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Directeur des poursuites criminelles et pénales c. Ratté |
2010 QCCS 5410 |
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JG1660 |
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CANADA |
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PROVINCE DE QUEBEC |
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DISTRICT DE |
TROIS-RIVIERES |
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N° : |
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DATE : |
29 octobre 2010 |
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SOUS LA PRÉSIDENCE DE : |
L’HONORABLE |
RICHARD GRENIER, j.c.s. |
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DIRECTEUR DES POURSUITES CRIMINELLES ET PÉNALES |
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Requérant |
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c. |
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GAÉTAN RATTÉ, en sa qualité de juge de paix magistrat |
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Intimé |
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MAXIME AUBIN |
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Mis en cause |
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JUGEMENT sur requête en certiorari et en mandamus |
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[1] Le 9 septembre 2010, le procès du mis en cause est entendu devant le juge de paix intimé, siégeant en chambre pénale à Trois-Rivières. Ce dossier, qui porte le numéro 400-61-054086-107 de la Cour du Québec, a trait à une infraction au Code de sécurité routière.
[2] Une fois complétée la preuve de la poursuite, le mis en cause se fait entendre et manifeste son intention de faire entendre deux témoins qui n'ont pas été assignés, dont un policier. Se déroule alors l'échange suivant :
PAR LA COUR :
Ni moi ni le procureur de la Couronne, on a ce pouvoir-là… de répondre à la place du policier puis de […] C'est un protocole qui ne nous concerne pas, on n'est pas là pour… On est là pour entendre votre dossier.[…] Si vous voulez assigner le policier puis même assigner monsieur…[…] Pellerin comme témoin, c'est à vous de le faire.[…] Je peux vous accorder une remise puis vous permettre de le faire si vous le désirez.
Me ELAINE PLAMONDON
Procureure du poursuivant :
Une remise pour continuer la défense de monsieur?
LA COUR :
Je vais me désister.
Me ELAINE PLAMONDON
Procureure du poursuivant :
Bien écoutez, c'est parce que…
LA COUR :
C'est parce que je ne veux pas traîner de… je ne veux pas traîner de dossier. Je me suis fait passer un petit savon il n'y a pas… la semaine dernière ici et puis je le regrette déjà. Alors, je vais me désister du dossier, mais on va vous accorder une remise pour procéder.
[3] Le requérant, par recours extraordinaire, soulève l'excès de juridiction de l'intimé et il demande à cette Cour de rendre une ordonnance cassant la décision du juge de paix de se désister. Il requiert également l'émission d'une ordonnance forçant l'intimé à continuer l'audition du procès.
[4] Il est clair, à la lumière de ce qui suit, que l'intimé n'avait aucune raison valable de se désister. Conclure que l'excès de juridiction de l'intimé le disqualifie pour entendre la suite du procès équivaudrait à encourager un comportement inacceptable; il y a donc lieu d'ordonner à l'intimé de continuer l'audition interrompue par son désistement.
LE DROIT
[5] Le Code de procédure pénale, à son article 195, prévoit que le juge qui entend une poursuite doit « rendre jugement quant à elle. » L'instruction doit être reprise par un autre juge, si le juge est dans l'impossibilité, « en raison d'une maladie ou pour un autre motif sérieux, de compléter l'instruction ou de rendre jugement. »
[6] La décision de l'intimé n'a rien à voir avec une récusation visant à protéger l'image d'impartialité de la justice. Le requérant, pas plus que le mis en cause, n'a demandé à l'intimé de se récuser pour quelque motif.
[7] C'est ce dernier, de son propre chef, qui a créé un avortement de procès en déclarant se désister parce que : « je ne veux pas traîner de dossier ».
[8] L'accomplissement de la fonction judiciaire comporte, entre autres inconvénients, le fait d'entendre des procès qui ne se déroulent pas toujours de façon continue. Il arrive que les parties aient mal évalué la durée d'un procès, que des témoins ne soient pas disponibles, les tribunaux doivent composer avec ces irritants.
[9] Si les juges de la Cour supérieure ou de la Cour du Québec se désistaient, chaque fois qu'on leur demande de poursuivre à une date ultérieure, l'audition d'une cause déjà commencée, l'administration de la justice, dans cette province, serait dans un état chaotique et ingérable.
[10] L'avortement de procès est un moyen extrême, utilisé en dernier recours, pour préserver et sauvegarder l'image d'efficacité et d'impartialité des tribunaux, les tribunaux doivent en user avec beaucoup de circonspection.
[11] Les tribunaux sont au service de la société et ils ont l'obligation de traiter avec respect les justiciables et les avocats qui comparaissent devant eux.
[12] La substitut a bien tenté de s'opposer à la décision de l'intimé de se désister, il n'en a aucunement tenu compte.
[13] Le comportement adopté par l'intimé est empreint de mépris, tant envers le mis en cause qu'envers le substitut, il est de plus, carrément illégal.
[14] L'intimé n'avait, le 9 septembre 2010, aucune raison valable de se désister, il a erré en droit en ce faisant. Bien que condamnable, son attitude n'était pas pour autant empreinte de partialité envers l'une et l'autre des parties, il peut et doit donc continuer l'audition de cette affaire.
POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :
[15] CASSE la décision de l'intimé de se désister dans le dossier : 400‑61‑054086107;
[16] RENVOIE ledit dossier devant l'intimé pour que l'audition se continue;
[17] ORDONNE que ledit dossier soit entendu en priorité le 18 novembre 2010 à 9 h 30.
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__________________________________ RICHARD GRENIER, j.c.s. |
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Me Jean-François Bouvette |
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Procureur du requérant |
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Monsieur le juge Gaétan Ratté |
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Intimé |
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Maxime Aubin |
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Mis en cause |
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Date d’audience : |
29 octobre 2010 |
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