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COUR SUPÉRIEURE |
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(Chambre criminelle) |
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CANADA |
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PROVINCE DE QUÉBEC |
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DISTRICT DE |
LAVAL |
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N° : |
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DATE : |
Le 29 janvier 1997 |
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SOUS LA PRÉSIDENCE DE |
L’HONORABLE |
LISE CÔTÉ, j.c.s. |
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VILLE DE LAVAL |
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Appelante |
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c. |
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MAURICE DOUCET |
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Intimé |
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JUGEMENT SUR APPEL |
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L'appelante se pourvoit en appel d'un jugement rendu le 22 mai 1996 par un juge municipal et en vertu duquel l'intimé était acquitté de l'infraction suivante
« Le 23 avril 1996 : Laisser stationner un véhicule routier sur un chemin public pendant plus de 12 heures de suite contrairement à l'article 85 du règlement L‑6070 de Ville de Laval. »
Elle invoque au soutien de son appel les moyens suivants :
a) l'erreur du juge en soulevant proprio motu l'inopérabilité de l'article 85 du règlement visé sans qu'un avis n'ait été envoyé, en vertu de l'article 95 du Code de procédure civile ;
b) l'erreur du juge en ne permettant pas la partie appelante de plaider sur le sujet ;
c) l'erreur du juge en acceptant une défense d'ignorance de la loi ;
d) l'erreur du juge en créant une obligation de signalisation appropriée non requise par la Loi.
La Cour limitera la narration des faits à ceux qui sont essentiels à l'analyse de ces moyens.
L'intimé a subi son procès pour l'infraction réglementaire mentionnée antérieurement, le 23 avril 1996. À cette date, il n'était pas représenté par avocat et son témoignage s'est effectué en réponse aux questions du juge. Ainsi, il a admis avoir laissé son véhicule stationné plus de 12 heures sur la voie publique, mais a expliqué avoir déjà été acquitté pour le même genre d'infraction. Il précise son argument en indiquant qu'il n'y a pas d'enseigne sur sa rue. (N.s. p. 5). Il explique que la dernière fois, il a été acquitté pour la même chose et par la même Cour.
À la fin de la preuve en défense, le juge a pris la cause en délibéré et dans son jugement rendu le 22 mai 1996, il rejette la dénonciation au motif que l'appelante n'a pas respecté son obligation d'installer une signalisation appropriée tel que requis par la loi.
Après avoir reproduit les textes législatifs pertinents, le juge conclut :
« Comme la personne responsable de l'entretien du chemin où le véhicule du défendeur était stationné est Ville de Laval, cette dernière est donc tenue par l'article 8 du règlement L-6070 d'avoir une signalisation appropriée pour interdire le stationnement de plus de 12 heures. Comme lorsque celle-ci interdit le stationnement à certains jours, certaines heures ou dans certaines zones sur son territoire par une signalisation appropriée requise par le Code de sécurité routière et le règlement sur la signalisation routière.
Dans cette cause, Ville de Laval contrairement é l'article 8 de son propre règlement et l'article 295 paragraphe 7 du Code de sécurité routière, a omis . d'avoir une signalisation appropriée requise par la loi et en conformité avec l'article 47 du règlement sur la signalisation routière pour interdire le stationnement de plus de 12 heures sur son territoire et plus spécifiquement sur la rue D'Argenteuil.
Pour ces motifs, je déclare l'article 85 du règlement L-6070 inopérant et la plainte est rejetée. » (Jugement p. 4).
Analyse :
Je débuterai par le troisième moyen soumis par l'appelante puisqu'il ne m'apparaît pas justifié et je le commenterai sommairement.
La lecture détaillée de la preuve révèle, qu'en aucun temps, l'intimé Maurice Doucet n'a plaidé l'ignorance de la loi. D'autre part, ce dernier a fait un aveu judiciaire de la commission de l'infraction. À une question du juge lui demandant s'il avait déplacé son véhicule durant la période de 12 heures, il répond par la négative. (N.s. p. 7). Il n'y a aucune affirmation par l'intimé qu'il ne connaissait pas l'existence du règlement en question. Bien au contraire, il connaît la réglementation puisqu'il a deux mois auparavant contesté le même règlement. (N.s. p. 4).
Il est acquis que l'erreur de droit et l'ignorance de la loi ne sont pas des excuses acceptées comme défense.[1] Mais comme l'intimé n'a jamais plaidé l'ignorance du règlement, et que le jugement contesté n'en parle pas non plus, ce moyen invoqué est sans fondement.
Quant aux deux premiers moyens, j'en traiterai globalement puisqu'ils visent la procédure lors du déroulement du procès. Cependant l'applicabilité de l'article 95 du Code de procédure civile sera étudiée plus loin.
L'appelante soumet que le juge, de son propre chef, a soulevé l'inopérabilité du règlement. L'analyse de ce moyen nécessite l'étude du déroulement de la preuve lors du procès.
Il est certain que l'intimé, se représentant seul, a soumis au juge les faits appuyant ses prétentions. La lecture globale de son témoignage confirme qu'il ne niait pas le geste reproché mais demandait au juge une interprétation favorable de la loi dont il avait bénéficié antérieurement.
Aussi, un citoyen qui se représente seul, n'indiquera pas qu'il présente une défense d'erreur de fait ou d'absence de mens rea. Bien souvent, le juge devra déterminer à quelle enseigne juridique logent les faits prouvés devant lui.
Dans le présent cas, le juge n'a pas soulevé de lui-même l'argument d'absence de signalisation. Il a plutôt compris des propos de l'intimé qu'il entendait se prévaloir d'une interprétation favorable antérieure, relative à la signalisation. Cette compréhension m'apparaît logique puisque l'intimé reconnaissait avoir commis le geste reproché et s'il contestait la dénonciation, c'était pour un autre motif.
J'estime utile de reproduire certains échanges entre l'intimé et le juge. Immédiatement après son assermentation, l'intimé mentionne :
« J'ai déjà été acquitté au mois de février. J'avais eu la même chose, j'avais passé ici. J'avais été acquitté. » (N.s. p 4).
Et plus loin
« Et puis disons qu'il y a aucun... aucune... il y a rien qui enseigne... d'enseigne sur notre rue, ça fait que ... » (N.s. p. 5).
Par la suite, le juge lui explique l'interdiction de stationner un véhicule plus de 12 heures sur la voie publique et mentionne :
« Juge :
Q. Sur un chemin public ça veut dire partout dans ville, partout...partout. Maintenant, il n'y en a pas de signalisation, c'est vrai il n'y en a pas de signalisation qui inter... à ma connaissance, je sais pas si...
Accusé :
R. Non, il y en a pas.
Q. Il y en a pas. Alors moi, je vous demande, avez-vous laissé votre véhicule stationné plus que douze (12) heures sans le prendre ?
R. Douze (12) heures, oui.
Mais comme je vous dis, j'ai été acquitté la dernière fois. (N.s. p. 6-7).
Q. Bien, je peux... il y a des juges qui disent que s'il n'y a pas de signalisation en vertu du code de la route, il y a... on doit pour le stationnement on doit avoir de la signalisation autrement on se comprendrait plus, hein.
R. Hum, hum.
Q. Puis dans ce cas-ci il yen a pas. Ça, je comprends ça. Je vais prendre ça en délibéré, monsieur. » (N.s. p. 7).
De l'analyse de ces propos l'on doit comprendre que l'accusé soulevait l'absence d'enseigne prohibant le stationnement pour plus de douze heures. C'est la compréhension et l'interprétation retenues par le juge de première instance et je considère qu'il s'agit d'une inférence raisonnable qui émane des propos échangés.
Nous sommes loin des faits de l'affaire R. c. Fraillon,[2] où le juge de première instance avait ordonné l'arrêt des procédures sur la base des articles 7 et 11 de la Charte canadienne des droits et libertés, sans qu'aucune des parties ne soulève l'argument. Dans ce dossier, le juge avait soulevé et résolu la question sans mentionner aux parties sa préoccupation quant à ces questions.
Il y a lieu de distinguer du présent dossier où le juge a traduit en termes juridiques les propos de l'accusé. Je ne crois pas, tel que suggéré par l'appelante, que le juge a proposé cette preuve. D'ailleurs, un juge exerce un pouvoir discrétionnaire sur l'administration de la preuve et bien que son rôle traditionnel ne soit pas d'initier la preuve, il doit bien la comprendre et est autorisé de s'interroger sur la portée d'une telle preuve. Il lui appartient d'analyser l'effet juridique du moyen soulevé.
Lorsque le juge a décidé de prendre la cause en délibéré, il n'a pas invité le procureur de l'appelante à plaider sur la question. L'appelante invoque à nouveau l'arrêt Fraillon précité, où l'honorable juge Vallerand soulignait l'importance que les parties aient l'occasion de faire valoir leur point relativement à une question en litige.
Il est acquis que le droit de plaider fait partie du processus pénal tout comme le droit d'interroger et de contre-interroger des témoins. Le législateur québécois a d'ailleurs codifié ce principe au Code de procédure pénale à l'article 212.
Ainsi, un juge doit inviter les parties à argumenter avant de rendre jugement et son défaut pourra entraîner la cassation de son jugement.[3] Notre Cour d'appel a réaffirmé l'importance de la plaidoirie et particulièrement en matière pénale.[4] Il s'agit d'un principe d'équité procédurale depuis longtemps reconnu en Common law.
Le principe ne faisant aucun doute, il s'agit d'évaluer si dans le contexte du présent dossier, l'accroc au principe nécessite une intervention de la Cour.
Il importe de préciser qu'il ne s'agit pas d'un cas où le juge a refusé d'entendre le procureur de l'appelante mais plutôt qu'il n'a pas invité ou « donné le loisir » à l'appelante de plaider sur le moyen de défense soulevé.
Une lecture détaillée des notes, révélant le déroulement du procès en première instance, est nécessaire pour évaluer la situation. (La transcription complète du procès ne comporte que six pages). La preuve de la poursuite a consisté au dépôt d'un rapport d'infraction immédiatement suivi du témoignage de l'accusé où essentiellement le juge interroge ce dernier. La seule question du procureur de l'appelante est relative à l'agent ayant rédigé le constat d'infraction, soit un agent de stationnement. La deuxième question du procureur est relative à la date du jugement, après que le juge ait indiqué son intention de prendre la cause en délibéré.
J'estime qu'il faut analyser ce dossier dans le contexte des procédures en matière d'infractions relatives au stationnement où plusieurs causes sont entendues le même soir et où les plaidoiries sont souvent limitées au plus court. Je ne voudrais pas que mes propos soient interprétés comme une classification de ces infractions à un degré de moindre importance. Bien au contraire, je suis d'avis que pour tout dossier, il est nécessaire et souhaitable que les exigences de l'équité procédurale soient respectées.
D'un autre côté, il peut arriver qu'un juge, dans un contexte précis, omette d'inviter une partie à plaider sans qu'une injustice résulte d'une telle omission.
En l'espèce, je tiens compte que le procureur n'a pas demandé à présenter des arguments sur la question qu'avait résumée le juge. Ce dernier a même précisé l'existence de précédents contradictoires. Le procureur de l'appelante aurait pu demander au juge d'intervenir et manifester son intention de plaider surtout que le juge a pris la décision en délibéré et n'a pas procédé à rendre jugement immédiatement. Je peux comprendre qu'un citoyen qui est peu familier avec le processus procédural puisse se sentir intimidé devant une Cour et parfois ne pas oser demander à plaider. C'est tout autre chose pour un procureur.
Même en admettant qu'un procureur puisse être surpris par la rapidité du processus, une fois l'effet surprise estompé, il aurait pu entre le moment du procès et la date fixée pour jugement, soit un mois plus tard, écrire au juge pour manifester son intention.
En l'espèce, rien n'a été fait et comme le procureur de l'appelante n'a pas exprimé son désir de plaider, il n'y a pas lieu d'intervenir.[5] D'autre part, l'appelante n'a pas démontré de préjudice réel à l'effet que sans cette omission, le jugement entrepris aurait été différent (art. 286 C.p.p.).
Qu'en est-il de l'obligation d'envoyer un avis, selon l'article 95 du Code de procédure civile, au Procureur général puisque le Code de procédure pénale en prévoit l'application à l'article 34 ? On y énonce l'obligation d'envoyer un avis lorsqu'une partie allègue qu'une loi est inapplicable constitutionnellement, invalide ou inopérante.
L'appelante soumet que le juge, ayant déclaré l'article 85 du règlement de Laval inopérant, cet avis était nécessaire.
Il importe de préciser que le juge ne déclare pas le règlement invalide ou inconstitutionnel. Bien au contraire, il reconnaît le pouvoir de la municipalité de légiférer en matière de stationnement, mais reproche plutôt à la municipalité de ne pas respecter les modalités d'application prévues à la Loi québécoise notamment au paragraphe 295 (7) du Code de la sécurité routière. La validité constitutionnelle du règlement n'est pas en cause, c'est le défaut de la ville de respecter son obligation découlant du Code de la sécurité routière qui rend le règlement inapplicable.
Le juge n'était pas saisi d'une question constitutionnelle affectant la validité du règlement, ni d'une question relative à la compétence de réglementer.
Il s'agissait plutôt d'interpréter la loi québécoise qui prévoit des exigences que l'autorité municipale doit respecter si elle exerce les choix législatifs proposés par cette loi.
L'article 95 vise l'illégalité ou la nullité de la loi. D'ailleurs, la raison d'être de l'article 95 du Code de procédure civile est de permettre à l'autorité de pouvoir justifier le bien-fondé de la loi attaquée, ou des choix législatifs exercés. Vu l'intérêt de l'autorité législative, il est normal qu'on l'invite à défendre ses lois.[6]
Dans le présent cas, le juge ne conteste pas le pouvoir de la municipalité d'adopter un tel règlement. Il considère plutôt que la municipalité doit respecter les exigences de la loi québécoise avant d'exiger des citoyens le respect de son règlement.
Je conclurai sur cette question, en faisant miens les propos d'un collègue de cette Cour dans une affaire semblable où il mentionnait :
« Et, dans le cas spécifique qui nous intéresse, le juge n'a pas attaqué le pouvoir de la municipalité d'adopter un tel règlement, ne s'est pas attaqué à sa constitutionnalité, mais a simplement décrété que l'imprécision dudit règlement faisait en sorte que le citoyen, d'une part ne pouvait s'y soumettre, que son application par l'autorité municipale pouvait créer une discrimination que le Tribunal, d'autre part, ne pouvait pas l'appliquer. Nul ne peut être déclaré coupable d'infraction à une loi invalide,
Dans ce cas bien précis, nous sommes d'opinion qu'il n'était pas nécessaire de faire parvenir un avis selon l'article 95 du Code de procédure civile au Procureur général et que le juge n'a pas erré en droit en n'exigeant pas un tel avis. »[7]
Le dernier moyen soumis par l'appelante vise l'obligation pour la municipalité d'installer une signalisation appropriée lorsqu'elle réglemente pour interdire, restreindre ou régir le stationnement des véhicules routiers.
Selon l'appelante, la municipalité n'a aucune obligation d'installer des panneaux de signalisation interdisant le stationnement de plus de douze heures.
À son avis, la seule obligation de la municipalité consiste à publier les règlements et ces derniers sont opposables aux citoyens, qui doivent en prendre connaissance.
Au soutien de cette proposition, elle invoque les autorités suivantes :
- Ville de Belœil c. Gravel, St-Hyacinthe, C.S. 750-36-000025-910 (l'honorable juge Claire Barrette-Joncas), 30 mars 1993 ;
- Ville de Belœil c. Flavio, St-Hyacinthe, C.S. 750-36-000024-913 (l'honorable juge Jean-Guy Riopel), 21 mai 1992 ;
- Ville de Belœil c. Desgranges, St-Hyacinthe, C.S. 750-36-000022-941 (l'honorable juge John H. Gomery), 1er décembre 1994 ;
- Ville de Belœil c. Grenier, St-Hyacinthe, C.S. 750-36-000018-931 (l'honorable juge Jean-Guy Riopel), 21 septembre 1993 ;
- Ville de Montréal c. Doucet, Montréal, C.S. 500-36-000527-849 (l'honorable juge Claire Barrette-Joncas), 12 avril 1985.
L'analyse de cette question nécessite l'étude des pouvoirs de la municipalité de réglementer dans le domaine visé, soit le stationnement.
Les municipalités ne possèdent que les pouvoirs qui leur sont octroyés par les législatures provinciales. Comme la ville de Lavai ne possède pas de charte particulière, son pouvoir de réglementer lui provient de la Loi des cités et villes.[8] Cette dernière prévoit au paragraphe 415 (30) que la ville peut réglementer l'usage des automobiles dans les limites de son territoire en respect avec les dispositions du Code de la sécurité routière, (ci-après Code).[9]
Le Code de la sécurité routière s'applique à l'ensemble du territoire québécois et régit l'utilisation des véhicules et la circulation sur les chemins publics (article 1). On y retrouve les règles relatives à la signalisation routière au Titre VII du Code et au chapitre 1, les dispositions édictant les modalités d'application ou d'exercice des pouvoirs délégués par la législature provinciale. L'ensemble des articles vise les chemins publics qui sont définis à l'article 4 du Code et ceux-ci incluent les terrains des municipalités.
À la lecture du chapitre 1, l'on constate que la Loi québécoise permet aux municipalités d'agir de différentes façons.
Ainsi, la personne responsable d'un chemin public (la municipalité) se voit offrir les choix législatifs suivants :
Art. 291 interdire la circulation de véhicules routiers selon leur poids ou dimension.
Art. 293 restreindre ou interdire un chemin public, dans le cadre d'événements particuliers.
Art. 293.1 restreindre ou interdire pour des motifs de sécurité la circulation de certains véhicules
Art. 295 1 - déterminer des zones d'arrêt ;
2 - interdire des demi-tours ;
3 - installer des passages pour piétons ;
4 - réserver des voies exclusives pour la circulation des bicyclettes ;
4.0 et 4.1 - régir, interdire, restreindre la circulation des bicyclettes sur les voies publiques ;
5 - indiquer des passages à niveau ;
6 - interdire ou restreindre l'équitation à une partie du chemin public ;
7 - interdire, restreindre, régir l'immobilisation ou le stationnement des véhicules routiers ;
8 - réserver des espaces de stationnement aux personnes handicapées.
Art. 296 régir ou interdire la circulation de certaines catégories de véhicules routiers.
(soulignements ajoutés).
Cependant, le législateur a ajouté l'expression « au moyen d'une signalisation appro-priée » à tous ces articles et ce faisant, a assorti la réglementation d'une obligation.
L'ensemble de ces pouvoirs est donc assujetti à l'obligation d'installer une signalisation appropriée. Ces dispositions législatives ne doivent pas être interprétées isolément, mais en tenant compte de l'objet même de la loi.[10]
Le législateur québécois dans sa sagesse a voulu octroyer une garantie aux citoyens en exigeant une obligation à la personne responsable des chemins publics, d'afficher l'interdiction ou l'activité que l'on entend restreindre.
L'usage du « peut » par le législateur ne doit pas s'interpréter comme accordant une discrétion quant à la signalisation. Le « peut » est plutôt facultatif quant à l'objet de la réglementation. Ainsi, le législateur ne laisse pas à la discrétion de chaque municipalité d'afficher ou non. À titre d'illustration, au paragraphe 295 (8), comment un citoyen pourrait-il savoir qu'il s'agit d'un espace réservé aux personnes handicapées, si aucune indication n'est installée.
J'estime que la seule interprétation rationnelle ou logique de ces articles réside dans le fait que le « peut » se rallie au pouvoir d'agir et non à l'obligation d'installer une signali-sation appropriée. En l'espèce, la disposition visée doit s'interpréter de la façon suivan-te : la municipalité, au moyen d'une signalisation appropriée, peut interdire, restreindre ou autrement régir l'immobilisation ou le stationnement des véhicules routiers.
D'autre part, le Code prévoit une série d'obligations pour le conducteur relative au stationnement qui ne nécessite pas de signalisation. À titre d'exemples, il suffit de mentionner que tout conducteur doit savoir qu'il n'est pas autorisé à stationner sur un trottoir (art 386 (1)), non plus qu'à moins de cinq mètres d'une borne-fontaine ou d'un signal d'arrêt (art. 386 (2)), non plus que devant une rampe de trottoir aménagée pour les personnes handicapées, (art. 386 (8)). L'article 386 prohibe le stationnement à certains endroits et, dans ces cas, le législateur n'exige pas l'installation d'une signalisation appropriée, puisque ces dispositions s'appliquent à l'ensemble du territoire québécois. Aussi, une personne qui s'engage dans l'activité de conduite automobile a l'obligation d'acquérir les connaissances particulières reliées à l'exercice de cette activité.[11]
Les autorités soumises par l'appelante confirment les difficultés d'appliquer un règlement relatif au stationnement lorsqu'il n'y a pas d'affiche. Dans ces affaires, les citoyens ont invoqué qu'ils ne savaient pas qu'ils n'avaient pas le droit de stationner à l'endroit reproché. Acquittés en première instance, ils ont été trouvés coupables en appel au motif que l'ignorance de la loi n'est pas une défense. Tel que je l'ai mentionné au début de ce jugement, ce n'est pas la défense invoquée par l'intimé. Ces arrêts confirment également la diversité de la réglementation municipale en matière de stationnement. Ainsi, dans la municipalité de Belœil, aucun véhicule ne doit être stationné sur la voie publique entre 3h00 et 7h00. Dans notre dossier, le stationnement est interdit plus de 12 heures de suite. L'aménagement des heures de stationnement permises peut varier à l'infini d'une municipalité à l'autre. Adopter la proposition de l'appelante exigerait de tout conducteur de prendre connaissance des règlements relatifs au stationnement pour toute municipalité où il entend stationner son véhicule.
J'estime que cette interprétation n'est pas réaliste et conforme à l'esprit de la loi. Ainsi, dans un secteur comme Montréal, un citoyen devrait avant de stationner son véhicule dans les municipalités adjacentes, vérifier la réglementation spécifique à chaque municipalité. À mon avis, la gamme variée de choix législatifs conférés aux municipalités à l'article 295 du Code est assortie d'une seule obligation, celle d'installer une signalisation appropriée.
D'ailleurs, comme le soulignait pertinemment le juge de première instance dans son jugement, l'article 8 du règlement stipule :
« Aucune disposition du présent règlement ne doit être interprétée comme dispensant des obligations prévues par le Code de la sécurité routière, L.Q. 1981, c. 7 ».
J'estime que la municipalité doit respecter l'obligation prévue au paragraphe 295 (7) du Code, soit interdire, restreindre ou régir le stationnement au moyen d'une signalisation appropriée. Cette exigence n'est pas facultative mais obligatoire.
Ainsi, si la municipalité ne remplit pas son obligation, un citoyen sera autorisé d'invoquer l'inobservance des prescriptions de la loi, où comme dans le cas sous étude, il est en preuve qu'aucune affiche ou pancarte n'interdisait le stationnement pour plus de 12 heures.
Cette preuve de la défense non contredite par la poursuite établit que la municipalité n'a pas respecté son obligation de signalisation. Cette omission est fatale même si dans le cas d'espèce, l'intimé connaissait le règlement puisque deux mois auparavant, il s'était présenté à la Cour municipale pour le même genre d'infraction. Ayant bénéficié d'un acquittement dans cet autre dossier, il pouvait tenter d'obtenir la même interprétation favorable de la loi.
À titre de défense, un citoyen inculpé d'une infraction réglementaire a droit à ce que sa culpabilité soit fondée sur l'interprétation « considérée appropriée et exacte » dudit règlement.[12]
Pour l'ensemble des motifs étayés précédemment, je rejette l'appel et maintient l'acquittement.
Le tout sans frais.
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__________________________________ LISE CÔTÉ, j.c.s. |
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Me Lucie Archambault |
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Allaire et associés |
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Procureur de l'appelante |
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Maurice Doucet |
[1] R. c. Molis, [1980] 2 R.C.S. 356, R. c. Foster, [1992] 1 R.C.S. 339, art 19 C. cr.
[2] J.E.-90-1686 (C.A.Q.).
[3] R. c. Aucoin, [1979] 1 R.C.S. 554, R. c. Cook, (1983) 4 C.C.C. (3d) 419, (C.A.N.E,).
[4] R. c. Quesnel, R.J.P.Q. 85-302 (C.A.M.) et R. c. Toussaint, [1984] C.A. 290.
[5] Gagné c. R., R.J.P.Q. 84-331(C.A.Q.).
[6] D. Pinard, « L'exigence d'avis préalable au Procureur général prévue à l'article 95 du Code de procédure civile », (1990) 50 R. du B. 629.
[7] Lachine (Ville de) c. Poirier, [1990] R.J.Q. 1426 p. 1430.
[8] L.R.Q., c. C-19.
[9] L.R.Q., c. C-24.2.
[10] R. c. Cloutier, [1979] 2 R.C.S. 709.
[11] R. c. Maclean, (1974) 17 C.C.C. (2d) 84, voir aussi Molis, précité à la note 1.
[12] R. c. Wigman, [1987] 1 R.C.S. 246 p. 261.
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