C A N A D A Cour du Québec
Province de Québec (Chambre criminelle)
District de Beauce
No. 350-01-000454-949 VILLE DE ST-JOSEPH-DE-BEAUCE, le 25 juillet 1996
SOUS LA PRÉSIDENCE DE :
L'Honorable HUBERT COUTURE
Me Martin Chabot,
Avocat de la plaignante-intimée
Me Yves Provost,
Avocat de l'accusée-requérante
LA REINE,
Plaignante-INTIMÉE,
c.
LAURIE LAVALLÉE,
Accusée-REQUÉRANTE.
DÉCISION SUR REQUÊTE
POUR RETRAIT DE PLAIDOYER DE CULPABILITÉ
Le Tribunal statue sur une requête en vue du retrait d'un plaidoyer de culpabilité
enregistré devant lui le 25 mars 1996, à une accusation d'avoir frustré Mariette Pagé
Boily d'une somme de plus de 1 000,00 $ entre le 10 juillet 1992 et le ler janvier 1993, à St-Georges, district de Beauce, selon l'article 380 (1) (a) du Code criminel.
La requérante a alors bénéficié de la communication de la preuve.
Tout au long des procédures, elle est représentée par procureur. Me Daudelin débute et Me Massicotte poursuit: Tous deux sont répudiés. Me Corriveau prend la relève. La veille du procès, elle rencontre Me Corriveau à son bureau pour discuter de son dossier, en présence d'un témoin.
Le matin même du procès, Me Corriveau lui mentionne qu'elle doit enregistrer un plaidoyer de culpabilité sinon elle risque une peine d'emprisonnement de trois ans. Ainsi, assistée par son procureur, le 25 mars 1996 et en présence de tous les témoins, elle enregistre un plaidoyer de culpabilité à l'accusation portée contre elle. La sentence est reportée au 31 mai 1996.
Le 21 mai 1996, la requérante, assistée par un nouveau procureur, assermente une requête en changement de plaidoyer alléguant des pressions exercées à son endroit par Me Corriveau.
Elle allègue avoir toujours clamé son innocence: la transaction faisant l'objet de l'accusation étant de nature commerciale et non criminelle.
Lors de l'enregistrement de son plaidoyer de culpabilité, l'acte d'accusation lui est lu. Elle plaide coupable. Même si elle est assistée par un procureur chevronné, le Tribunal et le substitut du procureur général s'enquièrent de la compréhension de la requérante quant au déroulement des procédures et quant à son consentement à plaider coupable.
Dans l'esprit du Tribunal, à ce moment, la requérante a bien compris et le plaidoyer est reçu.
En 1993, la requérante enregistre un plaidoyer de culpabilité à une accusation de fraude.
Lors de l'audition de la présente requête, elle déclare ne pas être coupable de cette accusation, ayant fait l'objet de pressions de la part des policiers.
Elle répudie Me Daudelin et Me Massicotte car ils lui recommandent de plaider coupable à l'accusation portée devant le présent Tribunal.
Elle a déjà remboursé une somme de 12 700,00 $ à Madame Mariette Boily.
Un affidavit de Me Lawrence Corriveau est produit. Il allègue qu'il a judicieusement conseillé la requérante et n'a jamais exercé quelques pressions que ce soit sur cette dernière.
Un plaidoyer de culpabilité est un aveu formel de culpabilité et une renonciation aux droits d'exiger que la poursuite prouve hors de tout doute raisonnable les éléments essentiels de l'accusation.
Pour être valable, ce plaidoyer doit être volontaire, sans équivoque et éclairé. Il est présumé volontaire jusqu'à preuve du contraire.
La requérante doit donc prouver que son plaidoyer ne rencontre pas les qualités requises. Cette preuve est d'autant plus lourde qu'elle est, au moment du plaidoyer, représentée par un avocat de grande expérience.([1])
Retenons que le procureur de la requérante admet qu'il n'a rien à redire quant au déroulement de l'audience du 25 mars 1996. Ainsi, le plaidoyer de culpabilité a été enregistré sans équivoque. Il n'est ni mitigé, modifié ou incertain.
Le plaidoyer de culpabilité est également éclairé, la requérante étant avisée de la nature de l'accusation qui pèse contre elle.
Le plaidoyer de culpabilité, enregistré par la requérante, est-il volontaire?
Retenons ce qui suit.
La requérante connaît sûrement les conséquences d'un plaidoyer de culpabilité, puisqu'en 1993, elle plaide coupable à une accusation semblable.
Elle est une femme d'affaires avertie.
À plusieurs reprises, d'autres avocats lui conseillent d'enregistrer un plaidoyer de culpabilité.
Elle connaît la preuve.
Elle mentionne au président du Tribunal qu'elle comprend l'accusation portée contre elle, en plus, d'avouer avoir discuté avec son procureur de ce plaidoyer.
L'opinion de Me Corriveau à l'effet que la défense de la requérante ne serait pas crue ne peut, dans ces circonstances, constituer une contrainte selon l'affidavit de Me Corriveau. En fait, il s'agit d'un conseil judicieux puisqu'il corrobore l'opinion des procureurs précédents.
La situation présente diffère de l'arrêt Lamoureux.([1])
De plus, le témoignage de la requérante ne peut convaincre le Tribunal qu'elle a fait l'objet de pressions indues de la part de son procureur. Ses réponses et son attitude laissent le Tribunal songeur quant au sérieux d'une défense à l'encontre de l'accusation.
Le Tribunal endosse les propos de l'Honorable Juge Legg dans l'arrêt Read([1]) de la Cour d'Appel de la Colombie-Britannique, page 35:
There is no evidence to justify the conclusion that the appellant did not appreciate the nature of the charge or the effect of his plea or that his plea of guilty was not a voluntary one. A guilty plea entered in open court is presumed to be voluntary unless the contary is proven (R. v. R.T. (1992), 58, O.A.C., 81 (C.A.), at 84). Further, the appellant must establish that his plea was wrong and that it would be unjust to uphold the plea (R. v. Hughes (1987), 76 A.R. 294 (C.A.), at 296). Finally, the court must be satisfied on the evidence before it that the appelant has a defence which if proven could constitute a valid defence (R. v. Adgey, (1975) 2 S.C.R. 426; 13 C.C.C. (2d) 177, at 191 (C.C.C.)).
De ce qui précède, le Tribunal est convaincu que le plaidoyer de la requérante est volontaire.
Les droits constitutionnels de la requérante ont-ils été violés?
Le Tribunal ne voit, en l'instance, aucune violation des droits constitutionnels de la requérante:
– Assistance continuelle d'un avocat;
– Communication de la preuve effectuée;
– Absence d'allégation d'un délai déraisonnable.
D'ailleurs, pour le procureur de la requérante, il s'agit beaucoup plus d'une interrogation que d'une certitude.
De l'ensemble de la preuve, le Tribunal conclut que le plaidoyer de culpabilité enregistré par la requérante, le 25 mars 1996 est le résultat d'un libre choix exercé par une personne adéquatement conseillée.
En conséquence, la requête de la requérante est rejetée.
HUBERT COUTURE, J.C.Q,
([1]) Brosseau c. R. [1969] R.C.S. 181
([1]) Lamoureux c. R. 40 C.R. (3d) 369
([1]) R. c. Read, (1994) 76 W.A.C. 28
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