Hickman Motors Ltd. c. Canada, [1997] 2 R.C.S. 336
Hickman Motors Limited
Appelante
c.
Sa Majesté la Reine
Intimée
Répertorié : Hickman Motors Ltd. c. Canada
No du greffe: 24994.
1996: 30 octobre; 1997: 26 juin.
Présents: Les juges La Forest, L'Heureux-Dubé, Sopinka, Cory, McLachlin, Iacobucci
et Major.
en appel de la cour d'appel fédérale
Impôt sur le revenu -- Déductions -- Déduction pour amortissement -- Actif
de filiale transféré à la société mère lors d'une liquidation en fin d'année -- Actif
possédé par la société mère qui en tire un revenu pendant cinq jours -- Actif alors
transféré à une nouvelle société -- Les dispositions de l'art. 88 relatives à la liquidation
réputées opérer une acquisition par transfert vers la société mère au coût en capital
créent-elles des droits en faveur de la société mère? -- La société mère peut-elle faire
une déduction pour amortissement relativement aux biens transférés de la filiale? -- Loi
de l'impôt sur le revenu, S.C. 1970-71-72, ch. 63, art. 20(1), 88 -- Règlement de l'impôt
sur le revenu, C.R.C., ch. 945, art. 1102(1), (14).
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Hickman Motors Ltd., une société exploitant une entreprise de vente
d'automobiles, a acquis tout l'actif de sa filiale, Hickman Equipment Ltd., par suite de
la liquidation volontaire d'Hickman Equipment à la fin de 1984. L'actif comportait
certains biens amortissables utilisés dans l'entreprise de location de machinerie lourde.
Hickman Motors a été propriétaire de l'actif du 28 décembre 1984 au 2 janvier 1985.
Le 2 janvier 1985, elle a vendu l'actif à une société liée, Hickman Equipment (1985)
Ltd. Dans sa déclaration de revenu pour 1984, Hickman Motors a demandé la déduction
pour amortissement applicable à la machinerie lourde. Le ministre du Revenu national
a refusé cette déduction pour le motif qu'Hickman Motors n'avait pas acquis l'actif aux
fins de produire un revenu.
Les questions en litige sont les suivantes: (1) L'article 88 de la Loi de
l'impôt sur le revenu crée-t-il des droits en faveur de l'appelante, et, le cas échéant, quels
sont-ils? (2) Le coût en capital des biens acquis lors de la liquidation d'une filiale est-il
applicable au revenu d'entreprise de la société mère, au sens de l'al. 20(1)a)?
Arrêt (les juges Sopinka, Cory et Iacobucci sont dissidents): Le pourvoi est
accueilli.
Les juges La Forest, McLachlin et Major: Pour bénéficier de la déduction
pour amortissement en cause, l'appelante doit d'abord avoir eu une source de revenu tiré
d'une entreprise à laquelle se rapporte l'actif (par. 20(1) de la Loi de l'impôt sur le
revenu). Étant donné qu'elle a exploité l'entreprise de location de machinerie,
l'appelante possédait une source de revenu tiré d'une entreprise permettant de réclamer
une déduction pour amortissement. Il était inutile d'examiner la question des
«sous-sources».
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L'actif à l'égard duquel la déduction pour amortissement a été réclamée doit
avoir été acquis aux fins de produire un revenu, de façon à éviter l'exclusion établie au
par. 1102(1) du Règlement touchant les éléments d'actif non générateurs de revenus, par
exemple, le loisir ou les besoins personnels. En l'espèce, l'appelante est réputée avoir
acquis l'actif aux fins de gagner ou de produire un revenu au sens du par. 1102(14) du
Règlement, qui dispose que, lorsqu'un bien est acquis par suite de la liquidation d'une
société canadienne à laquelle s'applique le par. 88(1) de la Loi, et que le bien,
immédiatement avant son acquisition, était un bien d'une catégorie prescrite, le bien est
réputé être un bien de la même catégorie prescrite. Puisqu'il était un bien amortissable
en la possession d'Hickman Equipment immédiatement avant la liquidation, le bien est
réputé avoir été acquis par l'appelante à titre de bien amortissable -- c.-à-d. aux fins de
gagner ou de produire un revenu. Pour peu que l'appelante n'ait pas commencé à
l'utiliser à une autre fin que la production d'un revenu (al. 13(7)a)), le bien demeure
admissible à une déduction pour amortissement. Rien ne prouve que cela se soit produit.
Le fait que l'actif ait produit un revenu établit qu'il a continué d'être utilisé aux fins de
produire un revenu, ce qui lui évite l'effet de l'al. 13(7)a) et l'exclusion visée à
l'al. 1102(1)c) du Règlement. Le fait que le revenu ait été minime ou gagné sur une
courte période ne retire pas l'actif de cette catégorie.
Le juge L'Heureux-Dubé: Le paragraphe 88(1) ne crée aucun droit pour la
société mère de demander une DPA pour les biens acquis de sa filiale. Ce droit trouve
son fondement dans l'art. 20 de la Loi. Lorsque, par suite d'une liquidation effectuée en
application du par. 88(1), une société mère acquiert d'une filiale un bien amortissable,
la DPA n'est pas automatique: la société mère doit respecter les exigences de
l'al. 20(1)a), c'est-à-dire qu'elle doit détenir le bien pour qu'il produise un revenu tiré
de son entreprise.
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Un «revenu tiré d'une entreprise» comprend un «revenu tiré d'une activité
de quelque genre que ce soit sauf une charge ou un emploi», par opposition au revenu
d'une autre source qui serait exclu de la définition du par. 248(1). En l'espèce, il s'agit
du revenu d'une société et il faut présumer que ce revenu est tiré d'une entreprise.
Aucune preuve réfutant cette présomption n'a été déposée devant les tribunaux. La
question du «revenu tiré d'un bien» ne se présente pas en l'espèce.
Dans les cas où le revenu est tiré d'au moins deux sources de revenu tiré
d'une entreprise, il faut identifier la source pertinente et, selon le cas, calculer
séparément le revenu en provenance de chaque source. L'appelante a produit une preuve
claire et non contestée que, du 29 décembre 1984 au 2 janvier 1985, une entreprise
unique intégrée de vente, de service et de location de voitures et de camions, ainsi que
d'engins de chantier, de matériel sylvicole et de matériel de forage existait au sens de la
définition du terme «entreprise» au par. 248(1).
La preuve dans son ensemble démontre que l'appelante s'est acquittée du
fardeau qu'elle avait de prouver qu'elle exploitait activement une entreprise de
machinerie. Les deux tribunaux d'instance inférieure ont fait des déductions
inappropriées à partir des faits établis, se sont posé les mauvaises questions et ont
incorrectement appliqué les règles de droit. Par conséquent, une cour d'appel peut
examiner les faits au dossier et les évaluer en fonction du droit applicable.
Si une entreprise possède un bien qui produit un revenu, alors elle a
l'intention de produire effectivement un revenu. Le critère est le suivant: Le bien
produit-il un revenu? Dans l'affirmative, la déduction peut être autorisée. Si le bien ne
produit pas de revenu, a-t-il été acquis aux fins de produire un revenu? Cette
détermination se fait par une évaluation objective des faits et circonstances propres à
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chaque affaire en fonction de la jurisprudence applicable et de la question de savoir si
le contribuable a agi conformément à des principes d'affaires et des pratiques
commerciales raisonnablement acceptables. Dans l'affirmative, la déduction est
autorisée. Dans la négative, elle ne l'est pas.
L'appelante a déposé une preuve claire et non contestée que les biens ont
produit un revenu. La DPA pouvait être accordée parce que les conditions de
l'al. 1102(1)c) du Règlement ont été remplies. Par conséquent, il n'était pas nécessaire
de recourir à la seconde partie du critère se rapportant aux fins objectives.
Le critère applicable pour déterminer si les biens ont été acquis aux fins de
produire un revenu n'est pas semblable au critère applicable à la question de savoir si
une entreprise a une expectative raisonnable de profit. Ces deux critères diffèrent en ce
qui concerne leur orientation générale. Le critère de l'«expectative raisonnable de
profit» sert principalement à différencier une entreprise d'une activité personnelle
comme un hobby, etc., tandis que le critère dit «aux fins de produire un revenu»
présuppose l'existence d'une entreprise et sert à déterminer si un bien est utilisé de façon
appropriée dans l'entreprise. On ne peut injecter de façon mécanique le critère de
l'«expectative raisonnable de profit» dans l'exigence des «fins de produire un revenu»
prévue à l'al. 1102(1)c) du Règlement pour ce qui est de la DPA.
En vertu de l'al. 1102(1)c) du Règlement, il n'est pas nécessaire que le bien
produise un revenu au cours d'une période minimale prescrite: lorsqu'il y a un revenu,
il suffit qu'il soit produit au cours d'une période, de quelque durée soit-elle.
La question de savoir si le revenu produit par un bien est important ou peu
important par rapport aux autres revenus du contribuable est sans pertinence relativement
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à l'application de l'al. 1102(1)c) du Règlement. En vertu de cet alinéa, lorsque le revenu
produit par un bien est peu important par rapport à l'ensemble du revenu de l'entreprise,
le contribuable n'est pas obligé de faire mention séparément de ce bien particulier dans
les états financiers. La décision de l'appelante relativement à l'importance relative pour
ce qui est du rapport coûts-avantages n'était pas déraisonnable. La Loi n'exige pas que
le revenu soit montré dans les états financiers et, aucun doute quant à la crédibilité
n'ayant été soulevé, la preuve produite par l'appelante était suffisante.
Lorsque le revenu est déraisonnablement bas par rapport à la valeur du bien
générateur de revenu, il est alors réputé ne pas produire un revenu, et la seconde partie
du critère dit «aux fins de produire un revenu», qui traite des fins objectives, s'applique.
Le revenu produit par les biens d'Equipment n'était pas déraisonnablement bas par
rapport à la valeur de ces biens.
L'appelante s'acquitte de sa charge initiale de preuve lorsqu'elle présente
au moins une preuve prima facie. Le fardeau de la preuve passe au ministre qui doit
réfuter la preuve prima facie faite par le contribuable et prouver les présomptions.
L'appelante a produit une preuve claire et non contredite, alors que l'intimée n'a produit
absolument aucune preuve. Lorsque le fardeau est passé au ministre et que celui-ci ne
produit absolument aucune preuve, le contribuable est fondé à obtenir gain de cause.
Les juges Sopinka, Cory et Iacobucci (dissidents): La déduction pour
amortissement demandée ne se rapporte pas, comme l'exige le par. 20(1), à une source
de revenu tiré d'une entreprise.
Le paragraphe 88(1) ne crée pas au profit d'un contribuable un droit à la
déduction pour amortissement. Dans le cas d'un transfert de biens entre sociétés liées,
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le par. 88(1) permet un «transfert» à la fois du coût indiqué des biens et de la fraction
non amortie de leur coût en capital. Bien que le par. 88(1) fixe la fraction non amortie
du coût en capital du bien à un certain niveau, il n'accorde à la société mère aucun autre
droit d'amortir le bien. Le paragraphe 88(1) en lui-même ne crée aucun droit à une
déduction fiscale. Tout droit à une déduction pour amortissement doit prendre sa source
dans le par. 20(1).
Il faut identifier la source pertinente du revenu tiré de l'entreprise et établir
que la déduction pour amortissement se rapporte entièrement à cette source. Le
contribuable doit calculer séparément son revenu ou sa perte provenant de chaque
entreprise. La Loi est claire sur ce point. Il faut établir que la déduction pour
amortissement se rapporte à une entreprise précise et non pas seulement à une
«entreprise» au sens général du terme.
En l'espèce, l'entreprise d'automobiles et de camions de l'appelante était une
source possible de revenu tiré d'une entreprise. L'existence d'une autre entreprise,
l'entreprise de location de machinerie lourde, était contestée par le ministère public. Le
juge de première instance a conclu que l'appelante n'a pas continué à exploiter
l'entreprise dirigée auparavant par Equipment. La Cour d'appel fédérale a confirmé
cette conclusion. Les cours d'instance inférieure ont donc tiré des conclusions de fait
concordantes qui ne devraient pas être modifiées en l'absence d'erreur manifeste ou
d'erreur de droit fondamentale. Le juge de première instance n'a commis aucune erreur
manifeste et, de plus, a fondé sa conclusion sur une preuve solide.
Tout d'abord, rien dans la preuve n'indique que l'appelante a tiré un revenu
de cet actif. Deuxièmement, même si l'appelante en avait tiré un revenu il ne se serait
pas agi d'un revenu tiré d'une entreprise. Sauf si le contribuable utilise réellement l'actif
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comme une partie d'un ensemble qui regroupe travail et capital, un revenu tiré de cet
actif ne constitue pas un revenu tiré d'une entreprise, mais se classe plutôt dans la
catégorie des revenus tirés d'un bien. En l'espèce, l'appelante n'a rien fait avec l'actif
d'Equipment. Elle est tout simplement devenue propriétaire du bien et, allègue-t-on, elle
a passivement reçu les revenus générés par les contrats de location encore en vigueur.
Par conséquent, en ce qui concerne la prétendue entreprise de location de machinerie
lourde, la preuve n'établit pas que l'appelante a exercé le genre d'activité économique
qui constitue une entreprise aux fins de la Loi de l'impôt sur le revenu.
La preuve n'indique pas non plus que l'appelante a utilisé la machinerie
lourde comme concessionnaire d'automobiles. Par conséquent, elle ne peut faire de
déduction pour amortissement relativement à cet actif contre son revenu de
concessionnaire d'automobiles et de camions.
Le paragraphe 88(1) ne crée aucun droit à une déduction pour
amortissement. Il a plutôt pour effet de déplacer les règles normalement applicables à
l'aliénation de biens en transformant le transfert d'une filiale à une société mère en une
opération libre d'impôt. Il ne fixe pas de façon immuable le caractère des biens
transférés, non plus qu'il ne fixe la nature du revenu produit par ces biens. La nature du
revenu produit par les biens peut changer à la suite d'un transfert libre d'impôt effectué
en vertu du par. 88(1). Il est possible que les biens transférés produisent un revenu tiré
d'une entreprise lorsqu'ils sont en la possession d'une filiale et un revenu tiré d'un bien
lorsqu'ils sont en la possession de la société mère.
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Jurisprudence
Citée par le juge McLachlin
Arrêts mentionnés: Clapham c. M.N.R., 70 D.T.C. 1012;
Bolus-Revelas-Bolus Ltd. c. M.R.N., 71 D.T.C. 5153; Inland Revenue Commissioners c.
Westminster (Duke of), [1936] A.C. 1; Stubart Investments Ltd. c. La Reine, [1984] 1
R.C.S. 536.
Citée par le juge L'Heureux-Dubé
Distinction faite d'avec l'arrêt: R. c. Mara Properties Ltd., [1996] 2
R.C.S. 161; arrêts mentionnés: Moldowan c. La Reine, [1978] 1 R.C.S. 480; Lessard
c. Paquin, [1975] 1 R.C.S. 665; 2747-3174 Québec Inc. c. Québec (Régie des permis
d'alcool), [1996] 3 R.C.S. 919; Canadian Marconi c. R., [1986] 2 R.C.S. 522; Smith c.
Anderson, [1879] 15 Ch. D. 247; Carland (Niagara) Ltd. c. M.N.R., 64 D.T.C. 139;
Attridge c. La Reine, 91 D.T.C. 5161; Bay Centre Apartments Ltd. c. M.R.N., 81 D.T.C.
489; Gloucester Railway Carriage and Wagon Co. c. Comrs. Inland Revenue (1923),
129 L.T. 691, conf. par (1924), 40 T.L.R. 435; Anderson Logging Co. c. The King,
[1925] R.C.S. 45; Bolus-Revelas-Bolus Ltd. c. M.R.N., 71 D.T.C. 5153; Royal Trust Co.
c. M.N.R., 57 D.T.C. 1055; Ghali c. Canada (Ministre des transports), [1996] A.C.F. no
1404 (QL); Mark Resources Inc. c. La Reine, 93 D.T.C. 1004; Bellingham c. Canada,
[1996] 1 C.F. 613; Canada c. McLaren, [1991] 1 C.F. 468; La Reine c. Vancouver Art
Metal Works Ltd., 93 D.T.C. 5116; Docherty c. M.R.N., 91 D.T.C. 537; Vander
Nurseries Inc. c. La Reine, 95 D.T.C. 91; Mountwest Steel Ltd. c. La Reine (1994), 2
G.T.C. 1087; Uphill Holdings Ltd. c. M.R.N., 93 D.T.C. 148; M.N.R. c. Wardean
Drilling Ltd., 69 D.T.C. 5194; M.N.R. c. Société Coopérative Agricole de la Vallée
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d'Yamaska, 57 D.T.C. 1078; Weinberger c. M.N.R., 64 D.T.C. 5060; Naka c. La Reine,
95 D.T.C. 407; Page c. La Reine, 95 D.T.C. 373; Clapham c. M.N.R., 70 D.T.C. 1012;
Dobieco Ltd. c. Minister of National Revenue, [1966] R.C.S. 95; Continental Insurance
Co. c. Dalton Cartage Co., [1982] 1 R.C.S. 164; Pallan c. M.R.N., 90 D.T.C. 1102;
Bayridge Estates Ltd. c. M.N.R., 59 D.T.C. 1098; Johnston c. Minister of National
Revenue, [1948] R.C.S. 486; Kennedy c. M.R.N., 73 D.T.C. 5359; First Fund Genesis
Corp. c. La Reine, 90 D.T.C. 6337; Kamin c. M.R.N., 93 D.T.C. 62; Goodwin c. M.R.N.,
82 D.T.C. 1679; MacIsaac c. M.R.N., 74 D.T.C. 6380; Zink c. M.R.N., 87 D.T.C. 652;
Magilb Development Corp. Ltd. c. La Reine, 87 D.T.C. 5012; Waxstein c. M.R.N., 80
D.T.C. 1348; Roselawn Investments Ltd. c. M.R.N., 80 D.T.C. 1271; Gelber c. M.R.N.,
91 D.T.C. 1030.
Citée par le juge Iacobucci (dissident)
Moldowan c. La Reine, [1978] 1 R.C.S. 480; C.B.A. Engineering Ltd. c.
M.N.R., [1971] C.T.C. 504; Poulin c. La Reine, 94 D.T.C. 1667; Vincent c. Minister of
National Revenue, [1965] 2 R.C. de l'É. 117; Boma Manufacturing Ltd. c. Banque
Canadienne Impériale de Commerce, [1996] 3 R.C.S. 727.
Lois et règlements cités
Loi de l'impôt sur le revenu, S.C. 1970-71-72, ch. 63, art. 3a), 4(1)a), 9(1), 13(7)a),
18(1)a), b), h), 20(1)a), 31, 85(5.1) [aj. S.C. 1980-81-82-83, ch. 140, art. 50(2)],
a) [aj. idem], e) [aj. idem], 88(1) [abr. & rempl. S.C. 1980-81-82-83, ch. 48,
art. 48(1)], a)(iii) [abr. & rempl. S.C. 1974-75-76, ch. 26, art. 52], c) [abr. &
rempl. S.C. 1977-78, ch. 1, art. 43(3)], e), (1.1) [abr. & rempl. L.C. 1984, ch. 1, art.
39(4)], (e) [ad. idem], 172(2), 248(1) [mod. S.C. 1984, ch. 1, art. 104(1)].
Règlement de l'impôt sur le revenu, C.R.C., ch. 945, art. 1100(1)a)(xvi), 1102(1)c), (14).
- 11 -
Doctrine citée
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10th ed. Toronto: Carswell, 1993.
Beechy, Thomas H. Canadian Advanced Financial Accounting, 2nd ed. Toronto: Holt,
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Bennion, F. A. R. Statutory Interpretation: A Code, 2nd ed. London: Butterworths,
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Ottawa: Ministère des Finances, 1985.
Chasteen, Lanny G., et al. Intermediate Accounting, 1st Canadian ed. Toronto:
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Couzin, Robert. «Current Tax Provisions Relating to Deductibility and Transfer of
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Durnford, John. «The Distinction Between Income from Business and Income from
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Hogg, Peter W., and Joanne E. Magee. Principles of Canadian Income Tax Law.
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Approach?» (1996), 44 Rev. fisc. can. 979.
- 12 -
POURVOI contre un arrêt de la Cour d'appel fédérale (1995), 95 D.T.C.
5575, [1995] 2 C.T.C. 320, 185 N.R. 231, qui a rejeté l'appel formé contre la décision
du juge Joyal, [1993] 1 C.F. 622, (1993), 59 F.T.R. 139, 93 D.T.C. 5040, [1993] 1 C.T.C.
36, qui avait rejeté un appel interjeté contre des cotisations fiscales. Pourvoi accueilli,
les juges Sopinka, Cory et Iacobucci sont dissidents.
James R. Chalker, pour l'appelante.
Roger Taylor et André LeBlanc, pour l'intimée.
//Le juge McLachlin//
Version française du jugement des juges La Forest, McLachlin et Major
rendu par
1
LE JUGE MCLACHLIN -- Bien que je souscrive à la démarche générale et à la
conclusion du juge L'Heureux-Dubé, je préfère trancher le pourvoi sur un fondement un
peu plus étroit.
2
Pour bénéficier de la déduction pour amortissement en cause, (1) Hickman
Motors Ltd. doit avoir eu une source de revenu tiré d'une entreprise à laquelle se
rapporte l'actif (par. 20(1) de la Loi de l'impôt sur le revenu, S.C. 1970-71-72, ch. 63),
et (2) l'actif doit avoir été acquis aux fins de produire un revenu (Règlement de l'impôt
sur le revenu, C.R.C., ch. 945, al. 1102(1)c)).
3
Pour ce qui est de la première question, tout comme le juge
L'Heureux-Dubé, je suis d'avis que la preuve établit qu'Hickman Motors Ltd. a exploité
- 13 -
l'entreprise de location de machinerie et, ainsi, possédait une source de revenu tiré d'une
entreprise se rapportant à l'actif à l'égard duquel la déduction pour amortissement a été
réclamée. Cela étant établi, il est inutile d'examiner la question des «sous-sources».
4
La seconde question est de savoir si l'actif à l'égard duquel a été réclamée
la déduction pour amortissement a été acquis aux fins de produire un revenu, de façon
à éviter l'exclusion établie au par. 1102(1) du Règlement. L'exclusion vise à s'assurer
que l'élément d'actif à l'égard duquel est réclamée la déduction est relié à la production
d'un revenu, par opposition à un élément d'actif acquis à des fins non génératrices de
revenu, par exemple, le loisir ou les besoins personnels.
5
En l'espèce, Hickman Motors Ltd. est réputée avoir acquis l'actif aux fins
de gagner ou de produire un revenu au sens du par. 1102(14) du Règlement, qui dispose
que, lorsqu'un bien est acquis par suite de la liquidation d'une société canadienne à
laquelle s'applique le par. 88(1) de la Loi, et que le bien, immédiatement avant son
acquisition, était un bien d'une catégorie prescrite, le bien est réputé être un bien de la
même catégorie prescrite. Puisqu'il était un bien amortissable en la possession
d'Hickman Equipment immédiatement avant la liquidation, le bien est réputé avoir été
acquis par Hickman Motors Ltd. à titre de bien amortissable -- c.-à-d. aux fins de gagner
ou de produire un revenu.
6
Pour peu qu'Hickman Motors Ltd. n'ait pas commencé à l'utiliser à une autre
fin que la production d'un revenu (al. 13(7)a)), le bien demeure admissible à une
déduction pour amortissement. Rien ne prouve que cela se soit produit.
7
Le fait que l'actif ait produit un revenu, comme le démontrent les motifs du
juge L'Heureux-Dubé, établit qu'il a continué d'être utilisé aux fins de produire un
- 14 -
revenu, ce qui lui évite l'effet de l'al. 13(7)a) et l'exclusion visée à l'al. 1102(1)c) du
Règlement. Le fait que le revenu ait été minime ou gagné sur une courte période ne
retire pas l'actif de cette catégorie. Nous n'avons pas à décider si le résultat pourrait être
différent dans le cas où la preuve, considérée dans son ensemble, montrerait que l'actif
avait une fonction non génératrice de revenu: voir Clapham c. M.N.R., 70 D.T.C. 1012
(C.R.I.); Bolus-Revelas-Bolus Ltd. c. M.R.N., 71 D.T.C. 5153 (C. de l'É.). Nous ne
sommes pas saisis non plus de la situation où un actif a été détenu pendant une période
si brève que le revenu produit était trop minime pour qu'on puisse le calculer (p. ex., un
roulement instantané ou opéré la même journée). L'actif en l'espèce n'a eu qu'une seule
fonction, produire un revenu. Qu'Hickman Motors ait pu avoir l'intention de le
transférer par la suite à Hickman Equipment (1985) Ltd. n'a aucune importance. La
preuve ne permet qu'une seule conclusion: il s'agissait d'éléments d'actif d'une
entreprise reliés à la production d'un revenu.
8
Le fait que les administrateurs de la contribuable aient pu vouloir obtenir une
économie d'impôt en se portant acquéreur de l'actif n'est pas pertinent. C'est un
principe fondamental de droit fiscal que [TRADUCTION] «[t]out homme a le droit, s'il le
peut, de diriger ses affaires de façon que son assujettissement aux impôts prescrits par
les lois soit moindre qu'il ne le serait autrement»: Inland Revenue Commissioners
c. Westminster (Duke of), [1936] A.C. 1 (H.L.), à la p. 19, lord Tomlin. Comme l'a dit
le juge Wilson dans Stubart Investments Ltd. c. La Reine, [1984] 1 R.C.S. 536, à la
p. 540, «[u]ne opération peut être valide sans être un trompe-l'{oe}il de quelque façon
(comme en l'espèce), mais elle peut n'avoir d'autre objet commercial qu'un objet
fiscal».
Conclusion
- 15 -
9
Je suis d'avis d'accueillir le pourvoi et d'autoriser la déduction réclamée,
avec dépens à l'appelante dans toutes les cours.
//Le juge L'Heureux-Dubé//
Les motifs suivants ont été rendus par
LE JUGE L'HEUREUX-DUBÉ --
I. Introduction
10
Le présent pourvoi porte sur une question technique axée sur les faits en
matière d'impôt sur le revenu. La question précise est de savoir si l'appelante peut
obtenir une déduction pour amortissement (DPA) relativement à une entreprise donnée
qu'elle a exploitée pendant cinq jours. La réponse à cette question dépend de
l'interprétation qu'il convient de donner à l'expression «aux fins [. . .] de produire un
revenu» utilisée à l'al. 1102(1)c) du Règlement de l'impôt sur le revenu, C.R.C., ch. 945,
lue conjointement avec les expressions «d'une entreprise ou d'un bien» et «qui se
rapportent [. . .] à cette source de revenus» du par. 20(1) de la Loi de l'impôt sur le
revenu, S.C. 1970-71-72, ch. 63 (LIR), compte tenu du contexte factuel du présent
pourvoi. À mon avis, la DPA peut être allouée.
- 16 -
II. Historique
A. Le contexte factuel
11
L'appelante Hickman Motors Ltd. (Hickman Motors) est concessionnaire
d'automobiles et de camions General Motors à St. John's (Terre-Neuve). Elle est
membre d'un groupe de sociétés associées détenu par Hickman Holdings Ltd. (Hickman
Holdings), contrôlé par les frères Albert et Howard Hickman. En 1980, Hickman
Holdings était propriétaire d'A. E. Hickman Ltd. (AEH). À l'époque, AEH était
elle-même une société de portefeuille: elle détenait les actions d'Hickman Motors,
d'Atlanta Insurance Ltd., de Verdun Sales Ltd. et d'Hickman Equipment Ltd.
(Equipment). Elle avait un bon nombre de divisions d'exploitation dans différents
secteurs commerciaux et des places d'affaires à Cornerbrook, Fortune et Grand Falls
(Terre-Neuve). Equipment exploitait une entreprise d'engins de construction. Elle avait
quatre concessions: John Deere pour les engins de chantier tels que
chargeuses-pelleteuses et bulldozers, Tree Farmer pour le matériel sylvicole,
Ingersoll-Rand pour le matériel de forage et P&H Ltd. pour les travaux nécessitant
l'utilisation d'une grue. À un moment donné, au milieu des années 1970, Equipment
fonctionnait comme une division d'AEH, plutôt que comme une société distincte
constituée en filiale d'AEH.
12
Le nom des Hickman est bien connu à Terre-Neuve. L'entreprise a débuté
en 1905 et, depuis cette époque, les Hickman sont très fiers du fait qu'ils ont toujours
honoré leurs engagements et assumé leurs responsabilités envers le public. À compter
du début des années 1980, le groupe Hickman a commencé à subir des changements
dramatiques et de sérieuses pertes financières et à éprouver des difficultés avec ses
créanciers et ses banquiers. Les états financiers consolidés d'AEH indiquaient un profit,
- 17 -
mais les états non consolidés indiquaient des pertes importantes. En 1981, Equipement
a montré une perte de 1,8 million de dollars et, en 1984, de 122 000 $. Le témoin de
l'appelante a décrit ces pertes comme [TRADUCTION] «des pertes d'exploitation assez
importantes [. . .] des pertes effarantes» risquant de causer la faillite d'Equipment.
13
Le groupe s'est efforcé d'éviter cette faillite parce qu'elle aurait eu des
répercussions sur Hickman Motors et sur AEH. Comme condition de l'octroi d'une
marge de crédit d'exploitation à Equipment, la Banque Canadienne Impériale de
Commerce (CIBC) détenait des garanties de la plupart des sociétés filiales du groupe.
Au cas de faillite d'Equipment, les revenus de toutes les sociétés du groupe auraient été
affectés parce que tant Hickman Motors qu'AEH pouvaient être appelées à honorer les
garanties envers la banque. De plus, John Deere exigeait une garantie d'AEH comme
condition de l'octroi d'une concession à Equipment. Il en aurait résulté une énorme perte
de confiance dans la clientèle d'Hickman Motors en raison de l'association du nom des
Hickman à trois des entreprises. En 1982 et 1983, on a décidé de retirer Hickman
Motors et Equipment comme filiales d'AEH, permettant ainsi à AEH d'axer ses activités
sur le domaine des matériaux de construction.
14
Le 30 novembre 1984, la firme de vérification comptable du groupe
Hickman a présenté une «proposition globale» visant à obtenir du financement de la
CIBC. Il s'en est suivi une réorganisation qui s'est effectuée de la façon suivante. Le
14 décembre 1984, l'appelante Hickman Motors a acquis toutes les actions d'Equipment.
Le 28 décembre 1984, Equipment a été liquidée volontairement et fusionnée à la société
mère, Hickman Motors. Son actif, y compris les pertes autres qu'en capital d'un montant
de 876 859 $ et des biens amortissables, dont la fraction non amortie du coût en capital
se chiffrait à 5 196 422 $, est devenu la propriété de l'appelante. Le 2 janvier 1985, ce
même actif, net du passif d'Equipment, a été vendu à Hickman Equipment (1985) Ltd.
- 18 -
(Equipment 85), filiale nouvellement créée et détenue en propriété exclusive par
l'appelante. Dans sa déclaration d'impôt sur le revenu pour 1984, l'appelante a demandé
une déduction pour amortissement de 2 029 942 $ à l'égard de l'actif reçu d'Equipment
au moment de sa liquidation; le ministre du Revenu national a rejeté cette demande.
B. Les questions en litige
15
Les seules questions en litige sont les suivantes:
1.
L'article 88 LIR crée-t-il des droits en faveur de l'appelante, et, le cas
échéant, quels sont-ils?
2.
Le coût en capital des biens acquis lors de la liquidation est-il applicable au
revenu tiré de l'entreprise de l'appelante, au sens de l'al. 20(1)a) LIR?
De consentement, les parties ont retiré toutes les autres questions soulevées devant les
tribunaux dont appel.
C. Les jugements
16
En ce qui concerne l'art. 88, la Section de première instance, [1993] 1 C.F.
622, et la Cour d'appel fédérale, 95 D.T.C. 5575, ont toutes deux statué que cet article
ne créait pas, en soi, un droit à la DPA.
17
En ce qui concerne l'art. 20, les deux cours ont mis l'accent sur «l'intention
[du contribuable] de gagner un revenu» des biens liés à la machinerie. La Section de
- 19 -
première instance a statué, à la p. 633, que l'appelante n'avait jamais eu l'intention
d'exploiter l'entreprise de concessionnaire de machinerie lourde:
. . . il est difficile de voir comment l'actif d'une franchise [. . .] ait pu être
utilisé dans l'entreprise de la demanderesse pour produire un revenu. [. . .]
Le simple fait que cet actif pût être donné en location à bail n'a pas
d'incidence [. . .] sur le véritable objet de l'acquisition. À mon sens, la
rapidité avec laquelle l'actif a été revendu, soit environ quatre jours après
son acquisition, indique assez clairement que la demanderesse n'avait pas
l'intention de gagner un revenu de l'actif acquis à la suite de la liquidation
et qu'elle n'avait fait aucune démarche en ce sens. [Je souligne.]
18
La Cour d'appel fédérale, à la p. 5579, a essentiellement appliqué le test de
l'«expectative raisonnable de profit» formulé par notre Cour dans Moldowan c. La Reine,
[1978] 1 R.C.S. 480, et a fait la déduction suivante:
Je ne voudrais certes pas laisser entendre qu'il existe une exigence
concernant le délai minimum pendant lequel un contribuable doit détenir des
biens aux fins de produire un revenu, mais le fait qu'en l'espèce la
contribuable a conservé les biens en litige uniquement pendant un long
week-end de congé dénote certainement qu'elle n'avait pas l'intention
véritable de tirer un revenu de ces biens. [Je souligne.]
J'examinerai plus en détail des extraits spécifiques de ces jugements dans les sections
appropriées ci-dessous.
D. Les positions des parties devant notre Cour
19
L'appelante soutient que le régime de la LIR, pris dans son ensemble, devrait
s'appliquer dans le cas de groupes liés, de manière à permettre le transfert de sommes
accumulées à titre de dépenses non déduites, de reports de pertes et de crédits d'impôt:
Michael Wilson, Un système de transfert de pertes intersociété au Canada, Documents
- 20 -
budgétaires du ministère des Finances, Discours du budget, Canada, mai 1985, aux pp.
5 et 6:
Aux fins du régime canadien de l'impôt sur le revenu des sociétés, chaque
corporation est imposée comme entité distincte. Il peut donc y avoir des
situations où une société membre d'un groupe en propriété commune dispose
de pertes fiscales ou de déductions et crédits fiscaux inutilisés alors que
d'autres sociétés du même groupe ont un impôt à payer. Si les entreprises
au sein des sociétés distinctes fonctionnaient comme des divisions à
l'intérieur d'une seule et même société, les pertes, déductions ou crédits
inutilisés d'un secteur d'activité pourraient généralement être utilisés pour
réduire le montant de l'impôt que doit payer une société sur le revenu d'un
autre secteur d'activité.
. . .
Aux États-Unis, le régime de l'impôt sur les sociétés prévoit la consolidation
fiscale. Pour sa part, le Royaume-Uni possède un système de transfert des
pertes fiscales. De nombreux autres pays disposent également de systèmes
prévoyant le transfert des pertes, des déductions ou des crédits fiscaux. [Je
souligne.]
20
Une des raisons pour lesquelles le Canada n'a pas pu établir un régime fiscal
plus libéral à l'égard des groupements de sociétés est l'existence du régime à deux
paliers, fédéral et provincial, d'impôt sur le revenu: Robert Couzin, «Current Tax
Provisions Relating to Deductibility and Transfer of Losses», dans Policy Options for
the Treatment of Tax Losses in Canada (1991), p. 3:3, à la p. 3:12.
21
Selon l'intimée, la partie qui devrait bénéficier de la DPA est Equipment 85,
et non l'appelante Hickman Motors. À son avis, l'interposition, pendant quelques jours,
d'Hickman Motors dans le transfert des éléments d'actif d'Equipment à Equipment 85
ne devrait faire aucune différence, et Equipment 85 pourrait se prévaloir des DPA
pendant les années subséquentes. Cependant, au cours de l'audition devant nous,
l'avocat de l'intimée a admis qu'il est toujours possible que la déduction puisse
finalement être perdue à jamais.
- 21 -
22
L'intimée s'appuie en bonne partie sur les conclusions et déductions de fait
tirées par le juge de première instance et confirmées par la Cour d'appel. Elle allègue
que les tribunaux d'instance inférieure n'ont commis aucune erreur manifeste et
dominante en tirant leurs conclusions. Elle a insisté sur l'argument de retenue judiciaire
tant dans son mémoire que dans son argumentation devant nous. Il est tout à fait clair
que l'intimée préconise une application formaliste du principe de la retenue dont les
tribunaux d'appel doivent faire preuve à l'égard des conclusions de fait tirées par les
tribunaux de première instance. Par conséquent, avant d'étudier les questions juridiques
de fond, il est nécessaire d'examiner brièvement ce principe.
III. Les conclusions de fait tirées en première instance
23
Le procureur de l'appelante a signalé dans sa plaidoirie que certaines des
conclusions de fait tirées en première instance étaient erronées. En effet, la preuve non
contredite démontre qu'Hickman Motors a détenu les éléments d'actif pendant cinq
jours, et non quatre comme l'a conclu le juge de première instance (à la p. 633). Il a
également signalé que le revenu qu'Hickman Motors a tiré de la location n'était pas
1,9 pour 100 comme l'a conclu le juge de première instance, mais 1,9 million de dollars,
ce qui représente en réalité 2,5 pour 100 du revenu total. Il y a lieu de noter que, outre
ces erreurs de fait, le juge de première instance a dit au moins quatre fois au cours de
l'audience qu'il était [TRADUCTION] «dépassé» ou [TRADUCTION] «embrouillé», ce qui
est fort compréhensible vu la complexité de l'affaire. J'estime que l'appelante a raison
relativement aux erreurs que je viens de mentionner; elles ne vont toutefois pas au
c{oe}ur de la décision. Sauf en ce qui concerne ces erreurs, je tiens à souligner que
j'accepte les faits tels que constatés par le juge de première instance et confirmés par la
Cour d'appel et tels qu'ils figurent au dossier. Cependant, ces faits doivent être
examinés en fonction du droit applicable.
- 22 -
24
Il y a erreur de droit donnant lieu à révision lorsque, par exemple, on s'est
posé la mauvaise question, on a appliqué le mauvais principe, omis d'appliquer ou mal
appliqué un principe juridique ou fait une déduction erronée à partir des faits établis. En
l'espèce, les deux tribunaux d'instance inférieure ont, à mon avis, fait des déductions
inappropriées à partir des faits établis, se sont posé les mauvaises questions et ont
incorrectement appliqué les règles de droit.
25
Il y a lieu de signaler, dès le départ, que la crédibilité ou la fiabilité des
témoins n'est pas ici en jeu. L'appelante n'a cité qu'un seul témoin, et l'intimée, aucun.
Ni le juge de première instance ni la Cour d'appel n'ont soulevé de question de
crédibilité. Lorsque la crédibilité n'est pas mise en doute, une cour d'appel est aussi bien
placée que le juge de première instance pour apprécier la preuve: Lessard c. Paquin,
[1975] 1 R.C.S. 665, aux pp. 673 à 675. Par conséquent, à mon avis, notre Cour est aussi
bien placée que le juge de première instance pour apprécier la preuve, si besoin est.
26
L'affirmation suivante de Roger P. Kerans, juge de la Cour d'appel de
l'Alberta, décrit bien la réparation qui convient en l'espèce (Standards of Review
Employed by Appellate Courts (1994), à la p. 203):
[TRADUCTION] Souvent, l'erreur commise par le tribunal de première
instance porte sur une question de droit. Dans ce cas, ses conclusions de fait
demeurent inchangées. Habituellement, le tribunal d'appel refusera alors
d'ordonner la tenue d'un nouveau procès. Il modifiera plutôt la conclusion,
ou la confirmera, après avoir appliqué la bonne règle de droit aux faits
constatés par le premier tribunal. [Je souligne.]
27
Tout en acceptant les conclusions de fait (après correction des erreurs),
lorsque les tribunaux d'instance inférieure ont mal appliqué les règles de droit aux faits,
une cour d'appel peut examiner les «déductions qu'il convient de faire à partir de la
- 23 -
preuve», en examinant les faits au dossier et en les évaluant en fonction du droit
applicable, ce que je ferai maintenant.
IV. Analyse
1. L'article 88
28
Cette disposition se lit ainsi:
88. (1) Lorsqu'une corporation canadienne imposable (appelée dans le
présent paragraphe la «filiale») a été liquidée après le 6 mai 1974 et qu'au
moins 90% des actions émises de chaque catégorie de son capital-actions
appartenaient, immédiatement avant la liquidation, à une autre corporation
canadienne imposable (appelée dans le présent paragraphe la «corporation
mère») et que toutes les actions de la filiale qui n'appartenaient pas à la
corporation mère immédiatement avant la liquidation appartenaient à cette
date à des personnes avec lesquelles la corporation mère n'avait pas de lien
de dépendance, les règles suivantes s'appliquent nonobstant toutes autres
dispositions de la présente loi:
a) sous réserve de l'alinéa a.1), tout bien de la filiale attribué à la
corporation mère lors de la liquidation est réputé avoir fait l'objet d'une
disposition par la filiale à un prix égal,
. . .
(iii) au coût indiqué du bien, pour la filiale, immédiatement avant la
liquidation, dans le cas de tout autre bien;
. . .
c) le prix, pour la corporation mère, de chaque bien de la filiale, qui lui
a été attribué lors de la liquidation, est réputé être le montant réputé
être, en vertu de l'alinéa a), le produit de la disposition du bien . . .
29
Le juge Hugessen, s'exprimant au nom de la Cour d'appel fédérale, est arrivé
à la conclusion, aux pp. 5577 et 5578, que cette disposition ne crée aucun droit à une
déduction quelconque:
- 24 -
Bien que je sois disposé, de façon générale, à donner raison à l'appelante
en ce qui a trait à l'objet du paragraphe 88(1), je ne peux accepter que cette
interprétation donne les résultats faisant l'objet des débats. En lui-même, ce
paragraphe ne crée aucun droit à une déduction quelconque.
. . .
Par conséquent, je conclus que l'article 88 ne crée pas au profit de
l'appelante un droit indépendant à la déduction pour amortissement
relativement aux biens qu'elle a acquis lors de la liquidation de sa filiale
«Equipment». Une telle prétention ne peut être acceptée que si l'appelante
peut établir qu'elle respecte par ailleurs les exigences énoncées dans la Loi
et le Règlement.
30
Je suis d'accord avec cette analyse du par. 88(1). Les extraits pertinents du
sous-al. 88(1)a)(iii) sont les suivants:
88. (1) . . .
a) . . . bien [. . .] est réputé avoir fait l'objet d'une disposition par la
filiale à un prix égal,
. . .
(iii) au coût indiqué du bien, pour la filiale . . . [Je souligne.]
31
Le coût indiqué est défini au par. 248(1):
248. (1) . . .
«coût indiqué», pour un contribuable, de tout bien à une date quelconque
signifie . . .
a) lorsque le bien était un bien amortissable du contribuable, d'une
catégorie prescrite, la partie de la fraction non amortie du coût en
capital . . . [Je souligne.]
32 Le
sous-alinéa
88(1)a)(iii) prévoit que le bien ayant fait l'objet d'une
disposition par une filiale lors d'une liquidation est réputé avoir fait l'objet d'une
disposition à un prix égal à la valeur de la fraction non amortie du coût en capital
- 25 -
(FNACC). Cela signifie qu'il ne peut y avoir ni récupération ni perte finale pour la
filiale. Quant à la société mère, les extraits pertinents de l'al. 88(1)c) sont les suivants:
88. (1) . . .
c) le prix, pour la corporation mère [. . .] est réputé être le montant
réputé être, en vertu de l'alinéa a) . . .
33
Le bien acquis de la filiale par la société mère lors de la liquidation est réputé
avoir été acquis au prix indiqué ci-dessus, déterminé par application du
sous-al. 88(1)a)(iii), c'est-à-dire, la FNACC. En d'autres termes, toute l'opération est
réputée avoir été conclue au montant de la FNACC, plutôt qu'à un autre prix tel que, par
exemple, le coût du bien installé ou la juste valeur marchande.
34
Il y a lieu de distinguer le présent pourvoi de l'arrêt R. c. Mara Properties
Ltd., [1996] 2 R.C.S. 161. Pour ce qui est de son application à la présente affaire, je suis
d'avis que l'arrêt Mara soutient la proposition suivante: au moment d'une liquidation,
une filiale attribue automatiquement son actif à sa société mère conformément au
par. 88(1), et cet actif doit être regroupé avec celui de la société mère appartenant à la
même catégorie. En l'espèce, l'actif d'Equipment a été attribué à l'appelante et devrait
être regroupé avec les éléments de son actif qui appartiennent à la même catégorie. Mais
ce n'est pas la question en litige ici. La question en litige est la suivante: une fois la
liquidation effectuée et les éléments d'actif attribués, que se passe-t-il? La société mère
peut-elle demander la DPA à l'égard de ces éléments d'actif? Cette question déborde le
cadre tant de l'arrêt Mara que de l'art. 88 lui-même.
35
À mon avis, et à cet égard je suis d'accord tant avec le juge de première
instance qu'avec la Cour d'appel, le par. 88(1) ne crée aucun droit pour la société mère,
en l'espèce l'appelante Hickman Motors, de demander une DPA pour les biens acquis de
- 26 -
la filiale Hickman Equipment. Si ce droit existe, il trouve son fondement dans l'art. 20
LIR, que je vais maintenant examiner.
2. L'article 20
36 L'alinéa
20(1)a) et le Règlement doivent être interprétés conjointement,
comme la disposition le dit clairement:
20. (1) Nonobstant les dispositions des alinéas 18(1)a), b) et h), lors du
calcul du revenu tiré par un contribuable d'une entreprise ou d'un bien pour
une année d'imposition, peuvent être déduites celles des sommes suivantes
qui se rapportent entièrement à cette source de revenus ou la partie des
sommes suivantes qui peut raisonnablement être considérée comme s'y
rapportant:
a) la partie, si partie il y a, du coût en capital des biens supporté par le
contribuable ou le montant, si montant il y a, du coût en capital des
biens, supporté par le contribuable, que le règlement autorise . . . [Je
souligne.]
37
L'alinéa 20(1)a) permet la déduction du coût en capital «que le règlement
autorise». Il ne peut pas être interprété dans un vacuum: il faut interpréter en même
temps le règlement applicable. À cause du libellé de cet alinéa, l'interpréter sans tenir
compte des dispositions du Règlement ne serait pas conforme aux principes applicables
d'interprétation des lois: F. A. R. Bennion, Statutory Interpretation: A Code (2e éd.
1992), aux pp. 805 et suiv.; voir également Ruth Sullivan, Driedger on the Construction
of Statutes (3e éd. 1994), à la p. 198; 2747-3174 Québec Inc. c. Québec (Régie des
permis d'alcool), [1996] 3 R.C.S. 919, aux pp. 1011 à 1015.
38
À cette étape, je souligne que ni le juge de première instance ni la Cour
d'appel n'ont examiné les faits dans le contexte juridique approprié. Conformément à
l'art. 20 LIR et au Règlement, il fallait se poser les questions suivantes: Y a-t-il un
- 27 -
«revenu tiré d'une entreprise»? Quelle est la «source» du revenu «tiré d'une
entreprise»? Quelle est la «partie du coût en capital» qui peut être déduite? Est-ce que
cette somme se rapporte «entièrement» ou «partiellement» à cette source? Est-ce que
le bien a été «acquis aux fins de produire un revenu»? Pour examiner cette dernière
question, il faut se demander ce qui suit: Est-ce que le bien produit un revenu? Dans la
négative, a-t-il comme fin de produire un revenu? Puisqu'ils ne se sont pas posé les
bonnes questions et n'ont pas tiré les bonnes déductions à partir des faits établis eu égard
au contexte juridique approprié, les deux tribunaux d'instance inférieure ont commis des
erreurs de droit qui doivent faire l'objet d'un contrôle à partir de l'examen des faits au
regard du droit applicable.
39
À mon avis, le droit applicable à la présente affaire est le suivant. Lorsque,
par suite d'une liquidation effectuée en application du par. 88(1), une société mère
acquiert d'une filiale un bien amortissable, la DPA n'est pas automatique. La nature du
bien et celle du revenu qui en provient ne sont pas fixées à tout jamais à la suite d'un
transfert libre d'impôt effectué conformément au par. 88(1). La nature du bien et celle
du revenu qui en provient peuvent changer. Pour réclamer une DPA, la société mère doit
respecter les exigences de l'al. 20(1)a), c'est-à-dire qu'elle doit détenir le bien aux fins
de produire un revenu tiré de son entreprise. Il me semble que mon collègue le juge
Iacobucci et moi-même sommes d'accord quant à la formulation du droit. Nous
divergeons cependant d'opinion sur l'application de cette proposition de droit aux faits
de l'espèce. Selon moi, une analyse correcte de la preuve telle qu'elle figure au dossier,
que j'entreprends maintenant, mène inévitablement à la conclusion que l'appelante a
respecté les exigences requises pour bénéficier d'une DPA.
- 28 -
A. Revenu tiré d'une entreprise
40
Y a-t-il un «revenu tiré d'une entreprise»? D'après les éléments de preuve,
l'appelante avait, pour l'exercice financier 1984, des ventes de 75,275,000 $ et un revenu
avant postes extraordinaires de 1 528 000 $. De plus, la déduction visée au par. 20(1)
ne peut s'appliquer qu'à un «revenu tiré d'une entreprise ou d'un bien». La question du
«revenu tiré d'un bien» n'a pas été soulevée et ne se présente pas en l'espèce. Nous
devons maintenant déterminer si le revenu mentionné est un revenu tiré d'une
«entreprise». Il faut prendre en considération la définition d'«entreprise» donnée au
par. 248(1):
248. (1) . . .
«entreprise ou affaire» comprend une profession, un métier, un commerce,
une manufacture ou une activité de quelque genre que ce soit, [. . .] un
projet comportant un risque ou une affaire de caractère commercial,
mais ne comprend pas une charge ni un emploi . . . [Je souligne.]
41
Par conséquent, un «revenu tiré d'une entreprise» comprend un «revenu tiré
d'une activité de quelque genre que ce soit sauf une charge ou un emploi», par opposition
au revenu d'une autre source qui serait exclu de la définition du par. 248(1). Selon
l'analyse faite par Vern Krishna, The Fundamentals of Canadian Income Tax (5e éd.
1995), aux pp. 277 et 772, il existe une présomption réfutable selon laquelle le revenu
d'une corporation provient d'une entreprise: Canadian Marconi c. R., [1986] 2 R.C.S.
522, et Smith c. Anderson (1879), 15 Ch. D. 247 (C.A.). En l'espèce, il s'agit du revenu
d'une corporation et il faut présumer que ce revenu est tiré d'une entreprise.
42
Certes, cette présomption peut être repoussée. Cependant, ni l'interrogatoire
principal ni le contre-interrogatoire du témoin de l'appelante n'ont apporté quelque
- 29 -
élément de preuve que ce soit à cet égard, et l'intimée n'a présenté aucune preuve.
Puisque la présomption n'a pas été repoussée, je conclus que le revenu de l'appelante est
tiré d'une entreprise, par opposition à une autre source.
43
De plus, il existe au dossier une preuve positive qu'Hickman Motors a
effectivement exercé des activités de vente et de location de machinerie pendant la
période: (1) l'activité d'entreprise reliée à la location de machinerie a effectivement été
exploitée; (2) Hickman Motors a accepté le risque commercial et d'autres obligations;
(3) c'est pratique courante dans l'industrie de la construction d'acheter la machinerie
louée tout juste avant la fin de l'année, le 31 décembre, de sorte qu'il y a eu une véritable
occasion de faire des affaires au cours de la période en cause; (4) Equipment a
effectivement vendu une chargeuse-pelleteuse le 21 décembre 1984; (5) il existe une
preuve de revenus de location et il y a une liasse de factures de location visant la période,
présentées en détail plus loin; (6) la machinerie était disponible pour la vente et était
annoncée comme telle; (7) le 31 décembre 1984, Hickman Motors a accepté une
commande de location d'au moins une pièce de machinerie.
44
Mon collègue le juge Iacobucci affirme, aux par. 145 et 157 de ses motifs,
que l'appelante «n'a rien fait avec l'actif», mais ses motifs ne renvoient explicitement
à aucune preuve, produite par l'intimée, qui réfuterait la preuve claire de l'appelante et
établirait que celle-ci «[n'a pas] fait quoi que ce soit avec cet actif». Aux paragraphes
147 et 148 de ses motifs, le juge Iacobucci conteste un élément de preuve, la facture du
31 décembre. Même sans la facture du 31 décembre, je suis convaincue que la balance
de la preuve, considérée dans son ensemble, montre que l'appelante a en fait exploité
activement l'entreprise de machinerie.
- 30 -
45
Il est vrai, cependant, qu'Equipment 85 a renégocié un contrat de concession
avec John Deere, et qu'Hickman Motors ne l'a pas fait. Toutefois, cela ne fait pas
preuve qu'Hickman Motors «[n'a pas] fait quoi que ce soit avec cet actif», ou
n'exploitait pas par ailleurs l'entreprise de machinerie. Un témoignage clair et non
contredit a, par ailleurs, fait état d'autres contrats de concession qui étaient restés
inchangés depuis le milieu des années 1970 et qui le sont restés même après leur prise
en charge par Equipment 85.
46
Vu que les biens pouvaient simplement être «donné[s] en location», le juge
de première instance, se posant les mauvaises questions, a déduit qu'il n'existait pas de
fin commerciale ni d'intention de gagner un revenu. Cette déduction est incorrecte et
constitue une erreur de droit. Lorsque de la machinerie est louée, l'essentiel des
opérations peut, à l'occasion, se limiter à recevoir les revenus de location ainsi qu'à
assumer le risque commercial et les autres obligations. En tout temps au cours de cette
période, un client pourrait exiger l'exécution de l'une des obligations prévues au contrat,
par exemple, la réparation d'un moteur. Lorsque, parce qu'elle a la chance de ne pas
avoir d'ennuis ou d'accidents de nature mécanique au cours d'une certaine période, une
entreprise de location accepte «passivement» les revenus de location ainsi que les risques
et les obligations de nature commerciale, il ne s'ensuit pas pour autant qu'elle n'exploite
pas une entreprise au cours de cette période. Toute autre conclusion laisserait
implicitement supposer que les entreprises de location sont «intermittentes», c'est-à-dire
qu'elles n'exploitent une entreprise que dans le cas où quelque chose ne va pas dans les
opérations. Une telle proposition est inacceptable.
47
Contrairement à l'opinion que formule mon collègue le juge Iacobucci aux
par. 145 et 158 de ses motifs, même si l'appelante a «passivement» reçu les revenus de
location pendant une période, il ne s'ensuit pas nécessairement qu'elle n'a pas exploité
- 31 -
une entreprise active. Dans Carland (Niagara) Ltd. c. M.N.R., 64 D.T.C. 139, la
Commission d'appel de l'impôt a dit, à la p. 141:
[TRADUCTION] Il n'est pas nécessaire qu'il y ait une activité soutenue pour
qu'on puisse maintenir qu'une entreprise est exploitée; n'importe quelle
entreprise commerciale peut connaître -- et connaît souvent -- des périodes
d'accalmie. [. . .] La décision [The Commissioner of Inland Revenue c. The
South Behar Railway Co., Ltd., (1925) 12 T.C. 657] indique le peu d'activité
nécessaire pour qu'il y ait exploitation d'une entreprise. Je tiens pour avéré
que, dans une certaine mesure, qu'elle soit plus ou moins grande,
l'entreprise n'a jamais cessé d'être exploitée à toutes les époques en cause.
Les lieux ont toujours été ouverts à tout client qui pouvait se présenter.
Je note également le commentaire suivant de John Durnford dans «The Distinction
Between Income from Business and Income from Property, and the Concept of Carrying
On Business» (1991), 39 Rev. fisc. can. 1131, à la p. 1191:
[TRADUCTION] En fait, selon la nature de l'entreprise, la simple présence
de longues périodes d'inactivité n'indique pas à elle seule qu'une entreprise
n'est pas exploitée.
48
J'estime que la preuve dans son ensemble démontre que l'appelante s'est
acquittée du fardeau qu'elle avait de prouver qu'elle exploitait activement une entreprise
de machinerie. En outre, l'intimée n'a présenté aucune preuve qui aurait pu être
soupesée au regard de celle de l'appelante. L'intimée aurait toutefois pu présenter une
preuve, comme elle l'a fait par exemple dans Attridge c. La Reine, 91 D.T.C. 5161 (C.F.
1re inst.), où elle a cité deux experts; voir également Bay Centre Apartments Ltd. c.
M.R.N., 81 D.T.C. 489 (C.R.I.), où l'intimé a cité un employé expert. Par conséquent,
la preuve de l'appelante doit être acceptée et la conclusion à en tirer est qu'Hickman
Motors a effectivement exploité l'entreprise de machinerie entre le 28 décembre 1984
et le 2 janvier 1985.
- 32 -
B. La détermination de la source du revenu d'entreprise
49
La prochaine étape consiste à s'assurer que la déduction est appliquée à la
bonne source de revenu d'entreprise. Contrairement à ce que dit mon collègue le juge
Iacobucci aux par. 136 à 138 de ses motifs, il n'y a pas désaccord quant aux mots
employés dans la LIR. Dans les cas où le revenu est tiré de deux sources de revenu
d'entreprise ou plus, il faut identifier la source pertinente et, selon le cas, calculer
séparément le revenu en provenance de chaque source. Je ne peux pas, cependant, être
d'accord avec mon collègue sur la façon dont il applique ce principe aux faits de la
présente affaire. À la page 633, le juge de première instance a conclu que la source des
revenus était les opérations relatives aux «automobiles», laissant entendre que cette
source était en quelque sorte distincte des opérations concernant la «machinerie» au
cours de la période applicable. En outre, mon collègue le juge Iacobucci affirme que
l'appelante a plusieurs «sous-sources» de revenu. Il n'est pas nécessaire de résoudre la
question des «sous-sources» pour trancher la présente affaire, et l'étude de cette question
devrait être remise à plus tard pour deux raisons.
50
Premièrement, les activités commerciales en cause ici peuvent, si nécessaire,
être regroupées en une seule source de revenu d'entreprise, comme le montre clairement
ce témoignage non contredit:
[TRADUCTION]
Q. Vous avez décrit précédemment l'entreprise d'Hickman Motors
Limited, M. Grant, au cours de la période du 29 décembre 1984 au 2
janvier 1985. Pourriez-vous nous dire quel genre d'entreprise était
Hickman Motors Limited?
A. Bien, il s'agirait de vente et service, de location de voitures, de camions
légers, moyens et lourds, d'engins de chantier, de matériel John Deere,
également de matériel sylvicole et aussi de matériel de forage. [Je
souligne.]
- 33 -
51
Le témoignage qui précède est clair, il n'a pas été ébranlé en
contre-interrogatoire, aucun doute n'a été soulevé quant à la crédibilité et l'intimée ne
l'a aucunement contredite par une preuve au contraire. De plus, la preuve non contredite
présentée par l'appelante révèle clairement que le marché d'Equipment pour les
chargeuses-pelleteuses et les bulldozers et celui d'Hickman Motors pour les camions
lourds reposent sur la même clientèle. Le regroupement des camions lourds d'Hickman
Motors et de la machinerie d'Equipment est naturel. Ce regroupement n'est pas
inhabituel. Comme l'a reconnu même le juge de première instance, [TRADUCTION] «si
vous achetez une chargeuse-pelleteuse, il vous faut un camion poids lourd pour la
transporter». Cette preuve non contredite présentée par l'appelante parle par elle-même:
les franchises d'«automobiles», de «camions» et de «machinerie» ont été jointes dans
une seule entreprise intégrée. Par conséquent, la déduction faite par le juge de première
instance est incorrecte et constitue une erreur de droit. À partir de cette preuve, il fallait
plutôt conclure qu'Hickman Motors était, du 29 décembre 1984 au 2 janvier 1985, une
entreprise unique intégrée de vente, de service et de location de voitures et de camions,
ainsi que d'engins de chantier, de matériel sylvicole et de matériel de forage, ce qui
correspondait en fait à une «activité de quelque genre que ce soit», au sens de la
définition du terme «entreprise» au par. 248(1).
52
À partir de cette preuve claire, non contestée et non contredite de l'existence
d'«une entreprise» et en l'absence de toute preuve contraire, il est à mon avis fallacieux
et irrationnel de conclure à l'existence de «deux entreprises». Le sophisme commis par
le juge de première instance, confirmé par la Cour d'appel et à l'égard duquel le juge
Iacobucci fait preuve de retenue, paraît être le suivant: l'appelante a produit la preuve
de l'existence d'une entreprise, par conséquent, il s'ensuit qu'il y a deux entreprises. Je
ne saurais accepter un tel raisonnement. Je remarque que ni le juge de première instance
- 34 -
ni la Cour d'appel n'ont cité de preuve au dossier qui indiquerait l'existence de deux
entreprises. De même, les motifs de mon collègue le juge Iacobucci ne font ressortir
explicitement aucune preuve au dossier sur laquelle est fondée sa conclusion qu'il existe
«deux entreprises». Dans la présente affaire, l'idée de deux entreprises est simplement
une hypothèse non vérifiée, elle n'est pas un fait prouvé. Le fait prouvé est qu'il existe
une entreprise, comme le démontre le dossier.
53
Compte tenu de cette preuve principale, l'intimée aurait dû produire certains
éléments de preuve. Par exemple, comme je l'ai dit au paragraphe 11, Equipment était
à l'époque une division d'AEH -- une entreprise de matériaux de construction.
L'intimée aurait certainement pu produire une preuve suivant laquelle elle avait alors
considéré Equipment et AEH comme deux entreprises, si c'était le cas, mais elle ne l'a
pas fait. Une telle preuve, ou une preuve d'expert, eût-elle été produite de façon
appropriée, aurait pu indiquer l'existence de deux entreprises, mais nous sommes ici
devant une absence totale de preuve de la part de l'intimée.
54
Deuxièmement, comme le dit mon collègue le juge Iacobucci au par. 129,
l'intimée a abandonné la thèse qu'elle a fait valoir devant les tribunaux d'instance
inférieure. Ni les parties ni ces tribunaux n'ont cité de jurisprudence sur les sous-
sources. La jurisprudence que cite le juge Iacobucci porte sur la catégorie très spécifique
des entreprises agricoles, que l'art. 31 LIR a particularisées en vue d'un traitement
spécial. Dans la présente affaire, nous n'avons pas l'avantage d'arguments sur les
différents critères concernant les sous-sources qui pourraient ou ne pourraient pas
s'appliquer de manière générale à des sociétés en dehors du contexte de l'agriculture.
55
En fait, dans Gloucester Railway Carriage and Wagon Co. c. Comrs. Inland
Revenue (1923), 129 L.T. 691 (K.B.), conf. par (1924), 40 T.L.R. 435 (C.A.), on a
- 35 -
suggéré que jamais auparavant n'avait-il été décidé qu'une société pouvait avoir deux
entreprises. Dans cette affaire, la société appelante vendait et donnait en location
différents types de wagons. La société a allégué qu'elle avait deux entreprises. L'appel
a été rejeté pour le motif qu'il n'y avait qu'une seule entreprise qui consistait à tirer un
profit de manière générale de l'utilisation de wagons d'une façon ou d'une autre. Cet
arrêt, que notre Cour a cité et approuvé dans l'arrêt Anderson Logging Co. c. The King,
[1925] R.C.S. 45, à la p. 55, a trait à des sociétés en dehors du contexte de l'agriculture
et pourrait être considéré comme régissant la présente affaire. Suivant la preuve,
Hickman Motors est une entreprise qui consiste à tirer un profit de manière générale de
l'utilisation de machines, d'une façon ou d'une autre.
56
Vu la preuve, et l'argumentation incomplète, je ne veux pas me prononcer sur
la question des sous-sources dans le contexte de la présente affaire, entre autres parce
que je n'ai pas eu l'avantage d'une argumentation complète concernant des difficultés
possibles. Par exemple, on pourrait interpréter les «sous-sources» de manière
inappropriée en s'interrogeant, avec le bénéfice du recul, sur des décisions commerciales
légitimes prises par des contribuables.
C. La déduction pour amortissement
57
Une fois établi un «revenu tiré d'une entreprise», la prochaine étape consiste
à déterminer quelle somme, le cas échéant, peut en être déduite pour arriver au revenu
imposable. Le paragraphe 20(1) prévoit que:
20. (1) . . . peuvent être déduites celles des sommes suivantes qui se
rapportent entièrement à cette source de revenus ou la partie des sommes
[. . .] s'y rapportant . . . [Je souligne.]
- 36 -
58
La «somme suivante» peut soit «se rapporter entièrement» à cette source,
c'est-à-dire l'entreprise, soit «s'y rapporter partiellement». Ainsi, un montant déterminé
pourrait «se rapporter partiellement» au revenu tiré d'une entreprise, et «se rapporter
partiellement» à un revenu tiré d'une autre source, par exemple un revenu tiré d'un bien.
Ou bien, un montant déterminé pourrait «se rapporter entièrement» à l'entreprise. En
l'espèce, cette distinction n'est pas en litige: le montant que l'on veut déduire «se
rapporterait entièrement» au «revenu tiré de l'entreprise» identifié ci-dessus.
59
Il faut dès lors examiner «la somme suivante» pertinente que l'on cherche à
déduire en vertu de l'al. 20(1)a):
20. (1) . . .
a) la partie [. . .] du coût en capital des biens supporté par le contribuable
[. . .] que le règlement autorise . . . [Je souligne.]
60
Nous devons donc déterminer quelle partie du «coût en capital» le «règlement
autorise». L'article 1100 du Règlement prévoit:
1100. (1) Aux fins de l'alinéa 20(1)a) de la Loi, il est alloué au
contribuable dans le calcul de son revenu d'une entreprise ou de biens,
selon le cas, des déductions pour chaque année d'imposition égales
. . .
a) au montant qu'il peut réclamer à l'égard de biens de chacune des
catégories suivantes, comprises dans l'annexe II, sans dépasser, à
l'égard des biens
. . .
(xvi) de la catégorie 22, 50 pour cent
En l'espèce, la preuve révèle que, pour la plupart, les biens en immobilisations faisaient
partie de la catégorie 22. Le paragraphe 1100(1) du Règlement a pour corollaire que si
un bien n'est inclus dans aucune des catégories, aucune DPA n'est permise à l'égard de
- 37 -
ce bien. Le paragraphe 1102(1) du Règlement énumère des groupes de biens qui sont
réputés exclus de toutes les catégories:
1102. (1) Les catégories de biens décrits dans la présente partie et
dans l'annexe II sont censées ne pas comprendre les biens
. . .
c) qui n'ont pas été acquis par le contribuable aux fins de gagner ou
de produire un revenu . . . [Je souligne.]
61 L'alinéa
1102(1)c) du Règlement a pour corollaire que, pour qu'un bien soit
inclus dans l'une des catégories, il doit avoir été acquis aux fins de produire un revenu.
Sinon, le bien est réputé n'être inclus dans aucune catégorie, de sorte qu'aucune DPA
n'est permise à son égard. Par conséquent, pour l'application de l'al. 20(1)a), le mot
«bien» ne peut vouloir dire autre chose qu'un «bien acquis aux fins de produire un
revenu». Ainsi, pour les fins de l'espèce, l'al. 20(1)a) doit être compris de la façon
suivante:
. . . peu[t] être déduit[e] [. . .] la partie [. . .] du coût en capital des biens
[. . .] [acquis aux fins de produire un revenu] . . .
D. Le test dit «aux fins de produire un revenu»
62
Dans Bolus-Revelas-Bolus Ltd. c. M.R.N., 71 D.T.C. 5153 (C. de l'É.), la
société assujettie à l'impôt exploitait diverses affaires et avait décidé d'acheter deux
«manèges de parc d'amusement». Mais ces deux biens n'ont jamais été installés ni
exploités: ils avaient été acquis, puis démantelés et entreposés, sans possibilité de s'en
servir, et n'ont donc jamais produit le moindre revenu. La Cour de l'Échiquier a conclu
que la société n'avait pas acquis ces biens aux fins de produire un revenu et a statué
qu'aucune DPA n'était applicable.
- 38 -
63 La
décision
Bolus-Revelas-Bolus Ltd. appuie la proposition suivante:
lorsqu'un bien ne produit aucun revenu, les tribunaux vérifieront d'un point de vue
objectif si le contribuable a acquis le bien aux fins de produire un revenu; en l'absence
de pareilles fins, la DPA ne sera pas accordée. Cependant, bien que Bolus-Revelas-Bolus
Ltd. semble analogue à la présente affaire, elle s'en distingue clairement parce que,
comme nous le verrons plus loin, les biens ont ici bel et bien produit un revenu. Sauf
circonstances exceptionnelles, si une entreprise possède un bien qui produit un revenu,
alors elle a vraisemblablement l'intention de produire effectivement un revenu. La
proposition inverse serait absurde; voir également Royal Trust Co. c. M.N.R., 57 D.T.C.
1055 (C. de l'É.), et Ghali c. Canada (Ministre des transports), [1996] A.C.F. no 1404
(1re inst.). En d'autres termes, pour éviter d'arriver à une absurdité en l'espèce,
l'al. 20(1)a) doit s'interpréter de la façon suivante:
. . . peu[t] être déduit[e] [. . .] la partie [. . .] du coût en capital des biens
[produisant un revenu, ou acquis aux fins de produire un revenu] . . .
64
À mon avis, cette formulation de la règle de l'al. 20(1)a) est applicable aux
circonstances de l'espèce et la première partie du test est la suivante: le bien produit-il
un revenu? Dans l'affirmative, la déduction peut être autorisée. Le mot «revenu» peut
avoir deux significations: «revenu brut» ou «revenu net» (profit): voir Mark Resources
Inc. c. La Reine, 93 D.T.C. 1004 (C.C.I.); voir aussi Bellingham c. Canada, [1996] 1
C.F. 613 (C.A.), aux pp. 627 et 628; Canada c. McLaren, [1991] 1 C.F. 468 (1re inst.),
aux pp. 480 et 481. Même si un bien produit un revenu, il ne produit pas nécessairement
un profit par lui-même, et il serait absurde d'exiger que chaque bien produise réellement
un «revenu net» (profit) par lui-même. Par conséquent, pour répondre à la première
partie du test, il suffit de présumer que, si le bien produit un revenu, il répond aux
exigences de l'al. 1102(1)c) du Règlement.
- 39 -
65
La seconde partie du test est la suivante: si le bien ne produit pas de revenu,
a-t-il été acquis aux fins de produire un revenu? Cette détermination se fait par une
évaluation objective des faits et circonstances propres à chaque affaire en fonction de la
jurisprudence applicable et de la question de savoir si le contribuable a agi
conformément à des principes d'affaires et des pratiques commerciales raisonnablement
acceptables. Dans l'affirmative, la déduction est autorisée. Dans la négative, elle ne l'est
pas.
66
Cependant, le juge de première instance et la Cour d'appel (à la p. 5579),
étant d'avis que «[l'appelante] n'avait fait aucune démarche en vue de gagner un revenu
de ces biens», ont déduit que «l'appelante n'a pas acquis les biens . . . en vue de . . .
produire un revenu». En toute déférence, je ne puis accepter cette déduction. Le juge
de première instance et la Cour d'appel se sont toutes deux posé la mauvaise question
et en ont tiré une déduction incorrecte. Ce faisant, elles ont commis une erreur de droit.
E.
La distinction entre le test de l'«expectative raisonnable de profit» et le test
dit «aux fins de produire un revenu»
67
La Cour d'appel a conclu, à la p. 5579, que le test applicable pour déterminer
si les biens ont été acquis aux fins de produire un revenu est «semblable» au test
applicable à la question «analogue» de savoir si une entreprise a une expectative
raisonnable de profit. En toute déférence, ces deux tests ne sont pas «semblables», mais
plutôt «dissemblables».
68
Tant les biens «générateurs de revenu» que les biens «non générateurs de
revenu» peuvent être acquis «aux fins de produire un revenu». Un exemple typique
serait un photocopieur de bureau (non générateur de revenu) par rapport à un
photocopieur libre-service à paiement à l'unité (générateur de revenu). Ces deux types
- 40 -
de biens peuvent être utilisés dans la même entreprise aux fins de produire un revenu.
Un bien produit directement un revenu, l'autre est utilisé aux fins de produire un revenu.
Cependant, il n'y a aucune garantie que l'entreprise en soi réalisera un profit. Les deux
types de biens peuvent être détenus par une entreprise qui affiche un profit, ou par une
qui n'en affiche pas. C'est ici qu'il faut établir une distinction claire entre le test dit «aux
fins de produire un revenu» et le test de l'«expectative raisonnable de profit».
69
Ces deux tests diffèrent en ce qui concerne leur orientation générale. Une
entreprise qui a un profit n'a pas besoin de démontrer qu'elle a une «expectative
raisonnable de profit». Cependant, lorsqu'elle n'a pas de profit, l'entreprise doit avoir
une «expectative raisonnable de profit», qui doit être déterminée par application du test
formulé dans Moldowan (voir Krishna, op. cit., à la p. 261). Brièvement, le test de
l'«expectative raisonnable de profit» sert principalement à différencier une «entreprise»
d'une «activité personnelle comme un hobby, etc.», tandis que le test dit «aux fins de
produire un revenu» sert à déterminer si un bien est utilisé de façon appropriée dans
l'entreprise.
70
Le test de l'«expectative raisonnable de profit» cherche à savoir s'il existe
une entreprise, tandis que le test dit «aux fins de produire un revenu» présuppose
l'existence d'une entreprise et s'interroge sur l'utilisation d'un bien appartenant à
l'entreprise. Le test de l'«expectative raisonnable de profit» tient compte des résultats
antérieurs et prévus de plusieurs années d'exploitation et pose la question suivante: «les
revenus d'exploitation seront-ils à un moment donné supérieurs aux dépenses de sorte
qu'un profit sera réalisé?» Le test dit «aux fins de produire un revenu» examine la
situation d'un bien et pose la question suivante: «le bien produit-il un revenu ou est-il
tout au moins utilisé à cette fin?» Ces deux tests portent sur des questions fort
- 41 -
différentes et ils pourraient être appliqués séparément au même contribuable en même
temps.
71
La plupart des paramètres du test de l'«expectative raisonnable de profit»
seraient inconciliables avec le test dit «aux fins de produire un revenu». Par exemple,
le paramètre des «profits et pertes des années précédentes» n'a aucune pertinence
relativement au test dit «aux fins de produire un revenu» pour ce qui est de la DPA,
parce qu'une entreprise peut très bien comprendre des biens utilisés seulement pour une
courte durée. De même, le paramètre de la «formation du contribuable» n'a aucune
pertinence relativement au test dit «aux fins de produire un revenu» pour ce qui est de
la DPA, parce que certains biens n'exigent aucune formation particulière autre que la
connaissance générale que possède n'importe qui.
72
À mon avis, les termes et l'économie de la LIR appuient une application des
critères de l'«expectative raisonnable de profit» pour vérifier si un contribuable exploite
une entreprise ou s'il s'agit d'un hobby, mais non pour établir la possibilité de bénéficier
d'une DPA en soi. Voir également de façon générale John R. Owen, «The Reasonable
Expectation of Profit Test: Is There a Better Approach?» (1996), 44 Rev. fisc. can. 979.
En toute déférence, il est incorrect en droit d'injecter de façon mécanique les critères du
test de l'«expectative raisonnable de profit» dans l'exigence des «fins de produire un
revenu» prévue à l'al. 1102(1)c) du Règlement pour ce qui est de la DPA. En ce faisant,
le juge de première instance et la Cour d'appel ont toutes deux commis une erreur de
droit.
- 42 -
F. Est-ce que les biens ont produit un revenu?
73
Comme je l'ai déjà dit, le juge de première instance et la Cour d'appel ont
tous deux mis la charrue avant les b{oe}ufs en faisant fi de la première partie du test.
Par conséquent, les déductions qu'ils en ont tirées sont incorrectes et il y a lieu de s'en
rapporter à la preuve pour tirer celles qui s'imposent. La première partie du test est
celle-ci: les biens ont-il produit un revenu? En l'espèce, les biens ont produit un revenu:
[TRADUCTION]
Q. Les éléments d'actif qui ont été attribués à Hickman Motors Limited
le 28 décembre 1984, les éléments d'actif d'Hickman Equipment
Limited, étaient-ils utilisés par Hickman Equipment Limited dans
l'exploitation de l'entreprise immédiatement avant la liquidation?
R. Oui.
Q. Ces éléments d'actif généraient-ils un revenu?
R. Oui.
Q. Maintenant, après le 28 décembre 1984, qu'en est-il des éléments
d'actif qui ont été attribués à Hickman Motors Limited par suite de la
liquidation?
R. Ils ont été utilisés aux mêmes fins de production de revenu que celles
auxquelles ils avaient été utilisés auparavant.
. . .
LA COUR: 7,2 millions de ventes au total en 1984; environ 1,5 million
représentaient un revenu provenant des locations?
R. Oui.
Q. Et les locations, ce revenu provenant du prix des locations venaient de
ces biens de catégorie 22? . . .
R. Oui. [Je souligne.]
74
L'examen de la preuve à travers le prisme approprié révèle clairement que
les biens ont produit un revenu. De plus, l'appelante a présenté, outre cette preuve
- 43 -
testimoniale non contredite, une preuve documentaire claire de l'existence d'un revenu
tiré des biens pendant la période:
[TRADUCTION]
Q. Peut-être, M. Grant, pourriez-vous simplement expliquer ces factures
et pourquoi vous les présentez à la cour?
R. Bien, si nous prenons la facture 59762 et l'examinons, on y dit que la
période de location va du 5 décembre 1984 au 4 janvier 1985. [. . .]
Et je tiens à préciser que celles-ci ne sont que représentatives; la
plupart des documents ont été détruits depuis 1985. Alors, nous
sommes fort chanceux d'avoir trouvé ces échantillons.
Q. Et existe-t-il des échantillons semblables de relevés de compte ou de
factures envoyés relativement à la location d'autres pièces de
machinerie?
R. Oui. [Je souligne.]
75
Plusieurs factures relatives à la location de machinerie au cours de la période
ont été mises en preuve. De plus, ces factures ne constituaient qu'un échantillon de
l'activité de location de machinerie ayant eu lieu au cours de la période. La preuve
ci-dessus mentionnée -- tant testimoniale que documentaire -- parle par elle-même et n'a
pas été contredite par l'intimée. Voici ce qu'on doit en déduire: pendant l'année
financière 1984, les biens de la catégorie 22 ont produit un revenu, sur une base annuelle,
de 1,5 million de dollars. Ainsi, le prorata du revenu quotidien était
d'approximativement 4 110 $. Par conséquent, pendant les cinq jours où l'appelante a
détenu les éléments d'actif pour faire des affaires, le prorata du revenu était
d'approximativement 20 550 $.
76
Mon collègue le juge Iacobucci conclut, au par. 143 de ses motifs, qu'il n'y
avait aucun revenu, mais ses motifs ne réfèrent explicitement à aucune preuve produite
par l'intimée qui réfuterait la preuve déjà mentionnée produite par l'appelante. Dans la
- 44 -
présente affaire, cette conclusion qu'il n'y a «aucun revenu» est une hypothèse non
vérifiée, elle n'est pas un fait prouvé au dossier. Le fait prouvé est qu'il y avait un
revenu, comme le montre le dossier.
77
Comme les biens ont produit un revenu, il n'est pas nécessaire de recourir à
la seconde partie du test se rapportant aux fins objectives, test appliqué par le juge de
première instance, et en conséquence, les déductions faites par les tribunaux d'instance
inférieure ne sont pas pertinentes. Les déductions qu'il faut faire établissent qu'un
revenu a été produit et que les exigences de l'al. 1102(1)c) du Règlement sont
rencontrées. La DPA peut donc être accordée. Je passerai maintenant aux questions
concernant la période et le montant des revenus, qui ont fait l'objet d'un examen par le
juge de première instance et par la Cour d'appel, pour arriver, selon moi, à un résultat
incorrect.
G. L'exigence temporelle
78
En statuant, à la p. 633, que «la rapidité avec laquelle l'actif a été revendu,
soit environ quatre jours après son acquisition, indique assez clairement que la
demanderesse n'avait pas l'intention de gagner un revenu de l'actif», le juge de première
instance répondait à la seconde partie du test concernant les fins objectives, ce qui n'est
pas la première question qu'il faut se poser. De même, la Cour d'appel a conclu, à la p.
5579, que «le fait qu'en l'espèce la contribuable a conservé les biens en litige uniquement
pendant un long week-end de congé dénote certainement qu'elle n'avait pas l'intention
véritable de tirer un revenu de ces biens». Bien que la durée et les jours de la semaine
puissent constituer des facteurs pertinents relativement à la seconde partie du test, je
préfère remettre à plus tard l'examen de cette question. En ce qui concerne la première
partie du test, le revenu susmentionné de 20 550 $ aurait-il dû être reçu au cours d'une
- 45 -
période d'une durée minimale, disons de six jours ou de six semaines, ou pendant des
jours particuliers de la semaine? Je ne puis trouver aucune indication en ce sens à
l'al. 1102(1)c) du Règlement. En outre, toute autre conclusion pourrait donner lieu à des
résultats absurdes, vu que les biens de la catégorie 22 peuvent être utilisés pour des
opérations continues 24 heures sur 24.
79
Lorsque le législateur ou le pouvoir exécutif désirent établir des périodes en
droit fiscal, ils le font très clairement et précisément. Par exemple, en ce qui concerne
la déduction pour amortissement per se, considérons les périodes suivantes: sous-
al. 1100(2.2)f)(i) du Règlement, 364 jours, et annexe II, DPA, catégorie 12 r), 7 jours
et 30 jours. De façon plus générale, la LIR et le Règlement prévoient ce qui suit:
al. 232(4)b): 6 jours; par. 107(1) du Règlement: 7 jours; par. 116(3): 10 jours;
al. 232(4)a): 14 jours; al. 62(3)c): 15 jours; sous-al. 232(4)a)(i): 21 jours; par. 231(3)
du Règlement: 30 jours; par. 85(8): un mois; div. 40(2)g)(iv)(B): 60 jours; par. 33.1(3):
90 jours; sous-al. 130.1(1)(a)(ii): 91 jours; al. 129(2.1)a): 120 jours; par. 78(4): 180
jours; al. 112(3)a): 365 jours; par. 85(7): 3 ans. Notons également les très courtes
périodes suivantes: par. 118.6(1): 10 heures; par. 8(4): 12 heures; par. 231.4(4): 24
heures; sous-al. 6(6)a)(ii): 36 heures; par. 225.2(5): 72 heures; sous-al. 7303(7)b)(iii)
du Règlement (révoqué par DORS/93-440): 3 jours; al. 225.2(2)a) (modifié par L.C.
1988, ch. 55, art. 170): 3 jours.
80
Compte tenu de ce qui précède, en l'absence de toute autre indication,
j'hésiterais à considérer l'exigence du Règlement comme incluant une certaine durée
puisque, d'une part, il n'existe aucune disposition législative claire à cet effet, et d'autre
part, le législateur est le mieux placé pour déterminer ces exigences. Eût-il voulu que
pareilles restrictions quant au temps s'appliquent à la DPA, le législateur l'aurait dit --
expressio unius est exclusio alterius; pour une application d'une exclusion implicite en
- 46 -
droit fiscal, voir de façon générale La Reine c. Vancouver Art Metal Works Ltd., 93
D.T.C. 5116 (C.A.F.), à la p. 5117. Par conséquent, en vertu de l'al. 1102(1)c) du
Règlement, il n'est pas nécessaire que le bien produise un revenu au cours d'une période
minimale prescrite: lorsqu'il y a un revenu, il suffit qu'il soit produit au cours d'une
période, de quelque durée soit-elle.
81
Conclure le contraire pourrait avoir pour effet d'introduire une grande
incertitude dans ce domaine du droit. La décision du juge de première instance signifie
que cinq jours, ce n'est pas assez -- mais elle ne précise pas ce qui le serait. Elle
introduit de l'incertitude quant à la période qui serait suffisante pour qu'un contribuable
puisse réclamer une DPA avec succès. Il appartient au législateur et au pouvoir exécutif
de préciser une période limite s'ils l'estiment opportun. Par conséquent, en toute
déférence, l'exigence relative à une période indéfinie introduite par le juge de première
instance de la Cour fédérale et confirmée par la Cour d'appel constitue une erreur de
droit et, à mon avis, elle empiète sur le rôle du législateur.
H. L'importance relative du revenu des biens par rapport au revenu total
82
Le juge de première instance a conclu, à la p. 633, que le montant du revenu
tiré de la machinerie était «seulement» un faible pourcentage du revenu total. L'alinéa
1102(1)c) du Règlement exige-t-il que le revenu atteigne un montant minimal prescrit
ou qu'il soit «important» par rapport aux autres revenus du contribuable? Je suis
incapable de dégager une telle exigence de l'al. 1102(1)c) du Règlement. Je conclus
donc que la question de savoir si le revenu produit par un bien est «important» ou «peu
important» par rapport aux autres revenus du contribuable est sans pertinence
relativement à l'application de l'al. 1102(1)c) du Règlement. Affirmer le contraire
pourrait donner lieu à des résultats absurdes dans des cas de croissance rapide du revenu.
- 47 -
I. Chaque bien doit-il être mentionné dans les états financiers?
83
La Cour d'appel a statué, à la p. 5579, que «l'appelante elle-même n'a pas,
au moment où elle a acquis les biens lors de la liquidation d'«Equipment», considéré ces
biens comme une source possible ou réelle de revenu: aucun revenu tiré de ces biens
n'est mentionné dans les livres comptables de l'appelante pour les années d'imposition
1984 ou 1985». Lorsque le revenu produit par un bien est «peu important» par rapport
aux autres revenus du contribuable, l'al. 1102(1)c) du Règlement exige-t-il qu'il en soit
fait mention expressément dans les états financiers? Cette question a été analysée avec
justesse dans Lanny G. Chasteen et autres, Intermediate Accounting (1re éd. canadienne
1992), à la p. 35:
[TRADUCTION] L'importance relative signifie qu'il faut suivre strictement les
principes comptables généralement reconnus seulement pour comptabiliser
et rapporter des postes importants. L'absence d'importance relative justifie
le traitement opportun et rentable de postes de peu d'importance.
. . .
L'importance relative est un concept quelque peu insaisissable parce qu'il
dépend (1) de la valeur pécuniaire relative d'un poste, [. . .] (3) d'une certaine
combinaison de la valeur pécuniaire relative et de la nature d'un poste. [. . .]
Enfin, le seuil de l'importance relative peut varier d'une société à l'autre.
Par exemple, une perte de 20 000 $ résultant d'une poursuite en justice
pourrait être importante pour beaucoup de sociétés mais ne pas l'être pour
une compagnie de la taille d'Air Canada. Parce que les jugements sur
l'importance relative font souvent intervenir des facteurs propres à une
situation particulière, l'ICCA n'a pas encore estimé réalisable la mise au
point d'un ensemble de directives générales sur cette question, et les
décisions en matière d'importance relative sont une question de jugement
professionnel dans chaque cas d'espèce. [Je souligne.]
(Voir aussi Thomas H. Beechy, Canadian Advanced Financial Accounting (2e éd. 1990),
aux pp. 38 à 40.)
- 48 -
84
À mon avis, en vertu de l'al. 1102(1)c) du Règlement, lorsque le revenu
produit par un bien est peu important par rapport à l'ensemble du revenu de l'entreprise,
le contribuable n'est pas obligé de faire mention séparément de ce bien particulier dans
les états financiers. Les raisons de principe qui sous-tendent cette règle au plan des
coûts-avantages sont clairement exprimées dans les principes comptables généralement
reconnus (PCGR): «[l]es avantages que sont censées procurer les informations
contenues dans les états financiers doivent être supérieurs au coût [ . . .] et [. . .]
l'évaluation de la nature et de la valeur des avantages et des coûts [est], dans une large
mesure, affaire de jugement»: Manuel de l'ICCA, vol.1, à l'art. 1000.16.
85
En l'espèce, l'appelante a décidé de ne pas faire mention dans ses états
financiers du revenu spécifique, des dépenses correspondantes et du revenu net reliés aux
pièces de machinerie en question:
[TRADUCTION]
Q. Bien, si l'entreprise d'Hickman Equipment Limited a été fusionnée avec
Hickman Motors Limited avec effet le 28 décembre 1984, pourquoi
n'avez-vous pas montré les revenus et dépenses d'Hickman Equipment
Limited comme faisant partie des revenus et dépenses d'Hickman
Motors Limited au 31 décembre 1984?
R. Bien, à notre avis à l'époque, le revenu -- le revenu et les pertes qui ont
pu être générés n'auraient pas compensé les frais de vérification et les
frais comptables qu'il aurait fallu engager pour reconstituer les dossiers
pour la période de trois, quatre jours. Il nous aurait fallu faire intervenir
nos vérificateurs externes pendant un certain temps et notre propre
personnel aurait dû être mis à contribution.
. . .
R. Bien, si nous prenons la facture 59762 et l'examinons, on y dit que la
période de location va du 5 décembre 1984 au 4 janvier 1985. Et, entre
autres, elle donne une idée de ce qu'il en aurait coûté pour calculer le
revenu au prorata du 29 décembre 1984 au 2 janvier 1985. [Je
souligne.]
- 49 -
86
Le revenu tiré de la machinerie attribuable à l'appelante est d'environ
20 550 $. Le revenu total de l'appelante est de 75 275 000 $. Gardant à l'esprit les
PCGR dont il a déjà été question, je suis incapable de conclure que la décision de
l'appelante relativement à l'importance relative pour ce qui est du rapport coûts-
avantages est déraisonnable. Faire mention du revenu d'un bien spécifique dans les états
financiers n'est pas la seule façon de prouver qu'il a produit un revenu. Il peut exister
d'autres éléments de preuve admissibles, telle la preuve testimoniale et documentaire
non contredite en l'espèce. Toute autre conclusion serait déraisonnable et pourrait
donner lieu à des résultats absurdes et impossibles à administrer dans les cas où un grand
nombre de biens produisent un revenu.
87
Au paragraphe 143 de ses motifs, mon collègue le juge Iacobucci reprend
l'opinion de la Cour d'appel que, parce que les états financiers n'affichaient aucun
revenu, il n'y a pas preuve de revenu. Je ne saurais accepter cette affirmation. Par
exemple, voir Docherty c. M.R.N., 91 D.T.C. 537 (C.C.I.), à la p. 539, où, en l'absence
d'entrée dans les états financiers de l'appelant montrant une opération, la cour a accepté
les documents de travail et le témoignage du comptable de la société comme preuve que
l'opération avait été effectuée. Il est bien établi en droit que des documents comptables
ou des entrées comptables servent uniquement à rapporter des opérations et que c'est la
réalité des faits qui établit la nature et la substance véritables des opérations: Vander
Nurseries Inc. c. La Reine, 95 D.T.C. 91 (C.C.I.); Mountwest Steel Ltd. c. La Reine
(1994), 2 G.T.C. 1087 (C.C.I.); Uphill Holdings Ltd. c. M.R.N., 93 D.T.C. 148 (C.C.I.);
M.N.R. c. Wardean Drilling Ltd., 69 D.T.C. 5194 (C. de l'É.); M.N.R. c. Société
coopérative agricole de la vallée d'Yamaska, 57 D.T.C. 1078 (C. de l'É.). De plus,
lorsque la LIR n'exige aucun document d'appui, le témoignage crédible d'un
contribuable suffit, malgré l'absence de documents: Weinberger c. M.N.R., 64 D.T.C.
- 50 -
5060 (C. de l'É.); Naka c. La Reine, 95 D.T.C. 407 (C.C.I.); Page c. La Reine, 95 D.T.C.
373 (C.C.I.).
88 En
l'espèce,
la LIR n'exige pas que le revenu soit montré dans les états
financiers et, par conséquent, aucun doute quant à la crédibilité n'ayant été soulevé, la
preuve produite par l'appelante est nettement suffisante.
J. La proportionnalité entre le revenu tiré des biens et leur valeur
89
Il reste à déterminer si le revenu est déraisonnablement bas par rapport à la
valeur du bien, à telle enseigne qu'il équivaut à une absence de revenu. Par exemple,
dans Clapham c. M.N.R., 70 D.T.C. 1012 (C.R.T.), un motel évalué à 50 000 $ avait été
loué à une société contrôlée pour seulement 600 $ par année. En louant le bien pour
beaucoup moins que sa juste valeur locative, l'appelante dans Clapham a démontré qu'il
n'avait pas été acquis aux fins de gagner ou de produire un revenu. La DPA a été
refusée, même si le bien produisait certains revenus. À mon avis, lorsque le revenu est
déraisonnablement bas par rapport à la valeur du bien générateur de revenu, il est alors
réputé ne pas produire un revenu, et la seconde partie du test, qui traite des fins
objectives, s'appliquerait.
90
En l'espèce, le revenu est-il déraisonnablement bas par rapport à la valeur
du bien? Le contre-interrogatoire a établi que le revenu de location d'Hickman Motors
était de 1 900 000 $, que la valeur des biens en location était de 5 220 000 $ et que le
revenu de location d'Equipment était de 1 500 000 $, la valeur de ses biens de la
catégorie 22 s'établissant à 2 700 000 $. Ainsi, les ratios d'immobilisations (ratio =
revenu ÷ actif) sont respectivement 0,36 pour Hickman Motors et 0,55 pour Equipment.
Ces deux ratios diffèrent grandement du ratio d'immobilisations dans Clapham, qui
- 51 -
s'établissait à 0,01. Par conséquent, je suis incapable de déduire de la preuve que le
revenu produit par les biens d'Equipment était déraisonnablement bas par rapport à la
valeur de ces biens -- l'intimée n'a d'ailleurs présenté aucune preuve à cette fin. Il y a
lieu de noter que j'utilise ces chiffres pour faire ressortir la nette différence entre la
présente affaire et Clapham. Ces ratios et valeurs ne s'appliqueront pas nécessairement
dans d'autres cas.
K. Le fardeau de preuve
91
Comme je l'ai signalé, l'appelante a produit une preuve claire et non
contredite, alors que l'intimée n'a produit absolument aucune preuve. À mon avis, le
droit sur ce point est bien établi et l'intimée ne s'est pas acquittée de son fardeau de
preuve pour les raisons suivantes.
92
Il est bien établi en droit que, dans le domaine de la fiscalité, la norme de
preuve est la prépondérance des probabilités: Dobieco Ltd. c. Minister of National
Revenue, [1966] R.C.S. 95, et que, à l'intérieur de cette norme, différents degrés de
preuve peuvent être exigés, selon le sujet en cause, pour que soit acquittée la charge de
la preuve: Continental Insurance Co. c. Dalton Cartage Co., [1982] 1 R.C.S. 164;
Pallan c. M.R.N., 90 D.T.C. 1102 (C.C.I.), à la p. 1106. En établissant des cotisations,
le ministre se fonde sur des présomptions: (Bayridge Estates Ltd. c. M.N.R., 59 D.T.C.
1098 (C. de l'É.), à la p. 1101), et la charge initiale de «démolir» les présomptions
formulées par le ministre dans sa cotisation est imposée au contribuable (Johnston c.
Minister of National Revenue, [1948] R.C.S. 486; Kennedy c. M.R.N., 73 D.T.C. 5359
(C.A.F.), à la p. 5361). Le fardeau initial consiste seulement à «démolir» les
présomptions exactes qu'a utilisées le ministre, mais rien de plus: First Fund Genesis
Corp. c. La Reine, 90 D.T.C. 6337 (C.F. 1re inst.), à la p. 6340.
- 52 -
93
L'appelant s'acquitte de cette charge initiale de «démolir» l'exactitude des
présomptions du ministre lorsqu'il présente au moins une preuve prima facie: Kamin c.
M.R.N., 93 D.T.C. 62 (C.C.I.); Goodwin c. M.R.N., 82 D.T.C. 1679 (C.R.I.). En
l'espèce, l'appelante a produit une preuve qui respecte non seulement la norme prima
facie, mais, selon moi, une norme encore plus sévère. À mon avis, l'appelante a
«démoli» les présomptions suivantes: a) la présomption de l'existence de «deux
entreprises», en produisant une preuve claire de l'existence d'une seule entreprise; b) la
présomption qu'il n'y a «aucun revenu», en produisant une preuve claire de l'existence
d'un revenu. Il est établi en droit qu'une preuve non contestée ni contredite «démolit»
les présomptions du ministre: voir par exemple MacIsaac c. M.R.N., 74 D.T.C. 6380
(C.A.F.), à la p. 6381; Zink c. M.R.N., 87 D.T.C. 652 (C.C.I.). Comme je l'ai déjà dit,
aucune partie de la preuve produite par l'appelante en l'espèce n'a été contestée ni
contredite. Par conséquent, à mon avis, l'appelante a «démoli» les présomptions sur
l'existence de «deux entreprises» et sur le fait qu'il n'y a «aucun revenu».
94
Lorsque l'appelant a «démoli» les présomptions du ministre, le «fardeau de
la preuve [. . .] passe [. . .] au ministre qui doit réfuter la preuve prima facie» faite par
l'appelant et prouver les présomptions: Magilb Development Corp. c. La Reine, 87
D.T.C. 5012 (C.F. 1re inst.), à la p. 5018. Ainsi, dans la présente affaire, la charge est
passée au ministre, qui doit prouver ses présomptions suivant lesquelles il existe «deux
entreprises» et il n'y a «aucun revenu».
95
Lorsque le fardeau est passé au ministre et que celui-ci ne produit
absolument aucune preuve, le contribuable est fondé à obtenir gain de cause: voir par
exemple MacIsaac, précité, où la Cour d'appel fédérale a infirmé le jugement de la
Division de première instance (à la p. 6381) pour le motif que le «témoignage n'a été ni
contesté ni contredit, et aucune objection ne lui a été opposée». Voir aussi Waxstein c.
- 53 -
M.R.N., 80 D.T.C. 1348 (C.R.I.); Roselawn Investments Ltd. c. M.R.N., 80 D.T.C. 1271
(C.R.I.). Se reporter également à Zink, précité, à la p. 653, où, même si la preuve
«échappait à la logique et présentait de graves lacunes de fond et de chronologie»,
l'appel du contribuable a été accueilli parce que le ministre n'a présenté aucune preuve
quant à la source de revenu. Dans la présente affaire, je remarque que la preuve ne
contient aucune «lacune» de ce genre. Par conséquent, puisque le ministre n'a produit
absolument aucune preuve et que personne n'a soulevé le moindre doute quant à la
crédibilité, l'appelante est fondée à obtenir gain de cause.
96
Dans la présente affaire, sans qu'aucune preuve ne leur ait été présentée, le
juge de première instance et la Cour d'appel ont tous deux voulu transformer les
présomptions non fondées et non vérifiées en «conclusions de fait», commettant ainsi des
erreurs de droit sur la charge de la preuve. Mon collègue le juge Iacobucci exerce de la
retenue à l'égard de ces soi-disant «conclusions concordantes» des cours d'instance
inférieure, mais, bien que je sois tout à fait d'accord de façon générale avec le principe
de retenue judiciaire, dans la présente affaire, deux décisions incorrectes ne sauraient en
faire une bonne. Même si nous sommes en présence de «conclusions concordantes», la
preuve non contestée et non contredite réfute positivement les présomptions du ministre:
MacIsaac, précité. Comme le juge Rip de la Cour canadienne de l'impôt l'a noté dans
Gelber c. M.R.N., 91 D.T.C. 1030, à la p. 1033, «[le ministre] n'est pas l'arbitre de ce
qui est fondé ou non en matière de droit fiscal». Le juge Brulé de la Cour canadienne
de l'impôt dans Kamin, précité, a observé à la p. 64:
. . . le ministre devrait pouvoir réfuter cette preuve [prima facie] et présenter
des arguments à l'appui de ses présomptions.
. . .
Le ministre n'a pas carte blanche pour établir les présomptions qui lui
conviennent. À l'interrogatoire principal, on s'attend qu'il puisse produire
- 54 -
des preuves plus concrètes que de simples présomptions pour réfuter les
arguments de l'appelant. [Je souligne.]
97
À mon avis, ces affirmations sont applicables à la présente affaire: l'intimée,
dont les opinions ont été contestées par la preuve principale, n'a rien présenté de plus
concret que de simples présomptions et n'a avancé aucun fondement. Elle a choisi de
ne réfuter aucun des éléments de preuve de l'appelante. Par conséquent, elle ne s'est pas
acquittée de son fardeau de preuve.
98
Je remarque que, en confirmant les présomptions non prouvées du ministre,
mon collègue le juge Iacobucci peut paraître renverser le courant jurisprudentiel ci-
dessus mentionné sans fournir explicitement de justification à cette fin. En toute
déférence pour l'opinion contraire, je suis d'avis que les modifications dans la
jurisprudence relative à la charge de la preuve en droit fiscal devraient être remises à
plus tard. De plus, vu les faits de la présente affaire, sanctionner l'absence totale de
preuve de l'intimée pourrait sembler déraisonnable et peut-être même injuste étant donné
que l'appelante s'est conformée à une jurisprudence bien établie pour ce qui est de son
fardeau de preuve.
V. Sommaire
99
L'alinéa 88(1)c) ne crée aucun droit pour la société mère de demander une
DPA à l'issue de la liquidation d'une filiale. Ce droit trouve son fondement à
l'al. 20(1)a), lu conjointement avec le Règlement applicable. L'appelante s'est acquittée
du fardeau qui lui incombait de prouver que le bien a été détenu aux fins de produire un
revenu tiré de son entreprise. L'appelante a prouvé que, entre le 28 décembre 1984 et
le 2 janvier 1985, elle a effectivement exploité une entreprise intégrée de voitures, de
- 55 -
camions et de machinerie. L'appelante a prouvé que les biens reliés à la machinerie ont
produit un revenu tiré de cette entreprise au cours de cette période. Par conséquent, on
a satisfait aux exigences de l'al. 1102(1)c) du Règlement et de l'al. 20(1)a). La DPA
peut donc être autorisée.
100
Le juge de première instance et la Cour d'appel ont tous deux omis de tenir
compte des revenus et, pour déterminer si les biens reliés à la machinerie respectaient
les exigences de l'art. 1102 du Règlement, ils ont fait des déductions incorrectes, posé
les mauvaises questions de droit et appliqué le mauvais test, ce qui constitue des erreurs
de droit donnant lieu à révision. Dans une loi aussi technique que la LIR, si le législateur
ou le pouvoir exécutif avaient voulu préciser une période minimale, ou des exigences en
matière d'importance relative, ou de contenu particulier des états financiers, ils l'auraient
dit clairement.
VI. Dispositif
101
Puisque l'appelante a droit à la déduction réclamée pour amortissement, je
suis d'avis d'accueillir le pourvoi avec dépens dans toutes les cours, d'infirmer les
décisions de la Cour d'appel fédérale et de la Section de première instance et de renvoyer
l'affaire au ministre du Revenu national pour l'établissement d'une nouvelle cotisation,
le tout en conformité avec les présents motifs.
//Le juge Iacobucci//
Version française des motifs des juges Sopinka, Cory et Iacobucci rendus
par
- 56 -
102
LE JUGE IACOBUCCI (dissident) -- J'ai lu les motifs de mes collègues les
juges L'Heureux-Dubé et McLachlin et, en toute déférence, je ne puis souscrire ni à la
majeure partie de leur raisonnement ni à leur conclusion. À mon avis, la tentative de
l'appelante de faire une déduction pour amortissement contre le revenu tiré de son
entreprise échoue, principalement parce que l'amortissement ne se rapporte pas, comme
l'exige le par. 20(1) de la Loi de l'impôt sur le revenu, S.C. 1970-71-72, ch. 63, à une
source de revenu tiré d'une entreprise. À cause de mon désaccord d'avec les façons
respectives dont mes collègues abordent la présente affaire, j'exposerai l'historique
factuel et judiciaire pertinent.
1. Les faits
103
L'appelante, Hickman Motors Ltd., est concessionnaire de produits General
Motors à St. John's (Terre-Neuve). Elle vend et loue des automobiles et des camions et
en assure le service après-vente.
104
Le 14 décembre 1984, Hickman Motors a acquis toutes les actions en
circulation d'une société associée, Hickman Equipment Ltd. (ci-après «Equipment»), qui
exploitait une entreprise de location de machinerie lourde: chargeuses-pelleteuses,
bulldozers, matériel de forage et grues.
105
Le vendredi 28 décembre 1984, Equipment a été volontairement liquidée et
fusionnée à Hickman Motors. Au moment de la liquidation, tout l'actif d'Equipment a
été transféré à Hickman Motors. L'actif comportait certains biens amortissables (en
l'espèce des chargeuses-pelleteuses, des bulldozers et autres), dont la fraction non
amortie du coût en capital s'établissait à 5 196 422 $. Hickman Motors a conservé l'actif
d'Equipment pendant cinq jours et, le 2 janvier 1985 (le mercredi suivant, après le congé
- 57 -
du Nouvel An), a vendu le tout à une société liée nouvellement constituée, Hickman
Equipment (1985) Ltd. (ci-après «Equipment 85»). À partir du 2 janvier 1985,
Equipment 85 a exploité l'entreprise de location de machinerie lourde auparavant
exploitée par Equipment.
106
Au cours de l'année d'imposition 1984, l'appelante, Hickman Motors, a
demandé une déduction pour amortissement de 2 092 942 $ relativement aux éléments
d'actif d'Equipment. Le ministre du Revenu national a refusé cette déduction et affirmé
qu'Hickman Motors n'avait pas le droit de demander la déduction pour amortissement
sur les biens d'Equipment pour le motif qu'elle ne les avait pas achetés aux fins de
gagner ou de produire un revenu.
107
Hickman Motors a interjeté appel de la décision du ministre auprès de la
Cour fédérale (Section de première instance), soutenant que, puisqu'elle avait acquis
l'actif dans le cadre d'une réorganisation d'entreprise conformément aux par. 88(1) et
(1.1) de la Loi, elle n'avait pas à démontrer qu'elle avait procédé à cette acquisition aux
fins de gagner ou de produire un revenu. Subsidiairement, la société a fait valoir qu'elle
avait, en fait, acquis et utilisé l'actif aux fins de gagner ou de produire un revenu. Le
juge Joyal ([1993] 1 C.F. 622) a rejeté l'appel du contribuable. La Cour d'appel fédérale
(95 D.T.C. 5575) a aussi rejeté un appel subséquent.
2. Les dispositions législatives pertinentes
108
Loi de l'impôt sur le revenu, S.C. 1970-71-72, ch. 63
3. Le revenu d'un contribuable pour une année d'imposition, aux fins de
la présente Partie, est son revenu pour l'année, déterminé selon les règles
suivantes:
- 58 -
a) en calculant le total des sommes qui constituent chacune le revenu du
contribuable pour l'année (autre qu'un gain en capital imposable résultant
de la disposition d'un bien), dont la source se situe à l'intérieur ou à
l'extérieur du Canada, y compris, sans restreindre la portée générale de ce
qui précède, le revenu tiré de chaque charge, emploi, entreprise et bien;
4. (1) Aux fins de la présente loi,
a) le revenu ou la perte d'un contribuable pour une année d'imposition,
provenant d'une charge, d'un emploi, d'une entreprise, de biens ou d'une
autre source, ou de sources situées dans un endroit déterminé, signifie le
revenu ou la perte, selon le cas, du contribuable, calculée conformément
à la présente loi, en supposant que ce contribuable n'a eu, durant l'année
d'imposition, aucun revenu ni perte, sauf ce qui provenait de cette source,
ni aucun revenu ou perte, sauf ce qui provenait de ces sources, selon le
cas, et qu'il n'avait droit à aucune déduction lors du calcul de son revenu
pour l'année d'imposition à l'exception des déductions qui peuvent
raisonnablement être considérées comme entièrement applicables à cette
source ou à ces sources, selon le cas, et à l'exception de la partie de toutes
autres déductions qui peut raisonnablement être considérée comme
applicable à cette source ou à ces sources; . . .
9. (1) Sous réserve des dispositions de la présente Partie, le revenu tiré
par un contribuable d'une entreprise ou d'un bien pour une année
d'imposition est le bénéfice qu'il en tire pour cette année.
20. (1) Nonobstant les dispositions des alinéas 18(1)a), b) et h), lors du
calcul du revenu tiré par un contribuable d'une entreprise ou d'un bien pour
une année d'imposition, peuvent être déduites celles des sommes suivantes
qui se rapportent entièrement à cette source de revenus ou la partie des
sommes suivantes qui peut raisonnablement être considérée comme s'y
rapportant:
a) la partie, si partie il y a, du coût en capital des biens supporté par le
contribuable ou le montant, si montant il y a, du coût en capital des biens,
supporté par le contribuable, que le règlement autorise;
85. . . .
(5.1) Lorsqu'une personne ou une société (appelée dans le présent
paragraphe le «contribuable») a disposé d'un bien amortissable quelconque
d'une catégorie prescrite qui lui appartenait en faveur d'un bénéficiaire d'un
transfert qui était
a) une corporation qui, immédiatement après la disposition, était contrôlée
directement ou indirectement, de quelque manière que ce soit, par le
contribuable, le conjoint du contribuable ou une personne, un groupe de
personnes ou une société qui contrôlait le contribuable directement ou
indirectement, de quelque manière que ce soit,
. . .
- 59 -
et que la juste valeur marchande du bien, à la date de la disposition, est
inférieure à la fois au coût du bien pour le contribuable et au montant
(appelé dans le présent paragraphe le «montant proportionnel») qui
représente la partie de la fraction non amortie du coût en capital pour le
contribuable, de tous les biens de cette catégorie, immédiatement avant la
disposition, représentée par le rapport entre la juste valeur marchande du
bien à la date de la disposition et la juste valeur marchande de tous les biens
de cette catégorie à la date de la disposition, les règles suivantes
s'appliquent:
. . .
e) le moins élevé du coût du bien pour le contribuable ou le montant
proportionnel à l'égard du bien est réputé être le produit que le
contribuable a tiré de la disposition du bien et le coût du bien pour le
bénéficiaire du transfert;
3. Les décisions des juridictions inférieures
A. La Section de première instance de la Cour fédérale, [1993] 1 C.F. 622
109
En première instance, Hickman Motors n'a assigné qu'un témoin, M. Brian
Grant, qui administre les finances de l'ensemble des sociétés Hickman. Le ministère
public n'a assigné aucun témoin.
110
Après avoir examiné la preuve relative aux opérations pertinentes, le juge
Joyal a conclu qu'Hickman Motors n'avait jamais eu l'intention d'élargir son entreprise
pour devenir concessionnaire de machinerie lourde. En fait, Hickman avait toujours
prévu détenir l'actif d'Equipment pendant seulement quelques jours avant d'en faire
ensuite le transfert à Equipment 85 (à la p. 632):
D'après la preuve, la demanderesse, un concessionnaire d'automobiles et de
camions General Motors, n'avait nullement l'intention d'agir comme
concessionnaire de machinerie lourde, la principale entreprise qu'avait
exploitée Equipment et celle qu'Equipment 85 devait acquérir.
- 60 -
111
Puisque Hickman Motors n'avait jamais eu l'intention d'agir comme
concessionnaire de machinerie lourde, le juge de première instance a examiné si la Loi
permettrait néanmoins une déduction pour amortissement pour la machinerie lourde en
question. Le juge Joyal a tout d'abord examiné le par. 20(1), intitulé «Déductions
admises lors du calcul des revenus d'une entreprise ou d'un bien». Il a tout
particulièrement fait remarquer que le par. 20(1) ne permet que les déductions qui se
rapportent entièrement ou en partie à la source en question.
112
Le juge Joyal a ensuite analysé l'al. 1102(1)c) du Règlement de l'impôt sur
le revenu, C.R.C., ch. 945. Cette disposition exclut de la définition des biens
amortissables les biens qui n'ont pas été acquis par le contribuable aux fins de gagner
ou de produire un revenu. De l'avis du juge de première instance (à la p. 632), cette
exclusion «s'accord[e] avec la disposition de l'article 20 relative à la source de revenu»
(souligné dans l'original).
113
Examinant le par. 20(1) au regard de l'al. 1102(1)c) du Règlement, le juge
Joyal a statué que, pour pouvoir demander une déduction pour amortissement à l'égard
de l'actif de machinerie lourde, Hickman Motors devait établir qu'elle a acquis ces biens
pour réaliser un bénéfice tiré d'une entreprise qu'elle exploitait.
114
À partir de la preuve, le juge Joyal a conclu qu'Hickman Motors n'avait pas
acquis les biens aux fins de produire un revenu tiré de son entreprise. Il a fait ressortir
deux facteurs: premièrement, le fait qu'Hickman Motors ne tirait qu'une petite partie
de ses revenus de la location et, deuxièmement, qu'elle n'avait conservé l'actif que
pendant cinq jours. Il a affirmé, à la p. 633, que la société «n'avait pas l'intention de
gagner un revenu de l'actif acquis à la suite de la liquidation et qu'elle n'avait fait
aucune démarche en ce sens». Il a donc déterminé que l'al. 1102(1)c) du Règlement et,
- 61 -
tout particulièrement, son exigence que le contribuable acquière le bien en question aux
fins de gagner ou de produire un revenu, a pour effet de rendre irrecevable la demande
de déduction pour amortissement d'Hickman Motors.
115
Avant de clore son analyse des al. 20(1)a) et 1102(1)c) du Règlement, le
juge Joyal a fait un dernier commentaire. Il a dit, à la p. 633: «Il me paraît évident que
le coût en capital de l'actif ne se rapporte pas au revenu que la demanderesse a tiré de
la vente d'automobiles et de services rendus aux automobilistes, c'est-à-dire l'entreprise
qu'elle exploitait pendant son année d'imposition 1984.»
116
Dans le reste de ses motifs, le juge de première instance examine si le
par. 88(1.1) de la Loi permet à Hickman Motors de demande r une déduction pour
amortissement sur l'actif. Le texte des al. 88(1.1)e) et 88(1)c) a amené le juge Joyal à
conclure que les dispositions en matière de transfert libre d'impôt s'appliquent seulement
lorsque la société mère utilise l'actif de la filiale dans son entreprise. Puisqu'il avait déjà
affirmé qu'Hickman Motors n'avait pas utilisé les biens amortissables d'Equipment dans
son entreprise de vente et de location de voitures, le juge de première instance a conclu
qu'Hickman Motors ne pouvait utiliser le transfert libre d'impôt prévu à l'art. 88 comme
un moyen de réclamer une déduction pour amortissement.
117
De l'avis du juge Joyal, autoriser la réclamation d'Hickman Motors
aboutirait à un manque de cohérence dans l'ensemble de la Loi. Il a précisé, à la p. 637:
Je conclus que les règles particulières énoncées au paragraphe 88(1.1),
relativement au transfert, libre d'impôt, de l'actif et du passif, peuvent
seulement être appliquées à la lumière des autres dispositions de la Loi que
j'ai citées. Toute autre solution engendrerait simplement un résultat factice
et créerait un déséquilibre ou un manque de cohérence dans l'application
des dispositions plus générales de la Loi, ce qui serait contraire à l'intention
du législateur.
- 62 -
118
En conclusion, le juge Joyal a affirmé qu'Hickman Motors ne pouvait
demander de déduction pour amortissement relativement à l'actif d'Equipment parce
qu'elle ne remplissait pas le «critère de l'objet commercial» que l'on retrouve au
par. 20(1) dans les dispositions relatives aux sources de revenu et à l'al. 1102(1)c) du
Règlement dans la définition des biens amortissables.
B. La Cour d'appel fédérale, 95 D.T.C. 5575
119
S'exprimant au nom de la Cour d'appel, le juge Hugessen a examiné, pour
finalement rejeter, l'argument d'Hickman Motors selon lequel le par. 88(1) crée un droit
de demander une déduction pour amortissement qui soit indépendante de l'al. 20(1)a).
Le juge a rejeté la demande de l'appelante fondamentalement parce que le par. 88(1) ne
contient aucune disposition qui impose au contribuable une obligation fiscale ou lui
accorde un allégement. Le juge Hugessen a affirmé, à la p. 5577: «En lui-même, ce
paragraphe ne crée aucun droit à une déduction quelconque.»
120
À son avis, le par. 88(1) ne fait qu'opérer un «transfert» du coût des biens
de la filiale liquidée à la société mère. Ni le fait que les biens amortissables de la filiale
soient devenus des biens que la société mère peut amortir ni le fait que la société mère
ait «hérité» de la fraction non amortie du coût en capital de la filiale ne permettent de
déterminer si la société mère peut demander une déduction pour amortissement sur les
biens en question.
121
Le juge Hugessen a précisé que le droit du contribuable de demander une
déduction pour amortissement ne découle que de l'al. 20(1)a). Cette disposition inclut
les règles plus détaillées formulées dans le Règlement, tout particulièrement son
al. 1102(1)c), qui restreint les catégories de biens amortissables à ceux que le
- 63 -
contribuable a acquis aux fins de gagner ou de produire un revenu. De l'avis de la Cour
d'appel, à la p. 5578, cette disposition du Règlement est «tout à fait compatible» avec
l'al. 18(1)a), qui restreint les déductions sur les revenus tirés d'une entreprise ou de biens
aux dépenses engagées aux fins de gagner ou de produire un revenu.
122
Le juge Hugessen a rejeté l'argument d'Hickman Motors selon lequel le
par. 1102(14) du Règlement a pour effet que l'actif de la filiale est réputé un bien
amortissable d'une catégorie prescrite lorsqu'il est en la possession de la société mère.
À son avis, cette disposition du Règlement n'a qu'un seul objet: empêcher l'acquéreur
de biens amortissables de transférer ces biens d'une catégorie à l'autre.
123
Par conséquent, le juge Hugessen a conclu que l'art. 88 ne créait pas au
profit d'Hickman Motors un droit indépendant à la déduction pour amortissement
relativement à l'actif qu'elle a acquis lors de la liquidation d'Equipment. Il a statué
qu'Hickman Motors n'a droit à une déduction pour amortissement que si elle respecte
les exigences habituelles énoncées dans la Loi et le Règlement.
124
Le juge Hugessen s'est donc demandé si Hickman Motors avait acquis les
biens aux fins de gagner ou de produire un revenu, comme l'exige l'al. 1102(1)c) du
Règlement. Il a d'abord examiné les motifs du juge de première instance qui avait
conclu qu'Hickman Motors n'avait fait «aucune démarche» en vue de gagner un revenu
tiré de l'actif en question. Reconnaissant qu'il devait faire preuve de retenue à l'égard
de cette conclusion de fait, il a néanmoins procédé à son propre examen de l'intention
d'Hickman Motors lorsqu'elle a acquis les biens amortissables d'Equipment.
125
Pour déterminer l'intention de la société, le juge Hugessen a appliqué une
version modifiée du critère formulée par le juge Dickson, plus tard Juge en chef, dans
- 64 -
l'arrêt Moldowan c. La Reine, [1978] 1 R.C.S. 480. Ce critère tient compte d'un certain
nombre de facteurs, notamment, l'état des profits et pertes pour les années antérieures,
la formation du contribuable et la voie sur laquelle il entend s'engager. Le juge
Hugessen a conclu, à la p. 5579, que ces critères «vont carrément à l'encontre» de la
prétention d'Hickman Motors et, à son avis, il n'existait aucun élément de preuve
susceptible d'«appuyer sa prétention». Tout particulièrement, la Cour d'appel a fait
remarquer que, depuis plusieurs années, Equipment avait subi des pertes considérables.
En outre, Hickman Motors n'exploitait pas et n'avait pas l'intention d'exploiter une
entreprise de location de machinerie lourde (le juge Hugessen, à la p. 5579):
. . . au moment où les biens d'«Equipment» ont été acquis par l'appelante,
celle-ci avait, de son propre aveu, l'intention de transférer ces biens à
«Equipment (1985)» dans un délai de cinq jours.
126
Outre la preuve tendant à indiquer qu'Hickman Motors n'avait jamais eu
l'intention de tirer un revenu de l'actif d'Equipment, il y avait aussi le fait qu'aucun
revenu tiré de ces biens n'avait été mentionné dans les livres comptables de la société
mère pour les années d'imposition 1984 ou 1985. Par conséquent, le juge Hugessen a
affirmé, à la p. 5579, que la conclusion du juge de première instance relativement à
l'intention d'Hickman Motors au moment de l'acquisition des biens en question était
«conforme aux principes de loi applicables et [était] solidement fondée sur la preuve».
127
Enfin, le juge Hugessen a rejeté le moyen subsidiaire soulevé par Hickman
Motors, selon lequel elle avait le droit de déduire une perte finale égale au plein montant
de la fraction non amortie du coût en capital des biens qu'elle a reçus d'Equipment.
- 65 -
4. La question en litige
128
À l'audience devant notre Cour, les parties n'ont débattu qu'une seule
question:
Le coût en capital des biens acquis à la suite de la liquidation d'Hickman
Equipment Ltd. se rapportait-il au revenu tiré de l'entreprise de l'appelante,
au sens de l'al. 20(1)a), dans son année d'imposition 1984?
5. Analyse
129
Je commencerai par examiner ce qui n'est pas en litige devant notre Cour.
Lors de sa plaidoirie, le substitut du procureur général a reconnu que, en application du
par. 88(1), lorsque Hickman Motors est devenue propriétaire de l'actif de machinerie
lourde de sa filiale, elle avait acquis des biens amortissables d'une catégorie prescrite.
Contrairement à ce qu'il avait fait valoir devant les tribunaux d'instance inférieure, le
ministère public ne s'est aucunement fondé sur le Règlement pour s'opposer à la
demande de l'appelante. Le différend est plutôt entièrement axé sur les termes liminaires
du par. 20(1) de la Loi, plus particulièrement sur la question de savoir si la déduction
pour amortissement en question se rapporte à une source de revenu tiré d'une entreprise.
130
Avant d'examiner les questions découlant du par. 20(1), je tiens à préciser
que je suis d'accord avec le juge L'Heureux-Dubé quant à l'effet du par. 88(1). Je suis
d'accord avec elle, avec la Cour d'appel fédérale, de même qu'avec la Section de
première instance pour affirmer que le par. 88(1) ne crée pas au profit d'un contribuable
un droit à la déduction pour amortissement. Dans le cas d'un transfert de biens entre
sociétés liées, le par. 88(1) permet un «transfert» à la fois du coût indiqué des biens et
de la fraction non amortie de leur coût en capital. Par conséquent, lorsque Hickman
- 66 -
Motors a acquis les biens amortissables d'Equipment, elle était réputée, en vertu du
par. 88(1), avoir «hérité» du coût indiqué et de la fraction non amortie du coût en
capital. Cependant, bien que le par. 88(1) fixe la fraction non amortie du coût en capital
du bien à un certain niveau, il n'accorde à la société mère aucun autre droit d'amortir le
bien. Je reprends et approuve les commentaires du juge Hugessen qui a affirmé que le
par. 88(1) en lui-même ne crée aucun droit à une déduction fiscale. Tout droit à une
déduction pour amortissement doit prendre sa source dans le par. 20(1) parce que, devant
notre Cour, les parties ont accepté de restreindre leurs observations respectives à l'effet
du par. 20(1) et de ne pas tenir compte des autres dispositions de la Loi et du Règlement
susceptibles d'entrer en jeu.
131
Le paragraphe 20(1), dans lequel est formulé le pouvoir explicite de
demander une déduction pour amortissement (l'al. 20(1)a)), prévoit:
Nonobstant les dispositions des alinéas 18(1)a), b) et h), lors du calcul du
revenu tiré par un contribuable d'une entreprise ou d'un bien pour une année
d'imposition, peuvent être déduites celles des sommes suivantes qui se
rapportent entièrement à cette source de revenus ou la partie des sommes
suivantes qui peut raisonnablement être considérée comme s'y rapportant
. . .
En l'espèce, l'appelante n'aura gain de cause que si la déduction pour amortissement en
question «se rapport[e] entièrement» à une source de revenu tiré d'une entreprise comme
l'exige le par. 20(1). Je précise «se rapport[e] entièrement» parce qu'il n'est pas
question dans le présent pourvoi de savoir si la déduction pour amortissement se
rapportait partiellement à une source de revenu tiré d'une entreprise.
132
Afin d'établir que la déduction pour amortissement en question se rapportait
entièrement à une source de revenu tiré d'une entreprise, l'appelante doit démontrer deux
choses: premièrement, elle doit identifier la source pertinente du revenu tiré de
- 67 -
l'entreprise, et deuxièmement, elle doit établir que la déduction pour amortissement se
rapporte entièrement à cette source particulière de revenu tiré d'une entreprise.
A. Identifier la source pertinente du revenu
133
C'est un truisme de dire que l'al. 3a) définit le revenu d'un contribuable
comme son revenu provenant de toutes les sources. Cette disposition énonce ensuite les
sources les plus fréquentes de revenu, à savoir entreprise, bien et charge ou emploi. En
règle générale, pour des fins fiscales, lorsqu'il calcule son revenu tiré d'une entreprise,
un contribuable ne peut regrouper les revenus et dépenses en provenance de toutes ses
entreprises. Le contribuable doit plutôt calculer séparément son revenu ou sa perte
provenant de chaque entreprise. Le contribuable obtient ainsi le chiffre qu'il doit ensuite
insérer dans la formule du calcul du revenu pour l'année d'imposition, établie à l'art. 3.
134
Cette exigence de considérer chaque entreprise comme une source distincte
découle du libellé des dispositions applicables. Par exemple, l'al. 3a) prévoit qu'un
contribuable doit déterminer son revenu «en calculant le total des sommes qui
constituent chacune le revenu du contribuable pour l'année [. . .] tiré de chaque charge,
emploi, entreprise et bien» (je souligne). De même, l'al. 4(1)a) prévoit:
. . . le revenu ou la perte d'un contribuable pour une année d'imposition
provenant d'une charge, d'un emploi, d'une entreprise, de biens ou d'une
autre source [. . .] signifie le revenu ou la perte [. . .] du contribuable,
calculée conformément à la présente loi, en supposant que ce contribuable
n'a eu, durant l'année d'imposition, aucun revenu ni perte, sauf ce qui
provenait de cette source . . . [Je souligne.]
- 68 -
Le paragraphe 9(1) renferme un texte similaire, de même que le par. 20(1), qui énumère
une liste des sommes qu'un contribuable peut déduire de son revenu tiré «d'une
entreprise ou d'un bien» (je souligne).
135
Cette nécessité de séparer le revenu d'entreprise suivant ses diverses «sous-
sources» a été examinée dans la doctrine et la jurisprudence. Dans son ouvrage intitulé
Canadian Income Taxation (4e éd. 1986), Edwin C. Harris affirme (à la p. 99):
[TRADUCTION] . . . la Loi prévoit que le revenu d'un contribuable pour une
année d'imposition est son revenu provenant de toutes les sources, y
compris, notamment, le revenu tiré de chaque charge ou emploi, chaque
entreprise et chaque bien. Son revenu provenant de chaque type de source
doit être calculé séparément. [Je souligne.]
Dans C.B.A. Engineering Ltd. c. M.R.N., [1971] C.T.C. 504 (C.F. 1re inst.), à la p. 511,
le juge Cattanach donne l'explication suivante: «Lorsqu'il existe plus d'une entreprise,
chacune constitue une source de revenu.» Voir également, Poulin c. La Reine, 94 D.T.C.
1667 (C.C.I.), aux pp. 1677 et 1678; Vincent c. Minister of National Revenue, [1965] 2
R.C. de l'É. 117, à la p. 125, et B. J. Arnold et autres, Materials on Canadian Income
Tax (10e éd. 1993), à la p. 189.
136
Cependant, de l'avis de ma collègue le juge L'Heureux-Dubé il n'est pas
certain qu'un contribuable doive calculer séparément le revenu qu'il tire de chaque
entreprise. Je ne puis être d'accord. En fait, je ne sais pas comment la Loi pourrait être
plus claire sur ce point. Comme je l'ai déjà signalé, l'art. 3 exige qu'un contribuable
calcule le revenu tiré de «chaque [. . .] entreprise». De même, le par. 9(1) renvoie au
revenu tiré par un contribuable d'«une entreprise».
- 69 -
137
Les tribunaux de l'impôt n'ont certainement fait preuve d'aucune confusion
à cet égard. Par exemple, le juge Garon de la Cour de l'impôt a dit dans Poulin, précité,
à la p. 1670:
On sait que la Loi de l'impôt sur le revenu exige le calcul du revenu en
fonction de chacune des sources de ce revenu. Voir, notamment les
articles 3 et 4 de la Loi de l'impôt sur le revenu. Ainsi, conformément à
cette dernière Loi, il faut, par exemple, procéder à un calcul distinct du
revenu de chaque entreprise. [Je souligne.]
138
L'exigence de calculer séparément le revenu tiré de chaque «sous-source»
est fondamentale pour la totalité du régime fiscal mis au point par le législateur.
Proposer autre chose, comme le fait ma collègue, c'est ignorer les termes clairs de la Loi.
139
Il ne suffit donc pas pour l'appelante de dire que la déduction pour
amortissement, demandée relativement à l'actif d'Equipement, se rapporte à un revenu
provenant d'une «entreprise». Elle doit plutôt établir que la déduction se rapporte à une
entreprise particulière. En l'espèce, les faits révèlent deux sources possibles de revenus
tirés d'une entreprise: premièrement, l'appelante exploitait indiscutablement une
entreprise de vente et de location d'automobiles et de camions; deuxièmement,
l'appelante estime avoir exploité pendant une courte période une entreprise de location
de machinerie lourde, exploitée auparavant par Equipement, sa filiale.
140
Parce que le ministère public conteste l'existence de cette seconde source
de revenu tiré d'une entreprise, j'examinerai maintenant si l'appelante possède une
seconde source de revenu tiré d'une entreprise -- soit un commerce de location de
machinerie lourde --, distincte du concessionnaire General Motors établi depuis
longtemps. À mon avis, la thèse de l'appelante relativement à l'existence d'une
deuxième entreprise échoue pour deux motifs. Premièrement, le juge de première
- 70 -
instance a tiré, à juste titre à mon avis, une conclusion de fait selon laquelle Hickman
Motors n'a pas continué à exploiter l'entreprise dirigée auparavant par Equipment. Cette
conclusion de fait mérite la retenue des tribunaux d'appel. Deuxièmement, à la lumière
de mon examen des faits en l'espèce, je souscris entièrement à la conclusion du juge de
première instance. Même si l'appelante était propriétaire de tout l'actif d'Equipement,
elle n'a pas utilisé cet actif dans une entreprise. J'examinerai maintenant chacun de ces
motifs.
141
Comme je l'ai déjà mentionné, le juge de première instance a statué
qu'Hickman Motors n'avait jamais eu l'intention d'exploiter l'entreprise de location
d'Equipment. Il a affirmé, à la p. 632:
D'après la preuve, la demanderesse, un concessionnaire d'automobiles et de
camions General Motors, n'avait nullement l'intention d'agir comme
concessionnaire de machinerie lourde, la principale entreprise qu'avait
exploitée Equipment et celle qu'Equipment 85 devait acquérir.
Même si elle a fait preuve de retenue envers les conclusions du juge de première
instance, la Cour d'appel fédérale a confirmé cette conclusion de fait. Ainsi, les cours
d'instance inférieure ont tiré des conclusions de fait concordantes sur cette question.
Tout récemment encore, notre Cour a répété sa répugnance à modifier ces conclusions
de fait concordantes en l'absence d'erreur manifeste ou d'erreur de droit fondamentale:
Boma Manufacturing Ltd. c. Banque Canadienne Impériale de Commerce, [1996] 3
R.C.S. 727, au par. 60.
142
En l'espèce, le juge de première instance n'a pas commis d'erreur de ce
genre. En fait, je suis pleinement d'accord avec le juge Joyal pour dire qu'Hickman
Motors n'a jamais exploité une entreprise de location de machinerie lourde. Pour arriver
- 71 -
à cette conclusion, le juge de première instance s'est fondé sur certains facteurs. Par
exemple, il a souligné le fait qu'Hickman Motors n'a été propriétaire de l'actif
d'Equipment que pendant une très courte période. Le juge Joyal a aussi fait remarquer
que, pour 1984, la société appelante avait eu un chiffre d'affaires de 75 millions de
dollars et que seulement une très infime fraction était attribuable à la location. Enfin, il
a fait remarquer que l'appelante était concessionnaire d'automobiles et de camions
General Motors et qu'elle n'avait pas l'intention d'élargir son entreprise pour faire la
location de machinerie lourde.
143
Dans une tentative de jeter le doute sur la conclusion du juge de première
instance, l'avocat de l'appelante a mis l'accent sur le fait que, pendant les cinq jours où
Hickman Motors a été propriétaire des biens en question, les contrats de location conclus
par Equipment étaient toujours en vigueur et continuaient de produire un revenu. Il a
soutenu que ces rentrées de fonds constituaient une bonne indication de l'existence d'une
entreprise en exploitation. Cependant, il n'existait en fait aucune preuve qu'Hickman
Motors ait réellement reçu la moindre partie de ce revenu. Les états financiers de la
société pour 1984 n'affichaient ni revenus ni dépenses à l'égard de l'actif d'Equipment.
À mon avis, s'il n'existe aucune preuve qu'il ait reçu quelque revenu, le contribuable ne
peut invoquer ce présumé revenu comme preuve qu'il a exploité une entreprise.
144
Par ailleurs, même en supposant qu'Hickman Motors ait tiré un revenu de
cet actif, il ne s'ensuit pas nécessairement, à des fins fiscales, qu'Hickman Motors a
gagné un revenu tiré d'une entreprise. Comme le fait remarquer le professeur Vern
Krishna dans The Fundamentals of Canadian Income Tax (5e éd. 1995), un revenu, par
exemple un loyer, peut être un revenu tiré d'un bien ou un revenu tiré d'une entreprise.
Il établit une distinction entre les deux types de revenu sur le fondement que le terme
«entreprise» comporte l'idée d'une certaine activité (à la p. 260):
- 72 -
[TRADUCTION] . . . «entreprise» renvoie à une activité économique,
industrielle, commerciale ou financière et nécessite davantage que la simple
propriété passive d'un bien. [En italique dans l'original.]
Dans la même veine, Harris, op. cit., affirme, à la p. 143:
[TRADUCTION] Le revenu passif tiré du simple fait de détenir un bien est
considéré comme un revenu tiré d'un bien et non comme un revenu tiré
d'une entreprise.
En outre, Peter W. Hogg et Joanne E. Magee disent dans Principles of Canadian Income
Tax Law (1995), à la p. 195:
[TRADUCTION] Un profit acquis sans effort systématique ne constitue pas un
revenu tiré d'une entreprise. Il peut constituer un revenu tiré d'un bien,
comme le loyer, l'intérêt ou les dividendes.
Sauf si le contribuable utilise réellement l'actif [TRADUCTION] «comme une partie d'un
ensemble qui regroupe travail et capital» (Krishna, op. cit., à la p. 276), un revenu tiré
de cet actif ne constitue pas un revenu tiré d'une entreprise, mais se classe plutôt dans la
catégorie des revenus tirés d'un bien. Puisque ce point n'a été soulevé ni devant nous ni
devant les tribunaux d'instance inférieure, je n'ai pas à examiner si l'appelante pourrait
demander une déduction pour amortissement sur le fondement qu'elle se rapportait à un
revenu tiré d'un bien.
145
En l'espèce, Hickman Motors n'a rien fait avec l'actif d'Equipment. Elle
est tout simplement devenue propriétaire du bien et, allègue-t-on, elle a passivement reçu
les revenus générés par les contrats de location encore en vigueur. Cette absence totale
d'activité contraste avec les mesures prises par Equipment 85 à la suite du transfert du
2 janvier 1985. Dès qu'Equipment 85 a acquis la propriété des biens, elle a tout de suite
conclu un nouveau contrat de concession avec son plus important fournisseur, John
- 73 -
Deere Ltd. Cette activité commerciale qui a immédiatement suivi l'acquisition par
Equipment 85 de l'actif de location d'Equipment rend encore plus évidente l'absence
totale de mesure de la part d'Hickman Motors pendant qu'elle en a été propriétaire.
146
Dans ses motifs, ma collègue le juge L'Heureux-Dubé est en désaccord avec
ma conclusion selon laquelle Hickman Motors n'a rien fait d'autre que de détenir
passivement l'actif d'Equipment. Se fondant sur certaines parties de la transcription du
procès, elle soutient au par. 43 qu'il y a «une preuve positive qu'Hickman Motors a
effectivement exercé des activités de vente et de location de machinerie» pendant la
période cruciale de cinq jours s'étendant entre le 28 décembre 1984 et le 2 janvier 1985.
Plus particulièrement, ma collègue souligne la déposition fournie en contre-interrogatoire
par le seul témoin, M. Brian Grant, selon laquelle Hickman Motors a accepté une
commande de location quelconque le 31 décembre 1984.
147
Le témoignage en question porte sur un lot de factures qui ont toutes été
envoyées avec en-tête d'Hickman Equipment. La plupart de ces factures avaient trait à
de la machinerie lourde qu'Hickman Equipment avait loué à divers clients dans les
semaines précédant sa liquidation. La dernière facture du lot a fait l'objet de questions
tant au cours de l'interrogatoire principal qu'en contre-interrogatoire. Au cours de
l'interrogatoire principal, M. Grant a dit que la dernière facture, pour la vente d'une
chargeuse-pelleteuse, était datée du 21 décembre 1984, sept jours avant la liquidation
d'Equipment. Cependant, l'examen de cette même facture en contre-interrogatoire a
quelque peu embrouillé les faits. En contre-interrogatoire, l'avocat a semblé indiquer
que cette même facture était datée non du 21 décembre, mais plutôt du 31 décembre
1984. M. Grant, contredisant apparemment ce qu'il avait dit plus tôt, a acquiescé.
- 74 -
148
Par conséquent, pour ce qui est de savoir si, le 31 décembre 1984, Hickman
Motors a fait parvenir quelque facture que ce soit relativement aux éléments d'actif
d'Equipment, il existe au dossier une preuve incompatible et contradictoire. À mon avis,
ce témoignage contradictoire ne fournit pas une preuve satisfaisante sur laquelle on peut
s'appuyer pour conclure que l'appelante a exercé le genre d'activité économique qui
constitue une entreprise aux fins de la Loi de l'impôt sur le revenu. Comme je n'ai
aucune preuve claire qu'Hickman Motors a fait autre chose que détenir passivement les
biens, je conviens avec le juge de première instance que l'appelante n'a pas exploité une
entreprise distincte de location de machinerie lourde.
149
Puisque j'ai établi que l'appelante n'avait qu'une seule source de revenu tiré
d'une entreprise, comme concessionnaire de longue date d'automobiles et de camions
General Motors, j'examinerai maintenant si la déduction pour amortissement demandé
«se rapport[e] entièrement à cette source» comme l'exige le par. 20(1).
B.
Est-ce que la déduction pour amortissement «se rapporte entièrement» à
l'entreprise de location et de vente d'automobiles General Motors de
l'appelante?
150
Dans ses motifs, le juge Joyal a conclu que l'appelante n'avait jamais utilisé
l'actif d'Equipment dans son entreprise. Il a dit, à la p. 633, qu'«il est difficile de voir
comment l'actif d'une franchise John Deere [. . .] ait pu être utilisé dans l'entreprise de
la demanderesse pour produire un revenu». Et il a ajouté, aux pp. 638 et 639, que «l'actif
en cause ne pouvait vraisemblablement pas être utilisé dans l'exploitation de l'entreprise
de la demanderesse». Je ne vois aucun motif de modifier cette conclusion puisqu'elle
s'appuie amplement sur la preuve présentée au procès.
- 75 -
151
Selon le témoin de l'appelante, Equipment s'occupait d'engins de chantier,
de matériel sylvicole, de matériel de forage et de grues, que l'avocat a qualifié d'actif
[TRADUCTION] «autre qu'automobile». Par contre, Hickman Motors était
concessionnaire d'automobiles et de camions. Seulement 30 000 $ des 5 220 000 $ de
l'actif de location de la société se classait dans la catégorie «autre qu'automobile». Selon
le témoin de l'appelante, Hickman Motors {oe}uvrait dans le secteur des automobiles,
alors qu'Equipment {oe}uvrait dans le secteur «autre qu'automobile». Tout comme le
juge de première instance j'estime qu'il est difficile, sinon impossible, de voir comment
l'appelante aurait pu utiliser des bulldozers, des chargeuses-pelleteuses et autre
équipement «autre qu'automobile» comme concessionnaire d'automobiles et de camions
General Motors.
152
Si l'appelante n'a pas utilisé l'actif d'Equipment comme concessionnaire
d'automobiles, je ne vois pas comment la déduction pour amortissement réclamée
relativement à cet actif pourrait «se rapport[er] entièrement» à cette source de revenu tiré
d'une entreprise. Par conséquent, à mon avis, l'appelante ne peut faire de déduction pour
amortissement relativement à l'actif d'Equipment contre son revenu de concessionnaire
de produits General Motors.
153
Je tiens à signaler qu'un rejet de la demande d'Hickman Motors en l'espèce
ne signifie pas que la déduction de 2 092 942 $ en question se trouve en quelque sorte
perdue à jamais pour les sociétés du groupe Hickman. Au contraire, si Equipment 85
satisfait aux exigences pertinentes de la Loi (qui sont énoncées au par. 20(1) et ailleurs
dans la Loi et le Règlement), elle peut réclamer la déduction pour amortissement qui a
été refusée à sa société mère.
- 76 -
154
De façon plus précise, lorsque l'actif d'Equipment a été transféré à
l'appelante en décembre 1984, le par. 88(1) a eu pour effet de faire un «transfert libre
d'impôt» de biens entre la filiale et la société mère. Par conséquent, Hickman Motors
est réputée avoir acquis les biens pour une somme égale à la fraction non amortie du coût
en capital de la filiale, en l'espèce 5 196 422 $. Ultérieurement, lorsque Hickman
Motors a vendu les biens à Equipment 85 en janvier 1985, le par. 85(5.1) a permis de
procéder à un autre transfert libre d'impôt et Equipment 85 a été réputée acquérir l'actif
pour la fraction non amortie du coût en capital de la société mère, soit 5 196 422 $. En
conséquence, pour Equipment 85, la fraction non amortie du coût en capital a la même
valeur qu'elle avait pour Equipment avant la liquidation. Pendant toute la réorganisation
de la société, la fraction non amortie du coût en capital est demeurée la même et aucune
déduction pour amortissement n'a été perdue. Ce point a été accepté par l'avocat du
ministre intimé.
155
J'aimerais ajouter un dernier commentaire. Comme le dit ma collègue le
juge L'Heureux-Dubé, en lui-même le par. 88(1) ne crée aucun droit de réclamer une
déduction pour amortissement. Ce paragraphe conserve certaines valeurs reliées à la
DPA, rien de plus. Elle écrit au par. 35:
. . . le par. 88(1) ne crée aucun droit pour la société mère, en l'espèce
l'appelante Hickman Motors, de demander une DPA pour les biens acquis
de la filiale Hickman Equipment. Si ce droit existe, il trouve son fondement
dans l'art. 20 LIR . . .
Je suis d'accord avec cette formulation du droit.
156
Cependant, ma collègue paraît s'éloigner quelque peu de cette position dans
la suite de ses motifs. En fait, elle s'en éloigne au point que ses motifs ont finalement
- 77 -
pour effet de transformer le par. 88(1) en une disposition qui accorde effectivement au
contribuable un droit substantiel à une déduction.
157
Comme le signale ma collègue, avant la liquidation du 28 décembre,
Equipment exploitait une entreprise. Il est également reconnu qu'Equipment avait droit
à une déduction pour amortissement sur les biens en question. Le 28 décembre,
Equipment a été liquidée. Tout son actif est revenu à la société mère, Hickman Motors,
qui a détenu l'actif pendant cinq jours, puis a effectué un autre transfert à une filiale
nouvellement constituée. La preuve n'établit pas qu'Hickman Motors ait fait quoi que
ce soit avec cet actif pendant cette période de cinq jours. De plus, et il est tout aussi
important que notre Cour le reconnaisse, la Section de première instance et la Section
d'appel de la Cour fédérale ont toutes deux tiré des conclusions concordantes à cet effet.
Comme je l'ai déjà dit, une jurisprudence abondante de notre Cour interdit de façon
générale que soient modifiées les conclusions de fait concordantes des cours d'instance
inférieure.
158
Si la société a tiré quelque revenu de l'actif, c'est de façon passive. Elle n'a
pas utilisé les biens dans le genre d'«activité économique, industrielle, commerciale ou
financière» qui permettrait de qualifier le revenu en résultant de revenu tiré d'une
entreprise. Ma collègue permettrait néanmoins à Hickman Motors de réclamer une
déduction pour amortissement applicable à un revenu tiré d'une entreprise. Le
raisonnement semble être le suivant: puisque l'actif a produit un revenu tiré d'une
entreprise lorsqu'il était en la possession de la filiale, et puisque la société mère a
exploité une entreprise, l'actif doit avoir continué de produire un revenu tiré d'une
entreprise lorsqu'il était en la possession de la société mère.
- 78 -
159
Je ne puis être d'accord. Le paragraphe 88(1) a pour seul effet de déplacer
les règles normalement applicables à l'aliénation de biens: il transforme le transfert
d'une filiale à une société mère en une opération libre d'impôt. Ce qu'il ne fait pas, c'est
fixer de façon immuable le caractère des biens transférés, non plus qu'il ne fixe la nature
du revenu produit par ces biens. Ainsi, il est possible que, bien qu'ils aient produit un
revenu tiré d'une entreprise lorsqu'ils étaient en la possession de la filiale Equipment 85,
les biens transférés aient produit un revenu tiré d'un bien lorsqu'ils étaient en la
possession de la société mère. Il est tout à fait possible qu'un contribuable qui exploite
une entreprise reçoive à la fois un revenu tiré d'une entreprise et un revenu tiré d'un
bien. Comme l'explique Harris, op. cit. (à la p. 159):
[TRADUCTION] Toutefois, lorsqu'un contribuable qui exploite une entreprise
est également propriétaire d'un bien non utilisé comme partie intégrante de
l'entreprise (par ex., des placements à long terme détenus par une entreprise
de fabrication), le revenu produit par ce bien sera considéré comme un
revenu tiré d'un bien, et non comme un revenu tiré d'une entreprise.
La nature du revenu produit par les biens peut donc changer à la suite d'un transfert libre
d'impôt effectué en vertu du par. 88(1). Les motifs de ma collègue ne semblent
cependant pas admettre cette possibilité.
160
En fait, ce que ma collègue a proposé, c'est un système par lequel, dès qu'un
transfert libre d'impôt est effectué en conformité avec le par. 88(1), la nature des biens
et, plus précisément, la nature du revenu produit par ces biens, est fixée à jamais. Dans
le cadre de son régime, une fois établi que l'actif a produit un revenu tiré d'une
entreprise lorsqu'il était en la possession de la filiale, il s'ensuit nécessairement que cet
actif produira aussi un revenu tiré d'une entreprise lorsqu'il est en la possession de la
société mère. En toute déférence, je ne suis pas d'accord avec cette interprétation de la
- 79 -
Loi. Rien dans le par. 88(1) ou dans le par. 20(1) ou dans quelque autre disposition
n'appuie une telle conclusion.
161
J'ai surtout dirigé mes commentaires vers les motifs du juge L'Heureux-
Dubé parce qu'ils sont plus spécifiques et plus détaillés. Cependant, ma collègue le juge
McLachlin adopte en substance une bonne partie du raisonnement du juge L'Heureux-
Dubé, et, dans cette mesure, en toute déférence, je ne suis pas d'accord avec ses motifs
non plus.
6. Conclusion
162
Pour tous les motifs qui précèdent, je suis d'avis de rejeter le présent pourvoi
avec dépens.
Pourvoi accueilli, les juges SOPINKA, CORY et IACOBUCCI sont dissidents.
Procureurs de l'appelante: Chalker, Green & Rowe, St. John's.
Procureur de l'intimée: Le procureur général du Canada, Ottawa.