Directeur des poursuites criminelles et pénales c. Lemieux

2009 QCCS 5906

JM-1721

 
 COUR SUPÉRIEURE

(Chambre pénale)

 

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

DISTRICT DE

TROIS-RIVIERES

 

N° :

400-36-000453-098

 

 

 

DATE :

11 décembre 2009

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SOUS LA PRÉSIDENCE DE :

L’HONORABLE

LOUISEMOREAU, J.C.S.

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DIRECTEUR DES POURSUITES CRIMINELLES ET PÉNALES

Appelant

c.

PATRICK LEMIEUX

Intimé

 

 

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JUGEMENT

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[1]           Le tribunal est saisi d'un appel, suivant les articles 267 et suivants du Code de procédure pénale, d'un jugement rendu le 9 mars 2009 par le juge de paix magistrat Pierre Verret qui acquittait l'intimé de l'infraction suivante :

Le 30 mai 2007, à Trois-Rivières, district judiciaire de Trois-Rivières, étant conducteur d'un véhicule routier, a effectué un dépassement par la droite.

Article 346 du Code de la sécurité routière - L.R.Q. c. C-24.2

[2]           L'appelant soutient que le premier juge a erré d'abord en appliquant de façon erronée la défense de nécessité et en n’analysant pas la déclaration extrajudiciaire de l'intimé.

[3]           L'intimé se représentait seul en première instance et une lettre de Me Michel Lachance, représentant l'intimé en appel, fut déposé au dossier de la cour, déclarant que personne ne se présenterait à l'audition s'en remettant à la justice.

Analyse

[4]           L'intimé, lors de son arrestation sur l'autoroute 40, a été informé par le contrôleur routier qu'il avait effectué un dépassement par la droite, ce qui est illégal. M. Lemieux est mécontent et répond qu'il a le droit de dépasser par la droite.

[5]           Au procès, l'intimé déclare qu'alors qu'il circulait dans la voie centrale de l'autoroute, un petit véhicule arrivant de la voie d'accès à droite vient se placer directement devant lui. Or, comme, selon Lemieux, il roulait beaucoup plus vite que l'auto, il a dû se tasser par la droite pour éviter un accident. Il rajoute qu'il ne pouvait dépasser par la gauche, car c'était défendu pour les camions.

[6]           Un voir-dire a été tenu et la déclaration de l'intimé faite sur les lieux fut admise en preuve. Cette déclaration est la suivante :

«…J'ai le droit de dépasser à droite.»[1]

[7]           Or, de toute cette histoire, rien n'avait été mentionné au contrôleur routier. De plus, le témoignage de ce dernier relate n'avoir rien remarqué de spécial sur l'autoroute, alors qu'il suivait l'intimé et qu'au surplus l'intimé n'a pas dépassé un, mais bien deux véhicules de promenade.

[8]           L'admission de l'intimé à l'effet qu'il a le droit de dépasser à droite sans plus devait être analysée par le juge, tel que prouvé. Or, non seulement il n'en fait aucune mention dans son jugement, mais erre en retenant la version du procès qui rajoute «en cas d'accident, j'ai le droit de tourner à droite».

Défense de nécessité

[9]           Cette défense doit être analysée suivant les enseignements de la Cour suprême du Canada dans l'arrêt Perka[2].

[10]        Selon notre plus haute Cour au pays, trois conditions doivent exister pour donner ouverture à une défense fondée sur la nécessité :

1. tout d'abord, il doit y avoir une situation urgente de «danger imminent et évident» (Morgentaler c. La Reine, [1976] 1 R.C.S. 616, p. 678).

2. il doit n'y avoir aucune solution raisonnable et légale autre que d'enfreindre la loi.

3. il faut que le mal infligé ne soit pas disproportionné au mal que l'accusé tentait d'éviter.

[11]        Dans le cas sous étude, cette défense est contredite par l'aveu extrajudiciaire de l'intimé qui, quand il l'a fait, était contemporain aux événements et est également contraire au témoignage du contrôleur routier. En effet, si une auto s'est projetée devant lui, il pouvait soit freiner ou dépasser par la gauche, ce qui était aussi illégal. Pourquoi a-t-il choisi le dépassement par la droite ? Était-ce parce qu'il ignorait l'illégalité du geste?

[12]        De toute façon, la situation «n'était pas à ce point urgente et le danger à ce point pressant qu'un être humain normal serait instinctivement forcé d'agir et de considérer tout conseil de temporiser comme déraisonnable».

[13]        En effet, l'intimé a plaidé avoir eu le temps d'appeler sur CB son collègue qui le suivait, afin de s'assurer que la voie de droite était libre, de regarder dans son rétroviseur à gauche, derrière et à droite[3] avant d'effectuer sa manœuvre.

[14]        Nous sommes donc loin du danger imminent et d'un acte involontaire.

[15]        Le juge Dickson, dans Perka[4] insiste sur le fait qu'on doit restreindre la défense de nécessité aux rares cas où l'on retrouve un véritable caractère involontaire et que ce moyen de défense doit être strictement contrôlé et scrupuleusement limité.

[16]        Il poursuit en disant que nous devons éviter d'assouplir les critères de la défense en question et ne pas interpréter ceux-ci de façon purement subjective. Il faut éviter que la nécessité puisse «très facilement devenir simplement le masque de l'anarchie»[5].

[17]        POUR TOUTES CES RAISONS, LE TRIBUNAL :

[18]        ANNULE l'acquittement de l'intimé.

[19]        REND un verdict de culpabilité à l'égard de l'intimé.

[20]        CONDAMNE l'intimé à payer une amende de 200$ plus les frais.

 

 

 

 

LOUISE MOREAU, j.c.s.

 

Me Jean-François Bouvette

Procureur de l'appelant

 

Me Michel Lachance

Procureur de l'intimé

 

 

 

Date d’audience :

7 décembre 2009

 



[1]     Notes sténographiques, p. 24.

[2]     P. c. Perka [1984] 2 R.C.S. 232.

[3]     Notes sténographiques, p. 41.

[4]     Déjà cité, note 1.

[5]     Southwark London Borough Council c. Williams, [1971] Ch. 734 (C.A. Angleterre) p. 746.