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C A N A D A Province de Québec Greffe de Montréal
No: 500‑09‑001006‑881
(500‑05‑000516‑870)
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Cour d'appel
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Le 14 février 1989
CORAM : Juges Dubé, Jacques et Cliche (ad hoc)
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Gerling Global, Cie d'assurance générale
c.
Sanguinet Express Inc.
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LA COUR, statuant sur le pourvoi des appelantes contre un jugement interlocutoire de la Cour supérieure rendu par l'honorable juge Lesyk dans le district judiciaire de Montréal, accueillant une requête pour production de documents et ordonnant aux appelantes de donner aux intimées communication des rapports des experts en sinistre.
Après étude du dossier, audition et délibéré;
Par les motifs exposés à l'opinion écrite de monsieur le juge Dubé, et déposée avec le présent jugement, et auxquels souscrivent messieurs les juges Jacques et Cliche.
Accueille l'appel et rejette la requête pour production de documents.
Le tout avec dépens dans les deux instances.JJ.C.A. ad hoc
OPINION DU JUGE DUBE
A la suite d'une réclamation en dommages, les appelantes, qui étaient défenderesses en garantie, se pourvoient en appel contre un jugement interlocutoire de la Cour supérieure rendu par l'honorable juge Lesyk dans le district judiciaire de Montréal, accueillant une requête pour production de documents et ordonnant aux appelantes de donner aux intimées communication des rapports des experts en sinistre.
Les motifs du jugement n'apparaissent pas au dossier sauf qu'aux pages 67 jusqu'aux pages 70 de l'annexe produites au dossier, on peut deviner la pensée du juge: en effet, au cours de la discussion intervenue entre le juge de première instance et les procureurs, on déduit que le juge a décidé de permettre la production des rapports des ajusteurs principalement pour le motif que ces rapports étaient destinés à la compagnie d'assurance et non pas principalement aux avocats.
Le juge de première instance dit appuyer sa décision sur le jugement de la Cour d'appel dans Fédéral Insurance Co. c. Cité de LaSalle (C.A. no 500-09-00l676-832, rapporté: J.E. 85-504), où la Cour a permis la production du rapport d'enquête qu'un employé de la cité avait préparé pour le Cité de Laval: dans ce jugement, à la page 2, le juge McCarthy explique clairement pourquoi il permet ainsi la production de rapports lesquels sont habituellement considérés comme confidentiels:
Avec déférence, je ne suis pas d'accord. Rien n'indique que le rapport fut préparé principalement en vue d'être communiqué aux procureurs de la Cité et c'est là le critère du caractère privilégié de telle communication. Que le rapport ait été destiné à "un cercle très restreint de personnes" n'en fait pas une communica tion privilégiée, comme le prétendent les intimées.(2) (2) JE 85-504)
Le juge McCarthy ajoute plus loin: "En l'espèce, le rapport fut préparé principalement, voire exclusivement, pour les fins de l'enquête à être menée par la Cité."
Dans ses notes, le juge McCarthy réfère à une cause antérieure de notre Cour d'appel soit La Prévoyance Cie d'Assurance c. Construction du Fleuve Ltée (1982 C.A. 532) o/u il cite les remarques suivantes du Juge Nolan dont l'opinion fut partagée par les juges Turgeon et Bélanger:
"what the Court has to decide sooner or later is whether the documents which Tériault was ordered to bring to Court are privileged. It is Respondent's contention that because Thériault's report was prepared for La prévoyance compagnie d'assurance and not for its lawyers it is not a privileged document. The record shows, however, that a copy of Thériault's report is in the possession of the lawyers who are defending the present action on Appelant's behalf, furnished to them, undouhtedly, for that purpose. In such circumstances, the prevailing jurisprudence of this province is to the effect that documents like those under consideration are privileged: Pacific Mutual Insurance Co. of New York c. Butters, (1873) 17 L.C.J., 309; Knapp c. City of London Insurance Co., (l985) 29 L.C.J., 233; Montreal Street Railway Co. c. Feigleman. (1913) 22 B.R., 102. In light of this jurisprudence, I consider the documents in question to be privileged.
Dans Fédéral Insurance Co. c. Cité de LaSalle, il faut aussi retenir que le rapport dont on voulait la production avait été rédigé à l'intention de la Ville-intimée par un employé de celle-ci dans l'exécution de ses fonctions; de plus, il appert des faits de la cause que l'employé de la Ville en question était un témoin personnel du sinistre.
Il y a une grande différence entre ce genre de rapport et, comme dans le présent cas, le rapport qu'une compagnie d'assurance demande a des experts qui feront une enquête personnelle concernant un sinistre et feront un rapport, lequel sera soumis à la compagnie d'assurance mais principalement aux avocats de la dite compagnie afin qu'elle puisse être en mesure d'aviser la compagnie d'assurance.
Il faut aussi, je crois distinguer de la présente cause, le Sous-Ministre du Revenu c. Dame Maria Fava (1984) C.A. p. 639) où les juges Kaufman, Rothman et madame le juge L'Heureux-Dubé ont décidé qu'un rapport de vérification préparé à l'intention du Sous-Ministre du Revenu concernant la cotisation d'impôt de l'intimée n'était pas un rapport privilégié et devait être produit: le juge Rothman avec l'appui de ses deux autres collègues explique comme suit la distinction: "There is no doubt that a report prepared by a party for the use of his counsel in a lawsuit that is pending or anticipated is protected by professional privilege and its disclosure connot be compelled. This is equally true whether the report is prepared by the party direcly and remitted to his counsel or whether it is requested by an agent or employee of the party from another agent or employee and later remitted to counsel. The Prévoyance case and the Feigleman case (supra) are clear authority for the proposition that it is the purpose of the report that determines its privileged character and not the identity of the person who requests it But that general principle does not solve the problem here. The audit report in the present case was not prepared solely for the purpose of briefing the Minister's attoneys with a view to pending or anticipated litigation. Nor do I believe that this was its predominant purpose. The primary purpose of the audit report was to determine the taxable income of the taxpayer for the years in question and to enable the Minister decide whether or not to re-assess tax on her income for those years. The primary purpose, then was to enable the Minister to carry out his duty under Section 1010 of the Act: 1010. 1. Le ministre peut, en tout temps, déterminer l'impôt, les intérêts et les pénalités en vertu de la présente partie, ou donner avis par écrit à tout contribuable qui a produit une déclaration fiscale pour une année d'imposition à l'effet qu'aucun impôt n'est payable pour cette année d'imposition. 2. Le ministre peut aussi déterminer de nouveau l'impôt, les intérêts et les pénalités en vertu de la présente partie et faire une nouvelle cotisation ou établir une cotisation supplémentaire, selon le cas..
This, of course, may not be the only purpose of the report. Where an appeal from the re-assessment does ensue, the report may be remitted to the Minister's attorneys for use in the litigation, but that, in my view, is not the purpose for its preparation nor its prodeminant purpose."
A mon avis, il y a une grande différence entre les relations du Sous-Ministre du Revenu qui réclame de l'impôt à un contribuable et les relations entre un individu qui réclame paiement d'une compagnie d'assurance; le rapport de l'employé du Ministère des Finances sera purement un rapport technique tandis que les rapports d'un ajusteur d'assurance peuvent contenir plusieurs rapports confidentiels sur la valeur morale d'un ou de plusieurs individus, sur des soupçons plus ou moins fondés dont les avocats doivent analyser la valeur pour guider leurs clientes.
Avec respect pour l'opinion du premier juge, je crois que dans le présent cas, il n'y avait aucun motif de s'écarter de la jurisprudence générale concernant les rapports d'ajusteurs d'assurance et de suivre comme il l'a fait la jurisprudence particulière établie pour "Fédéral Insurance" dans un cas tout à fait différent du présent.
En conséquence, j'accueillerais l'appel et rejetterais la requête pour production de documents. Le tout avec dépens dans les deux instances.J.C.A.
INSTANCE-ANTÉRIEURE
(C.S. Montréal 500-05-000516-879)
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