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C A N A D A Province de Québec Greffe de Montréal
No: 500‑10‑000154‑854
(500‑36‑000162‑852)
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Cour d'appel
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Le 08 octobre 1987
CORAM : MM. les juges Kaufman, Beauregard et Tyndale
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LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA
c.
ADRIEN DUBOIS
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La Cour, saisie du pourvoi de l'appelant contre un jugement rendu par l'Honorable juge Claire Barette-Joncas,j.c.s. (Montréal, le 26 mars 1985) refusant d'accorder les brefs de certiorari et prohibition demandés.
Après étude du dossier, audition et délibéré;
Pour les motifs exprimés à l'opinion écrite de Monsieur le juge William S. Tyndale, déposée avec le présent arrêt, à laquelle souscrivent ses collègues Messieurs les juges Fred Kaufman et Marc Beauregard;
Rejette l'appel.
OPINION OF TYNDALE, J.A.
This appeal concerns the conflict between the rule that the police may keep secret the identity of informers (1) and the right of an accused to make full answer and defence (2). The rule concerning informers is of public order, and is subject to exception only if identification is required to demonstrate the innocence of an accused at trial.
-(1) Bisaillon c. Keable, 1983 2 SCR 60
(2) Cr.C. 577
1. Trial Court
During his trial on charges relating to the importation and possession of hashish, Appellant's attorney made known that one ground of defence was that the police were attempting a frame-up. On 7 March 1985 in course of his cross-examination of Sergeant-Detective Amyot, the last of many witnesses for the Crown in chief and one of the leaders of the police investigation and prosecution, the conflict arose.
Two years before, in March 1983, Amyot had testified before Mr. Justice Greenberg, at the hearing of an application for bail by the present Respondent in a different case, as follows:
Q. Est-ce qu'il y a eu certaines enquêtes ou certaines ou certains faits qui ont été constatés soit par votre service ou soit par d'autres services policiers relativement aux transactions ou au trafic dont vous parlez dans votre témoignage ?
R. Oui, Votre Honneur. Le 29 juillet 1980 nous avons intercepté une conversation téléphonique de Adrien Dubois à Jacques Gabay à son domicile.
Par la Cour
Q. La date encore était au juste ?
R. Le 29 juillet 1980. Il lui demandait de venir le retourver, qu'il voulait le rencontrer de se rendre près du restaurant Pastificio à Ville Lasalle. Cette même journée nous avions notre section surveillance qui contrôlait les allées et venues de Jacques Gabay. Immédiatement après son téléphone il s'est rendu au restaurant Pastificio à Ville Lasalle. Sur les lieux il a rencontré Claude Lapointe, Marcel Ruel et après quelques minutes ils se sont rendus au domicile de Adrien Dubois, au 2316 rue Ménard. Ils sont arrivés sur les lieux à vingt et une heures et une (21hOl). Ils ont quitté les lieux à vingt et une heures et trois (21h03) les quatre individus ensemble, à savoir, Ruel, Lapointe, Gabay et Adrien Dubois. Dans une seule automobile se sont rendus dans le milieu des affaires, soit dans les environs quadrilatères des rues William, McGill, St-Paul. À cet endroit ils faisaient le guet et vérifiaient, tentaient de déceler s'ils étaient suivis. Sur les lieux ils ont rencontré un individu dans une petite auto, l'enquête révèle c'était un dénommé Yvon Boileau. Ils lui ont remis ce qui semble être un trousseau de clés. Boileau a quitté les lieux. Mais à cause que les individus dans l'auto d'Adrien Dubois se surveillaient et tentaient de déceler la filature, notre filature a arrêté la surveillance pour pas être opérée. (sic)
In the present case, before Judge Céline Pelletier sitting as a judge alone, Respondent's attorney was questionning Amyot about that previous testimony, especially the last part about Boileau and the bunch of keys. Extracts:
Q. Alors, deuxièmement, quel policier vous a parlé de la remise d'un trousseau de clefs Monsieur Amyot, lequel ?
R. Aucun policier.
Q. Alors Monsieur Amyot, d'après vous là, c'est Yvon Boileau qui était là, Claude Lapointe, Adrien Dubois, Marcel Ruel, Jacques Gabay et puis deux (2) policiers; ça ce sont les personnes qui, physiquement, étaient présentes, d'accord Monsieur... ?
R. C'est exact.
Q. Alors est-ce que la personne qui vous aurait fait cette affirmation est une des personnes que j'ai mentionnées ?
R. Je ne peux pas répondre, Votre Honneur, à cette question-là, ça pourrait dévoiler une source d'information, c'est un humain.
Mr. Maranda tried another tack; he asked whether, between July 1980 and March 1983, Amyot had spoken to Lapointe, and it was obvious that he intended to proceed by elimination; the witness, after consulting the Crown attorney, persisted in his refusal to answer, and the Crown objected to such questions on the same ground of privilege.
What happened next is well summarized in Appellant's factum:
À la reprise de l'audience le lendemain, le savant juge du procès rejeta l'objection de la Couronne et en conséquence ordonna au témoin de divulger certains renseignements sous réserve du nom de l'informateur. Le juge permit à la défense de contre-interroger le témoin uniquement en relation avec les personnes qui étaient présentes à l'endroit où la présumée remise du trousseau de clés aurait eu lieu;
En précisant sa pensée, le juge indiqua que le contre-interrogatoire restreint pourrait inclure des questions dans lesquelles on demanderait par exemple si le témoin a rencontré Monsieur Lapointe entre le 29 juillet 1980 et le 30 mars 1981; la même question pourrait lui être posée en regard de Monsieur Ruel; on pourrait également lui demander si Monsieur Ruel lui a fait des confidences relativement à cette affaire;
Le juge du procès indiqua de plus que les questions posées par la défense qui auraient comme résultat d'éliminer comme potentiels informateurs les personnes suivantes savoir Messieurs Dubois, Boileau, Lapointe, Gabay et Ruel ne pouvaient pas faire révéler l'identité de l'informateur de police. Tout en restreignant les limites du contre-interogatoire sur ce sujet, le juge du procès a néanmoins rejeté l'objection de la Couronne qui demandait que cesse cette ligne d'interrogatoire;
Lors du procès, aucun témoin de la poursuite n'avait fait mention de la remise d'un trousseau de clés dans les circonstances décrites à l'enquête sur remise en liberté tenue devant la juge Greenberg le 30 mars 1983;
Suite à cette décision, la Couronne demanda respectueusement à la Cour de suspendre l'audience pour permettre à la Couronne d'entamer les recours extraordinaires de certiorari et de prohibition dont appel.
The trial judge expressed her reasonning thus:
Il est bien évident, quant à moi, que, come je l'ai mentionné plus tôt, que le but et l'effet de cette question serait de pouvoir, je ne dis pas nécessairement, mais de pouvoir démontrer l'innocence de l'accusé en démontrant la partialité du témoin. Et j'en viens à la conclusion que ces deux (2) intérêts qui sont en conflit actuellement, mais dont l'un pourrait démontrer l'innocence de l'accusé, ou pourrait aider à démontrer son innocence m'amènent à conclure qu'il faut ordonner la divulgation de cette information et afin de pouvoir permettre, si cela était le cas, de prouver l'innocence de l'accusé.
En conséquence, votre objection à la question qui avait été posée est rejetée, et la question est permise. Monsieur Amyot. Je voudrais juste, en terminant, bien être claire, à savoir que ce que je permets, ce n'est pas de demander quel était le nom de l'informateur, mais simplement les questions que vous avez annoncées ... annoncées vouloir demander.
2. Superior Court
Appellant presented in Superior court a document entitled "Requête pour l'émission d'un bref de prohibition et de certiorari suivant les articles 708 et ss du code criminel" His submissions and conclusions were these:
A) Le savant Juge a erré dans son interprétation de la règle de droit relative à la protection de l'anonymat de l'informateur de police et plus particulièrement dans son interprétation de la seule exception que souffre cette règle;
B) Le savant Juge a excédé sa juridiction en permettant que dans le continuation du procès le témoin soit interrogé sur un sujet susceptible de dévoiler directement ou indirectement l'identité d'un informateur de police et ce, à l'encontre de la règle visant la protection de l'intérêt public;
C) Le savant Juge a excédé sa juridiction en rejetant les objections formulées par le procureur du Requérant;
D) Le savant Juge a excédé sa juridiction en statuant que l'exception à la règle de droit à savoir celle qui est imposée par la nécessité de démontrer l'innocence de l'accusé, s'appliquerait partiellement dans la continuation du procès, c'est-à-dire uniquement en permettant l'interrogatoire en relation avec des personnes désignées par le Juge;
E) Il n'existe aucun moyen autre que le certiorari pour attaquer la décision du juge du procès de rejeter les objections du Requérant, l'appel à la fin du procès n'étant d'aucun secours;
F) Il n'existe aucun moyen autre que la prohibition susceptible de prévenir le tort que pourrait subir l'intérêt public si le témoin Michel Amyot devait répondre aux questions du contre-interrogatoire dans les limites prescrites par le savant Juge dans la continuation du procès.
En conséquence, plaise à Votre Seigneurie et à cette Honorable Cour:
D'accorder la présente requête;
De déclarer l'excès de juridiction du Juge du procès;
De casser les décisions rendues par le Juge du procès sur les objections du Requérant;
De prohiber le Juge du procès de permettre le contre interrogatoire du témoin Amyot sur les révélations que lui auraient faites les personnes désignées par le Juge à savoir, Messieurs Yvon Boileau, Marcel Ruel, Claude Lapointe, Jacques Gabay et Adrien Dubois et par toutes autres personnes au sujet de la remise d'un trousseau de clés et de la désignation d'Yvon Boileau dans les circonstances déjà décrites.
Madam Justice Barrette-Joncas rendered judgment from the bench on 26 March 1985. She concluded:
Le juge saisi du procès a bien compris le principe. Il affirme à la p. 23 n'avoir aucune preuve actuellement que la divulgation d'un informateur permettrait d'innocenter l'accusé. Et en dépit de cette conclusion, il permet certaines questions qui, par élimination, pourraient pointer un indicateur de police. Avec respect, je crois qu'il tire du principe de Bisaillon une conclusion erronnée en permettant les questions que propose Me Maranda.
Cependant, les brefs réclamés ne sont pas disponibles au cours d'un procès présidé par un juge qui agit à l'intérieur de sa juridiction. Si le juge a rendu une décision qui n'est pas conforme à la règle qui apparait claire de Bisaillon, il a agi néanmoins à l'intérieur de sa juridiction et le seul recours est l'appel.
Il n'y a pas en matière criminelle d'appel déguisé des décisions interlocutoires sous forme de bref de prérogative. Tant qu'un juge agit à l'intérieur de sa juridiction, les tribunaux ne peuvent réformer ses jugements (re Madden et al and the Queen, 35 C.C.C.(2d)281).
Pour ces motifs, la requête est rejetée.
3. Court of appeal
The following are the grounds of appeal set out in the Notice:
17. Il est respectueusement soumis que le Savant Juge de la Cour supérieure a erré en droit:
A. En rejetant le bref de prohibition et de certiorari demandé par l'Appelant;
B. En statuant que le juge du procès a agi à l'intérieur de sa juridiction en rejetant l'objection formulée par la Couronne;
C. En déclarant que le seul recours est l'appel;
18. Il est de plus soumis que:
A. L'appel n'est d'aucun secours pour réparer le préjudice susceptible d'être causé à la Couronne et à l'indicateur de police si le témoin est forcé de divulger le nom ou l'identité de ce dernier à l'encontre de la règle de droit relative à la protection de l'anonymat de l'informateur de police;
B. L'erreur du juge de première instance constatée par le Savant Juge de la Cour supérieure est une erreur fondamentale entraînant un excés et une perte de juridiction qui donnent ouverture à l'émission d'un bref de ceritorari et de prohibition;
With respect, I am unable to agree with the reasons given in the Superior court. It seems to me that violation of such a fundamental rule of law as the privilege of secrecy, for which an appeal affords no effective remedy, is one of the rare exceptional cases which are equated to an excess of jurisdiction and which justify the intervention of the Superior court during a criminal trial: Létourneau, Gilles, "The Prerogative Writs in Canadian Criminal Law and Procedure", 1976, pp 52, 152; Béliveau, Pierre, "Cours de la Formation Professionnelle du Barreau du Québec", 1985-86, 249, 254; Madden c. R. (No 2), 35 C.C.C.(2nd) 385 (Ont.H.C.); Dubois c. R.1986 1 SCR 366. It is true, as Respondent points out, that most authorities on this point deal with certiorari after a decision or an order that decides an issue, but the language used is broad enough to include an incidental decision like that here involved, and there is no reason in principle why it should not, especially where an appeal would be totally ineffective as a remedy.
Although valid analogies between civil and criminal law are rare, I think there is one with the civil rule about appeal from a decision on an objection to evidence. An interlocutory judgment, during trial, dismissing an objection to evidence is not as a rule immediately appealable; but an exception lies when violation of privilege is involved, precisely because a later appeal cannot repair the damage.
However, granting that the Superior court would have the right to intervene, the question remains whether this is an appropriate case for intervention, that is, whether the rule of secrecy is about to be violated in the absence of circumstances justifying the exception. In my opinion, the answer is no.
This is not the usual case of an informer whose identity is and should remain concealed. If there was an informer who told of Boileau and the keys, it must have been one of the four people on the scene; in fact, according to Respondent, other evidence eliminates all but two. If the object of the exception,of disclosure, is to enable the accused to subpoena the informer and obtain his version, that is not the object of Respondent's questions; he is well aware of the identity of the only two possible informers, and can subpoena them at any time he pleases. His object is strictly to discredit the witness Amyot and to bolster the theory of frame-up, by becoming able to contradict Amyot as to the fact and the source of his information.
The object of the privilege, on the other hand, is to protect sources of information available to police; in Bisaillon at page 91, Beetz, J. quotes Martland, J. quoting Lord Diplock thus:
The rationale of the rule as it applies to police informers is plain. If their identity were liable to be disclosed in a court of law, these sources of information would dry up and the police would be hindered in their duty of preventing and detecting crime. So the public interest in preserving the anonymity of police informers had to be weighed against the public interest that information which might assist a judicial tribunal to ascertain facts relevant to an issue upon which it is required to adjudicate should be withheld from that tribunal. By the uniform practice of the judges which by the time of Marks c. Beyfus, 25 Q.B.D. 494 had already hardened into a rule of law, the balance has fallen upon the side of nondisclosure except where upon the trial of a defendant for a criminal offence disclosure of the identity of the informer could help to show that the defendant was innocent of the offence. In that case, and in that case only, the balance falls upon the side of disclosure.
That object will not be defeated by the line of questions permitted by the trial judge, because there is no secret to protect; the identity of the two possibilities, as I have said, is known. If Amyot answers no as to both, there is no problem; if he answers yes as to either or both, we will still not have disclosure of the identity of a mystery man, even by elimination; there is no mystery, and besides a conversation does not necessarily involve information of that kind. I think the trial judge's decision, helpful to the accused without harm to the prosecution, was wise: she opened the door just wide enough to give the accused a chance.
Other issues of interest were raised by the parties, but the foregoing is, in my opinion, sufficient to dispose of the case.
I would dismiss this appeal. J.A.t
INSTANCE-ANTÉRIEURE
(C.S.P. Montréal 500-36-000162-852 et 500-27-009394-836)