularly applicable [...] where it is essential for the proper functioning of our society for citizens at large to expect that basic rules are established and enforced to protect the physical, economic and social welfare of the public. »([1])
Dans son document d'étude sur la protection de la vie, la Commission de réforme du droit, traitant de la dissuasion, écrivait:
« Dans le cas des infractions écologiques, les amendes imposées par nos tribunaux sont, semble-t-il, moins sévères; cela tient notamment au fait que les maximums prévus par la loi sont moins élevés. Il ne fait toutefois pas de doute que la fonction dissuasive de la peine occupe une place aussi importante. La déclaration suivante, faite par le juge Morrow dans l'affaire R. v. Kenaston Drilling (Arctic) Limited([1]), a été maintes fois citée en matière d'environnement:
[TRADUCTION]
Lorsque les retombées économiques sont assez intéressantes, les personnes ou les sociétés ne sont tentées de courir un risque qu'en toute connaissance de cause. Il me semble que les tribunaux devraient faire preuve de fermeté à l'égard des infractions de cette nature, et mettre l’accent sur la dissuasion, c'est-à-dire sur le coût élevé des peines, dans l'espoir que personne ne prenne des risques parce que cela pourrait s'avérer trop coûteux. »([1])
Ces propos sont toujours d'actualité et nous ont convaincus que l'amende imposée doit être majorée de 10 000 $ à 50 000 $.
B. Remise en état
L'article 109.1.1 de la loi déjà citée([1]) permet au tribunal d'émettre une ordonnance de remise en état:
«109.1.1 Remise en état. Lorsqu'une personne ou une municipalité est déclarée coupable d'une infraction à une disposition de la présente loi, un juge peut, en plus d'imposer toute autre peine, ordonner, aux frais du contrevenant, que celui-ci prenne toutes les mesures nécessaires afin de remettre les choses dans l'état où elles étaient avant que la cause de l’infraction ne se produise. »
La remise en état consiste à purifier les terres, barils et condensateurs contaminés par des B.P.C. à plus de 50 P.P.M .
«La demande de l'appelant pour la remise en état selon l'article 109.1.1 de la Loi sur la qualité de l'environnement vise les terres contaminées par des BPC à plus de 50 PPM ainsi que les barils et les condensateurs contaminés aux BPC à plus de 50 PPM (voir admission du 27 mai 1996, pages 11 et 12). "([1])
Selon le MENVIQ il n'existe pas au Québec de moyens légaux pour en disposer. Il faudrait de toute évidence les transporter en Alberta et les coûts de ces opérations sont estimés à 12 569 500 $([1]).
Le juge Mercier refuse d'émettre l'ordonnance et s'exprime ainsi:
« QUANT à la demande du procureur général relativement à une ordonnance de remise en état des lieux à un coût approximatif de 12,500,000.$ (douze millions cinq cent mille dollars) à être effectuée par une compagnie du nom de Chem-Security (Alberta) Limité; je considère qu'il existe d'autres recours que l'ordonnance de la loi. Je considère aussi le problème plus global de l'élimination des B.P. C. au Québec et au Canada. Je considère enfin les prochains nouveaux développements annoncés et peut-être existants au moment même où je rends la présente sentence.
Je tiens compte du fait que la compagnie Laidlaw n'a jamais selon la preuve été condamnée jusqu'à ce jour. »([1])
Le juge a tenu compte que l'intimée avait, dès juin 1992, procédé à des travaux de restauration du site encourant des frais de 9 234 549,28 $([1]). L'intimée acceptait donc d'assumer une part de sa responsabilité mais pas plus.
Quant à l'autre recours, le juge fait référence à une requête pour jugement déclaratoire contestée par une demande reconventionnelle, dont est saisie la Cour supérieure depuis 1993 et portant le numéro 500-05-000428-936.
Il est facile d'imaginer l'ampleur du débat juridique qui se dessine et il faut éviter la possibilité de jugements contradictoires.
C'est à raison qu'il a décidé que la Cour des poursuites sommaires n’était pas le forum approprié pour régler cette question qui entraîne un problème de responsabilité civile complexe. D'ailleurs, c'est l'approche que privilégiait l’honorable Laskin dans R. c. Zelensky:
« L'article 653 ne prévoit aucune procédure pour résoudre un conflit relatif au montant; sa procédure est, ex facie, sommaire, mais je ne crois pas que cela empêche le juge de première instance de faire enquête pour établir le montant du dédommagement, dans la mesure où cela peut se faire rapidement et sans que les procédures de sentence prennent la. tournure d'un procès civil ou d'un renvoi dans une procédure civile. ([1]) »
Dans un même ordre d'idée, le Tribunal réfère le lecteur à la décision dans l'affaire Fitzgibbon où monsieur le juge Cory, écrivant pour la Cour, reprend les critères énoncés par monsieur le juge Laskin dans l'affaire R. c. Zelensky précitée. Monsieur le juge Cory écrit:
« Le critère que le tribunal doit utiliser pour déterminer s'il y a lieu de rendre une ordonnance en vertu de l’art. 653 est énoncé dans l'arrêt R. c. Zelensky, [1978] 2 R.C.S. 940. Le juge en chef Laskin y dit ceci à la p. 961:
Le pouvoir de rendre une ordonnance de dédommagement dans le cours du processus de sentence est discrétionnaire. J'estime qu'avant de l'exercer, la Cour doit se demander si la personne lésée invoque l’art. 653 pour aggraver les sanctions contre le coupable aussi bien que pour son propre bénéfice. ll est pertinent de savoir si elle a intenté des procédures civiles et, dans l’affirmative, si elle les continue. D'autres facteurs influent également sur l'exercice de ce pouvoir: les moyens du coupable ou la durée probable des procédures d'évaluation de la perte par la cour criminelle, bien qu’à mon avis, l’art. 653 n'exige pas une mesure exacte.
De plus, le juge en chef Laskin fait remarquer que l'ordonnance de dédommagement convient seulement aux cas où le montant est assez facile à déterminer et lorsque l'accusé n'a pas avantage à ce que des procédures civiles solent intentées contre lui afin de lui permettre de se prévaloir des procédures d'interrogatoire préalable et de production de documents. »([1])
Il faut donc admettre qu'une telle ordonnance serait difficilement exécutoire actuellement. Est-elle justifiée dans les faits: la nappe phréatique est-elle ou sera-t-elle polluée? Le juge Mercier n'en est pas convaincu et il se prononce sur cette question de faits.
La Cour d'appel comme celle-ci n'a pas à réviser une interprétation qui n'est pas déraisonnable . Sur le pouvoir limité de la Cour d'appel dans l'appréciation des faits, l’honorable Jean-Guy Boilard écrivait:
« ... une Cour d'Appel a un pouvoir très limité. La Cour d'Appel ne doit pas réévaluer la preuve, refaire le procès pour changer les conclusions rendues par le juge du procès. Le rôle d'une Cour d'Appel est beaucoup plus modeste que ça. La Cour d'Appel doit uniquement s’enquérir, en examinant bien entendu la transcription, de l'existence des faits dans la preuve qui permettaient au juge du procès de conclure dans le sens où il a rendu sa décision. Et c'est encore récemment ce que rappelait la Cour Suprême du Canada dans une affaire de R. c. BURNS, (1994) 89 C.C.C. (3d), page 193, aux pages 198 et 199. La Cour d'Appel doit examiner la preuve, doit l'évaluer mais uniquement pour s'assurer que la preuve faite en première instance supporte les conclusions rendues par le juge du procès. Une Cour d'Appel ne doit pas substituer son appréciation de la preuve à celle du premier juge. »([1])
Il ne faut jamais oublier que, même sur sentence, les faits contestés doivent être prouvés hors de tout doute raisonnable, tout comme il fut souligné au résumé de la cause précitée R. c. Gardiner qui se lit en partie comme suit:
« In a case of sentencing [...], where the trial Judge is faced with conflicting evidence going to the gravity of the offence, the onus on the Crown is to prove the aggravating facts beyond a reasonable doubt and not merely on a preponderance of credible evidence. »([1])
D'autre part, il ne faut pas s'étonner que le juge de première instance n’a accordé aucune crédibilité au témoin, monsieur Daniel Green, dont le témoignage avait pour but de soutenir la demande expresse de l'intervenante de remise en état. Ce dernier témoin avait pour le moins manqué de limpidité quand, afin de se faire déclarer expert en biologie et toxicologie de l'environnement([1]), il s'était donné un titre universitaire qu'il ne possédait pas.([1]) Le juge lui reproche donc son manque de transparence et semble le considérer uniquement comme un activiste en s'exprimant ainsi quant à son implication dans ce dossier:
« Il est devenu évident pour le Tribunal que cette noble mission (celle de monsieur Green) lorsqu'elle est faite sans rigueur intellectuelle et sans vérification des faits, contribue à créer chez les gens un état de crainte, voire de panique, et plutôt que de les protéger et de les renseigner, leur crée un tort immense. »([1])
Avec raison, une cour de justice doit éviter de se laisser entraîner par une vague de frénésie ou indignation collective, non justifiée par la preuve, mais soulevée par un militantisme aveuglé. La clameur publique ne reflète pas toujours l'intérêt public.
Considérant l’ensemble des faits et représentations mis en preuve sur cette question et notre pouvoir limité d'intervention, il n'y a pas lieu de réviser la décision du juge de première instance de refuser l'ordonnance de remise en état.
C. Les frais
La Loi sur la qualité de l’environnement([1]) prévoit à son article 116.1 que les coûts d'analyse tels qu'établis par le ministère sont compris dans les frais. Le deuxième paragraphe de cet article se lit intégralement comme suit:
«Coût d'analyse. Le coût de cette analyse tel qu'établi par le ministre, fait partie des frais à la poursuite dans le cas d'une poursuite pénale ou civile. [1978, c. 64, art. 43; 1979, c. 49, art, 38; 1990, c, 4, art, 743; 1994, c. 17, art. 60.] »
Le juge ordonna le paiement de tels frais limités à 25 218,60 $ tels qu'établis par le Ministère.([1])
Dans sa sentence, d'autre part bien motivée, il appert que le juge Mercier, j.c.Q., a omis d'ordonner le paiement des frais de première instance pour tant ceux encourus lors de l’audition du procès que ceux encourus lors de l’audition de la sentence.
Ce pouvoir lui est dévolu à l’article 223 du Code de procédure pénale, paragraphe 1:
« 223. [Jugement sur les frais] Lorsqu'il rend jugement, le juge peut ordonner:
1° au défendeur de payer les frais fixés par règlement lorsqu’il le déclare coupable d'une infraction et lui impose une amende;
[...]»
Sur cette question, les parties au dossier sont d'accord pour que la sentence soit réformée de nature à inclure tant les frais et débours réguliers que les frais d'analyses déjà octroyés.
CONCLUSION
POUR TOUS CES MOTIFS, la Cour
ACCUEILLE EN PARTIE l'appel sur sentence du Procureur général du Québec;
MODIFIE la sentence prononcée le 16 septembre 1996 par l'honorable juge Mercier, j.c.Q.;
CONDAMNE l'intimée Services Environnementaux Laidlaw (Mercier) Ltée à payer:
. une amende de 50 000 $;
. les frais d'analyse prévus à l’article 116.11 au montant de 25 218,60 $;
. les frais et déboursés tant du procès que de la sentence en conformité de l’article 223 C.p.p.;
. les frais de l’instance en appel en conformité de l’article 289 du C.p.p.
Délai de paiement de trente (30) jours, à défaut exécution selon la loi.
PIERRETTE SÉVIGNY, J.C S.
Maître Charles Charbonneau
Procureur de la partie appelante
Maître Richard J. Rusk
Stikeman, Elliott
et
Maître Marc Prévost
Ogilvy Renault
Procureurs de la partie intimée
Maître Robert Astell
Astell & Monette
Procureur de la partie intervenante
([1]) [1995] R.J.Q. 377.
([1]) J.E. 93-165.
([1]) J.E. 93-654.
([1]) Supra, note 1.
([1]) 12 octobre 1995, no 24632.
([1]) Cour du Québec, district de Beauharnois, 760-27-000085-920, 16 septembre 1996, j. Mercier.
([1]) Supra, note 1.
([1]) Gilles LÉTOURNEAU et
Pierre ROBERT, Code de procédure pénale du Québec annoté, 3e édition,
Montréal, Wilson & Lafleur, 1995, p. 484; voir également Romanowski
c. La Reine, [1991] R.J.Q. 1067; Mekies c. La Reine, J.E.
89-122 (C.A.)
([1]) R. c. Gardiner, [1982] 2 R.C.S. 368.
([1]) R. c. Shropshire,
[1995] 4 R.C.S. 227, par. 48, 52.
([1]) Pierre BÉLIVEAU et
Martin VAUCLAIR, Principes de preuve et de procédure pénales, 4e
édition, Les Éditions Thémis, pp. 693-694; voir également R. c. Dunn,
[1995] 1 R.C.S. 226, par. 24; R. c. M. (C.A.), [1996] 1 R.C.S. 500,
par. 90 et 91.
([1]) Supra, voir note 10.
([1]) McDonnell c. La Reine, [1997] 1 R.C.S. 948, 965.
([1]) Pages 9 à 19
([1]) Exposé conjoint des faits du 22 mai 1997, par. 27.
([1]) Supra, note 1.
([1]) Jugement du 16 septembre 1996, p. 9.
([1]) Exposé conjoint des faits du 22 mai 1997, par. 7.
([1]) Règlement sur les matières dangereuses et modifiant diverses dispositions réglementaires, [1997] 129 G.O., II, 6702 (qui entrera en vigueur le 1er décembre 1997).
([1]) Exposé conjoint des faits du 22 mai 1997, par. 15, et admission du 29 mai 1996, p. 143.
([1]) Id., par. 16.
([1]) R. c. J.A.C., (1995) 86, O.A.C., 135.
([1]) R. c. Cotton Felts Ltd., 2 C.C.C.(3d), 287.
([1]) Id., p. 295.
([1]) 1973, 12 C.C.C. (2d) 387, p. 15.
([1]) Commission de réforme du droit du Canada, La détermination de la peine en droit de l’environnement, série protection de la vie, 1985, p. 15.
([1]) Voir 1ere citation en retrait du présent document.
([1]) Exposé conjoint des faits, 22 mai 1997, par. 12.
([1]) Id., par 14.
([1]) Supra, note 2.
([1]) Pièce SD-19 et supra, note 6, p. 7.
([1]) R. c. Zelensky, [1978] 2 R.C.S., 940.
([1]) Fitzgibbon c. R., [1990], 1. R.C.S. 1005, 1011-1012.
([1]) Yvon Schinck c. Le Procureur général du Québec, jugement non rapporté du 17 janvier 1997, dossiers 760-36-000086-960, 760-36-000087-968 et 760-36-000088-966 de l’honorable Jean-Guy Boilard, j.c.s., pp. 6-7.
([1]) R. c. Gardiner, 52 C.C.C. (2d) 183.
([1]) Supra, note 6, p. 4.
([1]) Transcription de l’audition du 25 juin 1996, pp. 81-83.
([1]) Supra, note 6, p. 6.
([1]) Voir 1ere citation en retrait du présent document.
([1]) Exposé conjoint des faits du 22 mai 1997, par. 18.
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