JT 0369

 
 COUR SUPÉRIEURE

 

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

DISTRICT DE

QUÉBEC

 

s:

200-36-001053-032

 

 200-36-001055-037

 

DATE :

 31 octobre 2003

______________________________________________________________________

 

SOUS LA PRÉSIDENCE DE :

L’HONORABLE

 FRANÇOIS TREMBLAY, J.C.S.

______________________________________________________________________

 

 

2959-1799 QUÉBEC INC.

(HÔTEL-MOTEL LE VOYAGEUR)

Appelante

c.

PROCUREUR GÉNÉRAL DU QUÉBEC

Intimé

 

 

______________________________________________________________________

 

JUGEMENT

______________________________________________________________________

 

[1]           Les parties se pourvoient toutes deux en appel contre des jugements rendus par la Cour du Québec, le 20 janvier 2003, suite à la présentation d'une preuve commune.  À cette occasion, le premier juge a acquitté 2959-1799 Québec inc. (Hôtel-Motel Le Voyageur)[1] sur plusieurs chefs d'accusation et l'a déclarée coupable sur deux et, dans ce dernier cas, l'a condamnée au paiement d'une amende de 625 $ par chef d'accusation.

[2]           D'une part, dans le dossier de la Cour supérieure # 200-36-001055-037, le Procureur général conteste les acquittements prononcés dans les dossiers C.Q. # 200-61-067620-029 et 200-61-067621-027 sur les deux chefs d'accusation suivants:

D'avoir négligé ou omis de voir à ce que la piscine soit pourvue, en des endroits accessibles en tout temps, d'une trousse de premiers soins conforme à l'annexe 5 [2].

et

D'avoir négligé ou omis de voir à ce que la piscine soit pourvue, en des endroits accessibles en tout temps, d'une couverture [3].

[3]           Tandis que, dans le dossier de la Cour supérieure 200-36-001053-032, 2959-1799 Québec inc. fait de même pour la déclaration de culpabilité prononcée contre elle dans le dossier C.Q. # 200-61-067650-026 sous ce chef d'accusation:

Étant propriétaire d'un bain public, a négligé ou omis de s'assurer que le nombre minimal de surveillants-sauveteurs soit conforme à l'annexe 3 de la Loi sur la sécurité dans les édifices publics [4] et du Règlement sur la sécurité dans les bains publics [5].

[4]           Avant toute chose, pour une meilleure compréhension, il convient de reproduire ici les extraits pertinents des dispositions législatives et réglementaires applicables:

L'article 35 de la Loi prévoit ce qui suit:

35.             1.  Le propriétaire d'édifice public qui contrevient à la présente loi ou à ses règlements ou dont l'édifice n'est pas conforme à l'une de leurs dispositions commet une infraction et est passible d'une amende de 275$ à 625$ s'il s'agit d'une personne physique et de 625$ à 1 225$ s'il s'agit d'une personne morale.

En cas de récidive, le contrevenant est passible d'une amende de 550$ à 1 225$ s'il s'agit d'une personne physique et de 1 225$ à 2 450$ s'il s'agit d'une personne morale.

(…)

[5]           Pour leur part, les articles 26, 26.1 et 35 du Règlement sont ainsi rédigés:

26.  Le propriétaire doit s'assurer que le nombre minimal de surveillants-sauveteurs et d'assistants surveillants-sauveteurs est conforme à l'annexe 3 ou, lorsque la piscine est utilisée exclusivement pour des cours ou de la compétition, à l'annexe 4.

(…)

26.1.  Malgré le premier alinéa de l'article 26, le propriétaire d'une piscine dont la surface de plan d'eau est inférieure à 100 mètres carrés n'est pas tenu d'en confier la surveillance à un préposé à la surveillance à condition que:

a)         une personne âgée d'au moins 16 ans qui détient un certificat de soins d'urgence aquatique datant d'au plus 2 ans, émis par la Société royale de sauvetage du Canada et identifiée comme telle, soit présente dans l'enceinte de la piscine lorsque celle-ci est accessible;

b)         la piscine soit réservée aux personnes qui fréquentent une maison de chambres, aux clients d'un hôtel, d'un restaurant ou d'un terrain de camping dans le cas d'une piscine intérieure ou extérieure;

c)         la piscine soit réservée aux personnes qui fréquentent une maison de rapport dans le cas d'une piscine extérieure;

d)         un baigneur de moins de 12 ans ne soit admis dans l'enceinte de la piscine qu'accompagnée d'une personne responsable âgée d'au moins 18 ans;

e)         le nombre total de baigneurs sur la promenade et dans l'eau ne soit pas supérieur à 10;  et

f)          un avis soit affiché dans un endroit en vue, à l'entrée de la piscine, sur lequel est inscrit, en caractères d'au moins 25 millimètres les conditions énumérées aux paragraphes d et e.

35.  Une piscine doit être pourvue, en des endroits accessibles en tout temps, de l'équipement de secours suivant:

(…)

e)         une trousse de premiers soins conforme à l'annexe 5;

f)          une couverture.

(soulignements ajoutés)

[6]           Quant à elles, les annexes 3 et 5 prescrivent:

ANNEXE 3

SURVEILLANCE D'UNE PISCINE

 

Tableau 1

Surface de plan d'eau inférieure

à 150 mètres carrés

 

Nombre de

baigneurs

présents dans                                                                           Assistant

l'eau et sur                                Surveillant-                               surveillant-

la promenade                           sauveteur                                 sauveteur

 

0-50                                                      1                                               0

51 et plus                                              1                                               1

 

ANNEXE 5

 

TROUSSE DE PREMIERS SOINS

 

1 Manuel de secourisme de l'Ambulance Saint-Jean

150 ml d'antiseptique en usage dans les centres hospitaliers

24 Épingles de sûreté

24 Pansements adhésifs enveloppés séparément

6 Bandages triangulaires

4 Rouleaux de bandage de gaze 50 mm

4 Rouleaux de bandage de gaze 100 mm

4 Paquets de ouate de 25 g chacun

12 Tampons ou compresses de gaze 75 mm x 75 mm

4 Tampons chirurgicaux pour pansements compressifs enveloppés séparément

1 Rouleau de diachylon de 12 mm de largeur

1 Rouleau de diachylon de 50 mm de largeur

Éclisses de grandeur assortie

[7]           Ces appels ont fait l'objet d'une preuve commune devant notre Cour, mais nous procèderons à leur étude successivement. 

Dans le dossier de la Cour supérieure # 200-36-001055-037:

[8]           Le Procureur général prétend que le premier juge a erré en droit en décidant que la Loi avait été respectée alors que la preuve révèle que la couverture et l'équipement de secours se trouvaient dans un local adjacent à la piscine, que ce local était fermé et non identifié et que, quant à la trousse de premiers soins, il ne restait qu'une boîte vide dans l'enceinte de la piscine.  C'est pourquoi il a porté en appel l'acquittement ainsi prononcé par le premier juge sur ces deux chefs d'accusation.

«Quant à la trousse de premiers soins – c'est le dossier 67620 – et le dossier concernant la couverture, c'est le dossier 67621.  Dans ces deux dossiers, la compagnie est acquittée des infractions qui lui sont reprochées pour les motifs suivants.  La loi précise que ce type d'équipement doit être dans un lieu accessible.  Or, pour les motifs qui ont été évoqués devant moi, dans le petit espace qui a été décrit dans la preuve, il me semble suffisant que la trousse soit dans ces locaux et que ces locaux soient accessibles aux personnes qui pourraient en avoir besoin.  Pour ces motifs, la compagnie est acquittée des infractions qui lui sont reprochées.» [6]

(soulignement ajouté)

[9]           À la lumière des exposés sommaires respectifs des parties on peut constater que le problème, ici, en est un d'interprétation de l'expression «en des endroits accessibles en tout temps» du Règlement. 

[10]        Le Procureur général prétend ce qui suit, à cet égard:

12.       L'appelant soumet à cette Cour que la loi est claire et sans ambiguïté et, doit recevoir application;

13.         Le fait que l'équipement de secours soit dissimulé dans un local adjacent à la piscine, non identifié de son contenu et, cela pour les motifs que les équipements font l'objet de vol, ne peut amener à la conclusion que le but et l'objectif de la loi sont respectés;

14-        Rappelons que nous sommes en présence d'une loi d'ordre public visant à assurer la sécurité des baigneurs;

15-       De plus, le fait qu'un client-baigneur et ceux qui l'accompagnent ne sachent pas et ne puissent accéder immédiatement à l'équipement de secours sans faire appel à des employés de l'intimée, absents des lieux immédiats, ne peut satisfaire à l'objectif premier de la réglementation en cause, soit la sécurité;

16-          Les mots «en des endroits accessibles en tout temps» signifient que les équipements de secours ne peuvent être dissimulés mais gardés à portée de la main;

[11]        Pour sa part, 2959-1799 Québec inc. rétorque que:

13-       L'intimée soumet respectueusement à cette Honorable Cour que la loi n'exige pas que la trousse de premiers soins ou les couvertures de laine soient à l'intérieur de l'enceinte de la piscine, si tel avait (sic) le cas, le législateur aurait établi le texte en conséquence;  au contraire, il est mentionné de voir à ce que la piscine soit pourvue en des endroits accessibles en tout temps (page 77 et 78 des notes sténographiques);

14-       La preuve a démontré que la trousse de premiers soins et les couvertures de laine étaient dans un local adjacent à la piscine et que tous avaient accès à ce local (pages 77 et 78 des notes sténographiques);

15-       Il est également mis en preuve que tout le personnel sait que la trousse de premiers soins et les couvertures de laine se trouvent dans ce local adjacent (page 79 des notes sténographiques).

16-       L'Honorable juge Vallières a très bien apprécié la preuve et a très bien interprété l'article 35 du Règlement sur les bains publics à l'effet que la trousse de premiers soins conforme à l'annexe 5 et une couverture était (sic) dans des endroits accessibles en tout temps.  Si le législateur aurait (sic) voulu que la trousse de sécurité et la couverture de laine soient à l'intérieur de l'enceinte de la piscine le texte de la réglementation aurait été différent.

[12]        Avec égards, le tribunal ne dénote à ce sujet aucune erreur du premier tribunal et doit se rallier aux prétentions de 2959-1799 Québec inc..  Interpréter l'article 35 du Règlement, dans le sens suggéré par la poursuite, équivaudrait à ajouter à son texte des exigences qui ne s'y trouvent pas.

[13]        En effet, nulle part le législateur n'oblige que les équipements de secours soient gardés dans l'enceinte de la piscine ou, comme le soutient la poursuite, à la vue ou à la portée de la main.  Par ailleurs, le Règlement n'interdit pas que lesdits équipements puissent être dissimulés.  La seule obligation qui incombe ici est que la piscine soit pourvue de ces équipements de secours «en des endroits accessibles en tout temps».

[14]        Or, comme la preuve a démontré que ces équipements sont rangés dans un local adjacent à la piscine, ils sont constamment prêts pour palier à toute éventualité et il est possible d'y avoir accès en tout temps en s'adressant à n'importe quel membre du personnel de 2959-1799 Québec inc..  À la lumière du texte réglementaire sous étude, il faut conclure que rien ne démontre que la preuve offerte, en défense, est insuffisante pour rencontrer les exigences réglementaires tel qu'elles sont énoncées à l'article 35 e) et f) du Règlement.

[15]        C'est pourquoi, considérant ce qui précède, il y a lieu de rejeter les appels du Procureur général sur ces deux chefs d'accusation.

Dans le dossier de la Cour supérieure # 200-36-001053-032:

[16]        Concernant le verdict de culpabilité prononcé contre elle pour avoir, en tant que propriétaire d'un bain public, négligé ou omis de s'assurer que le nombre minimal de surveillants-sauveteurs soit respecté, 2959-1799 Québec inc. conteste les décisions du premier juge rendues tant sur la réouverture d'enquête que sur le fond.

[17]        Tout d'abord, elle lui reproche d'avoir refusé la réouverture d'enquête qu'elle sollicitait afin de lui permettre de parfaire sa preuve pour démontrer, premièrement, qu'un baigneur de moins de 12 ans ne pouvait être admis dans l'enceinte de la piscine, à moins d'être accompagné d'une personne responsable âgée d'au moins 18 ans, et, deuxièmement, que le nombre de baigneurs sur la promenade et dans l'eau n'était pas supérieur à dix, alors que, précise-t-elle au paragraphe 18 de son exposé sommaire:

18. – Le procureur de l'appelante avait établi qu'il y avait des affiches à l'intérieur de l'enceinte dénonçant la réglementation à l'intérieur de la piscine et comme aucune plainte n'a été portée sur le défaut d'un avis dans un endroit à vue couvrant les points d) et e) de l'article 26.1, qu'effectivement l'inspecteur avait pu constater lui-même que cette réglementation était respectée;

[18]        Selon 2959-1799 Québec inc., cette décision du premier juge a eu pour effet de l'empêcher de se prévaloir de l'exemption prévue à l'article 26.1 du Règlement la dispensant de l'obligation de prévoir la présence sur place d'un surveillant-sauveteur et, par ailleurs, a privé le tribunal d'une preuve complète lui permettant de rendre une décision juste et éclairée.

[19]        De plus, sur le fond, elle soutient que le premier juge a erré en concluant, en ces termes, que les conditions énumérées à l'article 26.1 du Règlement sont cumulatives et non alternatives:

Qu'il me soit permis cependant de mentionner – et avec beaucoup de respect pour l'opinion contraire – que les alinéas de l'article 26.1 s'additionnent et ne sont pas des alinéas qui sont l'un à défaut de l'autre.

À mon avis, on doit avoir, si on rentre dans l'exception – et, à mon avis aussi, la piscine de la défenderesse entrait dans l'exception, mais elle ne la dégageait pas de la responsabilité d'avoir une personne d'au moins seize (16) ans détenant un certificat de soins d'urgence aquatique datant d'au plus deux (2) ans sur les lieux ou soit dans l'enceinte de la piscine et que des affiches soient apposées dans l'enceinte de cette piscine avec des caractères d'au moins vingt-cinq (25) millimètres indiquant que cette piscine ne doit pas … dans cette piscine ne soit pas admise une personne de moins de douze (12) ans et que le nombre total de baigneurs sur la promenade ne puisse excéder dix (10).

Et, encore une fois, à mon humble avis, ces alinéas ou ces paragraphes s'additionnent et non pas soient (sic) l'un si l'autre n'y est pas.

Dans ces circonstances, la compagnie est trouvée coupable à l'infraction qui lui est reprochée et je le (sic) condamne à six cent vingt-cinq dollars (625 $) d'amende sans frais.[7]

(soulignement ajouté)

[20]        Procédant à l'examen de l'article 26.1 du Règlement, 2959-1799 Québec inc. soutient que les conditions y énumérées ne sauraient être cumulatives et ce, pour les raisons suivantes.

[21]        Tout d'abord, au premier alinéa, le législateur a utilisé le singulier et retenu les termes «à condition que» au lieu de «aux conditions suivantes».

[22]        De plus, signale-t-elle, les conditions b) et c) du Règlement sont irréconciliables et visent deux situations totalement différentes.  Le paragraphe b) vise la piscine réservée, entre autres, aux personnes qui fréquentent une maison de chambres ou aux clients d'un hôtel, dans le cas d'une piscine intérieure ou extérieure, tandis que le paragraphe c), pour sa part, vise la piscine extérieure seulement si elle est à l'usage exclusif des personnes qui fréquentent une maison de rapport.  Selon elle, si le législateur avait voulu que les conditions énumérées à l'article 26.1 du Règlement soient cumulatives et non alternatives, il aurait intégré la situation envisagée au paragraphe c) dans le paragraphe b) en les harmonisant l'un avec l'autre.

[23]        En ce qui concerne la conjonction «et» apparaissant après le paragraphe e), elle prétend que seule l'exigence énoncée au paragraphe f) est cumulative à toute autre applicable.

[24]        C'est pourquoi, selon elle, il est impossible de conclure qu'il s'agit de conditions cumulatives.  Par conséquent, il faut nécessairement considérer les paragraphes a), b), c), d), et e) de l'article 26.1 du Règlement comme des conditions alternatives.  Partant de cette prémisse, elle avance d'ailleurs ce qui suit aux paragraphes 25 et suivants de son exposé sommaire:

25. – Nous croyons que l'honorable juge n'avait d'autre alternative que de considérer que l'article 26.1 de la loi prévoit des conditions alternatives et non cumulatives et que, en conséquence, comme l'appelant a fait la preuve qu'il entrait parfaitement dans le cadre de l'article 26.1 b), il se devait de bénéficier de l'application de l'exemption de cet article;

26. – Comment pourrait-on dire qu'il s'agit de conditions cumulatives et d'exiger (sic) qu'un propriétaire d'hôtel respecte que (sic) les clauses 26.1 a), b), d), e) et f) du règlement et omette totalement le paragraphe c) de la même réglementation;

27. – La preuve, bien qu'il n'y ait pas eu de réouverture d'enquête, démontre clairement qu'il y avait de la réglementation à l'intérieur et aucune plainte ne fut portée à l'effet que l'appelant (sic) n'avait pas identifié le fait qu'un baigneur de moins de 12 ans ne soit admis dans l'enceinte de la piscine, tout comme le nombre total de baigneurs dans l'eau ne soit supérieur à 10;

28. – La preuve révèle qu'il y avait de la réglementation à l'intérieur de la piscine et qu'aucune plainte de défaut d'afficher cette réglementation n'a été portée;

[25]        En réaction à ces arguments, le Procureur général revient, tout d'abord, sur la motion de non-lieu sollicitée par 2959-1799 Québec inc..  Elle visait, en fait, à soutenir que la poursuite, pour écarter les exceptions prévues à l'article 26.1 du Règlement, avait l'obligation de faire la preuve que des personnes, autres que les clients de l'hôtel, pouvaient fréquenter la piscine ou que la piscine était accessible au public. 

[26]        À cet égard, rappelant le principe énoncé à l'article 64 du Code de procédure pénale[8], le Procureur général rappelle, à juste titre, que c'est à bon droit que le premier juge a rejeté cette motion de non-lieu puisque, selon le deuxième alinéa de cette disposition, «Il incombe au défendeur d'établir qu'il bénéficie d'une exception, d'une exemption, d'une excuse ou d'une justification prévue par la loi.»

[27]        Par ailleurs, le Procureur général avance que 2959-1799 Québec inc. n'a démontré aucune raison justifiant l'intervention du présent tribunal concernant la réouverture d'enquête refusée par le premier juge.  À cet égard, il y a également lieu d'agréer aux arguments de la poursuite.

[28]        Premièrement, il s'agit de l'exercice d'un pouvoir discrétionnaire.  Deuxièmement, la demande ne visait pas la présentation d'une preuve nouvelle.  2959-1799 Québec inc. a elle-même admis qu'elle avait en mains, lors du procès, tous les éléments lui permettant d'appuyer pleinement sa défense.  Par conséquent, force est de reconnaître qu'elle a eu tout le loisir de préparer adéquatement ses prétentions.  Enfin, elle ne peut, à titre d'excuse ou de motif pour justifier une réouverture d'enquête, invoquer le simple fait qu'elle a présumé que les conditions énumérées à l'article 26.1 du Règlement étaient alternatives et qu'elle s'en ait tenu à ce schème, lors de la préparation de son dossier.

[29]        Par la suite, aux paragraphes 7 à 14 de son exposé sommaire, le Procureur général procède à un bref survol de la preuve.  Il souligne essentiellement les éléments suivants.

[30]        Lors de la visite de l'inspecteur ayant conduit à la déclaration de culpabilité contre 2959-1799 Québec inc., la piscine intérieure de l'hôtel, dont la superficie est d'environ 55 mètres carrés, est accessible puisque la porte n'est pas verrouillée.  De plus, aucun surveillant ne s'y trouve.  Une affiche située à l'intérieur de l'enceinte de la piscine indique la réglementation et les heures d'accès, soit de 8 h 30 à 21 h 30.  Mais il ne fut pas établi que, à l'extérieur de la piscine, près de la porte d'accès, se trouvait un avis indiquant qu'un baigneur de moins de 12 ans devait être accompagné d'une personne responsable âgée d'au moins 18 ans et que le nombre total de baigneurs ne devait pas être supérieur à 10.  Selon la poursuite, cette preuve était pourtant nécessaire, en défense, afin de dispenser 2959-1799 Québec inc. de prévoir la présence d'un surveillant-sauveteur.

[31]        Puis, au paragraphe 18 de son exposé sommaire, il prétend:

18.       Au surplus, l'élément de preuve que voulait apporter l'appelante par une réouverture d'enquête n'aurait pas influencé le verdict, en ce que le président de l'appelante a témoigné à l'effet qu'il n'y avait aucun avis respectant le paragraphe f) de l'article 26.1 à l'entrée de la piscine.  (Voir pages 83 à 86 des notes sténographiques);

[32]        Concernant, plus particulièrement, l'interprétation de l'article 26.1 du Règlement, le procureur de la poursuite soutient ce qui suit, aux paragraphes suivants:

19.       En ce qui concerne l'interprétation de l'article 26.1, l'intimé estime que le juge de première instance a, à bon droit, conclu que les conditions énumérées sont cumulatives et non l'une à défaut de l'autre;

20.       L'intimé souligne à la Cour que le paragraphe f) de l'article 26.1 est précédé de la conjonction «et», et de ce fait, l'article est clair et sans ambiguïté;

21.       Pour être dispensé de confier la surveillance d'une piscine à un préposé à la surveillance, défini par le règlement comme étant un surveillant-sauveteur ou un assistant surveillant-sauveteur, le propriétaire doit respecter les paragraphes a), b), d), e) et f) de l'article 26.1;

22.       Enfin, l'intimé soumet que la preuve supporte le fait que l'appelante ne respectait pas toutes les conditions mentionnées à l'article 26.1 pour être exemptée de l'obligation créée par l'article 26, sauf d'être propriétaire d'une piscine intérieure d'un hôtel (paragraphe b));

[33]        Le Procureur général, reconnaît que la piscine a une superficie de 57 mètres carrés, donc inférieure à 100 mètres carrés, et qu'elle est réservée aux clients de l'hôtel.  Toutefois, partisan de la théorie des conditions cumulatives, il argue que cela ne lui suffit pas pour bénéficier de l'exemption prévue à l'article 26.1 du Règlement la dispensant de l'obligation de s'assurer, conformément à l'article 26 du Règlement, que le nombre minimal de surveillants-sauveteurs et d'assistants surveillants-sauveteurs est conforme à l'annexe 3, en l'occurrence, un surveillant-sauveteur.

[34]        Selon lui, pour prétendre à l'exemption de l'article 26.1 du Règlement, 2959-1799 Québec inc. devait aussi rencontrer toutes les exigences suivantes:

-           une personne d'au moins 16 ans et détenant un certificat de soins d'urgence aquatique datant d'au plus 2 ans doit être présente dans l'enceinte de la piscine lorsque celle-ci est accessible (para. a)

-           tout baigneur de moins de 12 ans doit y être accompagné d'une personne de plus de 18 ans (para. d)

-           le nombre de baigneurs ne doit pas y être supérieur à 10 (para. e)

et

-           un avis énonçant les conditions énumérées aux paragraphes d) et e) doit être affiché dans un endroit en vue, à l'entrée de la piscine (para. f)

[35]        Or, soutient la poursuite, aucune présence n'est assurée dans l'enceinte de la piscine qui est par ailleurs toujours accessible puisque la porte d'entrée, même si elle est fermée, n'est pas verrouillée.  De plus, tel que le reconnaît elle-même 2959-1799 Québec inc., aucune affiche énonçant les conditions d) et e) n'est installée à l'extérieur de la piscine, elle se trouve plutôt dans l'enceinte de la piscine.  Ainsi, selon elle, l'exigence prescrite à f) fait défaut puisque l'avis y prescrit n'est pas affiché à l'entrée de la piscine.

[36]        Comme ce fut le cas dans l'autre dossier que nous avons étudié précédemment, cette interprétation du paragraphe f) par le Procureur général a également pour effet d'ajouter au texte du Règlement une obligation qui ne s'y trouve pas.  En effet, nulle part n'exige-t-on que l'avis requis au paragraphe f) soit affiché à l'extérieur de l'enceinte de la piscine.  Le législateur s'est plutôt limité aux exigences suivantes: «un endroit en vue, à l'entrée de la piscine», sans autre précision, alors qu'il aurait été très facile, si telle avait été son intention, d'ajouter que l'avis devait être installé à l'extérieur de la piscine.  Il est inutile de préciser, ici, qu'il n'appartient pas au Tribunal de réécrire le texte du Règlement, ce rôle relevant exclusivement du pouvoir législatif. 

[37]        Or, en l'espèce, force est de constater que doivent être écartées les prétentions de la poursuite à cet égard.  2959-1799 Québec inc. a respecté la condition obligatoire prescrite au paragraphe f) de l'article 26.1 du Règlement puisque, tel que le reconnaît le principal témoin de la poursuite, l'inspecteur Yvon Lemieux, l'avis obligatoire est «affiché sur le mur, à l'intérieur de l'enceinte de la piscine, à droite de la porte d'accès»[9].

[38]        Cela ne règle toutefois pas la question soulevée par la poursuite concernant l'absence d'une personne d'au moins 16 ans et détenant un certificat de soins d'urgence aquatique datant d'au plus 2 ans, dans l'enceinte de la piscine alors que, conformément à l'exigence prescrite au paragraphe a), celle-ci était requise puisque la piscine était accessible.

[39]        Et c'est ici que, finalement, s'impose une réponse à la principale question en litige dans ce dossier.  Les conditions prescrites à l'article 26.1 du Règlement sont-elles cumulatives ou alternatives?

[40]        Remettons d'abord les choses dans leur juste perspective.  L'exigence normalement requise, dans le cas d'une piscine de moins de 150 mètres carrés où le nombre de baigneurs est d'au plus 50, est de s'assurer de la présence sur place d'un surveillant-sauveteur répondant aux exigences apparaissant à l'article 27 du Règlement.  Pour sa part, l'article 26.1 du Règlement est une exemption à cette exigence minimale.  Cela signifie donc que, dans certaines circonstances, il y a un allégement de cette obligation.  En effet, l'article 26.1 consacrant l'exemption ne peut être interprété comme imposant des obligations plus lourdes aux propriétaires des piscines qui y sont visées.  Autrement, qui aurait intérêt à s'en prévaloir?

[41]        Or, avec égards, la conclusion retenue par le premier tribunal a nécessairement pour effet d'imposer des obligations démesurément requises dans les circonstances y décrites et, de plus, elle occulte le caractère irréconciliable des paragraphes b) et c).

[42]        Il faut reconnaître que cette disposition n'est pas un modèle de rédaction.  Toutefois, malgré cela, est-il possible de concilier, logiquement, les six paragraphes de l'article 26.1 du Règlement en rencontrant les objectifs visés par le législateur?  Et, si oui, comment? 

[43]        Constatant à juste titre, que les paragraphes b) et c) ne peuvent être cumulés, il existe peut-être un moyen d'arriver à une interprétation raisonnable de cette disposition, tout en respectant chacun de ses termes.  Il s'agit, en fait, de considérer globalement les conditions y prescrites.

[44]        La dispense de surveillant-sauveteur pourrait être accordée, pour le propriétaire d'une piscine dont la surface du plan d'eau est inférieure à 100 mètres carrés, seulement pour les endroits décrits aux paragraphes b) ou c) de l'article 26.1 du Règlement.

b)         la piscine soit réservée aux personnes qui fréquentent une maison de chambres, aux clients d'un hôtel, d'un restaurant ou d'un terrain de camping dans le cas d'une piscine intérieure ou extérieure;

c)         la piscine soit réservée aux personnes qui fréquentent une maison de rapport dans le cas d'une piscine extérieure;

[45]        La piscine intérieure d'une maison de rapport, pour sa part, est différemment couverte par le cinquième alinéa de l'article 26. 

[46]        Par contre, pour tous les autres endroits publics visés par l'exemption du premier alinéa de l'article 26.1 du Règlement et non couverts par les paragraphes b) ou c), le paragraphe a) pourrait demeurer une alternative envisageable.  En effet, prise isolément, elle pourrait permettre de retenir les services d'une personne moins qualifiée pour assurer la surveillance dans l'enceinte de la piscine dans tous les autres lieux publics que ceux spécifiquement traités par le Règlement.

[47]        D'autre part, le texte du paragraphe f), lequel parle par lui-même, conjugué à la conjonction «et» apparaissant immédiatement après le paragraphe e) indique clairement que les conditions d), e) et f) sont obligatoires en toutes circonstances. 

d)         un baigneur de moins de 12 ans ne soit admis dans l'enceinte de la piscine qu'accompagnée d'une personne responsable âgée d'au moins 18 ans;

e)         le nombre total de baigneurs sur la promenade et dans l'eau ne soit pas supérieur à 10;  et

f)          un avis soit affiché dans un endroit en vue, à l'entrée de la piscine, sur lequel est inscrit, en caractères d'au moins 25 millimètres les conditions énumérées aux paragraphes d et e.

[48]        Ainsi, selon cette interprétation de l'article 26.1 du Règlement, il conviendrait de lire alternativement les paragraphes a), b) et c) et d'y cumuler les trois conditions prescrites aux paragraphes d), e) et f).  Mais est-ce vraiment l'objectif visé par législateur?  Rien n'est moins certain.

[49]        Une chose est certaine, toutefois, peu importe la méthode d'interprétation retenue, le Tribunal est d'avis que, dans toutes les circonstances visées par l'exemption, il faut nécessairement reconnaître le caractère impératif des trois dernières conditions énoncées à l'article 26.1 du Règlement. 

[50]        En terminant, compte tenu de la difficulté réelle d'interprétation de l'article 26.1 du Règlement, rappelons ici les règles d'interprétation applicables aux lois de nature pénale.  Tel que l'affirme le professeur Pierre-André Côté [10], les lois qui prévoient des infractions et des peines doivent recevoir une interprétation restrictive.  Toutefois, cette règle n'est applicable que lorsque les tentatives d'interprétation neutre laisse subsister un doute raisonnable quant au sens et à la portée du texte de loi.

[51]        Or, en l'espèce, l'exercice d'interprétation de l'article 26.1 du Règlement démontre qu'il existe une difficulté réelle d'interprétation et, à la lumière des principes énoncés par le professeur Côté, elle doit bénéficier à 2959-1799 Québec inc.

PAR CES MOTIFS, LA COUR:

[52]        ACCUEILLE l'appel;

[53]        PRONONCE un verdict d'acquittement;

[54]        LE TOUT sans frais.

 

 

 

 

__________________________________

FRANÇOIS TREMBLAY, J.C.S.

 

 

Me Richard Binet

Binet Leclerc Lajoie (Casier: 81)

Procureurs de l'appelante

 

Me Roger Marceau

Procureur de l'intimé

 

 

 



[1] Ci-après nommée 2959-1799 Québec inc.

[2] Loi sur la sécurité dans les édifices publics, L.R.Q., c. S-3, art. 35,  et  Règlement sur la sécurité dans les bains publics, R.R.Q., 1981, c. S-3, r. 3, art. 35 e).

[3] Loi sur la sécurité dans les édifices publics, précitée, note 2,  et  Règlement sur la sécurité dans les bains publics, précité, note 2, art. 35 f).

[4] L.R.Q., c. S-3  (ci-après appelée la Loi).

[5] R.R.Q., 1981, c. S-3, r. 3 (ci-après appelé le Règlement), art. 26.

 

[6] Pages 118 et 119 des notes sténographiques du 20 janvier 2003.

[7] Pages 122 et 123 des notes sténographiques du 20 janvier 2003.

[8] L.R.Q., c. 25.1.

[9] Page 25 des notes sténographiques du 20 janvier 2003.

[10] Pierre-André CÔTÉ, Interprétation des lois, 3e éd., Cowansville, Éditions Yvon Blais, 1999, p. 598 et suivantes.