COUR D'APPEL

 

 

PROVINCE DE QUÉBEC

GREFFE DE QUÉBEC

 

No: 200‑10‑000547‑971

   (250‑36‑000034‑970)

 

Le 13 août 1997

 

 

 

CORAM: L'HONORABLE LOUIS LeBEL, J.C.A.

 

 

 

                                            

 

 

PROCUREUR GÉNÉRAL DU QUÉBEC,

 

          APPELANT - requérant

 

c.

 

YVAN GAGNÉ,

 

          INTIMÉ - défendeur 

 

                                            

 

                  L'appelant le Procureur général du Québec présente une requête pour permission d'appeler en vertu de l'article 291 C.p.p. contre un jugement de la Cour supérieure prononcé à Rimouski, district de Kamouraska, le 7 juillet 1997, par le juge Jacques Lévesque, siégeant en appel en vertu du Code de procédure pénale.  Celui-ci rejetait alors un appel du Procureur général du Québec contre un jugement de la Cour du Québec rendu le 20 mars 1997, par le juge Marc Gagnon, qui accueillait alors une requête verbale de l'intimé Yvan Gagné et rejetait une plainte d'excès de vitesse portée en vertu du Code de sécurité routière et du Code de procédure pénale du Québec.

 

                  Le jugement de première instance semble découler des longs délais qui ont entouré le traitement de l'infraction et sa présentation devant les tribunaux.  Confirmé, sur ce point, par la Cour supérieure, le juge Gagnon a estimé qu'il y avait eu violation de la garantie constitutionnelle d'un procès dans un délai raisonnable en vertu de l'article 11b) de la Charte canadienne des droits et libertés.  L'intimé Gagné a également invoqué l'article 32.1 de la Charte des droits et libertés de la province de Québec.

 

                  Le requérant demande d'autoriser un pourvoi devant notre Cour en alléguant l'importance de la question de droit et la présence d'une erreur dans le jugement de première instance dans la mise en oeuvre des critères d'application de la garantie de l'article 11b) de la Charte.  Il invoque aussi l'importance sociale que présente cette question dans le cas d'un contentieux de masse impliquant plusieurs centaines de milliers de dossiers par année.

 

                  Lors de la présentation d'une requête pour permission d'appeler en vertu de l'article 291 C.p.p., le seul examen de l'importance théorique d'une question juridique ne suffit pas toujours.  Il faut parfois s'interroger sur l'opportunité même d'accorder le pourvoi et la possibilité que le dossier permette une intervention utile de notre Cour. 

 

                  La façon dont le dossier a été traité en première instance ne permet pas d'établir la base factuelle des conditions d'examen de la mise en application des garanties de l'article 11b) de la Charte canadienne et de l'article 32.1 de la Charte québécoise.  En effet, aucune preuve n'a été offerte devant la Cour du Québec par le Procureur général du Québec quant aux conditions de traitement des plaintes, aux contraintes administratives qu'elles entraînent et aux délais institutionnels qui seraient inévitables, dans le cas de cette catégorie de dossier.

 

                  La jurisprudence de la Cour suprême du Canada sur l'interprétation des garanties constitutionnelles à un délai raisonnable, fait appel à l'interaction de plusieurs facteurs: le délai lui-même, le préjudice, la charge de la preuve de celui-ci, les contraintes institutionnelles ou les motifs expliquant le retard (voir notamment R. c. Morin, [1992] 1 R.C.S. 771).  Dans le présent cas, les preuves d'éléments importants de la situation de fait feraient complètement défaut et notre Cour ne saurait se saisir utilement que d'une partie d'un problème juridique qu'elle ne pourrait traiter dans tous ses aspects.

 

                  En conséquence, il n'apparaît ni opportun ni même utile, dans les circonstances, d'autoriser le pourvoi.  On se trouve tout au plus, à l'heure actuelle, devant un cas particulier, dont la valeur précédentielle paraît faible.  L'absence d'argumentation et de débats articulés en première instance, le défaut de preuve sur les facteurs institutionnels et les causes de délais nous laissent devant une décision qui statut sur la plainte portée contre un citoyen en particulier, sans engager définitivement le sort des questions juridiques en litige.  Celles-ci demeurent entièrement ouvertes, sans qu'il soit nécessaire d'exprimer ici d'accord ou de désaccord avec les jugements de la Cour supérieure et de la Cour du Québec dans ce dossier. 

 

                  Cependant, si ce débat doit revenir, en une autre occasion, devant notre Cour, la base factuelle indispensable devra être établie de manière appropriée dans un dossier.  Il faudra que la poursuite présente, le cas échéant, la preuve relative à la gestion de ce type de dossier, aux contraintes institutionnelles qu'elle invoque et aux caractéristiques d'un contentieux de masse, comme celui du Code de la sécurité routière.  Sans rentrer dans les problèmes de fardeau de preuve, quelle que soit sa source, elle restera indispensable à une solution complète et satisfaisante des problèmes juridiques posés par l'application des garanties constitutionnelles d'un procès dans un délai raisonnable à un domaine aussi critique du droit pénal administratif que l'application du Code de sécurité routière.

 

                  Dans le cas où un prévenu plaide lui-même, sans assistance, se poserait aussi le problème de sa représentation si le ministère public entendait faire de certaines causes des affaires de principe devant notre cour.  À cet égard, il faut mentionner que le substitut qui représentait le ministère public dans ce dossier avait envisagé cet aspect de la question, avant même la présentation de la requête.

 

                  POUR CES MOTIFS, à l'audience:

 

                  La requête pour autorisation de pourvoi est rejetée, avec les dépens de tout tarif applicable.

 

                                                                                                                                                                                         

                                                                                                                              LOUIS LeBEL, J.C.A.          

 

 

 

                                                                                                                                                           

                                                                                                                                                           

 

 

ME CLAUDE SIMARD

pour l'appelant

 

MONSIEUR YVAN GAGNÉ

pour lui-même

 

 

DATE D'AUDITION: 13 août 1997