C A N A D A Cour du Québec
Province de Québec Chambre criminelle et pénale
District de Montréal (division statutaire)
No. 500-61-043375-964 MONTRÉAL,
le 24 mars 1997
SOUS LA PRÉSIDENCE DE :
L'Honorable ROBERT G. GIROUX
COLLEGE DES MÉDECINS DU QUÉBEC
Poursuivant
-vs-
JEAN-PAUL PARENT
Défendeur
Me François Folot, avocat
Procureur de la poursuite
Monsieur Jean-Paul Parent
JUGEMENT INTERLOCUTOIRE ET ORDONNANCE
Les faits
L'audition du procès du défendeur a débuté devant moi ce jour, alors que le défendeur est accusé d'avoir contrevenu (six chefs d'accusation) à l'article 188 du Code des professions.
Avant que ne débute l'audition de la cause du défendeur et que sa cause ne soit appelée, le défendeur s'est permis de faire des commentaires inappropriés et des remarques étranges et loufoques et peu communes pour le forum d'une salle d'audience d'une Cour de Justice.
Le président du tribunal, ayant rappelé à l'ordre le défendeur, émit des directives enjoignant au défendeur d'amender son comportement, sous toutes peines que de droit.
Le premier témoin fut appelé à la barre et durant l'interrogatoire en chef de celui-ci, le défendeur s'est permis des remarques, des observations, des interférences injustifiées contrecarrant directement le cours de l'instruction, sans raison ni justification.
L'examen en chef terminé, le défendeur, utilisant son droit au contre-interrogatoire, posa des questions de nature invraisemblable au témoin, de sorte qu'il se confirmait que le comportement du défendeur était plus que bizarre, étrange et loufoque.
Par la suite, le défendeur s'est amené à la barre et dans le témoignage qu'il a livré à la Cour, le défendeur tenait des propos incohérents et il a semblé au président du tribunal que le défendeur avait perdu tout contact avec la réalité objective.
En effet, le défendeur, témoignant pour lui-même, a avisé la Cour qu'il entamerait, sous peu, des procédures judiciaires contre l'ensemble de la magistrature, de la députation québécoise et les employés de Santé-Canada, poursuites devant se chiffrer, pour reprendre les paroles du défendeur, dans un premier temps à près de 400 trilliards de dollars et dans un second temps, pour être augmentées à plus de 600 trilliards de dollars.
Également, le défendeur, se décrivant comme "le médecin des sidéens" (voir pièce P-1), prescrivait, comme remède miracle pour la guérison du sida, un sirop qui suivant la preuve au dossier était un simple laxatif pour lequel il attribuait un prix de 15 000,00$ le litre, ledit sirop devant être administré avec une cuillerée à soupe de "brandy français de la commission", quinze minutes après les repas; ce qui, suivant les dires du défendeur, procurait la guérison complète du sida, si pris pour une période de trois mois.
Un tel language, de tels propos et affirmations sont plus que l'adage d'un "huluberlu", mais bien des signes extérieurs d'un dérangement intérieur assez significatif et d'un malaise intellectuel ou psycologique qui affectent directement le comportement d'une personne et l'empêchent d'assumer à la fois le contrôle de sa propre personne et d'assurer sa propre défense à la Cour.
Le droit applicable
Pour une meilleure compréhension, je reproduis ici les articles 213 et 214 du Code de procédure pénale et qui sont de droit nouveau:
213. "Lorsque le comportement du défendeur au cours de l'instruction ou lorsque le témoignage ou, si les parties y consentent, le rapport d'un médecin dûment qualifié donne au juge des motifs raisonnables de croire que le défendeur est incapable de subir l'instruction en raison de son état mental, le juge doit ajourner l'instruction de la poursuite jusqu'à ce qu'il rende une décision quant à la capacité du défendeur de subir l'instruction."
214. "Afin de décider de la capacité du défendeur de subir l'instruction, le juge peut requérir que le défendeur subisse un examen clinique psychiatrique et ordonner au défendeur de se soumettre à un tel examen conformément à la Loi sur la protection du malade mental (L.R.Q., chapitre P-41)."
Par l'adoption de ces articles, le législateur donne pouvoir et obligation au juge présidant un procès et qui constate que le défendeur a un comportement étrange, d'ajourner l'instruction afin d'obtenir un rapport sur l'état mental de ce dernier, afin de vérifier si ce défendeur peut assurer la défense de ses droits.
Cet article impose un devoir et une obligation au juge et pour que le mécanisme de l'article 213 du Code de procédure pénale soit enclenché, il faudra que "Prima Facie" les éléments suivants soient notés dans le comportement du défendeur, à savoir:
1. que le défendeur semble incapable de communiquer ou de se comporter d'une façon cohérente et normale comme "une personne ordinaire";
2. que le défendeur présente dans son comportement et son attitude des signes qui laissent croire qu'il est mentalement dérangé, soit de façon sporadique ou continue;
3. que le défendeur laisse croire qu'il ne semble pas comprendre la nature ou l'objet ou l'enjeu des accusations pour lesquelles il est poursuivi;
4. que le défendeur ne semble pas comprendre le rôle du juge, des avocats et l'ensemble du déroulement du procès;
5. que le défendeur ne puisse être en mesure d'assumer sa défense comme le ferait "une personne raisonnable" en pareille situation.
Dès lors, lorsqu'un juge constate "Prima Facie" un tel comportement, il doit, tel que lui "ordonne" l'article 213, dans un premier temps ajourner l'instruction et dans un second temps, requérir la confection d'un rapport suite à un examen psychiatrique du défendeur.
Le dispositif
CONSIDÉRANT que le comportement du défendeur dans la salle d'audience était bizarre et étrange;
CONSIDÉRANT que le défendeur, même rappelé à l'ordre, ne semblait pas être situé dans un lieu, dans un temps précis;
CONSIDÉRANT que les propos décousus, loufoques du défendeur laissaient croire à une perte de contrôle de la réalité objective;
CONSIDÉRANT que le défendeur ne semblait pas comprendre l'étendue et la nature des accusations portées contre lui;
CONSIDÉRANT que le défendeur semblait tout à fait incapable d'assurer sa défense;
CONSIDÉRANT que le comportement du défendeur a donné ouverture à l'application des articles 213 et 214 du Code de procédure pénale.
PAR CES MOTIFS, LA COUR:
CONSTATE que le comportement du défendeur est "Prima Facie" anormal et bizarre et donne ouverture à l'article 213 du Code de procédure pénale;
ORDONNE l'ajournement de la présente audition jusqu'au 5 mai 1997;
ORDONNE que le défendeur Jean-Paul Parent se soumette à un examen psychiatrique à l'Institut Pinel de Montréal et/ou à tout autre centre désigné par Pinel;
FIXE la présente cause au cinq mai 1997 pour enquête et audition du rapport de l'examen psychiatrique du défendeur.
JUGE ROBERT B. GIROUX
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