JM 1721

 
 COUR SUPÉRIEURE

 

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

DISTRICT DE

QUÉBEC

 

N° :

200-05-015616-019

 

 

 

DATE :

QUÉBEC, LE 24 SEPTEMBRE 2001

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SOUS LA PRÉSIDENCE DE :

L’HONORABLE

LOUISE MOREAU, J.C.S.

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GESTION J.M.J. QUÉBEC INC, personne morale de droit privé ayant une place d’affaires au 108, rue Étienne-Parent à Beauport, G1E 6J9, district judiciaire de Québec

 

Requérante

 

c.

 

COUR MUNICIPALE DE LA M.R.C. DE BELLECHASSE, tribunal inférieur, dûment constituée, située au 100, Mgr. Bilodeau à Saint-Lazarre-de-Bellechasse, G0R 3J0, district judiciaire de Montmagny, ci-après-appelée «la Cour municipale»

-et-

MONSIEUR CLAUDE FORTIN, en sa qualité de Juge de la Cour municipale de la M.R.C. de Bellechasse, exerçant ses fonctions au 100, Mgr Bilodeau, à Saint-Lazarre-de-Bellechasse, G0R 3J0, district judiciaire de Montmagny

 

Intimés

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JUGEMENT

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[1]           La requérante se pourvoit en évocation invoquant « l’absence d’une décision » de Monsieur le juge Claude Fortin, siégeant en qualité de juge à la Cour municipale de la M.R.C. de Bellechasse. Il est surprenant que cette requête ne soit pas contestée.

[2]           En réalité, le juge a fixé la date d’audition hors Cour et l’a communiquée par le biais d’un avis de la greffière.

[3]           Les faits au soutien de cette demande sont les suivants.

[4]           La requérante a reçu deux constats d’infractions présumément commises au règlement relatif aux permis et certificats numéro 535-91 de la Municipalité de Sainte-Germaine-du-Lac Etchemin.

[5]           Après plusieurs remises, ces causes sont reportées au 12 juin 2001 en soirée, pro forma, afin de fixer une date d’audition.

[6]           À cette date, Me Vincent Gingras, procureur de la requérante, est représenté par Me Céline Plante de son bureau, qui elle, s’entend avant l’audition avec Me Bouffard, procureur de la poursuite pour procéder le 24 septembre.

[7]           Le juge Fortin, à l’audition du 12 juin, refuse et déclare vouloir procéder avant septembre.  Il propose alors quelque vingt-six dates.

[8]           Or, les deux procureurs présents ne peuvent choisir de date, vu l’heure tardive, et désirent auparavant communiquer avec leurs témoins. En plus, Me Plante voulait parler à Me Gingras. Les avocats s’entendent avec le juge pour communiquer avec la greffière le lendemain, afin d’identifier une des vingt-six dates proposées par le juge.

[9]           Le juge demande alors à la greffière de laisser le procès-verbal en blanc, pour le compléter lorsque les procureurs auront choisi.

[10]        Étonnamment, aujourd’hui la requérante reproche au juge d’avoir attendu que les procureurs puissent vérifier la disponibilité de leurs témoins, leur laissant ainsi une chance de choisir une date convenant à tout le monde, au lieu d’imposer d’office une date.

[11]        Ceci apparaît à la lettre du juge Fortin[1] datée du 19 juin 2001 :

«qu’il fut unanimement convenu de bonne foi et par souci de saine collaboration que les procureurs se parleraient le lendemain matin, s’entendraient sur l’une des vingt-six (26) dates avancées et la communiquerait à la greffière de la Cour, qui la noterait au procès-verbal de la veille, laissé en blanc sous cet aspect, comme si cette date avait été convenue dès ce moment».

[12]        D’ailleurs, de l’affidavit même de Me Céline Plante, on en déduit la même chose.

 

15-       «C’est alors que le juge Claude Fortin nous a demandé de nous entendre et de recommuniquer le lendemain le 13 juin 2001, avec la greffière, Me Suzanne Lévesque, pour lui indiquer la date d’audition convenue.

16-       Il alors demandé à Me Suzanne Lévesque, greffière, de laisser le procès- verbal en blanc pour ces deux (2) affaires. »

 

[13]        Or, aujourd’hui, la requérante présente une requête en évocation alléguant que le 12 juin, aucune décision ne fut rendue par monsieur le juge Fortin, c’est-à-dire, aucune date fixée en Cour et qu’en conséquence, les lettres et téléphones, fixant la cause au 21 août, ne peuvent faire revivre la juridiction perdue le 12 juin.

[14]        La requérante plaide qu’on ne peut fixer une date d’audition que lors d’une séance publique de la Cour et ce, en présence des parties ou de leurs avocats convoqués.

[15]        Disons immédiatement que la courtoisie élémentaire d’un avocat envers un juge a grandement fait défaut dans le dossier.  En effet, le juge Fortin, après plusieurs remises, accepte de reporter le tout au lendemain dans le but de faciliter la tâche des avocats, ce qui, selon les notes sténographiques déposées, leur convient parfaitement.  Il semble fort cavalier, de la part de Me Gingras, de s’en offusquer par la suite.

[16]        L’avocat de la poursuite est également responsable de cet imbroglio.  En effet, Me Bouffard était aussi responsable de protéger l’intégrité du système judiciaire.  Il avait lui aussi consenti à ce que la date d’audition ne soit identifiée que le lendemain.

[17]        Le Code de déontologie décrète que les avocats sont des auxiliaires de la justice, rôle qu’ils auraient dû exercer le 12 juin.

[18]        Ceci étant dit, la jurisprudence déposée par Me Gingras, sous l’article 195 du Code de procédure pénale, ne trouve ici aucune application.

[19]        Le juge a voulu reporter son jugement, vu les difficultés des avocats à rejoindre leurs témoins et vu l’heure tardive. Cet article fait plutôt état du juge qui est empêché, pour raison de maladie, ou autres motifs sérieux, de compléter l’instruction ou de rendre jugement. Ici, c’était plutôt les avocats qui ne pouvaient continuer et que le juge a décidé d’accommoder.

[20]        Pour ce qui est de l’application de l’article 197 du Code de procédure pénale, il est utile de connaître la suite du dossier.

 

[21]        Le 19 juin 2001, monsieur le juge Fortin écrit aux deux avocats réaffirmant sa volonté de procéder avant le mois de septembre et offre à nouveau vingt-trois dates possibles et conclut qu’il attend de leurs nouvelles avant le 27 juin.

[22]        Par la suite, Me Gingras écrit à la greffière le 29 juin relatant sa conversation téléphonique avec elle, où celle-ci l’informe que le juge a fixé l’audition au 21 août.  Il déclare alors que le juge a perdu juridiction par son défaut d’agir le 12 juin.

[23]        L’article 197 du Code de procédure pénale dit :

«Le juge peut d’office ou sur demande d’une partie, ajourner l’instruction ; …»

 

[24]        D’abord, notons que l’audition a été fixée par le juge hors Cour et communiquée par avis signé par la greffière Me Suzanne Lévesque.

[25]         La décision a été communiquée par la poste et empêchant ainsi les parties de soumettre des représentations, quant à l’ajournement.  Elles ne peuvent connaître expressément les motifs pour lesquels l’ajournement est décrété[2].

[26]        Ici, les motifs exprimés le 12 juin semblent être :

« Je tiens à ce que ça soit fait avant le mois de septembre » .

« On va avoir un automne épouvantable».

 

[27]        Mais, il est important de rappeler que le juge se souciait de bien administrer la Cour, vu l’encombrement du rôle prévu à l’automne et possiblement la durée d’audition des dossiers visés.

[28]        Dans les circonstances, le Tribunal en vient à la conclusion que la Cour municipale a perdu juridiction, vu le défaut de fixer une date le 12 juin dernier.

[29]        La seule façon, selon le juge Fréchette[3] de faire revivre cette infraction, est de procéder à l’émission d’une nouvelle assignation, en se conformant à toutes les règles prévues par la Loi.

[30]        Monsieur le juge Fortin aurait dû, le 12 juin 2001, fixer à la Cour une date d’audition ou encore remettre pro forma pour fixer date.  Le fait de ne pas l’avoir fait, même si c’était pour accommoder les avocats et dans le souci de saine administration de la Justice,  a fait perdre juridiction à la Cour municipale.

 

[31]        PAR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :

[32]        DÉCLARE que la Cour municipale de la M.R.C. de Bellechasse a perdu juridiction sur les constats d’infraction 28055-2000 003 et 28055-2000 004, reprochant à la requérante d’avoir contrevenu aux articles 5.1 et 6.1 du règlement sur les permis et certificats numéro 535-91 ;

[33]        ORDONNE l’arrêt des procédures dans les deux dossiers ;

[34]        IL n’y aura aucun dépens dans ce dossier.

 

 

 

 

 

 

 

 

LOUISE MOREAU, J.C.S.

 

 

 

 

 

Me Vincent Gingras

Pouliot, L’Écuyer

Procureurs de la requérante

 

 

Cour Municipale de la M.R.C. de Bellechasse

Intimé

 

 

Monsieur Claude Fortin en sa qualité de Juge

Intimé

 

 

Date d’audience :

 

Le 17 septembre 2001

 



[1]     Pièce R-7

[2]     Rivard c. Asbestos (Cour municipale de la Ville d’Asbestos) 91-1174

[3]     Id.