COUR D'APPEL

 

 

PROVINCE DE QUÉBEC

GREFFE DE QUÉBEC

 

No: 200‑10‑000055‑934

   (650‑36‑000012‑928)

   (650‑27‑000495‑916)

 

Le 28 avril 1993.

 

 

PRÉSENT: L'HONORABLE JACQUES DELISLE, J.C.A.

 

 

                                            

 

 

NORBERT BORDAGE,

 

          APPELANT - intimé,

 

c.

 

 

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU QUÉBEC,

 

          INTIMÉ - appelant,

 

 

ET

 

 

LE GREFFIER DE LA COUR DU QUÉBEC,

 

          MIS-EN-CAUSE.

 

                                            

 

                                                                  J U G E M E N T

                                                                 _______________

 

                            L'appelant requiert, en vertu de l'article 291 C.P.P., la permission d'en appeler d'un jugement rendu le 8 mars 1993 par la Cour supérieure du district de Mingan (l'honorable Paul Corriveau) qui, siégeant en appel d'une décision de la Cour du Québec, chambre criminelle et pénale, a infirmé cette décision.

 

                            L'appelant a été assigné devant la Cour du Québec, chambre criminelle et pénale, pour répondre à l'infraction suivante:

 

      «Le ou vers le 90-09-21 à Sept-Iles, Chantier de construction de l'Aluminerie Alouette, district de Mingan, en tant que salarié, a pris part à une grève pendant la durée d'un décret.

      Art. 57 et 113 de la Loi sur les relations du travail, la formation professionnelle et la gestion de la main-d'oeuvre dans l'industrie de la construction (L.R.Q. c. R-20).

 

 

 

                            L'appelant a demandé, par moyen préliminaire, le rejet de la dénonciation au motif que la juge de paix qui l'a reçue ne se serait pas conformée aux exigences de la disposition transitoire stipulée à l'article 372.40 C.P.P.:

 

      «372. Jusqu'à la date ou aux dates fixées par le gouvernement, les dispositions suivantes s'appliquent à l'égard d'une poursuite régie par le présent code:

      .....

      40 La dénonciation doit être présentée à un juge. Celui-ci entend les allégations du poursuivant et il peut entendre les dépositions sous serment des témoins; il a, à cet égard, le pouvoir de les contraindre à se présenter et à rendre témoignage conformément aux dispositions du présent code.

                 

      Le juge émet une sommation, s'il a des motifs raisonnables de croire qu'une infraction a été commise.»

 

 

 

                            Par jugement rendu le 14 septembre 1992, la Cour du Québec (l'honorable Raoul Poirier) a maintenu la requête de l'appelant, déclarant la sommation nulle et rejetant la plainte.

 

                            L'intimé en a appelé de ce jugement devant la Cour supérieure qui l'a infirmé et a retourné le dossier devant la Cour du Québec, pour qu'il en soit disposé suivant la loi.

 

                            L'appelant requiert la permission d'en appeler de ce jugement.

 

                            L'intimé plaide que cette permission doit être refusée parce que, selon lui, le jugement prononcé par la Cour supérieure n'est pas susceptible d'appel.

 

                            Dans l'affaire Lessard c. Le Procureur Général du Québec, 500-10-000312-924 (jugement du 16 novembre 1992), où une objection semblable avait été soulevée à l'encontre du droit d'appel, mon collègue le juge Beauregard a conclu, après étude de la question, à l'existence d'un tel droit. Cela dispose de la prétention de l'intimé.

 

                            La requête de l'appelant ne doit pas être accueillie pour autant.

 

                            L'article 291 C.P.P. exige de l'appelant, pour obtenir la permission qu'il recherche, qu'il "démontre un intérêt suffisant pour faire décider d'une question de droit seulement".

 

                            Or la question de droit alléguée par l'appelant dans sa requête consiste essentiellement à faire déterminer le rôle d'un juge de paix qui reçoit une dénonciation. La jurisprudence québécoise sur cette question est bien campée: Henderson c. Laurentide Acceptance Corp. Ltd (1978) C.S.P. 1084; Le Procureur Général de la Province de Québec c. Nepton (1979) C.S.P. 1048.

 

                            Même si cette jurisprudence a été écrite en fonction des articles pertinents de la défunte Loi sur les poursuites sommaires, la disposition transitoire contenue à l'article 372. 40 C.P.P. n'est pas à ce point différente dans sa rédaction qu'elle rende désuète les critères énoncés jusqu'à maintenant.

 

                            Je considère donc que l'appelant ne rencontre pas l'exigence requise par l'article 291 C.P.P. Une fois dénudée, pour les raisons exposées ci-dessus, de son aspect juridique, la seule question qu'il reste à analyser est celle du comportement, dans le présent cas, de la juge de paix. C'est là une question d'interprétation de faits.

 

                            POUR CES MOTIFS, la requête de l'appelant est rejetée et l'appelant condamné aux frais fixés par règlement.

 

 

 

                                                                                                                                                                                         

                                                                                                                     JACQUES DELISLE, J.C.A.      

 

 

 

 

Me Richard Mercier

Procureur de l'appelant

 

Me Carmen Rioux

Procureure de l'intimé

 

 

Date de l'audition: le 15 avril 1993