C A N A D A        Cour Supérieure                              

Province de Québec                                                                                               (Chambre criminelle)

District de Montréal                                                                                                                                                                                                                                             

 

 

No.               500-36-000384-944                                                                 MONTRÉAL, le 13 juillet 1995

500-48-001448-933

SOUS LA PRÉSIDENCE DE :

 

L'Honorable YVES MAYRAND (JM0129)

 

                                                                                                                                               

 

                                              PROTECTION DE LA

                                                   JEUNESSE -- 724

                                                                                                                                               

 

 

 

                                                                                                                                                                                                        

 

                                                                                                                         J U G E M E N T

                                                                                                                                                                                                        

 

 

L'intimé, un étudiant âgé de 17 ans et demi au moment de l'infraction, a plaidé coupable devant l'Honorable Juge Omer Boudreau, de la Cour du Québec, Chambre de la jeunesse, à l'infraction de ne pas avoir acquitté le prix de son voyage à la Station de Métro Square Victoria, contrevenant l'article 10 du règlement CA-3 de la Société Transport de la Communauté Urbaine de Montréal.

 

L'article 15.01 (e) dudit règlement prévoit que tout contrevenant est passible d'une amende avec ou sans frais de 150,00 $ à 500,00 $.

 

La poursuite étant intentée selon le Code de procédure pénale, et le défendeur intimé ayant moins de 18 ans, l'article 233 du Code de procédure pénale doit recevoir application. Cet article se lit ainsi:

 


"233. (Défendeur de moins de 18 ans) Lorsque le défendeur a moins de 18 ans, aucune amende dont il est passible ne peut excéder 100 $ malgré toute disposition contraire."

 

Le procureur de la poursuite demande donc au juge de première instance d'imposer l'amende de 100,00 $ en application conjointe des articles 15.01 (e) du Règlement CA-3 et de l'article 233 du Code de procédure pénale.

 

Le procureur du défendeur intimé attaque ces dispositions législatives en invoquant les articles 12 et 52 de la Charte canadienne des droits et libertés:

 

"12. Chacun a droit à la protection contre tous traitements ou peines cruels et inusités.

 

52.(1) (Primatué de la Constitution du Canada) La Constitution du Canada est la loi suprême du Canada; elle rend inopérantes les dispositions incompatibles de toute autre règle de droit."

 

Dan un jugement élaboré, l'Honorable Juge Boudreau conclut que la peine minimale de 100,00 $ est inopérante quant au quantum de la peine à être infligée à une personne mineure. Il impose une amende de 50,00 $ et la poursuite interjette appel de cette décision.

 

Le juge de première instance (p-14), dit qu'il "il peut apparaître incongru de déclarer qu'une amende de 100,00 $ puisse constituer une peine cruelle et inusitée", mais selon nous une telle conclusion n'est aucunement justifiée par les décisions de la Cour Suprême sur le sujet.

 


Dans l'arrêt Smith, (1987), 1, R.C.S. p. 1045, l'Honorable Juge Lamer énonce le critère à la page 1072:

 

"Le critère qui doit être appliqué pour déterminer si une peine est cruelle et inusitée au sens de l'art. 12 de la Charte consiste, ... à se demander "si la peine infligée est excessive au point de ne pas être compatible avec la dignité humaine".

 

Le critère applicable est celui de la disproportion exagérée...".

 

Les jugements subséquents sont au même effet:

 

R vs Lyons, (1987) 2, R.C.S. 307

R vs Luxton, (1990) 2, R.C.S. 711

R vs Goltz, (1991), 3 R.C.S. 485.

 

Considérer comme exagérément disproportionnée la différence entre 100,00 $ et 50,00 $ est de nature à banaliser la Charte.

 

Voir:            Steele c. Mountain Institution, (1990), 2 R.C.S. 1385

 

La lecture du jugement de première instance nous permet de déceler que c'est l'absence de discrétion dans l'imposition de la peine qui semble heurter l'approche du juge. Il souhaite individualiser les peines en raison de la personnalité du contrevenant et des circonstances atténuantes.

 

Même si l'individualisation des peines est un principe reconnu en sentencing, l'absence d'un tel pouvoir discrétionnaire que l'on retrouve à des centaines d'exemplaires en matières pénale et statutaire n'a jamais rendu inopérantes et contraires à la Charte de telles dispositions.


C'est le caractère arbitraire de la peine que le juge désire corriger. Mais, la Cour Suprême dans l'arrêt Goltz déjà cité, a reconnu la validité des peines minimales et cette approche est adoptée par les cours du Québec.

 

Voir:                                    Lefebvre c. R., (1992), R.J.Q. 590

 

Lesage c. R., (1993), R.J.Q. 722

 

Quant à l'effet de la peine sur le contrevenant, il est de nature à le responsabiliser sans créer une perturbation majeure et l'amende peut être payée par l'accomplissement de travaux communautaires.

 

Nous soumettons que le juge de première instance a accordé une importance démesurée au fait que le défendeur avait "oublié" sa passe par rapport au cas hypothétique de celui qui n'est pas détenteur d'une passe.

 

Ou le défendeur était coupable, ou il ne l'était pas. Si le défendeur était coupable, le juge avait l'obligation de lui imposer l'amende minimum-maximum prévue par la Loi.

 

Voir:                                    Boulet vs P.G.Q.

C.A.Q. 500-10-000187-854

Jugement du 5 décembre 1986

 

La Cour remercie les procureurs pour la qualité de leurs représentations.

 

POUR TOUS CES MOTIFS, l'appel de la poursuite est maintenue sans frais.

 

LA COUR: décrète que l'intimé devra payer une amende de 100,00 $ sans frais, dans un délai de (60) jours des présentes.

 

À défaut, exécution selon la Loi.


YVES MAYRAND

      J.C.S.

 

PROCUREURS DE LA POURSUIVANTE-APPELANTE:

PATERAS & IEZZONI

Me Mark Paci

 

PROCUREURS DU DÉFENDEUR-INTIMÉ:

BASTIEN, PRESCOTT & SEPINWALL

Me Claude Boies

 

PROCUREURS DU MIS-EN-CAUSE;

BERNARD, ROY & ASSOCIÉS

Me Jeanne Leclerc

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