C A N A D A

Province de Québec

Greffe de Québec

 

 

No:   200‑10‑000079‑868

 

 

     (200‑01‑004329‑854)

 

Cour d'appel

 

____________________________

 

 

Le 13 juin 1989

 

 

 

CORAM :   Juges Dubé, Gendreau et Tôth (ad hoc)

 

 

____________________________

 

 

SERGE LEFEBVRE, accusé appelant,

 

 

c.

 

 

LA REINE, poursuivante intimée

 

 

____________________________

 

 

 

   La Cour statuant sur le pourvoi de l'appelant contre un verdict prononcé par un jury le 7 avril 1986 sous la présidence de l'honorable juge André Trotier déclarant l'appelant coupable, sur plaidoyer de culpabilité, sur les deux chefs d'accusation porté contre lui en ces termes;

 

  "1.  Le ou vers 1e 3 juillet 1985, à Québec, district de Québec, a illégalement causé la mort de monsieur Jacques Giguère,  agent  de police alors dans l'exécution de ses fonctions, commettant par là un meurtre au premier degré, C.Cr. 214(4)a); et

 

 2. Le ou vers le 3 juillet 1985, à Québec, district de Québec, a illégalement causé la mort de monsieur Yves Têtu, agent de police alors dans l'exécution de ses fonctions, commettant par là un meurtre au premier degré, C.Cr.2l4(4)a)"

 

 Après étude du dossier, plaidoiries des avocats et délibéré;

 

 Pour les motifs exprimés dans les opinions écrites de Messieurs les juges Dubé, Gendreau et Toth, déposées avec le présent jugement;

 

 Rejette l'appel. JJ.C.A.

 

 OPINION DU JUGE GENDREAU

 

 J'ai eu l'avantage de lire les opinions de mes collègues, Messieurs les juges Dubé et Tôth et je partage leur avis. J'aimerais néanmoins ajouter quelques remarques.

 

 Comme le signale, M. le juge Tôth, deux décisions de notre Cour sont déjà rendues dans cette affaire, ce qui a pour effet de cerner  singulièrement le débat:  la première refusait à l'appelant l'autorisation de se pourvoir du verdict pour des motifs "comportant une question de fait ou une question de droit et de faits", au sens de l'article 675.1 C.Cr;(1) la seconde a rejeté la requête en rejet d'appel du ministère public.  Pour donner effet à ces deux jugements, il faut conclure que l'appel ne doit plus maintenant porter que sur des questions de droit seulement.

 

  M. le juge Dickson, dans Poitras c. La Reine ((1974) R.C.S. 649), définit ce qu'est une question de droit et seulement de droit, en ces termes:

 

 "Je suis en outre d'avis que la question devant la Cour d'appel du Manitoba et devant cette Cour est une question de droit, et seulement de droit.  On peut facilement la cerner dans le jugement de M. le juge Thompson de la cour de comté savoir: "le fait qu'un accusé agit comme mandataire d'un acheteur de stupéfiants, offre-t-il un bon moyen de défense. On peut poser cette question, et y répondre, sans se reporter aux détails de l'affaire."

 

  (1) La Cour Suprême du Canada a rejeté la requête en autorisation d'en appeler de ce jugement.

 

  Cette prémisse étant posée, je reverrai brièvement chacun des moyens d'appel

 

 Je disposerais du premier moyen d'appel comme le suggèrent mes collègues.

 

  La situation de faits qui prévalait le lundi, 7 avril 1986, n'est pas celle où le juge "fai(t) éloigner l'accusé" (la version anglaise dit:

 

  "cause the accused to be removed")(2) mais celle où il se rend à la demande même de l'avocat de l'accusé qui requiert que son client, présent au palais de justice, continue de demeurer dans une chambre attenante à la salle d'audience (m.a.  136). L'avocat confirme avoir discuté de cette requête avec son client (m.a. 137), ce qui laisse entendre qu'il était non seulement autorisé mais requis de réclamer  cette  absence  pendant l'audition de la preuve psychiatrique.

 

  L'appelant n'a d'ailleurs jamais cherché à récuser son avocat sur cette question ou même tenté de démontrer qu'il ne détenait pas  le  mandat  d'obtenir  qu'il soit absent pendant la présentation de la preuve de son état mental.

 

 (2) Art. 650 C.Cr.

 

 Aussi, la première question de droit que soulève ce premier grief d'appel est celle de savoir si un accusa peut être autorisé à s'absenter de la salle d'audience pendant qu'est entendue la preuve médicale, en application du premier stade de la procédure prévue à l'article 615 C.Cr.

 

 La règle fondamentale de la présence de l'accusé à son procès est reconnue par la loi (art. 650 C.Cr.).  Elle fut souvent rappelée et elle a reçu une interprétation, large (R. c. Hertrich, (1982), 67 C.C.C. (2e éd.) 510; Vézina c. R. (1986) 1 R.C.S. 2; R. c. Barrow (1987) 2 R.C.S. 694).  Le Juge en chef Dickson, dans l'arrêt Barrow rappelle les principes qui la sous-tendent:

 

 "Le Juge Martin, dans l'arrêt Hertrich, dégage deux principes importants qui sous-tendent l'article 577.  En premier lieu, l'accusé est présent pour entendre la preuve qui pèse contre lui, il est ainsi en mesure de poser une défense. En second lieu, l'accusé assiste au déroulement de l'ensemble de la procédure suivie pour le juger et il peut s'assurer qu'elle est correcte et que le procès est équitable.

 

 Pour le Juge Martin, le second principe est le plus important. Je suis d'accord avec lui pour dire que cette seconde valeur avait une importance considérable pour la perception que l'on peut  avoir  de  l'impartialité  de la justice criminelle canadienne. (p. 707)

 

 Ceci dit, le Code criminel a tout de même créé des exceptions au principe général et le Juge Zuber, dans R. c. Grimba ((1931) 56 C.C.C. (2e éd.) 570), résume ainsi la portée de l'article 650 C.Cr:

 

  "St is to be observed that this section (art. 577 à l'époque, aujourd'hui 650 C.Cr.) is mandatory and provides that not only is an accused entitled to be present throughout the whole of his trial, he is obliged to be there. He may absent himself only with permission of the Court under s-s.  2(b) and may be excluded only in the circumstances set out in s-s. (2) (a) or (c)." (p. 573)

 

 Or, en l'espèce, le juge a précisément octroyé à l'accusé, qui le requérait, la permission de s'absenter pendant la preuve médicale.

 

 Pour justifier sa demande, l'appelant a proposé au juge l'application du paragraphe 2(c) de l'article 650 C.Cr. qui permet l'éloignement de l'accusé pendant l'audition d'une preuve relative à sa santé mentale.

 

  Peut-être eût-il été plus juste que l'avocat réfère au paragraphe 2(b) en utilisant le paragraphe 2(c) comme une norme applicable par analogie. Quoi qu'il en soit, je ne crois pas que, ce faisant, l'avocat ait dénaturé sa requête qui demeurait toujours et uniquement sa demande.  Or, le juge, exerçant sa discrétion, s'est rendu à son argument et permis l'absence comme le Code l'y autorise. Il n'a donc pas, à mon avis, enfreint la règle de la présence de l'accusé à son procès.

 

  La seconde question de droit que soulève l'appelant à l'égard de son premier moyen est celle de l'obligation de la présence de l'accusé dans la salle d'audience au moment où son avocat, dûment mandaté, requiert qu'il soit excusé de la partie des débats où seront entendus les médecins dans le cadre de la première étape de la procédure de l'article 615 C.Cr. A mon avis, dans la mesure où le mandat de l'avocat est réellement et clairement établi, le juge n'est pas tenu d'exiger la présence de l'accusé au moment de la présentation de la requête.  En effet, en dépit de l'importance du principe de la présence de l'accusé à son procès, il n'est fait nulle part quelque obligation particulière à l'égard de la procédure que l'accusé peut utiliser lorsqu'il recherche lui-même à demeurer à l'écart pendant une partie de son propre procès. Or, et au risque de me répéter, rien au dossier ne laisse soupçonner que l'avocat de l'accusé ait représenté au juge autre chose que les propres voeux et l'expression de la seule volonté de son client.

 

 L'appelant nous soumet le jugement de la Cour Suprême du Canada dans Vézina et al c. R. ((1986) 1 R.C.S. 2). Cette affaire se distingue manifestement de celle sous étude:  en effet, dans l'arrêt Vézina, le juge du procès avait pris sur lui de rencontrer, privément, deux jurés, une procédure à laquelle "si la poursuite a (vait) consenti", écrit M. le Juge Lamer, "la défense, quant à elle, s'(était) clairement opposée".  Pareille distinction doit d'ailleurs être faite avec l'arrêt R. c. Hertrich (op. cit.) où les accusés s'étaient opposés à leur absence pendant que le juge entendait le témoignage de deux jurés dont l'un aurait eu deux appels téléphoniques anonymes.

 

 Pour ces motifs et ceux exprimés par mes collègues, je rejetterais ce grief d'appel.

 

  Par son second moyen, l'appelant reproche au juge de ne pas avoir "au minimum fai(t) entendre devant les jurés, et en présence de l'accusé, les trois médecins ayant témoigné le 7 avril 1986, afin qu'ils relatent l'état physique et mental de l'accusé depuis le 3 jusqu'au 7 avril" (m.a. 13).

 

  L'examen de la question de la capacité mentale d'un accusé en cours de procès (art. 615 C.Cr.) est conduit en deux étapes. La Cour d'appel de l'Ontario l'a clairement rappelé dans son arrêt R. c. McLeod, Pinnock and Farquharson ((1986), 6 C.C.C. 3e éd., p. 29). Parlant pour la Cour, le Juge Grange écrit:

 

 "It is to be noted that it is a two-stage process.  The first stage is for the judge alone to decide whether there is (sufficient reason to doubt that the accused is, on account of insanity, capable of conducting his defence" and the second, which is only pursued if the first  stage  is  answered affirmatively, is for the jury to determine "whether tne accused is then, on account of insanity, unfit to stand his trial".

 

  Or, à la première étape, celle qui consiste à savoir "s'il paraît qu'il y a des raisons suffisantes de douter que l'accusé soit, pour cause d'aliénation mentale, en état de conduire sa défense", le juge exerce un pouvoir discrétionnaire (Regina c. McLeod, Pinnock and Farquharson, op. cit., R. c. Wolfson (1965) 3 C.C.C. 304 et R. c. Kolbe (1964) 4 W.W.R. 579).

 

 Ceci dit, la question de droit qui pourrait être formulée à l'endroit de ce moyen d'appel en application de la définition donnée dans l'arrêt Poitras, pourrait être: le juge qui, en se prononçant au stade de la première étape de l'article 615 C.Cr., décide qu'il n'a aucun motif de soumettre la question de la capacité mentale de l'accusé de conduire sa défense, doit-il informer les jurés de la preuve qu'il a entendue avant de leur laisser connaître d'un plaidoyer de culpabilitê ?  A mon avis, la  réponse  est  négative.   En  exerçant  son pouvoir discrétionnaire, le juge conclut qu'il n'y a aucune raison suffisante de douter de la capacité de l'accusé de conduire sa défense et par conséquent, il doit continuer les débats comme il les avait entrepris; il n'a, à mon avis, aucune autre obligation ou devoir.

 

  C'est pourquoi, je suis d'accord avec l'opinion de mes collègues pour écarter ce moyen d'appel.

 

  Le troisième grief de l'appelant n'est pas uniquement une question de droit et par conséquent, il ne peut faire l'objet du pourvoi puisque seules celles-ci sont autorisées, comme je l'ai déjà écrit.  En effet, l'appelant nous invite à examiner la preuve médicale entendue par le juge et à en dégager une autre conclusion.  Outre que ce grief ne rencontre pas le test de la définition du Juge Dickson dans l'arrêt Poitras, la Cour Suprême du Canada a déjà cette question dans l'arrêt Beattie c. La Reine ((1967) R.C.S. 479). La Cour était alors saisie d'une requête pour permission d'en appeler où le premier moyen était ainsi défini:

 

 "Firstly, that the Magistrate ought to have directed that an issue be tried to determine whether the accused, because of insanity, was incapable of conducting his defence.  Such an issue is provided for in s. 524(1) of the Criminal Code."

 

 Et le Juge Spence d'y répondre en ces termes:

 

 "As to the first ground of the application, after consideration of the matter, I have come to the conclusion that the only question involved is whether the magistrate properly exercised his discretion to determine whether there was, in the words of the section, "sufficient reason to doubt that the accused is, on account of insanity, capable of conducting his defence".  Under the provisions of s. 597(1)(b) of the Criminal Code, if leave is granted, an appeal to this Court may be taken on any question of law alone. I am of the opinion that there is no question of law involved in the determination of whether the magistrate had properly exercised his discretion.  It would appear that the magistrate did in fact carry on an investigation to determine whether an issue should be directed. The sufficiency of that investigation, and the conclusion to which the magistrate came, are no matters involving a question of law."

 

 Je rejetterais donc ce moyen.

 

 Quant aux autres griefs d'appel, je m'en remets aux opinions de mes collègues.

 

 C'est pourquoi, comme eux, je propose que le pourvoi soit rejeté.

 

 J.C.A.

 

 OPINION DU JUGE TOTH

 

  Au cours de son proces devant les Assises criminelles, l'appelant a plaidé coupable le 7 avril 1986 sur deux chefs d'accusation de meurtre de policier (art. 214 (4) a) C.Cr.) * et en conséquence le jury l'a déclaré coupable.

 

 Par la suite, l'appelant présenta à notre cour une requête pour permission d'en appeler. Elle fut rejetée le 2 juin 1986.

 

  (*) Le numérotage des articles du Code criminel est celui en vigueur lors du procès.

 

 Sa requête pour en appeler à la Cour suprême du Canada fut également rejetée.

 

  Soutenant que sa requête pour en appeler et avis d'appel contient également des pures questions de droit pour lesquelles aucune autorisation d'en appeler n'est requise, l'appelant nous soumet différents motifs d'appel sous forme de questions en litige que j'examinerai l'une après l'autre.

 

 Première question en litige

 

  "L'absence de l'accusé, non légalement motivée, survenue les 4 et 7 avril 1986 est-elle une cause de nullite des procédures qui ont suivi, y compris la réception du plaidoyer de culpabilité ?"

 

 L'appelant fut mis en accusation le 24 mars 1986 et enregistra un plaidoyer de non culpabilité. Le procès débuta par la tenue d'un voir-dire qui s'est déroulé jusqu'au 2 avril suivant. Lors de ce voir-dire, l'appelant se fit entendre. Le jury fut par la suite constitué et le procès devant le jury débuta le 2 avril par l'audition de deux témoins et se poursuivit le 3 avril avant-midi avec l'audition de six témoins.

 

 Après l'ajournement de midi le 3 avril 1986, l'appelant qui est détenu à la prison d'Orsainville, n'est pas présent mais son procureur appelle le docteur Massicotte qui explique à la Cour que l'appelant n'est pas en état d'assister au procès cet après-midi. La cause est ajournée au lendemain matin.

 

  Le lendemain matin, vendredi le 4 avril 1986, c'est l'accusé lui-même qui refuse totalement de se présenter à la cour. La cause est ajournée au 7 avril lundi matin et après avoir congédié le jury, le juge entreprend d'enquêter sur les motifs et les circonstances du refus de l'appelant de se présenter devant le tribunal. Loin de l'exclure de son procès  ou acquiescer à son absence, le juge en est vivement contrarié:

 

  "Je constate une chose, c'est que l'accusé appartient à la Cour. Ce n'est pas à l'accusé à refuser ou à prendre attitude. Les instructions c'étaient qu'il soit ici ce matin. Et personne d'autre que la Cour ne peut en donner...."

 

 Le juge se demande s'il doit ordonner que l'appelant soit amené devant le tribunal de force ou si son état de santé ne justifierait pas une telle mesure draconienne. Il déclare:

 

  "Si c'est une question d'entêtement, on va regarder ça autrement.  Si c'est une question d'aliénation mentale, on va regarder ça autrement".

 

 Un surveillant-infirmier à la prison d'Orsainville déclare en parlant de l'appelant:

 

  "Quand j'ai ouvert la cellule, monsieur Lefebvre était couché dans son lit, puis il m'a dit qu'il n'était pas en état d'aller à la Cour ce matin."

 

  Le Docteur Massicotte est tout étonné de constater que l'appelant n'est pas au Palais de justice.  Il prévoyait l'y rencontrer avant la séance de la Cour.

 

  Les Docteurs Roy et Massicotte disent que la veille l'appelant était stressé et anxieux. Le juge demeure perplexe car jusque là, y compris durant son témoignage sur le voir-dire, l'appelant paraissait tout à fait normal. Il se demande si un congé de trois jours n'arrangerait pas les choses.

 

 Au sujet du refus de l'appelant de se présenter pour son transfert au Palais de justice, le Docteur Roy témoigne comme suit:

 

 "R Ca me surprend, parce que je pense qu'il.... il faut que ça se soit exagéré par rapport à hier, c'est dans ce sens-là que ça me surprend.

 

  Q Mais le fait de ... de refuser ce matin, peut importe que ce soit d'entrer ici ou d'être déplacé de la prison à ici, là, mais d'opposer un refus à une demande ou à une exigence, relativement à la suite de son procès, est-ce que ça n'est pas le signe d'un esprit qui pose un geste, finalement, qui exprime une volonté ?

 

 R Moi c'est la première fois que j'entends parler d'un individu accusé qui refuse de venir à la Cour. Ca pourrait être ce que vous dites, mais compte tenu de l'état dans lequel je l'ai vu hier, j'aurais... je serais plutôt porté à interpréter ça comme une exagération de son état dans lequel je l'ai vu hier soir.

 

 La Cour:

 

 Q Mais à supposer qu'il soit vrai que ce matin il ait refusé de se rendre ici. Est-ce que c'est pour vous un signe d'entêtement ou pas ?

 

  R.  Moi, j'ai plus l'impression que  c'est  un  signe d'exagération de son état dans lequel je l'ai vu hier."

 

  Evidemment, le Juge apprend qu'il y a certains problèmes d'ordre psychologique mais à la lumière des témoignages qu'il a entendus il ne lui paraissait pas qu'il y avait des raisons suffisantes de douter que l'appelant fût pour cause d'aliénation mentale, en état de conduire sa défense.

 

  Le procureur de la Couronne suggère de reporter toutes décisions et toute l'affaire à lundi le 7 avril. Il suggère également que le Docteur Paul-Hus soit autorisé à examiner l'appelant.

 

 A cette suggestion, l'avocat de l'appelant déclare:

 

  "... Je viens de parler avec le docteur Roy qui m'informe que le docteur Hus non seulement est médecin, mais en plus de ça il est psychiatre. Alors vous allez comprendre que je n'ai aucune espèce d'objection à ce que le docteur Hus rencontre et ses collègues et évidemment, monsieur Lefebvre.

 

   Evidemment,  au  niveau  médical,  je  n'ai  pas  ces connaissances-là. Plus il y en aura, mieux ce sera, et que ...on amène ça à lundi, monsieur le Juge, on verra.

 

 Et dépendant des témoignages - comme mon confrère l'a dit, monsieur le Juge, vous avez entendu les médecins, je me fie sur les témoignages des médecins ce matin, si lundi on est capable de venir dire des choses qui vont aider la justice de quelque façon que ce soit, vous allez comprendre que je ne peux pas avoir d'objection à ca.

 

  Je pense que la conclusion de mon confrère, la suggestion est très obective, Votre Seigneurie, autant pour la sociétê que lui représente, et autant pour mon client que je représente, en n'oubliant pas ce droit sacré à la défense pleine et entière.

 

 La Cour:

 

 Alors je déduis de vos paroles que vous êtes d'accord avec maître Lortie ?

 

 Me André Gaulin, pour la défense:

 

 Absolument, monsieur le Juge.

 

 La Cour:

 

  Bien. Alors la Cour en prend acte. Et considère cette demande comme sage, et je l'entérine sans aucune hésitation.

 

 Maintenant, à moins que les trois (3) médecins jugent qu'il y a des raisons extrêmement graves de ne pas amener le prévenu ici, je tiens à ce qu'il soit devant cette Cour. Ou s'il n'est pas devant la Cour, qu'il soit au moins à la disposition de la Cour. Alors ce n'est pas au Centre là-bas, qu'il va l'être. C'est ici.

 

 Par la suite le juge adresse à l'appelant une ordonnance pour son examen par le Docteur Paul-Hus.

 

  L'article 577 (1) du C.Cr. prescrit qu'un accusé doit être présent en cour pendant tout son procès.

 

 Le critère applicable quant à la présence d'un accusé pendant son procès a été énoncé par le juge Martin de la Cour d'appel d'Ontario dans l'arrêt R. v. Hertrich, Stewart and Skinner (1982), 67 C.C.C. (2d) 510 et par le juge Zuber dans l'arrêt R. v. Grimba (1980) 56 C.C.C. (2d) 570.  Commentant ces deux arrêtes dans l'affaire de Vézina et Côté v. R. (1986) 1 R.C.S. 2, Monsieur le juge Lamer s'exprime comme suit:

 

 "Jusqu'à l'arrêt Hertrich, précidé, les tribunaux considéraient que le critère applicable à la portée de l'art. 577 était celui énoncé dans l'arrêt Meunier v. The Queen (1965), 48 C.R. 14 (confirmé par cette Cour, (1966) R.C.S. 399), où le juge Casey affirme, à la p. 17:

 

  Our problem is whether the Court proceeded, whether it did anything of a nature to advance the case, in the absence of the appellant. If it did not appellant's argument must be rejected; if it did the conviction must be quashed.

 

 Dans l'arrêt R. v. Grimba, précité, le juge Zuber s'est demandé si les termes "of a nature to advance the case" were intended to be definitive".  A mon avis, la réponse est non. La question que se posait le juge Casey convenait au point en litige et aux faits dont il était saisi. Je crois que le critère qu'il faut appliquer est énoncé par le juge Martin dans l'arrêt Hertrich, précité. ...

 

  Dans ses motifs, le juge Martin affirme que le droit de l'accusé d'être présent à son procès signifie qu'il a le droit "to have direct knowledge of anything that transpires in the course of his trial which could involve his trial interests". Ce qui inclut manifestement (à la p. 527):

 

  ...proceedings which are part of the normal trial process for determining the guilt or innocence of the accused such as arraignment and plea, the empanelling of the jury, the reception of evidence (including voir dire proceedings with respect to the admissibility of evidence), rulings on evidence, arguments of counsel, addresses of counsel to the jury, the judge's charge, including requests by the jury for further instructions, the reception of the verdict and the imposition of sentence if the accused is found guilty.

 

  Cela comprendrait aussi les "procédures" menées par le Juge au cours du procès aux fins d'enquêter sur des événements qui se sont produits en dehors du procès, mais qui sont susceptibles de le  rendre inéquitable.   Toutefois , cela exclurait les événements qui (à la p. 529):

 

 ...altnough in one sense part of the trial, cannot reasonably be considered to be a part of the trial for tne purpose of the present principle, because they cannot reasonably be said to have a bearing on the substantive conduct of the trial, or the issue of guilt or innocence.

 

 La présence de l'accusé est-elle requise lorsque le juge se demande si une question qui met en jeu ses intérêts vitaux se pose, ou n'est-ce qu'au moment où on a conclu que la question se pose et qu'on en débat ?

 

 Je suis d'avis que si, d'après les faits d'une espèce, il n'est pas sûr que les intérêts vitaux de l'accusé sont en jeu, le juge peut, en l'absence de l'accusé, enquêter à ce sujet. ..."

 

 Ce principe énoncé dans l'affaire Vézina a été repris et approuvé dans l'arrêt Barrow v. R. (1987) 2 R.C.S. 694.

 

  Le procès n'a pas repris le 4 avril précisément à cause de l'absence de l'accusé. L'enquête menée par le juge le 4 avril s'insère dans un processus de remise et comment peut-on conduire une enquête relativement à une remise pour cause d'absence de l'accusé en présence de l'accusé ? Ce n'est pas parce qu'au cours  de  cette  enquête  le juge a pu glaner quelques renseignements, d'ailleurs vagues et imprécis, sur  l'état psychique  de l'appelant que la séance cessait d'être un processus de remise.

 

 Appliquant les principes énoncés dans la cause Vézina aux faits de la présente affaire, je conclus que l'enquête menée par le juge le 4 avril ne faisait pas partie du procès, parce qu'on ne peut raisonnablement considérer qu'elle a eu un effet sur la conduite du procès en soi ou sur la question de la culpabilité ou de l'innoncence.

 

  Au cours de cette séance du 4 avril, les intérêts vitaux de l'appelant n'étaient pas en jeu, rien n'a été conclu et tout a été remis au 7 avril pour considération ultérieure. L'absence volontaire de l'accusé le 4 avril n'invalide donc pas le plaidoyer de culpabilité de l'appelant.

 

  Je suis également d'avis que des technicalités n'ayant aucun rapport rationnel, ni juridique, ni autre avec un plaidoyer de culpabilité  sur  l'accusation telle que portée enregistré librement et volontairement, sans menace ni promesse alors que l'état mental de l'accusé le permet et lorsqu'il a pu bénéficier des conseils d'un avocat expérimenté, n'invalident pas le plaidoyer de culpabilité.

 

 Lundi le 7 avril, l'appelant est au Palais de justice. Avant que les jurés n'entrent dans la salle d'audience, l'avocat de l'appelant s'adresse au juge comme suit:

 

 "Maintenant, Votre Seigneurie, avant de faire entendre le médecin, je peux vous confirmer que l'accusé est présentement à la Cour, il est ici, sauf que j'aurais une requête à vous présenter, Votre Seigneurie, étant donné qu'il y a une preuve psychiatrique et plus spécialement selon les dispositions de l'article 577 du Code criminel, et je vous réfère, monsieur le juge, au paragraphe 2 qui s'intitule: "Exception", et au sous-paragraphe(6):

 

 "La Cour peut faire éloigner et garder l'accusé hors de la Cour pendant l'examen de la question de savoir si l'accusé est, pour cause d'aliénation mentale, incapable de subir son procès lorsqu'elle est convaincue que l'omission de ce faire pourrait avoir un effet préjudiciable sur l'état de santé mentale de l'accusé".

 

 Et dans les circonstances, Votre Seigneurie et strictement pour les fins de cette preuve psychiatrique, de toute façon on l'a amorcée la semaine passée en l'absence de l'accusé, pour les raisons que vous connaissez et j'aimerais que ça continue ce matin.

 

 LA COUR:

 

 Avez-vous une opposition ?

 

 Me Jean Lortie, Pour la Couronne:

 

 Absolument pas.

 

 LA COUR:

 

 Alors, vous avez consulté votre client à cet effet-là, Maître ?

 

 Me André Gaulin, Pour la Défense:

 

 C'est exact Votre Seigneurie.

 

 La Cour:

 

 Alors, votre requête est accordée.

 

 Alors, cette preuve se fera en l'absence de l'accusé, selon 577-2 (c) du Code criminel."

 

  Après les témoignages des médecins, l'avocat de l'appelant s'adresse comme suit au juge:

 

 "Alors pour les fins de ma requête , Votre Seigneurie, j'aimerais quand même maintenant, là, nous ne sommes plus dans les dispositions de 577 et j'aimerais que mon client soit présent.

 

 LA COUR:

 

 Faites entrer l'accusé.

 

 - L'accusé entre dans la salle -"

 

  L'appelant nous présente différents arguments spécieux pour soutenir que le juge a eu tort d'acquiescer à sa demande d'être exclu.  Il n'est pas nécessaire d'examiner ces arguments car de toute façon l'absence  de  l'appelant  durant  la  preuve psychiatrique est justifiée en application de l'article 577 (2) b) C.Cr., lequel prévoit que la Cour peut permettre à l'accusé d'être hors de la Cour pendant la totalité ou toute partie de son procès aux conditions qu'elle juge à propos.  Or, comme on l'a  vu, c'est l'appelant qui par l'intermédiaire de son procureur a demandé d'être hors de la cour durant cette preuve.

 

 Le premIer motif de l'appelant doit donc être écarté.

 

 Deuxième question en litige

 

 "La procédure suivie par le juge de première instance, qui a eu pour effet d'empêcher complètement le jury de se former lui-même une opinion valable sur la question de savoir s'il convenait d'admettre ou non le plaidoyer de culpabilité de votre appelant, entraîne-t-elle la nullité de celui-ci ?"

 

  Dans la mesure où il s'agit ici d'une question de droit elle est sans aucun fondement juridique et doit être écartée. Il ne faut pas confondre le rôle du jury en face d'un plaidoyer de culpabilité sur l'accusation telle que portée avec son rôle en face d'un plaidoyer de culpabilité suivant l'article 534 (4) Code criminel.

 

 Troisième question en litige

 

 "L'Honorable Juge de première instance a-t-il commis une erreur de droit en ordonnant la continuation du procès de l'accusé malgré son état, au motif principal qu'il ne s'est pas posé la question qu'il devait se poser en vertu de l'article 543 du Code Criminel, et au motif secondaire qu'étant venu à la conclusion que l'article 543 était inapplicable, il devait néanmoins se demander si les articles 7 et 11 d) de la Charte canadienne des droits et libertés et 577 (3) du Code criminel ne l'obligeaient pas à remettre le procès de l'accusé à un moment plus favorable pour celui-ci ?"

 

  Il s'agit ici d'une question pour laquelle l'appelant avait le besoin d'obtenir la permission de la cour comme il le reconnaît dans sa requête amendée pour permission d'appeler, laquelle fut rejetée.

 

 Dans la mesure où il s'agit d'une question de droit, l'appelant n'a démontré aucune erreur de la part du premier juge. En effet, voici la question que le premier juge s'est posé:

 

 "...La question que j'ai à décider ce matin: Est-ce que j'ai des  motifs  raisonnables  de  croire que la question de l'aliénation mentale de l'accusé, au moment où on se parle, doit ou non être soumis aux jurés ? C'est ça que j'ai à décider ce matin."

 

  A cette question, le premier juge a répondu négativement et en ce faisant il a suivi à la lettre les prescriptions de l'article 543.

 

 Dans la cause de R. v. McLeod (6 C.C.C. (3d) 1984, p.29), la Cour d'appel de l'Ontario a jugé comme suit:

 

  "543(1) It is to be noted that it is a two-stage process. The first stage is for the judge alone to decide whether there is "sufficient reason to doubt that the accused is, on account of insanity, capable of conducting his defence" and the second, which  is  only  pursued if the first stage is answered affirmatively, is for the jury to determine "whether the accused is then, on account of insanity, unfit to stand his trial"".

 

 Le troisième motif est donc mal foncé.

 

 Quatrième question en litige

 

 "L'article 214 (4) a) du Code criminel est-il inconstitutionnel comme contraire aux articles 7 et 11 d) de la Charte canadienne des droits et libertés, en ce qu'il décrète qu'un meurtre sera un meurtre au premier degré du seul fait que la victime est un agent de police, de sorte que le plaidoyer de culpabilité de votre appelant manque dans les circonstances de base légale ?"

 

  Au soutien de sa prétention que l'article 214 (4) a) C.Cr. serait inconstitutionnel, l'appelant invoque l'arrêt R. v. Vaillancourt, (1987) 2 R.C.S. 636.

 

  L'arrêt Vaillancourt ne peut recevoir aucune application dans la présente cause. Dans Vaillancourt, la question fondamentale à décider était celle-ci:

 

  " Une déclaration de culpabilité de meurtre aux termes de l'art. 213 pourrait-elle être prononcée même si le jury avait un doute raisonnable pour ce qui est de déterminer si l'accusé aurait dû savoir que la mort était susceptible de s'ensuivre ?

 

  La Cour Suprême  a  déclaré  l'article  213  d)  C.Cr. inconstitutionnel parce que

 

  " L'art. 213 s'appliquera à un accusé qui accomplit l'un dcs actes décrits aux al. a) à d) et qui cause, de ce fait, la mort mais qui, par ailleurs, aurait été acquitté de l'accusation de meurtre parce qu'il n'a pas prévu et ne pouvait raisonnablement prévoir que la mort serait susceptible de résulter. C'est pour cette raison que l'art. 213 viole à première vue l'art. 7 et l'al. 11 d) (de la Charte canadienne)."

 

  L'article 214 (4) du Code criminel exige l'intention coupable de causer la mort. En décrétant qu' " est assimilé au meurtre au premier degré, le meurtre, dans l'exercice de ses fonctions de l'agent de police " le législateur ne fait que de mettre le meurtre d'un policier dans une catégorie qui comporte la même peine que le meurtre avec préméditation.

 

 Le quatrième motif est également écarté.

 

 Cinquième question en litige

 

 "Considéré à la lumière de l'arrêt R. c. Vaillancourt, (1987) 2 R.C.S.  636 le plaidoyer de culpabilité de votre appelant devrait-il être annulé, attendu qu'il n'y a au dossier aucune indication  que l'accusé a formé l'intention de tuer les victimes, bien au contraire ?

 

 L'appelant ayant plaidé coupable, son intention de tuer a été établie hors de tout doute raisonnable. En effet, comme le dit si bien Monsieur le juge Bernier de cette cour dans Gagné v. R., (1977) C.A. 146, 148:

 

 " Le plaidoyer de culpabilité, ici comme dans les autres cas, dispense la Couronne de faire la preuve de l'infraction; il tient lieu de telle preuve."

 

 Le cinquième motif est donc également mal fondé.

 

 Je suis d'avis de rejeter l'appel. J.C.A.

 

 OPINION DU JUGE DUBE

 

 Je partage l'opinion de monsieur le juge Tôth et comme lui j'en viens à la conclusion qu'il y a lieu de rejeter le présent appel.

 

  J'aimerais cependant ajouter quelques détails aux motifs apportes par mon collègue.

 

 C'est l'appelant lui-même qui a provoqué et voulu les problèmes dont il se plaint maintenant; le président du procès fut mis dans une situation inattendue dont il s'est tiré avec justice et équité: en effet les procédures se déroulaient normalement depuis le 24 mars 1988 alors que l'appelant avait enregistré un plaidoyer de non-culpabilité; le procès débuta par la tenue d'un voir-dire au cours duquel l'appelant se fit entendre: certaines déclarations de l'appelant furent admises en preuve et certaines autres furent jugées inadmissibles et rejetées.

 

 Le 2 avril le procès débuta devant les jurés par l'audition de deux témoins de la Couronne.

 

  Le 3 avril l'audition se poursuivit et six témoins furent entendus dans l'avant-midi; soudainement dans  l'après-midi l'appelant se déclara malade: pris par surprise le président du Tribunal ajourna au lendemain.

 

 Le lendemain, c'est-à-dire, le 4 avril 1986, lorsque le juge a appris que l'appelant refusait de se présenter à la Cour, le juge a fait ce qui me semble très normal, c est-à-dire qu'il a enquêté sur le pourquoi de cette absence.

 

  Il ne pouvait évidemment faire cette enquête en présence de l'appelant puisque cette enquête avait pour but de savoir le pourquoi de l'absence de l'appelant.

 

 Après avoir entendu le témoignage de quelques médecins, le juge a décidé d'ajourner la cause au lundi et ceci de consentement avec le procureur de l'appelant.

 

 Encore de consentement avec le procureur de l'appelant, il a donné  ordre qu'un spécialiste, le docteur Paul-Hus, soit autorisé à examiner l'appelant et a aussi donné ordre que ce spécialiste de même que les autres médecins soient présents, lundi, le 7 avril.

 

 Je ne peux pas voir en quoi les droits de l'appelant ont pu être  affectés par ces décisions qui ont dû être prises nécessairement en l'absence de l'appelant précisément parce que l'appelant avait refusé d'être présent ?

 

  Le lundi matin, soit le 7 avril, dès l'ouverture de la Cour, c'est le procureur de l'appelant qui demande au juge d'appliquer l'article 577-2 (c) avant d'entendre le témoignage des médecins et spécialistes; le procureur de la Couronne appuyant cette demande, le juge l'a accordée mais après s'être assuré que l'appelant lui-même avait été consulté par son procureur à ce sujet.

 

 C'est encore le procureur de l'appelant, après l'audition des témoignages des médecins qui a demandé que l'appelant revienne devant la Cour: ce qui fut fait.

 

 C'est alors que le président du Tribunal a déclaré, comme il avait le pouvoir de le faire; qu'il n'y avait pas lieu de soumettre aux jurés la question à savoir si l'appelant était en état mental de subir son procès.

 

 Après cette décision du juge de première instance, le procureur de l'appelant a demandé un ajournement pour voir son client et c'est alors qu'il a appris que son client voulait plaider coupable.

 

  Tout comme mon collègue, je considère que cette façon de procéder était tout à fait  légale  et  conforme  à  la jurisprudence.

 

  Au deuxième motif, l'appelant prétend que le juge de première instance aurait dû faire un exposé aux jurés à savoir s'ils devaient  ou non accepter le plaidoyer de culpabilité de l'appelant: il n'y a absolument rien dans le Code criminel qui exige une telle procédure.

 

  Tel que ci-haut mentionné, le juge seul avait le pouvoir de décider si l'état mental de l'appelant justifiait que cette question soit soumise aux jurés; le juge, présidant le Tribunal, était mieux placé évidemment que nous de la Cour d'appel, pour décider de cette question; cependant, après la lecture des témoignages des médecins au dossier, je ne vois pas pourquoi le juge de première instance aurait agi autrement qu'il l'a fait.

 

 Il ne faut pas oublier que les jurés avaient eu l'appelant sous les yeux durant un jour et demi d'audience et qu'ils avaient alors entendu une bonne partie de la preuve de la Couronne; le juge leur ayant expliqué que l'appelant avait plaidé coupable et qu'il s'était assuré que sa confession  était  libre  et volontaire, ils n'avaient pas d'autre explication à attendre: les jurés n'avaient à décider que de la question qui leur était posée soit de la culpabilité ou de la non-culpabilité de l'accusé à la suite d'un plaidoyer de culpabilité librement consenti.

 

  Le troisième motif d'appel soulevé par l'appelant me paraît avoir été adéquatement réfuté par mon collègue, le juge Tôth et je ne trouve rien à ajouter à ses notes.

 

  Quant au quatrième motif, l'appelant fait appel à la Charte Canadienne et plus particulièrement aux articles 7 et 11 d).

 

 Je crois que mon collègue, le juge Tôtn, a parfaitement raison de souligner que l'arrêt R. v. Vaillancourt, (1987) R.C.S. 636, n'a aucune application dans le présent cas pour les raisons qu'il explique.

 

  Dans l'article 214 (4), le législateur a décidé que le meurtre d'un policier, dans l'exercice de ses fonctions était assimilé au meurtre au premier degré; il est évident que le législateur prévoit que cet article s'applique non pas automatiquement mais quand il aura été prouvé que l'inculpé pose un acte délibéré sachant qu'il  entraînerait  ou  qu'il  était  susceptible d'entraîner la mort de policiers en service.

 

  Dans le présent cas, le plaidoyer de culpabilité de l'appelant à l'accusation  telle  que  portée  signifiait  qu'il  se reconnaissait coupable d'avoir tué deux policiers sachant qu'ils étaient policiers en service à ce moment là.

 

  Il n'y a pas, il me semble de meilleure preuve que celle qui résulte d'un plaidoyer de culpabilité donné par une personne libre, physiquement et mentalement apte à faire une telle déclaration.

 

 De plus, il faut se rappeler que l'appelant était lui-même un sergent de police ayant plusieurs années d'expérience et qui connaissait ou devait connaître les conséquences d'un plaidoyer de culpabilité à l'accusation telle que portée contre lui. J.C.A.

 

 

INSTANCE-ANTÉRIEURE

 

 

(C.S. Québec 200-01-004329-854)