COUR D'APPEL


PROVINCE DE QUÉBEC
GREFFE DE MONTRÉAL

No: 500-10-000364-925
(760-36-000034-929)

Le 12 décembre 1994


CORAM: LES HONORABLES BEAUREGARD
FISH
CHAMBERLAND, JJ.C.A.






BENOIT PERRIN,

APPELANT - (Défendeur)

c.

VILLE DE PINCOURT,

INTIMÉE - (Poursuivante)




__________
LA COUR , statuant séance tenante sur le pourvoi de l'appelant contre un jugement de la Cour supérieure (Montréal, le 16 octobre 1992, monsieur le juge Jacques Ducros) qui accueillait l'appel de l'intimée d'une décision du juge municipal de la Cour municipale de Pincourt, prononcée le 30 mars 1992, l'acquittant de l'infraction reprochée;

          Après étude du dossier et audition des parties;

          Pour les raisons exprimées dans chacune des opinions écrites des membres de la formation;

          REJETTE le pourvoi, avec dépens contre l'appelant selon tout tarif en vigueur.



MARC BEAUREGARD, J.C.A.




MORRIS J. FISH, J.C.A.




JACQUES CHAMBERLAND, J.C.A.



Me Alain Brassard
Procureur de l'appelant

Me Marie-Josée Corriveau
Procureure de l'intimée

Date d'audition: 12 décembre 1994


COUR D'APPEL


PROVINCE DE QUÉBEC
GREFFE DE MONTRÉAL

No: 500-10-000364-925
(760-36-000034-929)




CORAM: LES HONORABLES BEAUREGARD
FISH
CHAMBERLAND, JJ.C.A.






BENOIT PERRIN,

APPELANT - (Défendeur)

c.

VILLE DE PINCOURT,

INTIMÉE - (Poursuivante)



OPINION DU JUGE CHAMBERLAND



__________
L'appelant se pourvoit contre un jugement de la Cour supérieure (Montréal, le 16 octobre 1992, monsieur le juge Jacques Ducros) qui accueillait l'appel de l'intimée d'une décision du juge municipal de la Cour municipale de Pincourt, prononcée le 30 mars 1992, l'acquittant de l'infraction suivante:

     

À Pincourt, district de Beauharnois, le ou vers le 16 février 1991, 14h33, a conduit un véhicule

automobile immatriculé DVN 457 Qc. 91, sur route 20 intersection Cardinal Léger en ladite Ville, sans être titulaire d'un permis de conduire de la catégorie et de la classe appropriées à la conduite de ce véhicule, en contravention à l'article 65 du Code de sécurité routière du Québec.


          Lors du procès, le constable qui a procédé à l'interception du contrevenant, témoigne sans toutefois pouvoir identifier visuellement ce dernier. Le juge municipal acquitte l'appelant étant d'avis que la poursuite, n'a pas établi, hors de tout doute raisonnable, l'identité de l'accusé. Il s'exprime ainsi:

     

Or, en l'instance, la Poursuite a choisi de recourir au témoignage du constable Benoît et, la Défense n'ayant d'aucune façon renoncé à la preuve testimoniale visuelle et usuelle sur l'identification, il demeurait nécessaire et impératif de prouver, comme élément essentiel de l'infraction reprochée, que la personne arrêtée pour l'incident du 16 février 1991, alors identifiée par ses papiers, était bien le Défendeur lors du procès le 20 janvier 1992.




          La Cour supérieure, siégeant en appel de ce jugement accueille le pourvoi, mais sans frais. S'appuyant notamment sur l'article 62 du Code de procédure pénale, L.R.Q. c. C-25.1, elle estime qu'il n'est pas nécessaire de procéder à l'identification visuelle de l'accusé, en l'absence de toute preuve contraire à l'identification qui a été faite à l'aide du permis de conduire, au moment de l'interception. A son avis, la preuve était amplementsuffisante pour permettre au juge municipal de conclure hors de tout doute raisonnable à l'identité de l'accusé.

          L'appelant reconnaît que l'article 62 du Code de procédure pénale a eu pour effet d'assouplir le mode de preuve d'une infraction pénale, y compris la preuve de l'identité du contrevenant, mais dans le seul cas où la poursuite procède par le dépôt du rapport d'infraction et non pas, comme en l'espèce, alors que la poursuite choisit de faire témoigner le policier et que ce dernier se dit incapable d'identifier l'accusé. En somme, en choisissant de faire témoigner le policier, la poursuite aurait fait son lit et devrait établir par ce témoin tous les éléments constitutifs de l'infraction, y compris l'identité de l'accusé.

          L'intimée reconnaît qu'il lui appartient de prouver hors de tout doute raisonnable l'identité de l'accusé mais qu'elle n'est pas limitée dans le choix des modes de preuve. En somme, elle soutient pouvoir prouver l'identité autrement que par l'identification visuelle à l'audience; le dépôt du rapport d'infraction, conformément à l'article 62 du Code de procédure pénale, est l'un de ses moyens; et cette preuve ne lui est pas défendue parce que le policier a témoigné.

          Contrairement à ce qu'énonce l'appelant dans son mémoire, le rapport de l'infraction constatée le 16 février 1991 a été produit lors du témoignage du constable Marc Benoit.

          Bien qu'il appartienne à la poursuite d'établir hors de tout doute raisonnable l'identité de l'accusé, elle n'est pas limitée dans le choix des modes de preuve et rien ne s'oppose à ce qu'elle prouve cet élément constitutif de l'infraction autrement que par l'identification visuelle lors du procès.

          L'article 62 du Code de procédure pénale offre au poursuivant une autre manière de faire cette preuve, le rapport d'infraction pouvant tenir lieu du témoignage du policier, si ce dernier atteste sur le rapport d'infraction qu'il a lui-même constaté les faits qui y sont mentionnés. Il s'agit là d'un mode de preuve additionnel; en d'autres mots, le fait que le policier témoigne ne justifie pas le juge des faits d'ignorer la preuve que constitue le rapport d'infraction.

          En l'espèce, le témoignage du constable Marc Benoit à l'effet qu'il ne se souvenait pas de la personne interceptée le 16 février 1991, et qu'il n'était pas en mesure de l'identifier lors du procès, ne contredit pas les informations contenues au rapport d'infraction relativement à l'identité de l'accusé.
          De fait, à l'instar de la Cour supérieure, je suis d'avis que la preuve était amplement suffisante pour conclure hors de tout doute raisonnable, que l'appelant était le contrevenant: Le 16 février 1991, le policier Marc Benoit intercepte un véhicule appartenant à Henri Perrin, selon le certificat d'immatriculation exhibé par le conducteur; le policier identifie le conducteur du véhicule comme étant Benoit Perrin, selon le permis de conduire exhibé par ce dernier; le policier témoigne que les caractéristiques physiques mentionnées au permis de conduire exhibé correspondent à celles du conducteur du véhicule; le policier lui remet, le même jour, un billet d'infraction sur lequel il a consigné certaines des informations apparaissant au permis de conduire, notamment le nom et l'adresse du contrevenant; la dénonciation, datée du 10 avril 1991, est libellée au nom et à l'adresse apparaissant sur le billet d'infraction; la procédure est signifiée à Benoit Perrin à cette même adresse; le 13 mai 1991, il comparait personnellement et, après qu'il ait nié sa culpabilité, le procès est fixé au 5 août 1991; au procès, l'accusé admet que le permis de conduire de Benoit Perrin, de la même adresse, était expiré au moment de l'infraction, un fait qu'avait constaté le policier Benoit en vérifiant le permis de conduire qui lui était exhibé; finalement, le permis de conduire de Benoit Perrin, expiré depuis le 10 février 1991, est renouvelé le 18 février de la même année.
          Pour toutes ces raisons, j'étais d'avis, comme mes deux autres collègues de la formation, de rejeter le pourvoi, séance tenante, avec dépens taxés contre l'appelant selon le tarif applicable.



JACQUES CHAMBERLAND, J.C.A.

COUR D'APPEL


PROVINCE DE QUÉBEC
GREFFE DE MONTRÉAL

No: 500-10-000364-925
(760-36-000034-929)



CORAM: LES HONORABLES BEAUREGARD
FISH
CHAMBERLAND, JJ.C.A.






BENOIT PERRIN,

APPELANT - (défendeur)

c.

VILLE DE PINCOURT,

INTIMÉE - (poursuivante)



OPINION DU JUGE BEAUREGARD



Je partage l'opinion du juge Chamberland.

Le Code de procédure pénale prévoit qu'un jugement par défaut peut être rendu contre un accusé, donc sans que celui-ci soit présent devant lui.

Pour faire condamner un accusé par défaut il suffit que la poursuite prouve qu'une personne a commis une infraction, que cettepersonne s'est identifiée sous un nom, qu'elle a donné une adresse et que la procédure dirigée contre une personne portant ce nom a été signifiée à l'adresse indiquée par la personne qui a commis l'infraction comme étant la sienne. Il y a alors preuve prima facie que l'accusé est la personne qui a commis l'infraction.

La situation n'est pas différente si, au jour fixé pour la comparution, une personne répond à l'appel du nom de l'accusé et plaide non coupable. En l'absence d'une indication contraire, le tribunal peut présumer que cette personne est l'accusé et la preuve que doit faire la poursuite n'est pas différente de celle qu'elle devait faire si la cause avait été plaidée par défaut.

En l'espèce cette preuve a été faite et l'incapacité de l'agent de police d'affirmer que la personne qui s'est présentée devant le juge était bien celle qui avait commis l'infraction n'a aucune importance.




MARC BEAUREGARD, J.C.A.



COURT OF APPEAL


PROVINCE OF QUÉBEC
MONTRÉAL REGISTRY

No: 500-10-000364-925
(760-36-000034-929)




CORAM: THE HONOURABLE MARC BEAUREGARD
MORRIS J. FISH
JACQUES CHAMBERLAND, JJ.A.






BENOÎT PERRIN,

APPELLANT - defendant

v.

VILLE DE PINCOURT,

RESPONDENT - prosecutrix



OPINION OF FISH, J.A.



I



This case concerns a provincial driving offence and the contested element relates to the identification of appellant as the offender.

There is no dispute as to the nature or the incidence of the burden of proof on that element: the parties agree that identification must be proved by the prosecution, and that the applicable standard is proof beyond a reasonable doubt.

The sole issue is whether the prosecution, in discharging this burden, loses the benefit of sec. 62 of the Code of Penal Procedure, S.Q., 1987 c. 96, when it decides, for whatever reason, also to call witnesses at trial. If appellant is wrong on this issue, as I believe he is, then his appeal fails, as I think it does.

II



Section 62 of the Code of Penal Procedure provides:

          

62. [Statement of offence] The statement of offence or any offence report, in the form prescribed by regulation, has the same value and effect as evidence given under oath by the peace officer or the person entrusted with the enforcement of any Act who issued the statement or drew up the report, if he attests on the statement or report that he personally ascertained the facts stated therein.


          

[Certified copies] The same applies to a copy of the statement or report certified by a person authorized to do so by the prosecutor.






The purpose and effect of this provision are explained by Gilles Létourneau (now of the Federal Court of Appeal) and Pierre Robert, in their annotated Code de procédure pénale du Québec, as follows:

          

Cet article maintient en droit pénal québécois le mode de preuve efficace et économique du rapport d'infraction institué en 1972. Le constat d'infraction ou le rapport d'infraction est un substitut documentaire à la preuve testimoniale de l'agent qui a constaté personnellement les faits relatés dans le rapport ou le constat d'infraction.(1)




The mode of proof provided for under sec. 62 C.P.P. is complemented by art. 63:
          

63.[Witness] The defendant may require that the prosecutor summon as a witness the person whose statement or report has the same value and effect as evidence.


          

[Costs] The costs, the maximum amount of which is fixed by regulation, shall be awarded against the defendant if he is convicted of the offence and the judge is satisfied that the statement, report or coy would have afforded sufficient evidence and that the person's testimony added nothing substantial.





Létourneau and Robert write:




          

L'article 63 C.P.P. reconduit une politique pénale déjà établie par l'article 31 de la Loi sur les poursuites sommaires. Toutefois, afin d'assurer l'efficacité du mode de preuve créé par l'article 62, le défendeur est susceptible d'être condamné aux frais si le témoignage du signataire du constat n'ajoute rien de substantiel à l'information que ce document révélait. La nécessité que le témoignage n'ajoute rien de substantiel est une condition nouvelle qui accorde une plus grande protection au défendeur dans l'exercice de son droit de contre- interroger le témoin et de requérir son assignation à cette fin. De fait, le témoignage peut apporter quelque chose de substantiel, mais le juge peut néanmoins conclure que la preuve contenue au rapport demeure suffisante. Dans ce cas, le défendeur ne pourra être condamné aux frais découlant dudit témoignage.(2)





I agree with this interpretation. Proof made in virtue of sec. 62 remains relevant and admissible even if witnesses are called by either party at trial. The test for conviction is whether the evidence taken as a whole, including any statements or reports filed pursuant to sec. 62, establishes that the person charged committed the offence alleged.

III



Conclusion

I agree with Chamberland J.A. that sec. 62 of the Code of Penal Procedure was properly applied in this case by Ducros J. in Superior Court. I agree as well that the evidence in the record was sufficient to warrant conviction.

For these reasons, at the hearing of the appeal, I shared the conclusion mentioned in the opinion of Chamberland J.A.




MORRIS J. FISH, J.A.


1. Code de procédure pénale du Québec, annoté, 1990, pp. 75-76.
2.
Ibid., p. 77. Emphasis added.