COUR D'APPEL
PROVINCE DE QUÉBEC
GREFFE DE MONTRÉAL
No: 500‑10‑000038‑925
(500‑36‑000360‑910)
(39‑3473)
CORAM: LES HONORABLES BEAUREGARD
PROULX
FISH, JJ.C.A.
LES TERRASSES ST-SULPICE INC.,
APPELANTE
c.
SA MAJESTÉ LA REINE,
INTIMÉE
OPINION DU JUGE PROULX
L'appelant se pourvoit contre un jugement de la Cour supérieure qui a accueilli en partie son appel de la sentence rendue en Cour municipale de Montréal relativement à une poursuite en vertu de la Loi sur les infractions en matière de boissons alcooliques (L.I.M.B.A.). Le juge de la Cour supérieure avait en effet réduit l'amende de 1 500$ fixée en Cour municipale à un montant de 1 150$, se fondant sur l'article 109 (L.I.M.B.A.). L'appelant, conformément à l'article 291 du Code de procédure pénale du Québec, conclut à l'illégalité de l'amende fixée en Cour supérieure en invoquant deux moyens de droit:
1) l'absence de compétence de la Cour municipale de Montréal pour instruire la poursuite intentée contre l'appelant;
2) l'illégalité de l'amende fixée par le juge de la Cour supérieure.
1 - L'absence de compétence
L'appelant n'a pas invoqué ce moyen en Cour municipale ni en Cour supérieure. Il plaide qu'en raison de changements législatifs, le juge de la Cour municipale de Montréal n'avait pas compétence pour instruire le procès qui s'est tenu le 22 mai 1991.
À mon avis, ce moyen est mal fondé. La poursuite fut entreprise contre l'appelant devant la Cour municipale de la ville de Montréal le 24 août 1989. À cette date, il ne fait pas de doute, par l'interprétation des dispositions législatives alors en vigueur, que le juge de la Cour municipale avait compétence pour instruire le procès. Toutefois, note l'appelant, au moment où le procès s'est tenu, soit le 22 mai 1991, l'article 131 (L.I.M.B.A.) attributif de compétence était abrogé depuis le 1er octobre 1990. À cette date cependant, entrait en vigueur le Code de procédure pénale qui, aux termes des articles 378 et suivants, prévoit des dispositions transitoires qui permettent de donner plein effet aux procédures déjà entreprises.
Il y a lieu de reproduire ici les articles 378 et 383 du Code de procédure pénale:
378. Tous les actes commencés avant la date d'entrée en vigueur du présent article et qui étaient conformes à une disposition modifiée, remplacée ou abrogée par la Loi modifiant diverses dispositions législatives concernant l'application du Code de procédure pénale sont continués, sauf disposition particulière d'une loi, conformément au présent code, à moins qu'il ne soit impossible de les accomplir ainsi, auquel cas ils sont continués suivant leur disposition habilitante si elle est compatible avec le présent code.
383. Les demandes présentées et les poursuites instruites en première instance sont continuées conformément aux dispositions correspondantes du présent code, sauf disposition particulière d'une loi.
Comme le suggère l'intimée, l'abrogation de l'article 131 (L.I.M.B.A.) n'a pas eu pour effet de «retirer» la compétence de la Cour municipale en cette matière: le juge de la Cour municipale de Montréal, par l'effet du Code de procédure pénale du Québec et particulièrement l'article 383, conservait le jour du procès la compétence qui lui était attribuée au moment où la poursuite fut intentée, soit le 24 août 1989. Je n'ai donc pas à trancher la question de la compétence d'un juge de la Cour municipale de Montréal pour instruire une telle poursuite entreprise depuis l'adoption du Code de procédure pénale.
2- L'illégalité de l'amende
L'infraction reprochée à l'appelante le fut en vertu de l'article 109(6) (L.I.M.B.A.) qui concerne l'exploitation d'un permis dans un endroit où l'on avait toléré la présence d'un nombre de personnes dépassant celui qui est déterminé par la Régie. Au moment où la plainte fut portée, l'article 109 prévoyait la peine suivante:
«... est passible, en outre des frais, pour une première infraction, d'une amende d'au moins 125$ et d'au plus 350$ et, pour une deuxième infraction, d'une amende de 575$ à 1 150$, et pour une infraction subséquente, d'une amende de 1 150$ à 2 300$.
Toujours à cette époque où la plainte fut portée, l'article 123 (L.I.M.B.A.) ajoutait ce qui suit relativement à la récidive dont le texte précédent fait état (m.i. pp. 5-6):
123. Si, dans les douze mois suivant la date à laquelle une première infraction a été commise, le contrevenant se rend coupable d'une deuxième infraction, après que la poursuite de la première infraction lui a été signifiée ou après qu'une saisie a été pratiquée contre lui en raison de cette première infraction, cette nouvelle infraction constitue une deuxième infraction au sens de la présente loi et le tribunal qui en est saisi doit la punir comme telle, pourvu qu'une condamnation ait été prononcée en raison de la première infraction.
Par ailleurs, si, dans les douze mois suivant la date à laquelle une infraction autre qu'une première infraction a été commise, le contrevenant se rend coupable d'une nouvelle infraction, dans les mêmes circonstances que celles visées au premier alinéa, cette nouvelle infraction constitue une infraction subséquente au sens de la présente loi et le tribunal qui en est saisi doit la punir comme telle, pourvu qu'une condamnation ait été prononcée en raison de l'infraction précédente.
Une infraction est considérée comme première infraction au sens de la présente loi lorsqu'aucune condamnation n'a été prononcée contre le contrevenant en raison d'une infraction commise dans les douze mois précédant l'accomplissement de cette infraction.
Pour qu'une infraction soit considérée comme deuxième ou subséquente, il n'est pas nécessaire qu'elle viole la même disposition que violait l'infraction précédente.
La production d'un jugement antérieur condamnant le prévenu fait présumer que l'infraction qu'on lui reproche est une deuxième infraction ou une infraction subséquente si le nom du prévenu et le numéro de son permis sont ceux qui apparaissent au jugement antérieur.
Le 1er octobre 1990, comme je l'ai souligné antérieurement, est entré en vigueur le Code de procédure pénale. À cette date, l'article 123 ci-haut reproduit a été abrogé et fut alors introduit dans le Code de procédure pénale l'article 236 qui stipule ce qui suit quant à la récidive:
236. (Récidive) Lorsqu'une loi prévoit une peine plus forte en cas de récidive, elle ne peut être imposée que si la récidive a eu lieu dans les deux ans de la déclaration de culpabilité du défendeur pour une infraction à la même disposition que celle pour laquelle la peine plus forte est réclamée.
Cette disposition change considérablement le droit antérieur quant à la récidive. Procédant à la comparaison avec l'ancien article 123 (L.I.M.B.A.), l'on constate deux apports majeurs, soit que maintenant (1) la récidive s'entend non plus de deux infractions distinctes mais de deux infractions à la même disposition et (2) une limite de temps de deux ans de la récidive est exigée pour réclamer une peine plus forte en cas de récidive.
Lorsque la peine fut imposée à l'appelante, soit le 26 mai 1991, l'article 123 (L.I.M.B.A.) était donc abrogé depuis le 1er octobre 1990. L'article 109 (L.I.M.B.A.) qui prévoit spécifiquement la peine fut amendé en même temps que fut abrogé l'article 123 (L.I.M.B.A) et que fut introduit l'article 236 C.p.p., pour se lire comme suit:
L'article 109 de cette loi est modifié par le remplacement des cinq dernières lignes par les suivantes:
«commet une infraction et est passible d'une amende de 125$ à 350$ et, en cas de récidive, d'une amende de 575$ à 1 150$ et, pour toute récidive additionnelle, d'une amende de 1 150$ à 2 300$».
Ces précisions étant apportées, j'en viens à l'exposé de la question de droit que soulève l'appelant: la peine plus forte que réclame le poursuivant en raison de la récidive est-elle régie par les dispositions en vigueur au moment où l'infraction a été commise ou au moment où la peine a été prononcée? Comme je l'ai démontré ci-haut, l'effet combiné des articles 109 (L.I.M.B.A.) et de l'article 236 C.p.p. alors en vigueur au moment où la peine fut imposée permet de réclamer une peine plus forte, mais si les deux conditions énoncées à l'article 236 C.p.p. sont remplies, à savoir qu'il doit s'agir de deux infractions à la même disposition et de la limite de temps de deux ans.
Or, en l'espèce, le juge de la Cour supérieure a statué que selon la preuve régulièrement admise, la seule infraction précédente prouvée est celle de la cause du 1er novembre 1988 et qui ne constitue pas une infraction «à la même disposition» (déféré sommaire, p. 5):
«Selon la preuve régulièrement admise, la seule infraction précédente prouvée est celle de la cause du 1er novembre 1988, qui traitait d'une infraction à l'article 112 par. 9 commise le 1er août 1988, et non à l'article 109(6) qui est le fondement de la présente cause»
Cette Cour est liée par cette conclusion du juge de la Cour supérieure. Dès lors, de conclure l'appelant qui invoque en sa faveur l'article 236 C.p.p., l'une des conditions qui permet de réclamer une peine plus forte en cas de récidive n'est pas rencontrée, à savoir, qu'il doit s'agir de deux infractions distinctes et donc on ne pouvait lui opposer une peine plus forte.
Je conviens avec l'appelant que si l'article 236 C.p.p. s'appliquait au moment de l'imposition de la peine, qu'une peine plus forte en cas de récidive ne pouvait pas être retenue puisque l'infraction antérieure qu'on lui oppose comme récidive est distincte de la présente.
L'intimée, pour sa part, plaide ce qui suit (notes int. p. 8):
L'abrogation de l'article 123 de la Loi sur les infractions en matière de boissons alcooliques (L.I.M.B.A.) n'équivaut pas à une modification de la peine. La peine prévue à l'article 109 est la même avant et après le 1er octobre 1990. L'adoption de l'article 236 C.p.p. modifie plutôt la façon dont on peut prouver une récidive à la Loi sur les infractions en matière de boissons alcooliques (L.I.M.B.A.). On ne peut interpréter cette modification comme obligeant la poursuite à procéder à partir du 1er octobre 1990 en vertu de l'article 236 C.p.p. puisque ce serait donner un effet rétroactif à celle-ci. Or, il est bien connu qu'une loi de procédure n'a pas d'effet rétroactif.
Quant au juge de la Cour supérieure, il n'a pas fait mention de l'article 236 C.p.p. Tout en constatant l'abrogation de l'article 123 (L.I.M.B.A.), il a néanmoins appliqué l'article 109 indépendamment de toute autre disposition qui traite de la récidive: En d'autres termes, il n'a ni appliqué l'article 123 abrogé ni l'article 236 C.p.p. Ayant néanmoins conclu à la preuve d'une première récidive, il estima que devait être imposée la sentence maximale prévue à l'article 109, soit une amende de 1 150$: comme la sentence imposée en Cour municipale fut de 1 500$, il accueillit donc l'appel pour réduire l'amende de 1 500$ à 1 150$.
Analyse
Pour les motifs qui vont suivre, j'en suis venu à la conclusion que l'appelant a raison de soutenir qu'au moment du prononcé de la peine l'article 236 C.p.p. s'appliquait et qu'en conséquence le juge de la Cour supérieure ne pouvait pas imposer une peine «plus forte».
Deux motifs m'amènent à cette conclusion, soit un qui est fondé sur une simple analyse des dispositions législatives et l'autre, qui s'appuie sur la règle qui consiste à faire bénéficier une personne de tout adoucissement législatif à l'égard de la peine, règle qui est consacrée par le paragraphe 11 i) de la Charte canadienne des droits et libertés et l'article 37.2 de la Charte des droits et libertés de la personne.
Comme je l'ai indiqué ci-haut, au moment où la plainte fut portée, l'infraction reprochée l'était en vertu du paragraphe 109(6) (L.I.M.B.A.). Le dernier paragraphe de l'article 109 stipulait ce qui suit quant à la peine:
109. ... commet une infraction à la présente loi est passible, en outre des frais, pour une première infraction, d'une amende d'au moins 125$ et d'au plus 350$ et, pour une deuxième infraction, d'une amende de 575$ à 1 150$, et pour une infraction subséquente, d'une amende de 1 150$ à 2 300$.
L'article 123 (L.I.M.B.A.) qui était alors en vigueur complétait cette disposition en précisant à quelles conditions une peine plus forte pouvait être imposée pour une seconde infraction ou plus.
Lors de l'introduction du Code de procédure pénale, le dernier paragraphe de l'article 109 a été modifié pour se lire ainsi:
«commet une infraction et est passible d'une amende de 125$ à 350$ et, en cas de récidive, d'une amende de 575$ à 1 150$ et, pour toute récidive additionnelle, d'une amende de 1 150$ à 2 300$.»
À noter que dorénavant, le mot «récidive» est utilisé par le législateur. Or, l'article 236 C.p.p. qui constitue maintenant la disposition générale en ce qui a trait à la récidive contient précisément le mot «récidive», ce qui démontre la concordance entre cette disposition et le dernier paragraphe modifié de l'article 109. L'article 236 C.p.p. supplée au vide créé par l'abrogation de l'article 123 (L.I.M.B.A.) et il me semble que, par la mise en place de ces dispositions, l'intention du législateur, lors de l'introduction du Code de procédure pénale, était de régir dès lors la question de la récidive par la jonction de l'article 236 C.p.p. et de la disposition législative pertinente, (ici le dernier paragraphe de l'article 109 (L.I.M.B.A.)). Il me paraît évident que ces dispositions s'appliquent dès leur mise en vigueur, au lieu des dispositions abrogées. Pour cette raison, j'estime que lors du prononcé de la sentence le juge, en appliquant pour la fixation de la peine le dernier paragraphe de l'article 109 tel que modifié, devait se référer à l'article 236 C.p.p. Or, comme je l'ai exposé antérieurement, la récidive n'ayant pas eu lieu pour une infraction «à la même disposition», comme le prévoit l'article 236 C.p.p., la «peine plus forte» en cas de récidive ne pouvait pas être imposée.
La question peut aussi être résolue sous l'angle constitutionnel. Le paragraphe 11 i) de la Charte canadienne énonce que:
Art. 11 Tout inculpé a le droit:
i) de bénéficier de la peine la moins sévère, lorsque la peine qui sanctionne l'infraction dont il est déclaré coupable est modifiée entre le moment de la perpétration de l'infraction et celui de la sentence.
L'article 37.2 de la Charte québécoise reprend le même principe:
37.2 [Peine moins sévère] Un accusé a le droit à la peine la moins sévère lorsque la peine prévue pour l'infraction a été modifiée entre la perpétration de l'infraction et le prononcé de la sentence.
D'un point de vue constitutionnel, l'appelante a donc droit à la peine la moins sévère en vigueur au moment du prononcé de la sentence. L'intimée ne conteste évidemment pas cette proposition mais soutient que la peine en vigueur n'a pas changé: Le dernier paragraphe de l'article 109 (L.I.M.B.A.) prévoit la récidive, l'article 123 (L.I.M.B.A.) bien qu'abrogé continuerait de recevoir son application, l'adoption de l'article 236 C.p.p. «modifie plutôt la façon dont on peut prouver une récidive» et ne constitue pas un changement législatif dans la détermination de la peine.
À mon avis, le texte même de l'article 236 C.p.p. oblige l'interprète à conclure que cette disposition est liée à la détermination de la peine en ce qu'elle établit les conditions d'application d'une peine «plus forte en cas de récidive». Il y est en effet bien indiqué que «lorsqu'une loi prévoit une peine plus forte en cas de récidive, elle (cette peine) ne peut être imposée» que si les conditions déjà énumérées sont satisfaites. Le dernier paragraphe de l'article 109 (L.I.M.B.A.) qui prévoit la peine escalatoire en cas de récidive et en fixe le montant ne peut donc être appliqué par le juge, dans le cas de la peine escalatoire, qu'en lui conjuguant l'article 236 C.p.p.
Indépendamment du principe que les lois de procédure ont un effet immédiat, je suis d'avis qu'en l'espèce, il serait difficile de concilier la garantie constitutionnelle qui favorise l'adoucissement de la peine avec l'interprétation que suggère l'intimée de l'article 236 C.p.p.: quant à moi, si une peine plus forte peut être imposée en cas de récidive et que le législateur ajoute de nouvelles conditions pour imposer une peine «plus forte», l'adoucissement de la peine qui résulte des nouvelles dispositions doit bénéficier à la personne inculpée.
En conséquence, et pour tous les motifs que j'ai exprimés, une peine plus forte ne pouvait pas ici être imposée vu que la seule infraction antérieure prouvée, selon le juge de la Cour supérieure, en est une qui portait sur une autre disposition, ce qui est une des conditions exigées pour le recours à la récidive selon l'article 236 C.p.p. Considérant maintenant le tout comme une première infraction, j'estime que si le juge de la Cour supérieure a cru opportun d'imposer la sentence maximale pour une première récidive, en plus du fait qu'il était établi qu'il ne s'agissait pas d'une première infraction, l'amende maximale de 350$ serait justifiée dans les circonstances. Contrairement à l'ancien article 109 qui prévoyait l'amende pour une «première infraction», le nouvel article 109 ne limite pas l'amende sans récidive au cas d'une «première infraction» (voir le texte, supra).
Je proposerais ainsi d'accueillir le pourvoi, de réduire la peine au montant de 350$, les frais en Cour supérieure et devant cette Cour devant être supportés par l'intimée.
MICHEL PROULX, J.C.A.
COUR D'APPEL
PROVINCE DE QUÉBEC
GREFFE DE MONTRÉAL
No: 500‑10‑000038‑925
(500‑36‑000360‑910)
(39‑3473)
Le 11 novembre 1992.
CORAM: LES HONORABLES BEAUREGARD
PROULX
FISH, JJ.C.A.
LES TERRASSES ST-SULPICE INC.,
APPELANTE
c.
SA MAJESTÉ LA REINE,
INTIMÉE
LA COUR;- Statuant sur le pourvoi de l'appelante contre un jugement de la Cour supérieure, district de Montréal, rendu par l'Honorable juge John R. Hannan le 17 janvier 1992, accueillant en partie un appel contre la sentence rendue par la Cour municipale de Montréal relativement à une poursuite en vertu de la Loi sur les infractions en matière de boissons alcooliques (L.I.M.B.A.) et réduisant à 1 150$ l'amende de 1 500$ fixée par la Cour municipale;
Après étude du dossier, audition et délibéré;
Pour les motifs exprimés dans l'opinion écrite de M. le juge Michel Proulx, déposée avec le présent arrêt, auxquels souscrit M. le juge Morris J. Fish;
ACCUEILLE le pourvoi;
RÉDUIT la peine au montant de 350$, les frais en Cour supérieure et devant cette Cour devant être supportés par l'intimée.
Monsieur le juge Marc Beauregard, dont l'opinion écrite est également déposée avec le présent arrêt, aurait accueilli le pourvoi et annulé la sentence qui fait l'objet du pourvoi.
MARC BEAUREGARD, J.C.A.
MICHEL PROULX, J.C.A.
MORRIS J. FISH, J.C.A.
Me Auguste Choquette, pour l'appelante
Me Yves Briand, pour l'intimée
Substitut du Procureur général
AUDITION: 6 mai 1992.
COUR D'APPEL
PROVINCE DE QUÉBEC
GREFFE DE MONTRÉAL
No: 500‑10‑000038‑925
(500‑36‑000360‑910)
CORAM: LES HONORABLES BEAUREGARD
PROULX
FISH, JJ.C.A.
LES TERRASSES ST-SULPICE INC.,
APPELANTE
c.
SA MAJESTÉ LA REINE,
INTIMÉE
OPINION DU JUGE BEAUREGARD
Je ne partage pas l'opinion des juges Proulx et Fish.
L'art. 1 du Code de procédure pénale du Québec dispose que le C.p.p. trouve application lors de toutes les poursuites pénales intentées à partir d'une loi québécoise.
Par ailleurs, dans le Québec, les tribunaux d'instance qui s'occupent des poursuites pénales sont, sauf exceptions, la Cour du Québec, les cours municipales et les juges de paix.
Le C.p.p. trouve donc application et devant la Cour du Québec et devant les cours municipales et devant les juges de paix.
C'est ce que confirme l'art. 3 du C.p.p.:
Les pouvoirs conférés et les devoirs imposés à un juge en vertu du présent code sont exercés par la Cour du Québec ou une cour municipale,... ou par un juge de paix,...
Mais l'art. 3 n'est pas attributif de compétence judiciaire puisque le texte complet de l'art. 3 est le suivant:
Les pouvoirs conférés et les devoirs imposés à un juge en vertu du présent code sont exercés par la Cour du Québec ou une cour municipale, dans les limites de leur compétence respective prévues par la loi, ou par un juge de paix, dans les limites prévues par la loi et par son acte de nomination.
Ainsi, relativement aux cours municipales, il faut interpréter l'art. 3 comme s'il disposait:
Si, par la loi, une cour municipale est compétente pour statuer sur une poursuite pénale donnée, elle exerce, relativement à cette poursuite pénale, les pouvoirs conférés et les devoirs imposés par le C.p.p. au juge dont il est question dans le C.p.p.
En l'espèce aucune loi ne confère à la Cour municipale de Montréal compétence pour statuer sur une poursuite pénale fondée sur la Loi sur les infractions en matière de boissons alcooliques.
En conséquence, à l'égard d'une telle poursuite, la Cour municipale de Montréal n'exerce pas les pouvoirs conférés et les devoirs imposés au juge par le C.p.p.
C'était donc la Cour du Québec qui avait compétence pour statuer sur la plainte du présent dossier puisque la Loi sur les tribunaux judiciaires confère à la Cour du Québec compétence pour statuer sur les poursuites pénales intentées en vertu de toutes les lois du Québec.
Il n'est pas inutile de signaler qu'autrefois l'art. 131 de la Loi sur les infractions en matière de boissons alcooliques conférait à la Cour municipale de Montréal compétence pour statuer sur une poursuite pénale intentée en vertu de cette loi. Mais cet art. 131 a été abrogé avec l'entrée en vigueur du C.p.p.
Il n'est pas inutile non plus de signaler que, si la Cour municipale de Montréal a compétence pour statuer sur une poursuite pénale intentée en vertu du Code de la sécurité routière, c'est parce que l'art. 598 de ce code lui confère expressément cette compétence.
Je ne trouve rien dans le C.p.p. (j'ai lu les art. 378 et 383) ni dans aucune autre loi qui permettait à la Cour municipale de Montréal de continuer à siéger malgré l'abrogation de l'art. 131 de la Loi sur les infractions en matière de boissons alcooliques, laquelle abrogation rendait incompétente en la matière la Cour municipale de Montréal. L'art. 383 ne dispose pas que les poursuites pendantes sont réglées suivant les lois antérieures; au contraire l'article mentionne expressément que les poursuites sont continuées suivant le droit nouveau.
En conséquence je propose d'accueillir le pourvoi et d'annuler la sentence qui fait l'objet du pourvoi.
MARC BEAUREGARD, J.C.A.