Brossard (Ville de) c. Bhaloo

2010 QCCA 5

COUR D’APPEL

 

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

GREFFE DE

 

MONTRÉAL

N° :

500-10-004431-092

(505-36-001274-085)

(C.M. Longueuil 08-06624)

 

DATE :

 LE 7 JANVIER 2010

 

CORAM :

LES HONORABLES

FRANÇOIS PELLETIER, J.C.A.

PIERRE J. DALPHOND, J.C.A.

YVES-MARIE MORISSETTE, J.C.A.

 

 

VILLE DE BROSSARD

APPELANTE – Appelante - Intervenante

c.

 

MOHAMED RAZA BHALOO

INTIMÉ – Intimé - Défendeur

et

VILLE DE LONGUEUIL

MISE EN CAUSE – Mise en cause - Poursuivante

 

 

ARRÊT

 

 

[1]           LA COUR; - Statuant sur la requête pour permission d’appeler d’un jugement rendu par la Cour supérieure du Québec, district de Longueuil, le 4 juin 2009 (l’honorable André Vincent) qui a rejeté un appel d’un jugement de la Cour municipale de Longueuil, rendu le 11 novembre 2008 (l’honorable Bruno Themens) concluant en la nullité du constat d’infraction pour erreur dans la désignation de la poursuivante;

[2]           Après avoir étudié le dossier, entendu les parties et délibéré;

[3]           Pour les motifs du juge Dalphond auxquels souscrivent les juges Pelletier et Morissette :

[4]           ACCUEILLE la requête pour permission d’appeler;

[5]           ACCUEILLE l’appel;

[6]           IINFIRME le jugement de la Cour supérieure et, procédant à rendre le jugement qui aurait dû être rendu : accueille l’appel de la Ville de Brossard, infirme le jugement de la Cour municipale de Longueuil rendu le 11 novembre 2008 et, vu l’engagement de la poursuivante de ne pas continuer les procédures en Cour municipale, prononce un arrêt des procédures.

[7]           Le tout sans frais.

 

 

 

 

FRANÇOIS PELLETIER, J.C.A.

 

 

 

 

 

PIERRE J. DALPHOND, J.C.A.

 

 

 

 

 

YVES-MARIE MORISSETTE, J.C.A.

 

Me Julien Tardif

Bélanger Sauvé

Avocat de l’appelante

 

M. Mohamed Raza Bhaloo (absent)

Personnellement

 

 

Me Daniel Gauthier (absent)

Procureur Chef (Cour municipale de Longueuil)

Avocat de la mise en cause

 

Date d’audience :

20 novembre 2009


 

 

MOTIFS DU JUGE DALPHOND

 

 

[8]           Ce pourvoi traite de la possibilité de corriger la description du poursuivant dans un constat d’infraction délivré sous le Code de procédure pénale, L.R.Q., c. C-25.1 (C.p.p.). Contrairement au juge de la Cour municipale de Longueuil, je suis d’avis qu’une erreur dans la description du poursuivant n’entraîne pas la nullité absolue du constat et peut être corrigée. La Cour supérieure aurait dû intervenir pour infirmer le jugement de la Cour municipale; il y a donc lieu d’accueillir le pourvoi.

LE CONTEXTE

 

[9]           L’agglomération de Longueuil regroupe les villes de Longueuil, Boucherville, Brossard, Saint-Bruno-de-Montarville et Saint-Lambert. La ville centre, Longueuil, comprend trois arrondissements : Greenfield Park, Saint-Hubert et Vieux-Longueuil. La ville centre fournit à l’ensemble de l’agglomération le service de police et une cour municipale.

[10]        À la première section du constat d’infraction standard utilisé dans l’agglomération, intitulée « Poursuivant », on retrouve le nom de toutes les villes de l’agglomération et même les trois arrondissements de Longueuil. Il revient au policier qui délivre le constat d’identifier le poursuivant en cochant le nom de la ville concernée.

[11]        Le 3 mai 2008, Mohamed Raza Bhaloo omet de faire un arrêt obligatoire au coin des rues Bienville et Milan à Brossard, contrevenant ainsi à l’art. 368 du Code de la sécurité routière, L.R.Q., c. C-24.2. Une voiture patrouille l’intercepte et un constat d’infraction lui est délivré par deux policiers de Longueuil. Sur ce constat, à la partie « Poursuivant », on a coché Ville de Longueuil, arrondissement Saint-Hubert, au lieu de Ville de Brossard. Par contre, à la section « Description de l’infraction », le lieu de sa commission est bien décrit :

Bienville/Milan à Brossard.

[12]        M. Bhaloo ayant omis d’acquitter le montant réclamé, il reçoit un avis du greffe de la Cour municipale de Longueuil le convoquant devant un juge le 28 octobre 2008. Le « Poursuivant » y est décrit comme la Ville de Longueuil.

[13]        Le 28 octobre 2008, le dossier se trouve devant le juge Themens. Sont présents, l’avocat de la Ville de Longueuil, de même que le défendeur, M. Bhaloo. D’entrée de jeu, le juge note l’erreur de désignation du poursuivant, ajoutant que Longueuil n’avait pas l’autorité pour poursuivre pour une infraction commise hors de son territoire. L’avocat de Longueuil demande alors une suspension afin d’appeler l’avocat de Brossard présent dans une autre des trois salles de la Cour municipale. Une fois ce dernier présent, l’audition du dossier reprend. L’avocat de Brossard demande d’amender la description du « Poursuivant », demande non contestée par M. Bhaloo qui souhaite procéder sur le fond. Après avoir mis en délibéré la demande de l’avocat de Brossard, le juge entend la preuve et les représentations relatives à l’infraction, dont celles de M. Bhaloo et de Brossard. Le dossier est ensuite mis en délibéré.

[14]        Par jugement rendu le 11 novembre 2008, le juge municipal rejette la demande de Brossard et déclare nul le constat d’infraction :

[5] La situation est semblable dans le présent cas, sauf que cette fois-ci, la procureure de la Ville de Brossard s’est présentée en salle de cour à la demande du procureur de la Ville de Longueuil et a présenté une demande d’amendement afin que le nom de la Ville de Longueuil, à titre de poursuivante, soit remplacé par celui de la Ville de Brossard.

[6] Même si l’article 184 du Code de procédure pénale accorde une grande latitude pour modifier un constat d’infraction afin d’y corriger un vice, le Tribunal ne voit pas comment il pourrait faire droit à la demande de la Ville de Brossard.

[7] On ne peut pas, même par amendement, régulariser une procédure nulle ab initio comme mentionné ci-devant. Tout au plus, la Ville de Brossard pourra-t-elle émettre un constat d’infraction contre le défendeur si la prescription n’est pas encore acquise (article 185).

(je souligne)

[15]        Brossard se pourvoit devant la Cour supérieure. Le juge Vincent rejette séance tenante l’appel de Brossard au motif que cette dernière ne se qualifie pas au sens de l’art. 268 C.p.p. puisque le juge municipal avait refusé l’amendement demandé par Longueuil « afin d’y substituer comme poursuivante, la Ville de Brossard ». Cette dernière ne pouvait donc être considérée comme le poursuivant au sens de l’art. 268 C.p.p.

[16]        Brossard s’est tournée ensuite vers la Cour. Sa requête pour permission d’appeler a été déférée à notre formation, d’où le présent jugement.

LES DISPOSITIONS STATUTAIRES PERTINENTES

 

[17]        Les articles suivants du C.p.p. sont pertinents en l’espèce :

9. Peuvent être poursuivants :

 1° le Procureur général;

 1.1° le directeur des poursuites criminelles et pénales;

 2° le poursuivant désigné en vertu d'une autre loi que le présent code, dans la mesure prévue par cette loi;

 3° la personne qu'un juge autorise à intenter une poursuite.

144. Toute poursuite pénale est intentée au moyen d'un constat d'infraction.

146. Le constat d'infraction est réputé fait sous serment et il comporte notamment les mentions suivantes :

 1° les nom et adresse du poursuivant;

 2° les nom et adresse du défendeur ou, dans le cas d'une infraction relative au stationnement, la description et l'immatriculation du véhicule;

 3° le district judiciaire où la poursuite est intentée;

 4° la date de signification du constat s'il est remis lors de la perpétration de l'infraction; s'il est remis après la perpétration de l'infraction, cette date peut être ajoutée sur le constat par l'agent de la paix, le huissier ou la personne qui a effectué la signification; si la signification est faite au moyen de la poste, le constat réfère au document qui indique cette date; si le constat est dressé électroniquement ou numérisé, la date de signification est en outre indiquée sur un document qui est joint électroniquement au constat;

 4.1° la date d'interruption de prescription si elle est différente de la date de signification du constat;

 5° la description de l'infraction;

 6° l'obligation du défendeur de consigner un plaidoyer de non-culpabilité ou un plaidoyer de culpabilité;

 7° le droit du défendeur de présenter une demande préliminaire;

 8° la peine minimale prévue par le législateur pour une première infraction à la disposition législative enfreinte par le défendeur;

 9° l'indication de l'endroit où faire parvenir le plaidoyer et, le cas échéant, le montant de l'amende, des frais et de la contribution prévue à l'article 8.1 ainsi que la date limite pour le faire.

Outre les mentions indiquées au premier alinéa, le constat relatif à une infraction visée à la section II du chapitre VI doit, lorsque l'infraction a été constatée personnellement par un agent de la paix ou par une personne chargée de l'application de la loi, comporter une mise en garde au défendeur. La mise en garde indique notamment au défendeur qu'à défaut de transmettre un plaidoyer ou de verser la totalité ou une partie du montant de l'amende et de frais réclamé, dans les 30 jours de la signification du constat, il sera réputé ne pas contester la poursuite et pourra être déclaré coupable de l'infraction reprochée en son absence et sans avoir l'occasion de se faire entendre.

150. Le constat d'infraction peut comporter plusieurs infractions, mais chacune doit être décrite dans un chef d'accusation distinct.

156. Toute poursuite pénale débute au moment de la signification d'un constat d'infraction.

180. Sur demande d'une partie, le juge doit, aux conditions qu'il détermine, permettre de modifier un constat d'infraction pour y préciser un détail ou y corriger une irrégularité qui ne vise pas le chef d'accusation.

184. À la demande du défendeur, le juge ordonne le rejet d'un chef d'accusation s'il est convaincu que :

 1° le défendeur a déjà été acquitté ou déclaré coupable de l'infraction décrite au constat d'infraction ou a été en péril d'être déclaré coupable pour cette infraction;

 2° l'infraction est prescrite;

 3° le défendeur bénéficie d'une immunité de poursuite;

 4° la personne mentionnée sur le constat d'infraction comme étant autorisée à délivrer le constat au nom du poursuivant n'était pas autorisée par celui-ci;

 5° le poursuivant n'a pas autorité pour intenter la poursuite;

 6° un chef d'accusation, auquel ne s'applique pas l'exception prévue à l'article 155, comporte plus d'une infraction;

 7° le chef d'accusation ne correspond à aucune infraction créée par une loi en vigueur au moment où se sont produits les faits décrits dans ce chef;

 8° la disposition qui crée l'infraction est soit inapplicable constitutionnellement, soit invalide ou inopérante, y compris en regard de la Charte canadienne des droits et libertés (Partie I de l'annexe B de la Loi sur le Canada, chapitre 11 du recueil des lois du Parlement du Royaume-Uni pour l'année 1982) ou de la Charte des droits et libertés de la personne (chapitre C-12) (L.R.Q., c. C-12).

Toutefois, lorsqu'une modification au constat d'infraction peut corriger le vice dont l'existence a été établie, le juge, plutôt que d'ordonner le rejet, permet, aux conditions qu'il détermine et s'il est convaincu qu'il n'en résultera aucune injustice, que le poursuivant apporte cette modification. Cependant, le juge ne peut permettre de substituer un défendeur à un autre ou une infraction à une autre.

185. Le rejet d'un chef d'accusation pour les motifs visés aux paragraphes 4° et 5° du premier alinéa de l'article 184 n'empêche pas le poursuivant qui a l'autorité pour poursuivre d'intenter une nouvelle poursuite pour la même infraction, pourvu que celle-ci ne soit pas prescrite.

268. Le défendeur, le poursuivant ainsi que le Procureur général ou le Directeur des poursuites criminelles et pénales, même s'il n'était pas partie à l'instance, peuvent interjeter appel d'un jugement rendu en première instance.

[18]        Il y a lieu aussi de mentionner l’art. 597 du Code de la sécurité routière, L.R.Q., c. C-24.2 (C.s.r.) :

597. Une poursuite pénale pour une infraction à une disposition du présent code peut être intentée par une municipalité lorsque l'infraction est commise sur son territoire.

[...]

(je souligne)

LES MOYENS DES PARTIES

 

[19]        Brossard soumet que le juge municipal aurait dû permettre l’amendement demandé par elle, appuyé d’ailleurs par Longueuil, en vertu de l’art. 184 C.p.p., puisque cela ne causait aucune injustice au défendeur qui, en l’espèce, n’avait pas soulevé le vice, ne s’opposait pas à l’amendement et voulait procéder sur le fond. Elle fait aussi valoir que le juge de la Cour supérieure a erré en omettant de reconnaître que juridiquement elle était la seule partie qui pouvait se qualifier de poursuivante au sens de l’art. 268 C.p.p.

[20]        M. Bhaloo n’était pas présent devant nous, ni ne l’était devant la Cour supérieure. De plus, Brossard a indiqué que même si elle avait gain de cause, elle ne demanderait pas une condamnation contre M. Bhaloo. Si elle se pourvoit, c’est pour contrer les effets futurs potentiellement sérieux du jugement de la Cour municipale.

L’ANALYSE

 

[21]        Il ressort des dispositions du Code de procédure pénale qu’il faut distinguer entre un constat d’infraction et un chef d’accusation. Le constat d’infraction est la procédure introductive d’instance (art. 156 C.p.p.). Ce document doit contenir toutes les informations exigées par l’art. 146 C.p.p., dont le nom du poursuivant, les coordonnées du défendeur, la description de l’infraction, la peine réclamée, l’attestation du constat des faits résumés plus haut, de même que l’attestation de la signification du constat au défendeur. Bien entendu, le constat peut contenir plusieurs chefs d’infractions (art. 150 C.p.p.).

[22]        En l’espèce, le constat d’infraction décrit clairement le seul chef d’accusation et le lieu de la commission de l’infraction, soit à Brossard. Il s’ensuit que, juridiquement, Brossard est la seule ville qualifiée pour agir comme « Poursuivant » (art. 9 C.p.p. et art. 597 C.s.r.).

[23]        Brossard est donc la seule ville qui correspond au « Poursuivant » au sens de l’art. 268 C.p.p. De plus, elle était présente devant le juge municipal où elle a demandé une correction de l’en-tête du constat[1] et où elle a présenté la preuve de l’infraction. Elle pouvait donc appeler du jugement de la Cour municipale refusant sa demande de modification de la description du poursuivant.

[24]        Subsidiairement, si j’avais conclu en l’absence pour Brossard du statut de poursuivant et, par voie de conséquence, d’un droit d’appel, cette dernière, qui avait fait l’objet d’un jugement défavorable rendu par la Cour municipale, aurait pu en attaquer la légalité devant la Cour supérieure en vertu de son pouvoir inhérent de surveillance et de contrôle des tribunaux inférieurs, dont la Cour municipale, reconnue d’ailleurs à l’art. 265 C.p.p. :

 

265. Les articles 834 à 858 et 861 du Code de procédure civile (chapitre C-25) s'appliquent aux jugements et décisions rendus en vertu du présent code.

Toutefois aucun des recours prévus à ces articles ne peut être exercé si un appel du jugement ou de la décision est ou était possible de plein droit ou sur permission.

 

[25]        Ceci exposé, il y a lieu maintenant de statuer sur le recours de Brossard en lieu et place de la Cour supérieure qui a omis de le faire. En l’espèce, il est manifeste que la description technique du poursuivant est erronée puisque le policier a coché la case correspondant à la Ville de Longueuil, arrondissement Saint-Hubert, alors qu’il devait cocher la case correspondant à Ville de Brossard. Une erreur de description du poursuivant a été commise par le policier qui a rédigé le constat, erreur reprise par le greffe de la Cour municipale lors de la confection du rôle d’audience et de l’envoi de l’avis de convocation où est décrit le poursuivant comme Longueuil.

[26]        Une telle erreur peut-elle être corrigée en vertu du Code de procédure pénale? Une réponse positive s’impose en vertu de l’art. 184 C.p.p. ou, subsidiairement, de l’art. 180 C.p.p.

[27]        Commentant l’art. 146 C.p.p., les auteurs Létourneau et Robert, Code de procédure pénale du Québec annoté, 8e éd., Wilson & Lafleur, 2009, écrivent quant à l’identité du poursuivant :

Toute poursuite pénale ne peut être intentée que par un poursuivant reconnu en vertu de l’art. 9 C.p.p. L’absence d’autorité du poursuivant pour inculper le défendeur d’une infraction particulière entraîne le rejet du chef d’accusation au terme de l’art. 184(5) C.p.p.

La nécessité d’identifier le poursuivant dans le document d’inculpation constitue un changement par rapport au droit antérieur. La Loi sur les poursuites sommaires n’exigeait pas formellement ce détail dans la dénonciation. Les tribunaux qui ont eu à se prononcer sur cette question ont mentionné l’absence d’obligation législative en ce sens et ont surtout insisté sur le fait que la question essentielle réside plutôt dans l’existence même de l’intérêt ou de l’autorité du poursuivant que dans sa désignation technique.

[...]

Aucune irrégularité dans la désignation du poursuivant n’est fatale. Elle doit, sur demande, être corrigée en vertu de l’art. 180 C.p.p. pourvu que le poursuivant ait autorité pour intenter la poursuite (art. 184). Lorsque l’irrégularité alléguée à l’égard du constat d’infraction a trait à l’autorité même du poursuivant plutôt qu’à l’absence ou à l’insuffisance de sa désignation, c’est l’art. 184 qui s’applique plutôt que l’art. 180 et la modification n’est possible que s’il n’en résultera aucune injustice (art. 184 in fine). Dans ce cas, l’irrégularité vise plus le chef d’accusation, pour utiliser les termes de l’art. 180, que le constat lui-même; le poursuivant n’a pas autorité pour reprocher au défendeur l’infraction qu’il lui reproche et par conséquent lui imputer ce chef d’accusation.

Ainsi, dans Farnham (Ville de) c. Charron, la Cour d’appel a refusé de rejeter l’appel alors que le Procureur général eût dû être désigné comme poursuivant plutôt que la Ville de Farnham au motif que les deux parties s’étaient méprises quant à l’identité du poursuivant et aucun préjudice n’avait résulté de cette méprise.

(je souligne)

[28]        Le juge municipal a retenu, proprio motu et non à la demande du défendeur, que Longueuil n’avait pas l’autorité pour agir au sens de l’art. 184(5) C.p.p. Cela est effectivement le cas puisque l’infraction a été commise hors de son territoire, à Brossard. Il demeure qu’après la suspension, Brossard, la seule entité pouvant poursuivre, était présente devant lui et a demandé une modification afin de corriger l’erreur dans l’en-tête du constat. Saisi d’une telle demande, le juge municipal devait déterminer, en vertu du deuxième paragraphe de l’art. 184 C.p.p., si le rejet du chef d’accusation était la sanction appropriée plutôt qu’une modification au constat. En l’espèce, le défendeur ne s’opposait pas à la modification demandée et voulait procéder sur le fond. Un exercice non abusif de la discrétion judiciaire commandait alors de permettre la modification.

[29]        Subsidiairement, l’art. 180 C.p.p. permet de modifier un constat d’infraction pour y corriger une irrégularité qui ne vise pas le chef d’accusation. C’est le cas en l’espèce puisque la modification demandée par Brossard vise à corriger une irrégularité dans la description technique du poursuivant pour la rendre conforme à la réalité juridique quant à celui qui pouvait poursuivre.

[30]        Commentant l’art. 180 C.p.p., les auteurs Létourneau et Robert, précités, écrivent :

Les irrégularités visées par cette demande de modification ne sont pas essentielles et n’affectent pas la validité même de l’accusation.

[...]

Par cette demande préliminaire, le Code rompt définitivement avec tout formalisme procédural.

Clairement, le juge de la Cour municipale a fait fi de ce principe.

[31]        En conclusion, que l’on considère la demande d’amendement de Brossard au constat afin de dissiper l’erreur technique dans la désignation du poursuivant sous l’art. 180 C.p.p. ou sous l’art. 184 C.p.p., l’amendement devait être permis.

LA CONCLUSION

 

[32]        Pour ces motifs, je propose d’accueillir la requête pour permission d’appeler, d’accueillir l’appel, d’infirmer le jugement de la Cour supérieure et, procédant à rendre le jugement qui aurait dû être rendu : d’accueillir l’appel de la Ville de Brossard, d’infirmer le jugement de la Cour municipale de Longueuil rendu le 11 novembre 2008 et, vu l’engagement de la poursuivante de ne pas continuer les procédures en cour municipale, de prononcer un arrêt des procédures, le tout sans frais.

 

 

 

PIERRE J. DALPHOND, J.C.A.

 



[1]     Le juge de la Cour supérieure retient erronément que le débat est relatif à une demande de substitution de parties présentée par Longueuil (voir les extraits du jugement de première instance cités précédemment).